Comptes rendus

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Le rein en tant que cible du traitement du diabète et des facteurs de risque cardiovasculaire connexes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 48e Assemblée annuelle de la European Association for the Study of Diabetes

Berlin, Allemagne / 1er-5 octobre 2012

Berlin - Font obstacle au traitement efficace du diabète de type 2 les épisodes d’hypoglycémie et le gain pondéral, lesquels pourraient être associés à un risque accru de mortalité et d’événement cardiovasculaire (CV). Les inhibiteurs sélectifs du transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) – nouvelle classe d’antidiabétiques qui abaissent la glycémie indépendamment de la sécrétion d’insuline ou de l’action de l’insuline – sont associés à une perte pondérale et à un risque moindre d’hypoglycémie comparativement aux autres antidiabétiques oraux. On a présenté au congrès des données sur les effets à long terme de ces médicaments sur l’hyperglycémie et le poids ainsi que des études en cours concernant leurs effets sur les facteurs de risque CV et la fonction rénale et leur innocuité globale.

Le diabète de type 2 est associé à une diminution progressive du contrôle glycémique, quel que soit le traitement prescrit. Parmi les principaux obstacles à un contrôle glycémique efficace figurent les épisodes d’hypoglycémie et le gain pondéral, affirme le Pr Kamlesh Khunti, University of Leicester, Royaume-Uni. Des essais cliniques comme ACCORD (N Engl J Med 2008;358:2545-59) ont révélé que l’hypoglycémie pourrait être associée à un risque accru de mortalité et d’événement cardiovasculaire (CV). La plupart des antidiabétiques sur le marché, en particulier les sulfonylurées et l’insuline, entraînent un gain pondéral pouvant atteindre 8 kg sur une période de 12 ans, si l’on en juge par l’essai UKPDS (Lancet 1998;352:854-65).

Inhibition du SGLT2

Chez un adulte sain, le rein filtre quotidiennement environ 180 g de glucose, et la majeure partie de ce glucose est réabsorbée par les transporteurs sodium-glucose (SGLT), principalement le SGLT de type 2 (SGLT2), <1 % étant excrété dans l’urine, explique le Dr Paolo Fioretto, Università degli studi di Padova, Italie. Les inhibiteurs du SGLT2 ont pour effet de bloquer la réabsorption du glucose filtré, ce qui entraîne une glycosurie et, par conséquent, une diminution de la glycémie, une meilleure tolérance au glucose et une diminution de l’insulinémie. La perte pondérale associée aux inhibiteurs du SGLT2 serait initialement attribuable à la diurèse osmotique, puis à une perte de calories par glycosurie. Deux inhibiteurs du SGLT2, la dapagliflozine et la canagliflozine, sont déjà à l’étude pour homologation aux États-Unis et dans les pays de l’Union européenne. L’empagliflozine, l’ipragliflozine et la tofogliflozine font actuellement l’objet d’études de phase III dans le monde entier et d’autres, dont un double inhibiteur du SGLT1 et du SGLT2, en sont à un stade moins avancé de leur développement clinique.

Taux d’HbA1c et perte pondérale

L’obésité est un facteur de risque connu de diabète et de maladie CV. L’utilisation d’un inhibiteur du SGLT2 chez des patients diabétiques en surpoids ou obèses a augmenté la glycosurie, effet qui s’est maintenu indépendamment de l’insuline pendant 2 ans, ce qui a entraîné systématiquement une perte pondérale et une diminution du taux d’HbA1c, selon une étude présentée par le Pr Clifford J. Bailey, Aston University, Birmingham, Royaume-Uni. Selon l’analyse groupée des résultats de quatre essais cliniques de phase III menés à double insu avec randomisation sur la dapagliflozine à 10 mg/jour vs un placebo en monothérapie ou en appoint à la metformine ou à l’insuline, ou vs le glipizide en appoint à la metformine, «l’inhibiteur du SGLT2 a été systématiquement associé à une diminution cliniquement significative du taux d’HbA1c par rapport au taux initial (-0,52 à -0,91 %), et cet effet s’est maintenu pendant une période pouvant atteindre 102/104 semaines», souligne le Pr Bailey. De même, la diminution significative du poids corporel total (variation moyenne ajustée : -1,72 à -3,38 kg) observée sous dapagliflozine à 24 semaines s’est maintenue pendant 102/104 semaines (-1,97 à -3,70 kg). Les effets indésirables (EI) étaient généralement répartis également dans tous les groupes.

Une analyse groupée de neuf essais cliniques menés à double insu avec randomisation a révélé que l’inhibition du SGLT2 était systématiquement associée à une perte pondérale dans divers sous-groupes de patients. Ces essais comparaient la dapagliflozine à un placebo en monothérapie, en traitement d’appoint à la metformine, au glimépiride, à la pioglitazone ou à l’insuline, ou en association avec la metformine en première intention. Les chercheurs ont constaté que la perte de poids observée pendant 102 semaines (-0,46 à -2,16 kg vs placebo) semblait indépendante de l’âge, du sexe, du taux d’HbA1c initial, de l’indice de masse corporelle, du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) ou de l’ancienneté du diabète. Compte tenu du mode d’action des inhibiteurs du SGLT2, l’ampleur de la baisse du taux d’HbA1c était logiquement liée au taux initial (p<0,0001) et au DFGe initial (p=0,015), le traitement étant d’autant plus efficace que les valeurs initiales étaient élevées.

Le Dr Vincent Woo, professeur adjoint de médecine, University of Manitoba, Winnipeg, a aussi expliqué que l’ajout d’un inhibiteur du SGLT2 oral, la canagliflozine en l’occurrence, à la metformine avait autorisé une variation moyenne du taux d’HbA1c de -0,76 % à 12 semaines à la dose de 100 mg et de -0,92 % à la dose de 300 mg,par comparaison à -0,22 % pour le placebo. Dans le cadre d’une trithérapie, l’ajout de la canagliflozine à la metformine et à une sulfonylurée a diminué le taux d’HbA1c en moyenne de 0,85 % et de 1,06 % pour les doses de 100 et de 300 mg, respectivement, vs 0,13 % pour le placebo (p<0,001).

Que les inhibiteurs du SGLT2 soient utilisés en monothérapie ou en association avec d’autres antihyperglycémiants, ils sont systématiquement associés à une perte pondérale de 2,5 à 3,5 kg, qui se produit généralement dans un délai de 3 mois après le début du traitement, après quoi le poids se stabilise en général, note le Dr Woo.

Selon des données présentées par le Pr Jan Bolinder, Institut Karolinska, Stockholm, Suède, la perte pondérale associée à long terme à l’inhibition du SGLT2 chez les patients en surpoids ou obèses découle principalement (68 %) d’une perte de masse grasse, comme l’a montré l’absorptiométrie biphotonique à rayons X. Dans le cadre d’un essai avec placebo mené chez 182 patients sous metformine, l’ajout de la dapagliflozine à 10 mg/jour a été associé à une diminution rapide du poids corporel et du tour de taille au cours des 24 premières semaines, après quoi la diminution a été plus graduelle sur une période pouvant atteindre à 102 semaines -2,4 kg et -2,1 cm, respectivement.

Innocuité CV

Comme certains antidiabétiques peuvent en fait augmenter le risque de mortalité CV, on se penche actuellement sur l’innocuité CV de l’inhibition du SGLT2 dans le cadre de deux essais de phase III. Au total, 900 patients âgés (63 ans en moyenne) atteints d’un diabète avancé et d’une maladie CV concomitante ont été randomisés de façon à recevoir 10 mg/jour de dapagliflozine ou un placebo en appoint à un traitement standard. Les données présentées au congrès ont montré que l’amélioration des facteurs impliqués dans la morbidité CV – tels l’absence de contrôle glycémique, une tension artérielle (TA) trop élevée et un surpoids – observée sous l’effet du traitement d’appoint s’était maintenue à 52 semaines dans cette population.

Les résultats de l’un des deux essais, après soustraction de l’effet placebo, ont été présentés par le Dr William T. Cefalu, Louisiana State University Health Sciences Center School of Medicine, La Nouvelle-Orléans : -0,66 % pour le taux d’HbA1c, -2,5 kg pour le poids corporel total et -3,58 mmHg pour la TA systolique (TAS). En outre, 6,65 % des patients ont atteint le paramètre principal mixte (diminution du taux d’HbA1c de ≥0,5 %, du poids corporel de ≥3 % et de la TAS de ≥3 mmHg), vs seulement 0,7 % dans le groupe placebo. Dans le deuxième essai, toujours après soustraction de l’effet placebo, le taux d’HbA1c avait diminué de 0,51 %, le poids corporel total, de 1,92 kg et la TAS, de 2,85 mmHg, souligne le Pr Lawrence A. Leiter, University of Toronto, Ontario. «Trois fois plus de sujets sous dapagliflozine que de témoins ont atteint le paramètre principal mixte» (10,6 vs 3,1%). Dans les deux essais, les résultats stratifiés selon l’âge (<65 ou ≥65 ans) concordaient avec les résultats obtenus au sein de la population totale. Sur le plan de l’innocuité, les résultats étaient semblables à ceux d’autres essais de phase III.

Innocuité globale et fonction rénale

L’analyse groupée de 12 essais de phase IIb/III de courte durée menés à double insu avec placebo (n=4684) a objectivé le bon profil d’innocuité de la dapagliflozine, affirme le Pr Andreas Pfeiffer, Hôpital universitaire Charité, Berlin, Allemagne. Les EI ont été légèrement plus fréquents que sous placebo (61,5 % vs 56,9 %), mais les EI graves étaient de fréquence similaire dans les deux groupes (environ 3 %). Le taux d’abandons pour cause d’EI était faible dans tous les groupes et semblable à celui du groupe placebo. Les infections génitales et urinaires ont été légèrement plus fréquentes sous dapagliflozine que sous placebo, mais elles étaient légères à modérées, répondaient au traitement antimicrobien standard et ont rarement mené à l’abandon du traitement à l’étude, souligne le Pr Pfeiffer. Peu de cas d’atteinte et d’insuffisance rénales ont été signalés, et ils étaient répartis également dans tous les groupes, y compris le groupe placebo (0,9-1,4 vs 0,9 %). Les EI imputables à une diminution de la volémie (hypotension/déshydratation/hypovolémie) étaient aussi légèrement plus fréquents que sous placebo, mais ils n’étaient pas graves (0,6-1,2 vs 0,4 %). Aucune augmentation inacceptable du risque d’événement CV n’a été rapportée. Les taux de tumeurs malignes et de tumeurs de malignité non précisée étaient semblables pour la dapagliflozine et les antidiabétiques de comparaison (1,47 vs 1,35 pour 100 années-patients), poursuit le Pr Pfeiffer.

Des données à 2 ans n’ont objectivé aucun effet à long terme sur le DFGe. Les chercheurs ont conclu que la dapagliflozine n’était pas toxique pour les reins à court terme et qu’elle ne détériorait pas la fonction rénale à long terme. En outre, l’amélioration du contrôle glycémique, la perte pondérale et la baisse de la TA qui lui sont associées pourraient contribuer à préserver la fonction rénale chez les patients atteints d’un diabète de type 2.

Une étude présentée au congrès a révélé que les inhibiteurs du SGLT2 exerçaient un effet moins marqué chez les patients atteints d’insuffisance rénale modérée à sévère (ClCr 30-50 mL/min et <30 mL/min, respectivement). Chez ces patients, une dose de 20 mg/jour a donné lieu à une exposition progressivement plus marquée à la dapagliflozine et à son métabolite, le D3OG, la clairance rénale du glucose ayant diminué de 77 % et de 85 %, respectivement, comparativement aux sujets dont la fonction rénale était normale; on a également observé en parallèle une diminution de la clairance du glucose à l’état d’équilibre et de la glycosurie moyenne des 24 heures ainsi que des variations de la glycémie à jeun. L’inhibition du SGLT2 est moins efficace en présence d’une atteinte rénale en raison du DFGe moindre, mais les patients atteints d’insuffisance rénale modérée bénéficient tout de même du traitement, et aucun effet délétère sur la fonction rénale n’a été observé.

Résumé

Les effets indésirables de nombreux antidiabétiques sur le marché, tels l’hypoglycémie et le gain pondéral, font obstacle à l’obtention d’un contrôle glycémique optimal et durable. Les inhibiteurs du SGLT2 abaissent la glycémie en exerçant un effet glycosurique dont le mécanisme, indépendant de l’insuline, abaisse la glycémie tout en réduisant le risque d’hypoglycémie et en favorisant une perte de poids. À en juger par les études menées à ce jour, les inhibiteurs du SGLT2 sont généralement sûrs et bien tolérés. 

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