Comptes rendus

Traitement du myélome multiple chez la personne âgée
Raffinement des stratégies ciblées dans le traitement de la leucémie myéloïde aiguë et chronique

Lymphome non hodgkinien : bâtir sur les données probantes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

11e Congrès de l’Association européenne d’hématologie

Amsterdam, Pays-Bas / 15-18 juin 2006

De l’avis du Dr Richard Klasa, British Columbia Cancer Research Centre, Vancouver, «l’idée du traitement d’entretien est non seulement de maintenir le patient en rémission, mais aussi d’augmenter les taux de réponse, voire d’obtenir une rémission partielle plutôt qu’une réponse mineure ou une stabilisation ou une rémission complète plutôt qu’une rémission partielle».

Nous avons de bonnes raisons d’utiliser le rituximab, qui est un anticorps monoclonal anti-CD20, dit-il. L’antigène CD20 persiste sur les cellules lymphomateuses résiduelles ou récurrentes chez les patients qui ont eu des cycles de traitement par l’anticorps de quatre semaines, de sorte que la cible CD20 est toujours présente. La toxicité limitée de l’anticorps à long terme est aussi fort intéressante, sans compter que sa longue demi-vie permet un calendrier d’administration plus convivial. Des études ont aussi montré que l’intensité du traitement est corrélée avec la réponse, de sorte que l’augmentation de la dose ou la prolongation du traitement ont leur raison d’être.

Essai 20981 de l’OERTC

Le groupe du Dr Klasa a participé à l’étude pivot de phase III 20981 de l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC). La phase d’induction était conçue pour comparer l’effet du protocole de chimiothérapie standard CHOP (cyclophosphamide/doxorubicine/vincristine/prednisone) avec le protocole CHOP plus rituximab (R-CHOP) chez 465 patients souffrant d’un lymphome folliculaire récurrent ou réfractaire. Les 334 patients qui ont obtenu une réponse complète ou partielle au traitement d’induction ont ensuite été randomisés dans le groupe traitement d’entretien par le rituximab ou le groupe attente sous surveillance. La dose d’induction du rituximab était de 375 mg/m2 le jour 1 de chaque cycle de chimiothérapie, alors que la dose d’entretien était une perfusion de 375 mg/m2 tous les trois mois pendant deux ans ou jusqu’à l’apparition d’une rechute. Le paramètre principal de l’analyse du traitement d’entretien était la survie sans progression (SSP), tandis que les paramètres secondaires étaient la survie globale (SG) et la toxicité selon les critères communs de toxicité de l’Institut national du cancer du Canada.

«Les critères d’inclusion devaient faire en sorte que l’effectif de l’étude soit un reflet du type de patient que l’on rencontre dans la pratique clinique, note le Dr Klasa. Il était important qu’ils aient eu au maximum deux traitements préalables, et 80 % en avaient eu un seul. La moitié de ces patients avaient reçu un seul agent, de sorte que le traitement en était à ses débuts, et aucun patient n’avait encore reçu d’anthracycline.»

Après la phase d’induction, on a obtenu un taux significativement plus élevé de rémission complète chez les patients qui avaient reçu le protocole R-CHOP que chez ceux qui avaient reçu uniquement le protocole de chimiothérapie CHOP (29 % vs 16 %, p<0,0001), souligne-t-il. Par ailleurs, le protocole R-CHOP a aussi prolongé la SSP de manière significative par rapport au protocole CHOP seul (médianes de 33 mois vs 20 mois, respectivement [p=0,0003]).

La première analyse complète de l’étude de l’OERTC a mis au jour une augmentation significative du taux de SG chez les patients qui avaient reçu le traitement d’entretien par le rituximab. Après un suivi médian de près de trois ans, le taux de SG se chiffrait à 85,1 % dans le groupe traitement d’entretien par le rituximab vs 77,1 % dans la cohorte non traitée (p=0,011). Chez les patients qui ont reçu le protocole R-CHOP comme traitement d’induction suivi du traitement d’entretien, le risque de mortalité a diminué de moitié environ. En outre, la médiane de SSP était presque 3,5 fois plus longue dans le groupe traitement d’entretien que dans le groupe attente sous surveillance, ce qui était significatif (51,6 mois vs 15 mois, p<0,0001). Le traitement d’entretien a prolongé la SSP sans égard au traitement d’induction, mais les meilleurs résultats ont été obtenus chez les patients qui avaient reçu le protocole R-CHOP suivi du traitement d’entretien par le rituximab, explique le Dr Klasa.

«Les résultats de la phase d’entretien de l’essai ont mis au jour un nombre similaire d’effets indésirables après le traitement d’entretien par l’agent actif ou l’attente sous surveillance, ce qui indique que l’immunothérapie est bien tolérée, rapporte le Dr Klasa. Le nombre de cas de neutropénie et de granulocytopénie était légèrement plus élevé dans le groupe R-CHOP, mais ces effets n’ont pas semblé se traduire par des événements majeurs. On a signalé sept cas de neutropénie de classe 3 ou 4 dans le groupe observation vs 11 cas dans le groupe rituximab, et neuf cas vs 18 cas de granulocytopénie sévère, respectivement. Les infections, surtout des voies respiratoires, étaient plus fréquentes chez les patients qui avaient reçu l’immunothérapie que chez les patients non traités : 15 vs quatre.» Il y a eu vraiment très peu d’événements cardiaques et cutanés, note-t-il.

Les bienfaits du traitement d’entretien par le rituximab ont été démontrés dans au moins cinq essais randomisés, tant pour des lymphomes folliculaires qui n’avaient jamais été traités que pour des lymphomes folliculaires récurrents, et le type de chimiothérapie d’induction n’importe pas vraiment. Les améliorations de la SSP et de la SG sont constantes lorsqu’on administre un traitement d’entretien.

Amélioration de la survie globale

Selon le Dr Andreas Engert, Hôpital universitaire de Cologne, Allemagne, l’élément décisif de tout traitement du lymphome non hodgkinien (LNH) est sa capacité à améliorer la SG. Pour déterminer si l’immunochimiothérapie pouvait relever le défi, il a réalisé une méta-analyse de Cochrane à partir de plusieurs bases de données médicales et des actes de plusieurs conférences où l’on avait comparé des protocoles à base de rituximab avec des protocoles de chimiothérapie standard dans le traitement des lymphomes indolents.

«Nous tenions à faire cette méta-analyse sur le lymphome indolent parce que nous savons que le rituximab peut sensibiliser les cellules cancéreuses à la chimiothérapie et qu’il est déjà établi que l’association augmente la réponse au traitement et prolonge à la fois la SSP et la survie sans événement, dit-il. Cette méta-analyse est particulièrement intéressante parce que, sur le plan de la SG, les résultats individuels de la plupart des études ont mis en évidence des tendances non significatives ou des différences à peine significatives en faveur de l’immunochimiothérapie. Par contre, lorsque les résultats des études sont colligés, les différences deviennent significatives», précise-t-il.

Six essais randomisés et prospectifs de haute qualité – qui portaient sur un total de 1478 patients porteurs d’un lymphome indolent ou d’un lymphome du manteau qui n’avait jamais été traité et qui avait été confirmé par un examen histologique – ont fait l’objet d’une évaluation. Lors des essais inclus dans la méta-analyse de Cochrane, le rituximab était ajouté à n’importe lequel des protocoles de chimiothérapie suivants : CHOP, CNOP, CVP, FCM ou MCP. L’objectif premier était de mesurer l’impact du rituximab sur la SG, mais on a également évalué l’intervalle sans progression, la réponse globale et la toxicité. «La méta-analyse de Cochrane a révélé que la SG était significativement meilleure après une immunochimiothérapie qu’après une chimiothérapie seule, d’enchaîner le Dr Engert. Cet effet était particulièrement marqué pour les lymphomes indolents, la SG ayant augmenté d’environ 40 % pendant ce suivi de très courte durée. Dans le lymphome du manteau, l’amélioration était à peine significative, ce que l’on a attribué au petit nombre de patients.»

Le Dr Engert a aussi tenté d’estimer combien de décès l’immunochimiothérapie pourrait prévenir. En supposant un taux de SG à deux ans de 90 % chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire, on devra traiter 28 patients pour sauver une vie. Si le risque de mortalité est plus élevé – comme c’est le cas pour le lymphome du manteau, la survie à deux ans étant de 70 % – il suffit alors d’administrer l’association anticorps-chimiothérapie à 11 patients pour sauver une vie.

Les méta-analyses de Cochrane permettent l’évaluation systématique d’une intervention sanitaire quelconque à partir de données fiables, de conclure le Dr Engert. Cette méta-analyse en particulier a montré que l’ajout du rituximab à la chimiothérapie, par rapport à la chimiothérapie seule, améliore la SG chez les patients atteints d’un LNH, surtout chez ceux qui sont atteints d’un lymphome folliculaire.

Essais sur l’immunochimiothérapie

Le Dr Robert Marcus, service d’hématologie, Addenbrookes Hospital, Cambridge, Royaume-Uni, fait remarquer que, avant l’avènement des anticorps monoclonaux, il n’était pas démontré que le traitement du lymphome folliculaire par les anthracyclines ou la greffe de cellules souches hématopoïétiques améliorait la SSP ou la SG à long terme. En fait, jusqu’à l’avènement du rituximab, le traitement d’entretien était généralement considéré comme difficilement applicable. D’aucuns estimaient que les interférons pouvaient être bénéfiques du fait qu’ils augmentent la sensibilité de la tumeur à la chimiothérapie de deuxième intention, mais ces derniers ne se sont jamais taillé une place dans la pratique clinique générale, peut-être en raison de leurs effets indésirables importants et de leur piètre profil de tolérabilité. À l’ère des anticorps, par contre, de vastes essais randomisés ont confirmé que l’ajout du rituximab à la chimiothérapie initiale se traduit par des améliorations majeures des paramètres cliniques, comme le taux de réponse globale, le taux de réponse complète, la SSP, l’intervalle précédant l’échec du traitement et la durée de la réponse chez les patients porteurs d’un LNH indolent qui n’a jamais été traité.

Le Dr Marcus a présenté les résultats d’une étude qui regroupait 321 patients porteurs d’un lymphome folliculaire de stade III ou IV n’ayant jamais été traité (Marcus et al. Blood 2005;105[4]:1417-23). Le traitement consistait en l’administration de huit cycles de 21 jours du protocole CVP (cyclophosphamide/vincristine/prednisone) seul ou auquel était ajouté le rituximab (R-CVP) le jour 1 de chaque cycle. Par comparaison au protocole CVP seul, le protocole R-CVP a plus que doublé l’intervalle médian précédant la progression, la rechute ou la mort après un suivi médian de 30 mois : 14 mois vs 33 mois (p<0,0001). L’intervalle médian précédant l’échec du traitement a quadruplé, celui-ci étant passé de sept à 27 mois dans la plupart des sous-groupes, sans égard à l’âge, à l’atteinte de la moelle osseuse, au taux de LDH et à l’indice pronostique international pour le lymphome folliculaire (IPILF).

Le nombre de patients ayant répondu au traitement était significativement plus élevé dans le groupe immunochimiothérapie que dans le groupe CVP (81 % vs 57 %, p<0,0001), tout comme le nombre de patients ayant bénéficié d’une rémission complète (41 % vs 10 %, p<0,0001). «Dans cette étude, l’ajout du rituximab au protocole CVP s’est traduit par une amélioration majeure de tous les paramètres cliniques et très peu d’effets indésirables supplémentaires, conclut-il. R-CVP est un protocole très efficace, de courte durée et très peu toxique que l’on peut maintenant considérer comme une nouvelle norme de traitement dans le LNH folliculaire jamais traité auparavant.»

Une étude coopérative menée en Espagne a aussi démontré qu’un traitement d’induction par le protocole FCR (fludarabine/cyclophosphamide/rituximab) suivi d’un traitement d’entretien par le rituximab est très efficace comme stratégie de première intention dans le lymphome folliculaire. Discutant des taux de réponse clinique et moléculaire après six cycles complets de cette stratégie d’induction chez 75 patients dont le lymphome folliculaire de stade I ou II venait d’être diagnostiqué, le Dr José Tomás, M.D. Anderson International España, Madrid, a précisé que tous les patients avaient répondu au traitement d’induction et que 86 % avaient bénéficié d’une réponse complète, 6 %, d’une réponse complète non confirmée et 8 %, d’une réponse partielle. «À l’aide de techniques moléculaires, on a identifié au total 45 patients [60 %] ayant une population monoclonale au moment du diagnostic, fait valoir le Dr Tomás. La surexpression de l’oncogène bcl-2 témoignant d’une maladie résiduelle minime (MRM) a été notée chez un seul patient. Chez les autres patients, aucune MRM n’était présente. Nous avons constaté que le protocole FCR exerce une activité antitumorale très puissante en présence d’un lymphome folliculaire nouvellement diagnostiqué, les réponses moléculaires ayant atteint 95 % au sein d’une population de patients dont 78 % avaient un IPILF intermédiaire à élevé. Cela dit, on a observé une immunosuppression profonde dans quelques cas, d’où l’apparition d’infections opportunistes et de signes de toxicité. L’incidence de la neutropénie a augmenté progressivement, passant de 6 % au premier cycle à 40 % au sixième cycle, et une réduction significative de la numération lymphocytaire a persisté pendant au moins six mois chez la quasi-totalité des patients une fois le traitement terminé.»

Remise en question des pratiques établies

«Malgré les progrès de la médecine, le lymphome folliculaire demeure une maladie incurable», affirme le Dr Michele Ghielmini, Istituto Oncologico della Svizzera Italiana, Bellinzona, Suisse, qui commentait les résultats de divers essais sur les anticorps monoclonaux. «Les patients obtiennent une rémission, mais la rémission n’est pas synonyme d’une survie plus longue ni d’une meilleure qualité de vie. Tôt ou tard, [les patients] rechutent. Comme le traitement d’entretien par le rituximab administré après le traitement d’induction par le rituximab est efficace pour prolonger la rémission et qu’il n’entraîne pratiquement pas d’effets indésirables, ne devrait-on pas administrer un traitement d’entretien par le rituximab à tous les patients souffrant d’un lymphome indolent? Deuxièmement, si les patients recevant le protocole de chimiothérapie CHOP peuvent s’attendre à avoir une survie sans événement de seulement un an, vs quatre ou cinq ans s’ils reçoivent également le rituximab, le protocole CHOP est-il vraiment nécessaire? L’effet bénéfique n’est-il pas principalement attribuable au rituximab? Le cas échéant, pourquoi aurions-nous besoin du protocole CHOP? lance-t-il. Et enfin, si le traitement d’entretien est si efficace, le traitement d’induction a-t-il vraiment sa place? Dans le cas du rituximab en monothérapie, avons-nous vraiment besoin d’une dose hebdomadaire concentrée de rituximab avant de passer au traitement d’entretien? Ne pourrions-nous pas commencer par une perfusion tous les deux mois? Comme il s’agit d’une maladie indolente, peut-être la rémission apparaîtra-t-elle au fil du temps. Dans le même ordre d’idées, si le rituximab est si efficace, la chimiothérapie est-elle nécessaire?»

Le Dr Rien van Oers, chef, service d’hématologie clinique, Centre médical universitaire, Amsterdam, Pays-Bas, estime pour sa part que nous devons trouver la réponse à trois questions avant que l’utilisation du rituximab ne puisse être généralisée dans la pratique clinique. Premièrement, quel est le type optimal de traitement d’induction à utiliser avant le traitement d’entretien? Selon de récentes données tirées de l’étude 20981 de l’OERTC, l’immunochimiothérapie doit précéder le traitement d’entretien par le rituximab si l’on aspire à des résultats optimaux, ce qui voudrait dire que, pour l’instant, le protocole R-CHOP demeure le meilleur choix comme traitement d’induction chez les patients en rechute ou réfractaires.

Deuxièmement, quelle serait la meilleure façon de prédire et de traiter les effets indésirables chez les patients qui reçoivent un traitement d’entretien par le rituximab? De l’avis du Dr van Oers, l’immunothérapie ajoute peu au profil d’effets indésirables de la chimiothérapie. Le rituximab est généralement bien toléré et les effets indésirables peuvent être traités. Un tel traitement d’entretien n’est pas associé à une toxicité cumulative.

Troisièmement, quel est le calendrier d’administration optimal pour un traitement d’entretien par le rituximab? Divers calendriers ont été explorés – notamment une dose de rituximab tous les deux à trois mois ou quatre doses hebdomadaires à intervalles de six mois pendant un maximum de deux ans – et chaque schéma a autorisé un bénéfice clinique important. Plusieurs groupes évaluent la perfusion accélérée du rituximab, l’objectif étant de réduire l’utilisation des ressources et le temps que les patients doivent consacrer à leur traitement, conclut le Dr van Oers.

Questions et réponses

La section qui suit est fondée sur des discussions avec les Drs Richard Klasa, British Columbia Cancer Research Centre, Vancouver, et Max Wolf, Peter MacCallum Cancer Centre, Melbourne, Australie, pendant les séances scientifiques.

Q : Que doit-on faire quand une rechute survient après un traitement d’entretien par le rituximab?

Dr Klasa : Il y a deux catégories de patients : ceux qui rechutent tôt et ceux chez qui la maladie n’a toujours pas progressé après 10 ans. Personnellement, je préconiserais de changer de traitement d’association ou d’agent chez les patients qui rechutent tôt et d’administrer à nouveau le même protocole dans le deuxième groupe.

Q : Compte tenu du risque accru de neutropénie associé au rituximab, quel est le risque réel d’infection?

Dr Wolf : Le plus souvent, on signale des infections des voies respiratoires supérieures ou inférieures, et on observe une légère augmentation des infections cutanées. Cependant, le nombre de septicémies était très faible dans tous les groupes, et nous n’avons observé aucune infection mortelle pendant le traitement d’entretien. La nature agressive du lymphome a causé près de deux fois plus d’abandons du traitement que la toxicité du traitement.

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