Comptes rendus

Les agents ciblés, un progrès réel dans le traitement de l’hypernéphrome
Stratégies de traitement dans la leucémie lymphoïde chronique à cellules B

Le rôle des biomarqueurs et des anticorps monoclonaux dans le cancer du poumon

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 42e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Atlanta, Géorgie / 2-6 juin 2006

Les résultats de l’essai 4599 de l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) sur le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) qui ont été présentés au congrès montrent que l’ajout du bevacizumab, un anticorps monoclonal (AcM), au protocole carboplatine/paclitaxel (PCB) porte le taux de réponse à 27,2 % vs 10 % pour le protocole carboplatine/paclitaxel (PC) seul. La survie sans progression (SSP) et la survie globale (SG) étaient aussi meilleures, celles-ci étant passées respectivement de 4,5 à 6,4 mois et de 10,2 à 12,5 mois.

Taux de biomarqueurs

Une étude de corrélation avec les constantes biologiques a aussi été menée dans le cadre de l’essai 4599 de l’ECOG. Lors de cette étude, les chercheurs ont mesuré divers biomarqueurs, dont la E-sélectine (molécule d’adhérence des leucocytes aux cellules endothéliales-01), l’ICAM (molécule d’adhérence intercellulaire-1), le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) et le b-FGF, autre facteur angiogénique bien connu. «Nous avons émis comme postulat que les taux de ces facteurs seraient prédictifs de la réponse et du pronostic», affirme le Dr Afshin Dowlati, professeur adjoint de médecine, Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio.

Les taux initiaux d’ICAM, de E-sélectine et de b-FGF ont été mesurés chez 150 patients, alors que le taux initial de VEGF a été mesuré chez 113 patients. Le taux de chacun de ces biomarqueurs était qualifié de faible ou élevé selon qu’il était égal ou inférieur à la médiane (faible) ou supérieur à la médiane (élevé). Les analyses ont mis en évidence une diminution moyenne significative du taux de E-sélectine après sept semaines de traitement dans l’échantillon combiné de patients (p<0,001), mais la différence entre les deux groupes de traitement n’était pas significative. De même, le taux de b-FGF avait baissé de manière significative après sept semaines de traitement au sein de l’échantillon combiné, mais la différence entre les deux groupes n’a pas atteint non plus le seuil de signification statistique. Une autre analyse réalisée au sein de l’échantillon combiné a montré qu’un faible taux initial d’ICAM était associé à un taux de réponse significativement plus élevé – 32 % – qu’un taux initial élevé d’ICAM, lequel était associé à un taux de réponse de seulement 14 % (p=0,01 pour un taux élevé vs un taux faible).

Les taux de réponse obtenus dans chacun des groupes de traitement reflètent les taux obtenus dans l’échantillon combiné; en effet, on a enregistré un taux de réponse de 40 % chez les patients du groupe PCB dont le taux initial d’ICAM était faible, par comparaison à un taux de réponse de 19,4 % chez ceux dont le taux initial d’ICAM était élevé. Les taux de réponse correspondants dans le groupe PC étaient de 22,6 % et 10,5 % chez les patients dont le taux d’ICAM était faible ou élevé, respectivement. Fait important à souligner, les chercheurs ont aussi observé que si le taux initial de VEGF était élevé, l’ajout du bevacizumab au protocole PC portait le taux de réponse à plus de 33 %, par comparaison à seulement 7,7 % dans le groupe PC seul. «Par conséquent, il y a une corrélation significative entre le taux d’ICAM et la meilleure réponse, tant dans le groupe PCB que dans le groupe PC», fait valoir le Dr Dowlati.

Le taux initial d’ICAM était aussi «hautement significatif» pour ce qui est de prédire la survie. À un an, 60 % des patients dont le taux initial d’ICAM était faible étaient toujours en vie, par comparaison à seulement 25 % de ceux dont le taux initial d’ICAM était élevé. Pour ce qui est du taux de E-sélectine, les chercheurs ont constaté que si le taux chutait de <5,35 ng/mL entre le début de l’étude et la semaine 7, les probabilités de SSP étaient significativement plus élevées que si la baisse du taux de E-sélectine était plus marquée pendant la même période. En effet, une diminution de <5,35 ng/mL entre le début de l’étude et la semaine 7 s’est traduite par une diminution de 49 % de la mortalité sous l’effet de l’ajout du bevacizumab, alors qu’une baisse plus marquée du taux de E-sélectine entre le début de l’étude et la semaine 7 n’a eu aucun effet bénéfique sur les plans de la SSP et de la SG chez les patients qui recevaient le schéma PCB. De même, chez les patients dont le taux initial d’ICAM était faible, c’est-à-dire <260 ng/mL, on a observé une amélioration de 53 % de la SSP lorsque l’AcM était ajouté au protocole PC.

Ces deux résultats semblent indiquer qu’il y a un avantage appréciable à ajouter le bevacizumab au protocole PC chez les patients qui ont une baisse du taux de E-sélectine de <5,35 ng/mL entre le début de l’étude et la semaine 7, ainsi que chez ceux dont le taux initial d’ICAM est faible, c’est-à-dire <260 ng/mL; en revanche, on n’a relevé aucun avantage associé à l’ajout de l’AcM chez les patients dont le taux initial d’ICAM était élevé.

Cibler l’EGFR et le VEGF

Comme l’ont expliqué les investigateurs, le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) et le VEGF ont tous deux été identifiés comme étant des cibles moléculaires clés dans divers types de tumeurs, dont le CPNPC. «Par conséquent, l’association de médicaments qui ciblent ces molécules pourrait conférer un bénéfice clinique supplémentaire», estiment les chercheurs sous la direction de l’auteur principal, le Dr Louis Fehrenbacher, directeur médical du programme de recherche clinique en oncologie, Kaiser Permanente Northern California, Vellejo. Dans un essai de phase I/II, 120 patients porteurs d’un CPNPC non squameux récurrent ou réfractaire ont été randomisés de façon à recevoir l’un des trois traitements suivants : chimiothérapie à base de docetaxel ou de pemetrexed seule; chimiothérapie/bevacizumab; ou bevacizumab/erlotinib.

Après un suivi d’une durée médiane variant entre trois et 4,8 mois, le taux de SSP à six mois était de 21,5 % dans le groupe chimiothérapie seule, de 30,5 % dans le groupe bevacizumab/chimiothérapie et de 33,6 % dans le groupe bevacizumab/erlotinib; à six mois, 62,4 %, 72,1 % et 78,3 % des patients, respectivement, étaient toujours en vie.

Dix patients sur 41 qui ont reçu la chimiothérapie seule ont mis fin à leur traitement en raison d’un effet indésirable, et plus de la moitié ont eu un effet indésirable grave. Le taux d’abandon était semblable dans le groupe bevacizumab/chimiothérapie, 10 patients sur 40 s’étant retirés à cause d’un effet indésirable. En revanche, on a enregistré seulement quatre abandons motivés par un effet indésirable chez les 39 patients qui recevaient deux AcM. Comme on pouvait s’y attendre, l’incidence des éruptions cutanées et de la diarrhée était plus élevée dans le groupe double AcM que dans les deux autres groupes, mais l’incidence de la neutropénie était semblable dans le groupe chimiothérapie seule et le groupe chimiothérapie/bevacizumab. L’incidence globale de la neutropénie dans le groupe bevacizumab/erlotinib était d’environ 10 %.

«L’association bevacizumab/erlotinib pourrait représenter une solution de rechange à la polychimiothérapie dans le traitement du CPNPC récurrent si ces résultats peuvent être confirmés par un essai de phase III à grande échelle», concluent les investigateurs.

Cancer du poumon à petites cellules limité

Des résultats présentés par le Dr David Spigel, directeur associé de la recherche clinique, Sarah Cannon Research Institute, Nashville, Tennessee, semblent aussi indiquer que le traitement d’entretien par le bevacizumab pourrait avoir un rôle à jouer dans le traitement du cancer du poumon à petites cellules (CPPC) limité. Dans leur mise à jour d’un essai de phase II réalisé par le Minnie Pearl Cancer Research Network, les investigateurs ont rapporté les résultats obtenus chez 57 patients atteints d’un CPPC limité, dont 45 avaient reçu le traitement prévu par le protocole irinotécan/carboplatine et la radiothérapie et dont 41 avaient reçu le traitement prévu irinotécan/carboplatine/radiothérapie suivi d’un traitement d’entretien par le bevacizumab.

Le plan de l’étude prévoyait l’administration de quatre cycles (21 jours) du protocole à base de carboplatine à raison d’une aire sous la courbe de 5 le jour 1 et d’irinotécan à raison de 50 mg/m² les jours 1 et 8, et l’administration d’une radiothérapie à la dose quotidienne de 1,8 Gy, pour une dose totale de 61,2 Gy, à partir du troisième cycle. «Après quatre cycles, on déterminait à nouveau le stade de la maladie, soulignent les investigateurs, et en l’absence de signes de progression de la maladie, les patients recevaient du bevacizumab à raison de 10 mg/kg par voie intraveineuse toutes les deux semaines jusqu’à la fin des 10 doses prévues ou jusqu’à l’apparition de signes de progression de la maladie.» Le suivi durait de 14 à 28 mois.

Le taux de réponse globale était de 80 % (réponses complètes et partielles confondues), alors que la médiane de survie était de 17,5 mois. À un an, le taux de SSP était de 53 % et à deux ans, il était de 38 %. À un an et à deux ans, 70 % et 29 % des patients étaient toujours en vie, respectivement.

«Il est encore trop tôt pour déterminer l’apport du bevacizumab comme traitement d’entretien dans ce cancer, de conclure le Dr Spigel. Nous avons néanmoins constaté que le traitement est très bien toléré dans ce contexte, et que la tenue d’autres études sur le traitement des CPPC limités et étendus est donc justifiée.»

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