Comptes rendus

D’après Arthritis Rheum 2012;64(12):3850-5; Arthritis Rheum 2013:65(1):28-38; The Lancet publié en ligne le 18 mars 2013.
Nouvelles recommandations du CCNI pour la prévention des infections à pneumocoque chez les adultes à risque élevé

Le potentiel du traitement martial par voie i.v. en présence d’une MII et d’une anémie ferriprive

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 8e Congrès de la European Crohn’s and Colitis Organisation

Vienne, Autriche / 14-16 février 2013

Vienne - L’anémie, le plus souvent causée par une carence en fer, est la complication la plus fréquente des maladies inflammatoires de l’intestin (MII). En présence d’une MII, la correction de la carence en fer et de l’anémie ferriprive atténue la fatigue, facteur qui mine la qualité de vie. Plusieurs préparations martiales sans fer dextran injectables par voie i.v. sont à l’étude chez des patients atteints d’une MII et, à en juger par les résultats, elles sont sûres et bien tolérées sans compter qu’elles font augmenter le taux d’hémoglobine chez la majorité des patients, ce qui vient étayer la pertinence de la voie i.v. pour l’administration du fer par comparaison à la voie orale. La rapidité de libération associée à quelques-unes des nouvelles préparations i.v. de fer est un pas dans la bonne direction sur le plan de la commodité et du soulagement des symptômes de l’anémie ferriprive en présence d’une MII.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

De l’avis du Dr Marte Lie Høivik, Hôpital universitaire d’Oslo, Norvège, on observe une diminution de la qualité de vie chez les patients aux prises avec une maladie inflammatoire de l’intestin (MII), qu’ils présentent une anémie sévère ou un taux d’hémoglobine (Hb) quasi normal. Lors de l’étude IBSEN (Inflammatory Bowel Disease in South Eastern Norway), laquelle reposait sur les définitions de l’anémie de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), une anémie était présente au moment du diagnostic chez 50 % des patients atteints de maladie de Crohn (n=225) et chez 21 % des patients atteints de colite ulcéreuse (n=465) (résumé 28). Bien que la proportion de patients anémiques ait baissé de façon continue au cours du suivi de 10 ans, «ces données soulignent l’importance d’un suivi régulier de l’anémie chez tous les patients atteints de MII», affirme le Dr Høivik.

L’anémie – que l’OMS définit par un taux d’Hb <12 g/dL chez la femme et <13 g/dL chez l’homme – se manifeste chez environ le tiers des patients. Les symptômes qui nuisent à la qualité de vie sont notamment la fatigue, les céphalées, les étourdissements et la tachycardie ainsi que la dyspnée à l’effort, voire au repos (Ann Gastroenterol 2012;26:1-10). Bien que l’anémie observée en présence d’une MII puisse avoir de nombreuses causes, la plus fréquente est de loin l’anémie ferriprive.

Le traitement du point de vue du patient

Hoffman et al. (résumé P593) ont présenté les résultats d’un sondage mené auprès de 631 patients porteurs d’une MII. Une anémie avait été diagnostiquée chez environ les deux tiers d’entre eux, et 86 % des sujets se plaignaient d’être fatigués. La fatigue avait un impact négatif important sur la vie quotidienne, y compris l’activité physique, la productivité et la vie familiale (76 %, 63 % et 60 % des sujets, respectivement).

Le traitement se résumait à une ordonnance de fer oral (42 %), à du fer i.v. (27 %), à des suppléments de fer en vente libre (19 %) et à une ordonnance de fer liquide/en sirop (10 %). La plupart des patients recevant du fer liquide/en sirop (77 %), du fer oral (74 %) ou des suppléments de fer (68 %) n’étaient pas satisfaits de leur traitement, principalement en raison de sa piètre tolérabilité. En revanche, 72 % des patients à qui on avait prescrit du fer i.v. en étaient satisfaits.

Pertinence du fer i.v.

Les premières recommandations formulées expressément sur le traitement de l’anémie en présence d’une MII ont été publiées en 2007 par Gasche et al. (Inflamm Bowel Dis 2007;13:1545-53). Comme l’utilisation du fer oral peut exacerber la MII, on précise dans ces recommandations que le supplément de fer doit être administré par voie i.v. Même si la Colombie-Britannique recommande le fer oral depuis 2010, elle précise dans ses recommandations que l’on peut opter pour un traitement i.v. en présence d’une absorption insuffisante du fer, d’une perte de sang continue, d’une non-observance du traitement ou d’une intolérance au fer oral (http://www.bcguidelines.ca/guideline_iron_deficiency.html).

Fait digne de mention, une analyse de la prise en charge de l’anémie dans le cadre de l’étude allemande AnemIBD a révélé que seulement 43,5 % des 193 patients atteints d’une MII qui avaient reçu un diagnostic d’anémie avaient reçu une forme quelconque de traitement contre l’anémie dans les 6 mois précédant leur admission à l’étude (56 % avaient reçu du fer oral, 15 %, du fer i.v. et 19 %, les deux). Les auteurs concluent en disant que si l’on recommande de privilégier la voie i.v. pour l’administration du fer en présence d’une MII, il demeure courant en Allemagne d’utiliser des préparations de fer orales (résumé P552).

La faible utilisation du fer i.v. pourrait tenir au fait que jusqu’à tout récemment, les seules préparations de fer i.v. étaient du fer dextran de faible poids moléculaire ou de poids moléculaire élevé, qui exposent le patient à un risque de réaction anaphylactique. Or, à l’heure actuelle, il existe plusieurs préparations sans dextran et elles ont à ce jour été associées à un excellent profil d’innocuité.

Un groupe international d’experts a eu recours à la méthode RUAM (RAND/University of California in Los Angeles Appropriateness Method) pour évaluer la pertinence de divers schémas de traitement à la fois chez des patients atteints d’anémie ferriprive et chez des patients qui présentaient une carence en fer sans pour autant souffrir d’anémie biologiquement manifeste (résumé P435).

Les options de traitement étaient les suivantes : aucun traitement actif, ajustement posologique du traitement de la MII seulement, supplément de fer oral, fer i.v. (à faible et à forte dose), fer i.v. plus agents stimulant l’érythropoïèse, et transfusions sanguines. Les chercheurs ont conclu qu’il était inapproprié de n’administrer aucun traitement actif et déconseillé de répéter l’administration d’un traitement s’étant révélé inefficace. L’utilisation du fer oral était principalement considérée comme une option en présence d’une carence en fer sans anémie biologiquement manifeste pour autant que le traitement se soit déjà révélé efficace. Parmi les schémas i.v. considérés comme appropriés, le fer i.v. à forte dose était l’option privilégiée pour 77 % des patients atteints d’anémie ferriprive.

«À mon avis, l’anémie et la carence en fer sont sous-traitées, en particulier la carence en fer associée à la MII, parce qu’on pense qu’elle n’a pas beaucoup d’impact sur la qualité de vie». explique le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, chef des MICI, Hôpital universitaire, Vandoeuvre-lès-Nancy, France. «Pourtant, nous savons à la lumière d’autres affections cliniques qu’il est essentiel de traiter la carence en fer, même lorsque les patients ne sont pas anémiques [...] et, dans la pratique clinique, la plupart des patients devraient recevoir du fer par voie i.v.»

Progrès en matière de fer i.v.

Dans sa propre pratique, le Dr David Hetzel, premier maître de conférence en médecine clinique, Royal Adelaide Hospital, Australie, a constaté que l’anémie ferriprive était un «problème extrêmement courant» chez ses patients atteints d’une MII; «l’anémie ferriprive mine la qualité de vie [...]; elle n’entraîne pas seulement fatigue et léthargie, mais aussi d’autres symptômes comme le syndrome des jambes sans repos qui rend les patients fous et que l’on peut atténuer grâce à un supplément de fer», faisait-il remarquer lors d’un entretien (Stein J, Dignass A. Ann Gastroenterol 2012;26:1-10).

Dans le cadre d’un essai avec randomisation, on a comparé, sur le plan de l’innocuité et de l’efficacité, un cycle de 1 g de ferumoxytol i.v. (2 doses de 510 mg administrées à 2-8 jours d’intervalle) avec 5 doses de 200 mg de fer saccharose administrées en 14 jours. Le Dr Hetzel a présenté les résultats obtenus dans le sous-groupe des 204 patients présentant une MII (138 sous ferumoxytol et 66 sous fer saccharose) ou d’autres causes de perte de sang digestive chronique (résumé P485) (pas homologué pour cette indication au Canada). Les données ont mis en évidence une augmentation >2 g/dL du taux d’Hb entre le début de l’étude et la 5e semaine chez 80 % des patients des deux groupes de traitement.

Le taux d’Hb a augmenté un peu plus rapidement sous l’effet des deux doses que des cinq doses, souligne le Dr Hetzel. L’augmentation moyenne observée entre le début de l’étude et la 5e semaine sous ferumoxytol n’était pas inférieure à l’augmentation moyenne sous fer saccharose (2,7 vs 2,5 g/dL d’Hb). La variation moyenne de la saturation en transferrine entre le début de l’étude et la 5e semaine était comparable : 12,7 % sous ferumoxytol et 10 % sous fer saccharose. Les taux d’effets indésirables (EI) graves étaient aussi semblables : 3,6 % et 3 %, respectivement.

«Il ne fait aucun doute que les préparations orales de fer ont des EI digestifs : nausées, douleurs à l’estomac, diarrhée chez certains et constipation chez d’autres, qu’une MII soit présente ou non, insiste le Dr Hetzel. Et lorsqu’il est question de MII, on ne veut surtout pas brouiller les cartes en donnant un médicament dont les EI s’apparent aux symptômes de la maladie. Il est donc encourageant de voir que le ferumoxytol semble sûr, même lorsqu’il est donné rapidement en assez peu d’injections.»

Millastre et ses collaborateurs ont présenté les résultats d’une évaluation bicentrique du carboxymaltose ferrique i.v. (non homologué au Canada) chez des patients atteints d’une MII et d’anémie ferriprive. Les résultats ont montré qu’à 15 jours, après 88 cycles de fer i.v., le taux d’Hb avait augmenté chez 63,6 % des 88 sujets sans pour autant se normaliser; 31,8 % avaient obtenu une réponse complète alors que le taux d’Hb n’avait pas augmenté chez 4,6 % des sujets (résumé P494). À 90 jours, 81,1 % des 69 sujets restants avaient obtenu une réponse complète; le taux d’Hb avait augmenté chez une autre tranche de 14,6 % des patients sans toutefois se normaliser, et 4,3 % des sujets n’avaient pas répondu au traitement. L’amélioration de la qualité de vie telle que mesurée par le score CCVEII-9 était corrélée avec la réponse du taux d’Hb. Un seul EI a nécessité l’arrêt du traitement par le carboxymaltose ferrique i.v. au cours des 88 cycles de traitement.

Une étude distincte de Jakobsen et ses collaborateurs a aussi révélé que le carboxymaltose ferrique, administré en un bolus unique pouvant atteindre 500 mg en 2 minutes, était sûr et bien toléré chez les patients atteints d’une MII et qu’il augmentait le taux d’Hb, entre autres indices du fer, de manière comparable à une même préparation de 500 mg perfusée en 15 minutes par voie i.v. (résumé P380).

Résumé

Les médecins ayant le mandat d’améliorer la qualité de vie des patients aux prises avec une MII, la correction d’une carence en fer et de l’anémie ferriprive représente un grand pas en ce sens. Des études ont révélé d’une part que les patients répondaient bien aux préparations de fer injectables par voie i.v. et, d’autre part, que les nouvelles préparations de fer i.v. sans dextran étaient bien tolérées et qu’elles avaient fait la preuve de leur grande efficacité et de leur innocuité chez ces patients. Des préparations i.v. à forte dose administrées rapidement qui sont bien tolérées pourraient être plus commodes et acceptables pour les patients atteints d’une MII aux prises avec une anémie ferriprive. 

Nota : Au moment de la mise sous presse, le ferumoxytol était indiqué au Canada pour le traitement de l’anémie ferriprive chez l’adulte aux prises avec une maladie rénale chronique.

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