Comptes rendus

Le maintien de la rémission dans le traitement de la colite ulcéreuse : un objectif à ne jamais perdre de vue
Administration concomitante précoce d’un inhibiteur de la DPP-4 dans le diabète de type 2 pour favoriser l’atteinte de la glycémie cible

Le point sur l’innocuité des traitements antitabagiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 10e Congrès européen annuel de la SRNT (Society for Research on Nicotine and Tobacco)

Rome, Italie / 23-26 septembre 2008

Selon l’Association pulmonaire du Canada, le tabagisme tuera 37 000 Canadiens en 2008, et un millier de ces décès seront imputables au tabagisme passif. Cela dit, à peu près 90 % des quelque cinq millions de fumeurs au Canada veulent cesser de fumer, et la moitié souhaiterait vivre sans fumée d’ici six mois. La plupart des médecins de famille et des autres professionnels de la santé souhaitent aider leurs patients à cesser de fumer. La dépendance au tabac – qui est maintenant reconnue comme une pathologie chronique caractérisée par un taux de rechute élevé – doit faire l’objet d’un plan de traitement individualisé et mûrement réfléchi pouvant comporter ou non l’administration d’un médicament. L’innocuité des aides antitabagiques a récemment soulevé des craintes, Santé Canada ayant reçu 46 déclarations d’humeur dépressive, d’agitation et de comportements inhabituels, entre autres symptômes. Pourtant, l’abandon du tabac, avec ou sans médication, est aussi reconnu pour entraîner des symptômes psychiatriques comme l’humeur dépressive, l’insomnie, l’irritabilité, la frustration ou la colère, et l’anxiété. Dans l’optique de départager les causes de ces symptômes, des chercheurs ont passé en revue les essais cliniques sur l’abandon du tabac en portant une attention particulière aux effets indésirables de nature psychiatrique.

Perturbations et troubles liés à une humeur dépressive

La Dre Serena Tonstad, Université d’Oslo et Hôpital universitaire d’Ullevål, Norvège, et ses collaborateurs ont décortiqué divers essais cliniques sur l’abandon du tabac afin de mieux cerner le risque réel de dépression et d’autres effets indésirables psychiatriques. «La déclaration spontanée d’effets indésirables a ses limites. Ce ne sont pas des données comparatives», explique la Dre Tonstad. Certes, le nombre de cas rapportés est connu, mais on ignore le nombre total de patients ayant reçu de la varénicline pendant le même laps de temps. «On peut estimer ce nombre, mais il est impossible de le calculer avec exactitude, poursuit-elle. En outre, quelques données clés sont parfois absentes de ces déclarations. Pour toutes ces raisons, il est difficile de faire une évaluation médicale révélatrice du lien de cause à effet.» La Dre Tonstad et son équipe se sont néanmoins attelées à la tâche en adoptant une démarche systématique pour analyser rétrospectivement l’incidence et les risques relatifs d’effets indésirables regroupés sous la désignation «perturbations et troubles liés à une humeur dépressive» (PTHD) qui ont été signalés dans les neuf essais cliniques de phase II à IV menés à double insu avec placebo et randomisation que l’on a réalisés à ce jour sur la varénicline.

Les participants, âgés de 18 à 75 ans, fumaient tous au moins 10 cigarettes par jour et voulaient tous se défaire de leur habitude. Aucun d’entre eux ne souffrait d’une maladie grave ou instable ni n’avait d’antécédents de troubles psychiatriques (exception faite d’une dépression qui n’avait pas nécessité de traitement). La varénicline – dont la posologie variait entre 0,3 mg une fois par jour et 1 mg deux fois par jour – a été étudiée sur des périodes allant de six à 52 semaines. En tout, 2738 participants ont reçu de la varénicline, 795, du bupropion SR et 1655, un placebo. Ont été inclus dans cette analyse tous les effets indésirables signalés pendant le traitement et dans un délai de 30 jours après le traitement chez les patients qui avaient reçu au moins une dose du médicament à l’étude.

Les auteurs ont conclu que la varénicline et le bupropion SR pouvaient tous les deux augmenter le risque de PTHD par rapport à un placebo, mais ils n’ont relevé aucun écart statistiquement significatif entre les deux médicaments antitabagiques. L’incidence des PTHD était très faible (<3 %) dans les deux cas. Si le risque relatif de PTHD était de 1,55 (IC : 1,02-2,36) pour la varénicline par rapport au placebo, il se chiffrait à 0,89 (0,57-1,39) pour la varénicline par rapport au bupropion. Aucun lien avec la dose de varénicline n’a pu être objectivé; autrement dit, l’incidence des effets indésirables n’augmentait pas avec la dose (Tableau 1).

Lors de quelques-unes des premières études, avant que le lien dose-réponse ne soit déterminé, la varénicline a été administrée à des doses plus faibles ou plus élevées que la dose maintenant standard de 1 mg deux fois par jour, fait remarquer la Dre Tonstad. «L’analyse des troubles liés à une humeur dépressive par rapport au placebo montre que le risque relatif semble augmenter uniquement sous l’effet d’une dose inférieure à la dose standard, et non sous l’effet de la dose standard. Or, s’il existait bel et bien un lien dose-réponse entre le médicament et l’apparition d’effets indésirables, il en serait autrement.»

Tableau 1. Perturbations et troubles liés à une humeur dépressive dont l’incidence est <u><</u>3,1 %


Autres effets indésirables psychiatriques

Dans le cadre d’une seconde étude, les chercheurs ont évalué rétrospectivement l’incidence des troubles du sommeil et d’autres effets indésirables psychiatriques (à l’exclusion de la dépression, qui a fait l’objet de la première étude) dans les neuf mêmes essais cliniques. Ils n’ont relevé aucun accroissement du risque d’effets indésirables psychiatriques chez les sujets sous varénicline par comparaison aux sujets sous bupropion SR ou les témoins sous placebo. Les effets indésirables psychiatriques dont l’incidence était supérieure à 1 % sont résumés dans le Tableau 2.

Tableau 2. Effets indésirables psy
idence est >1 %

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L’incidence des idées suicidaires et des comportements automutilateurs se chiffrait respectivement à 0,0 %, 0,1 % (IC : 0,0-0,7) et 0,1 % (IC : 0,0-0,4) dans les groupes varénicline, bupropion SR et placebo. «Dans les études comparatives avec placebo, la varénicline n’a pas été associée à un risque accru de troubles psychiatriques et, en particulier, elle n’a été associée à aucun suicide», confirme la Dre Tonstad. La varénicline s’est révélée extrêmement sûre chez l’ensemble des 2738 patients. «En dehors du cadre de nos études, la varénicline aurait prétendument été associée à des suicides ou à des idées suicidaires [...] Nos études sont toutefois comparatives, et cette différence est cruciale», ajoute-t-elle. «Le message clé à retenir de ces analyses – pour les médecins qui prescrivent la varénicline, pour les pharmaciens qui en exécutent les ordonnances et pour les patients qui la reçoivent – est que la varénicline n’entraîne pas plus de troubles psychiatriques qu’un placebo, déclarait la Dre Tonstad à l’auditoire. On observe une légère augmentation des cas de dépression chez les sujets sous varénicline [et sous bupropion] par comparaison à un placebo, mais cette augmentation est très légère, de moins de 2 %. On ignore si elle tient à l’abandon du tabac et au sevrage nicotinique, [événements plus fréquents sous l’un ou l’autre des deux traitements que sous placebo], ou s’il s’agit d’un effet direct des médicaments sur le système nerveux central.»

À une question sur la recherche future, la Dre Tonstad a répondu : «Nous avons l’intention d’analyser la dépression plus en détail, car nous souhaitons comprendre les facteurs qui exposent au risque de dépression afin de repérer les personnes vulnérables.»

«Cette analyse des essais cliniques est très pertinente et elle revêt une grande importance pour les cliniciens, les décideurs, le public et, surtout, tous les fumeurs», enchaîne le Dr Charls Els, University of Alberta Hospital, Edmonton. «Elle fait écho à ce que voient les professionnels de la santé dans la pratique clinique, à savoir que l’abandon du tabac, avec ou sans médicament antitabagique, peut être associé à l’apparition de symptômes comme la dépression. Par ailleurs, poursuit-il, l’incidence des troubles dépressifs associés au bupropion et à la varénicline est compatible avec l’expérience clinique en matière d’abandon du tabac. L’optimisation des résultats du traitement de la dépendance au tabac passe par l’application des principes de traitement d’une maladie chronique, et les effets neuropsychiatriques ne constituent pas un obstacle de taille aux efforts que nous déployons pour aider les patients à renoncer au tabac en toute sécurité et à s’en libérer définitivement.»

Résumé

L’examen de la totalité des neuf essais cliniques de phase II à IV menés à double insu avec randomisation et placebo sur la varénicline a confirmé que l’incidence des PTHD est faible. La varénicline et le bupropion SR augmentent peut-être le risque de PTHD comparativement à un placebo, mais aucun écart statistiquement significatif n’a été démontré entre les deux aides antitabagiques. Les auteurs d’une deuxième étude en sont venus à la conclusion que l’utilisation de la varénicline n’augmente pas le risque d’autres effets indésirables psychiatriques (à l’exclusion de la dépression), quoiqu’ils aient noté une incidence accrue de rêves inhabituels chez les sujets sous varénicline et une incidence accrue d’insomnie chez les sujets sous bupropion SR. La plupart des symptômes psychiatriques sont peu fréquents pendant le traitement antitabagique chez les patients n’ayant pas d’antécédents de troubles psychiatriques ou d’abus d’alcool et d’autres drogues.

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