Comptes rendus

De la recherche à la pratique clinique
Myélome multiple : nouveau schéma de référence en première intention

Le point sur le traitement de la surcharge en fer

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESS PRIORITAIRE - Le 15e Congrès de l’Association européenne d’hématologie

Barcelone, Espagne / 10-13 juin 2010

Syndromes myélodysplasiques

Dans les syndromes myélodysplasiques (SMD), l’inefficacité de l’hématopoiëse entraîne des cytopénies périphériques, la principale étant l’anémie. «Nombreux sont les patients atteints d’un SMD qui finissent par avoir besoin de transfusions érythrocytaires à intervalles réguliers», explique la Dre Heather Leitch, professeure agrégée de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver. Or, avec le temps, la dépendance aux transfusions érythrocytaires donne lieu à une surcharge en fer qui est toxique pour divers organes, dont le cœur et le foie. Lors d’une étude réalisée par Malcovati et ses collaborateurs (J Clin Oncol 2005;23:7594-603), la survie globale et la survie sans leucémie étaient significativement moins bonnes chez les patients myélodysplasiques qui dépendaient de transfusions que chez ceux qui n’en dépendaient pas.

D’autres données présentées au congrès ont montré que la charge en fer exerçait une influence significative sur la survie au-delà du seuil apparent de 1000 µg/L de ferritine sérique. En effet, pour chaque augmentation de 500 µg/L du taux sérique de ferritine au-delà de ce seuil, le risque de décès augmente de 30 % chez les patients atteints d’un SMD. Dans les guides de pratique, on recommande d’amorcer un traitement par chélateur du fer chez les patients myélodysplasiques à faible risque (score IPSS [International Prognostic Scoring System] : faible risque ou risque intermédiaire-faible) qui dépendent de transfusions et dont l’espérance de vie est d’au moins un an lorsque la ferritine sérique est supérieure à 1000 µg/L.

Le traitement doit se poursuivre tant qu’il est nécessaire afin que la ferritine sérique demeure inférieure à 1000 µg/L. Si l’on est en présence d’un SMD à risque élevé, la chélation de fer est recommandée pour autant que le patient soit admissible à une allogreffe de cellules souches. La Dre Leitch a calculé, dans sa propre étude, que la chélation du fer – vs l’absence de chélation de fer – avait réduit le risque relatif de mortalité de 71 % (HR=0,29) chez les patients myélodysplasiques à faible risque (score IPSS : faible risque ou risque intermédiaire faible) (p=0,01).

Par ailleurs, le Groupe Français des Myélodysplasies a fait état d’un intervalle médian de 138 mois entre le diagnostic et le décès chez les patients exposés à un faible risque selon le score IPSS qui recevaient un chélateur du fer, par comparaison à 70 mois pour les patients à faible risque qui n’en recevaient pas. Les résultats obtenus chez les patients à risque intermédiaire faible de la même cohorte suivaient la même tendance, mais l’intervalle médian entre le diagnostic et le décès était plus court : 115 mois pour les sujets recevant un chélateur vs 36 mois pour les sujets n’en recevant pas.

Parmi les autres interventions permettant de prévenir ou de traiter la surcharge en fer figurent la phlébotomie, l’utilisation d’antioxydants et la non-utilisation d’agents entraînant la déplétion de glutathion comme l’acétaminophène.

Fer non lié à la transferrine

La surcharge en fer augmente le risque de comorbidité en raison du fer non lié à la transferrine qui se retrouve dans le sang. Le fer plasmatique labile (FPL) est une forme de fer non lié à la transferrine qui peut être chélaté directement, explique le Dr Norbert Gattermann, professeur titulaire de médecine interne, Université Heinrich Heine, Düsseldorf, Allemagne. Or, à surcharge en fer post-transfusionnelle comparable, le taux de FPL est plus élevé dans le SMD que dans d’autres maladies. Cependant, ni la déféroxamine ni la défériprone ne sont capables de chélater le FPL efficacement en raison de leur courte demi-vie plasmatique.

Le déférasirox, en revanche, possède une longue demi-vie. Comme l’ont montré les études US03 et EPIC, le déférasirox a essentiellement normalisé le FPL chez des patients dont le taux initial était élevé. Comme l’explique le Dr Wolf-Karsten Hofmann, professeur titulaire de médecine, Hôpital universitaire, Mannheim, Allemagne, la déféroxamine, qui s’administre par voie sous-cutanée, et la défériprone, qui nécessite trois prises par jour, ont toutes deux de multiples effets indésirables et ne sont pas faciles d’emploi, alors que le déférasirox est une préparation orale à une prise par jour dont les effets indésirables, moins nombreux, sont principalement de nature digestive ou cutanée (rash).

Lors des études US03 et EPIC, l’administration quotidienne continue a permis d’abaisser la ferritine sérique de façon systématique. Dans les deux études, les patients ayant un taux sérique de ferritine =1000 µg/L chez qui plus de 20 unités de concentrés érythrocytaires (CE) avaient été transfusés recevaient une dose moyenne d’environ 20 mg/kg/jour. Au départ, le taux sérique moyen de ferritine se chiffrait à 3397 µg/L dans l’étude US03 et à 2729 µg/L dans l’étude EPIC.

Après 12 mois de suivi, le taux sérique moyen de ferritine avait chuté à 2501 µg/L dans l’étude US03 et à 1903 µg/L dans l’étude EPIC. Après deux ans de suivi, les données de l’étude US03 ont objectivé l’efficacité durable du déférasirox, le taux sérique de ferritine ayant alors baissé de 1400 µg/L en moyenne. De nouvelles données de l’étude EPIC ont aussi montré que le déférasirox avait été efficace pour réduire le taux sérique de ferritine, que les patients aient déjà été exposés ou non à un chélateur du fer.

Après 12 mois de suivi, l’agent oral avait abaissé le taux sérique moyen de ferritine d’environ 35 % chez les patients jamais exposés à un chélateur (n=165) et de 22 % chez les patients déjà exposés (n=176), ce qui revient à une réduction de 26 % au sein de la cohorte entière depuis le début de l’étude. Une analyse plus poussée des données de l’étude EPIC a également révélé que le traitement continu avait abaissé les taux d’enzymes hépatiques, autre avantage pour les patients atteints d’un SMD à risque d’hépatotoxicité.

Fait important, souligne le Dr Hofmann, la posologie du déférasirox peut être facilement ajustée en fonction de l’apport de fer. La dose initiale recommandée est de 20 mg/kg/jour, mais si les besoins transfusionnels excèdent 14 mL/kg/mois (environ 4 unités adultes de CE), l’objectif thérapeutique est la diminution du fer organique et la dose peut alors être portée à 30 mg/kg/jour.

Si le patient a besoin d’environ la moitié de cette dose (7 mL/kg/mois ou environ 2 unités adultes de CE), l’objectif thérapeutique devrait être le maintien du fer organique, et la dose de déférasirox devrait alors être ramenée à 10 mg/kg/jour. Le déférasirox peut être utilisé en toute sécurité chez les patients dont la clairance de la créatinine (ClCr) est >60 mL/min. Par contre, insiste le Dr Hofmann, la prudence est de mise en présence d’une ClCr comprise entre 40 et 60 mL/min, et le risque d’effets indésirables augmente en présence d’une ClCr <40 mL/min.

Bêta-thalassémie et chélation du fer

Les transfusions sanguines régulières sont également essentielles au traitement de l’anémie chronique dans un contexte de bêta-thalassémie, mais l’expérience indique qu’un traitement intensif par la déféroxamine peut nuire à la croissance et au développement de l’enfant bêta-thalassémique. Lors d’une étude présentée au congrès par la Dre Yesim Aydinok, Faculté de médecine, Université d’Égée, Izmir, Turquie, et ses collaborateurs, le traitement à long terme par le déférasirox, d’une durée maximale de cinq ans, a réduit efficacement la ferritine sérique et a assuré le maintien d’un taux d’environ 1000 µg/mL chez des enfants bêta-thalassémiques dépendants de transfusions. De plus, la croissance et le développement pubertaire ont progressé normalement pendant le traitement, ce qui donne à penser que la chélation du fer par le déférasirox a neutralisé les effets inhibiteurs de la surcharge en fer.

La myocardiopathie imputable à la surcharge en fer est responsable de la plupart des décès chez les patients atteints de bêta-thalassémie majeure polytransfusés, font remarquer le Dr Pennell et ses collaborateurs. Lors d’une étude satellite d’EPIC sur la fonction cardiaque qui a duré un an de plus, il a été démontré que le déférasirox chélatait le fer cardiaque chez des patients bêta-thalassémiques présentant divers degrés de sidérose cardiaque, comme en a témoigné l’amélioration des valeurs d’IRM cardiaque en T2 au terme de la première année. Tous les patients participant à la prolongation avaient reçu antérieurement à l’étude soit de la déféroxamine en monothérapie, soit l’association déféroxamine-défériprone. Après deux ans, le déférasirox avait augmenté significativement les valeurs en T2 : de 7,3 ms au départ à 9,3 ms chez les patients présentant une sidérose cardiaque sévère (T2<10 ms) et de 14,6 ms au départ à 19,9 ms chez les patients présentant une sidérose cardiaque légère ou modérée (10 à 20 ms) (p<0,001 dans les deux cas). La fraction d’éjection ventriculaire gauche des patients était normale au début de l’étude et elle est demeurée stable tout au long de l’essai de deux ans. Ainsi, le déférasirox, administré pendant un maximum de deux ans à raison de 30 à 40 mg/kg/jour, a permis à 57 % des patients présentant une surcharge en fer cardiaque légère ou modérée d’atteindre des valeurs normales d’IRM cardiaque en T2 et à 43 % de ceux qui présentaient une sidérose cardiaque sévère d’atteindre une surcharge en fer modérée ou légère, quel que soit le traitement chélateur du fer qu’ils aient reçu antérieurement.

Dans une étude distincte qui regroupait des patients déjà exposés à un chélateur, Tahler et ses collaborateurs ont constaté que les patients qui étaient passés au déférasirox étaient davantage satisfaits de leur traitement, notamment au chapitre des effets indésirables, de l’acceptation et du fardeau associé au traitement. Les données semblent indiquer que la satisfaction du patient à l’égard de son traitement par chélateur du fer est importante, car elle peut se traduire par une meilleure adhésion au traitement et de meilleurs résultats.

Résumé

La surcharge en fer chez un patient dépendant de transfusions a d’importantes répercussions cliniques, notamment une toxicité importante pour divers organes. La chélation du fer peut aider à neutraliser l’importante morbi-mortalité associée à la surcharge en fer, tant dans les SMD que dans la bêta-thalassémie, y compris celle associée à la surcharge en fer cardiaque. Ce constat s’est dégagé de plusieurs études. Leitch et ses collaborateurs (Clin Leuk 2008;2:205-11) ont démontré que la chélation du fer – vs l’absence de chélation – avait réduit le risque de mortalité de 71 % (HR=0,29) chez des patients atteints d’un SMD à risque faible ou intermédiaire-faible (p=0,01). Le Groupe Français des Myélodysplasies (Leuk Res 2010;34:864-70) a pour sa part fait état d’un intervalle médian de 138 mois entre le diagnostic et le décès chez des patients atteints d’un SMD à risque faible ou intermédiaire-faible qui recevaient un chélateur du fer, par comparaison à 70 mois chez des patients de même catégorie qui n’en recevaient pas. La commercialisation d’un chélateur du fer oral efficace et bien toléré a amélioré la satisfaction des patients à l’égard de leur traitement, et il y a fort à parier qu’il en découlera une meilleure adhésion au traitement.

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