Comptes rendus

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Traitement du myélome multiple chez la personne âgée

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 31e Congrès de la Société européenne de médecine interne cancérologique

Istanbul, Turquie / 29 septembre-3 octobre 2006

«Plus de 50 % des cancers frappent après 65 ans, et l’âge médian des patients au moment de la consultation dépasse 70 ans pour de nombreux cancers fréquents, notamment ceux de l’estomac et du pancréas, tout comme le myélome multiple», nous apprend le Dr Mario Dicato, chef du Département de médecine interne, Service d’hématologie-cancérologie, Centre hospitalier de Luxembourg.

Par ailleurs, l’espérance de vie des personnes âgées est à la hausse. Résultat : il y a 20 ans, un Européen sur quatre risquait de souffrir d’un cancer au cours de sa vie; aujourd’hui, la proportion est de un sur trois. Dans le cadre du congrès, on s’est penché sur les difficultés que posait le traitement du cancer, et tout particulièrement du myélome multiple, dans la population âgée.

Les personnes âgées : une classe à part

Aux yeux de l’oncologue médical, la personne âgée se distingue du patient plus jeune à plusieurs égards. Au nombre des différences, le Dr Silvio Monfardini, professeur titulaire d’oncologie médicale, Azienda Ospedale Università, Padoue, Italie, note la comorbidité, la diminution des capacités fonctionnelles, la détérioration de l’état mental, la dépression et l’absence de soutien familial. Il avance que ces personnes ont besoin de soins particuliers, invoquant à l’appui de ses propos les résultats d’une enquête réalisée en Italie selon laquelle «les responsables des services d’oncologie s’entendent généralement pour dire qu’il faudrait concevoir des protocoles de traitement expressément pour les personnes âgées souffrant de cancer» (Monfardini et al. Crit Rev Oncol Hematol 2006;58[1]:53-9).

Malheureusement, les personnes âgées sont souvent exclues des essais cliniques, sans compter que l’hétérogénéité marquée de la population âgée souffrant de cancer vient entraver la prise de décisions cliniques. La Société internationale d’oncologie gériatrique (SIOG) a mis au point un outil des plus utiles, la démarche diagnostique CGA (Comprehensive Geriatric Assessment), qui tient compte de la variabilité inter-patient. Grosso modo, a expliqué le Dr Monfardini, on classe le patient dans une des trois catégories suivantes : «en bonne santé», «vulnérable» ou «fragile», pour ensuite adapter les modalités thérapeutiques à son état.

Comme le souligne le Dr Monfardini, «la toxicité est un facteur important chez une personne âgée atteinte de cancer». On tient souvent compte de l’espérance de vie plus courte de ces patients en définissant les objectifs du traitement. Ainsi, peut-être visera-t-on l’amélioration de la qualité de vie plutôt que la guérison. Les nouveaux traitements sont donc jugés en grande partie à l’aune de leur profil de toxicité. Dans le myélome multiple, le bortézomib, inhibiteur du protéasome, et la lénalidomide, analogue de la thalidomide, constituent des progrès thérapeutiques dignes de mention.

Observations corroborées

La Dre María Victoria Mateos, Service d’hématologie, Hospital Universitario de Salamanca, Salamanque, Espagne, a présenté les résultats d’une sous-analyse de l’étude APEX (Assessment of Proteasome Inhibition on Extending Remission Results), dans laquelle on a comparé le bortézomib à la dexaméthasone au chapitre de l’innocuité et de l’efficacité chez des patients atteints d’un myélome multiple en rechute. «Chez les sujets de plus de 65 ans, le bortézomib s’est montré plus efficace que la dexaméthasone fortement dosée, comme en a d’ailleurs fait foi la prolongation du délai médian de progression», constate la Dre Mateos.

L’étape suivante consistait à étudier l’ajout de l’inhibiteur du protéasome au traitement de premier recours, puisque, comme l’explique la Dre Mateos, «l’association melphalan-prednisone [MP] est le traitement classique chez le sujet âgé qui ne peut subir d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, mais le taux de réponse est plutôt médiocre». Devant un tel constat, une équipe espagnole dont faisait partie la Dre Mateos a décidé d’ajouter le bortézomib à l’association MP (MPV) chez 60 patients âgés de 65 ans ou plus (âge médian : 74 ans) atteints d’un myélome multiple de stade I à III qui n’avait pas été traité (Mateos et al. Blood 2006;108[7]:2165-72). Le taux de réponse globale, à savoir la réalisation du paramètre d’efficacité principal, s’est établi à 70 % dans le groupe MPV après le premier cycle; une comparaison dans le temps révèle un taux de réponse de 42 % après six cycles pour la bithérapie MP.

Selon les résultats obtenus auprès d’un sous-groupe de la population de l’étude, l’efficacité ne semble pas avoir été altérée chez les patients qui présentaient une délétion génique déterminant un rétinoblastome et des translocations chromosomiques impliquant le locus des chaînes lourdes d’immunoglobulines (IgH), deux marqueurs probables d’une réponse médiocre à l’association MP. En outre, le profil d’innocuité de la trithérapie MPV s’est révélé acceptable et conforme aux observations effectuées antérieurement lors d’études chez des sujets âgées. Les effets toxiques ont pu être traités de manière satisfaisante et ont eu tendance à s’atténuer passé le troisième cycle.

La Dre Mateos a également présenté des travaux sur la thalidomide, ici encore en association avec la bithérapie MP dans le traitement de premier recours du myélome multiple. Tout comme dans le cas du bortézomib, l’administration concomitante de la thalidomide s’est traduite par un nombre accru de répondeurs, certes, mais aussi par une incidence plus forte d’événements thrombotiques par rapport à la bithérapie MP.

On a également obtenu des résultats prometteurs avec la lénalidomide, nouvel analogue de la thalidomide, ajoutée à la chimiothérapie MP classique pour contrer le myélome multiple de diagnostic récent. Dans le cadre de son exposé sur les nouveaux traitements contre le myélome multiple, le Dr Dicato a fait part à l’auditoire des résultats d’une étude de Palumba et al. présentée lors de l’assemblée de 2006 de l’American Society of Clinical Oncology. Lors de l’essai en question, 54 patients de 65 ans ou plus ont été répartis au hasard en quatre groupes, chacun ayant reçu une dose différente de lénalidomide par voie orale, en concomitance avec l’association MP. On a obtenu un taux de réponse globale de 17 % et un taux de réponse partielle de 68 %. Les principaux effets toxiques ont été une neutropénie de classe 3/4 (66 %) et une thrombocytopénie de classe 3/4 (34 %).

L’utilisation de la thalidomide a été associée à de fréquents événements thrombotiques, et une thromboembolie est survenue chez 4,8 % des patients, malgré la prise d’AAS. Le Dr Dicato précise toutefois qu’en règle générale, les effets toxiques ont pu être traités de manière satisfaisante.

Insuffisance rénale

Souvent, le myélome multiple et son traitement viennent aggraver notablement l’insuffisance rénale, fréquente pendant le troisième âge. Les insuffisants rénaux répondent moins bien à certains traitements et font face à un pronostic plus sombre. Comme le fait remarquer le Dr Heinz Ludwig, Centre d’oncologie et d’hématologie, Wilhelminenhospital, Vienne, Autriche, «en cas d’insuffisance rénale, l’idéal est un traitement anticancéreux efficace et d’action rapide, étayé par des soins de soutien appropriés». En pareil contexte, le recours au bortézomib peut être indiqué vu le court délai médian de réponse, soit 39 jours lors des deux premiers cycles. Cet agent présente un autre avantage en cas d’insuffisance rénale, ajoute le Dr Ludwig, et c’est que la réponse est indépendante de la fonction rénale.

Double greffe dans le myélome multiple

Le Dr Bart Barlogie, University of Arkansas for Medical Sciences, Little Rock, a décrit les résultats d’un essai lors duquel on a ajouté le bortézomib ou la thalidomide au traitement Total Therapy II (TTII), avec phase d’induction avant la greffe et de consolidation après l’intervention. Dans le groupe de 303 sujets, 27 % avaient plus de 65 ans et 34 % présentaient des anomalies cytogénétiques. Au total, 90 % des sujets ont obtenu une rémission complète ou presque complète. «C’est très impressionnant; nous n’avons jamais rien vu de tel», de commenter le Dr Ludwig au sujet de l’exposé du Dr Barlogie. Il ajoute cependant qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, précisant que certains groupes de patients semblent répondre moins bien à ce traitement, notamment les personnes âgées et celles qui présentent des anomalies cytogénétiques.

Résumé

Le nombre de personnes âgées atteintes de cancer ne cesse de s’accroître : il faut en prendre acte et agir en conséquence. Plusieurs maladies se côtoient chez ces patients qui, souvent, ne peuvent tolérer la dose complète des agents chimiothérapeutiques. Aussi doit-on s’employer à mettre au point des traitements moins toxiques. Les personnes qui souffrent du myélome multiple ne font pas exception.

Les congressistes ont découvert de nouveaux traitements immunomodulateurs prometteurs, que l’on peut adjoindre en toute innocuité à la chimiothérapie classique. On leur a notamment présenté les résultats d’un essai clinique sur l’efficacité et l’innocuité du bortézomib, inhibiteur du protéasome, à titre de composante du traitement de premier recours chez les personnes âgées ne pouvant subir d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Enfin, ils ont appris que l’ajout de thalidomide et, en particulier, de lénalidomide oral, à la chimiothérapie classique pouvait améliorer la réponse dans le myélome multiple.

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