Comptes rendus

Maladies inflammatoires de l’intestin : cicatrisation de la muqueuse et paradigme thérapeutique
Regard sur la substitution d’antipsychotique

Maladies inflammatoires de l’intestin : optimisation de l’adhésion au traitement et des résultats

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La Semaine canadienne des maladies digestives

Toronto (Ontario) / 27 février – 2 mars 2010

Le syntagme «maladie inflammatoire de l’intestin» (MII) englobe la colite ulcéreuse (CU) et la maladie de Crohn (MC). Ces deux maladies chroniques au cours imprévisible sont ponctuées de poussées et de rémissions. Lors d’une poussée aiguë de l’une ou l’autre MII, les objectifs immédiats du traitement sont de venir à bout rapidement des symptômes afin d’améliorer la qualité de vie et d’induire une rémission, puis de la maintenir à long terme.

La mésalamine (aussi appelée acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA) demeure la pierre angulaire du traitement de première intention dans la CU légère ou modérée. Non modifiée, elle est rapidement absorbée au niveau du tube digestif proximal, ce qui limite sa disponibilité pour la muqueuse colique. La mise au point de la sulfasalazine visait à lier l’ingrédient actif, le 5-ASA, à une molécule transporteuse, la sulfapyridine, pour en prévenir la dégradation. En raison de la toxicité proportionnelle à la dose souvent associée au groupement sulfapyridine, le fractionnement des doses est devenu incontournable. Depuis, cependant, on a mis au point de nouvelles préparations de mésalamine orale sans sulfapyridine; on utilise plutôt de nouvelles technologies comme le revêtement Eudragit à libération retardée pour que l’ingrédient actif soit libéré en différents points du tube digestif. Néanmoins, comme le fractionnement des doses était bien accepté, on a tout simplement continué d’administrer le traitement en doses fractionnées, tant en recherche clinique que dans la pratique.

Depuis peu, on s’intéresse de plus en plus à diverses préparations orales de mésalamine qui s’administrent une fois par jour. Dans le cadre d’un essai clinique, des chercheurs se sont penchés sur deux posologies de mésalamine MMX, préparation utilisant un système de libération multi-matrice, l’une uniquotidienne, l’autre biquotidienne, dans le traitement de la CU légère ou modérée, et ont constaté qu’elles étaient toutes deux efficaces pour induire une rémission (Clin Gastroenterol Hepatol 2007;5[1]:95-102). Reste toutefois à déterminer si d’autres préparations orales de 5-ASA peuvent aussi s’administrer une ou deux fois par jour. Lors d’une étude visant à évaluer les paramètres pharmacocinétiques dans le plasma, des chercheurs n’ont remarqué aucune différence apparente entre la préparation MMX et la préparation Eudragit-S quant à la libération de l’ingrédient actif après l’administration une fois par jour. L’étape suivante était d’évaluer l’efficacité de cette préparation administrée une fois par jour dans le cadre d’un essai clinique rigoureux.

Résultats de l’essai QDIEM

L’essai QDIEM (QD Dosing Investigation for Efficacy in UC Maintenance) est le plus vaste essai prospectif jamais réalisé dans le domaine des MII. Ses résultats, publiés dernièrement dans Gastroenterology, ont été présentés à Toronto dans le cadre de la Semaine canadienne des maladies digestives de 2010.

L’essai QDIEM avait pour objectif d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la mésalamine à libération retardée (préparation Eudragit-S) en une ou deux prises par jour pour le maintien de la rémission dans la CU. L’analyse principale de l’efficacité avait été conçue pour que l’on puisse déterminer que la préparation administrée une fois par jour était non inférieure à la préparation administrée deux fois par jour pour le maintien de la rémission clinique après six mois. Les patients randomisés (n=1023), dont la CU légère ou modérée était en rémission clinique depuis au moins trois mois, recevaient une dose stable de mésalamine variant entre 1,6 et 2,4 g/jour.

Après six mois, la rémission clinique se maintenait chez 90,5 % des patients du groupe 1 fois/jour, contre 91,8 % des patients du groupe 2 fois/jour (p=0,50). Après 12 mois, la rémission clinique se maintenait toujours chez 85,4 % des patients de l’un et l’autre groupe (p=0,98). Aucune différence n’a été signalée entre les deux groupes quant à l’intervalle sans rechute ou à la rémission selon les critères du patient, peu importe le moment de l’évaluation. À en juger par le score sur l’échelle MARS (Medication Adherence Report Scale), l’adhésion au traitement était très bonne dans les deux groupes, mais les patients ont indiqué qu’ils préféraient un nombre moindre de prises par jour.

Les abandons pour cause d’effets indésirables (EI) ont été peu fréquents dans les deux groupes. L’incidence des EI graves se chiffrait à 3,5 % dans le groupe 1 fois/jour vs 1,8 % dans le groupe 2 fois/jour (mais l’écart n’était pas significatif). Les chercheurs ont qualifié de «douteux» le lien entre les EI graves et le médicament, sauf chez un patient du groupe 2 fois/jour.

L’essai QDIEM renforce d’autres données montrant que l’administration une fois par jour de mésalamine à libération retardée est efficace pour le maintien de la rémission dans la CU légère ou modérée. Ce résultat pourrait être pertinent chez certains patients pour qui la fréquence d’administration influe sur l’adhésion au traitement. Cependant, l’adhésion au traitement étant un phénomène multifactoriel, la correction de la fréquence d’administration ne remédie pas forcément à une piètre observance du traitement. En fait, certaines études montrent que les posologies uniquotidienne et biquotidienne donnent lieu à des taux d’adhésion et de satisfaction comparables (Clin Gastroenterol Hepatol 2003;1:170-3; Clin Therapeutics 1984;6[5]:592-9). Étant donné que, chez les patients atteints de CU, une piètre adhésion au traitement est liée à un risque accru de rechute (Am J Med 2003;114:39-43), d’intervention chirurgicale et de cancer du côlon, il est important de discuter avec le patient de tous les facteurs pertinents et d’élaborer une solution qui lui convient personnellement.

L’ère des agents biologiques

À court terme, les objectifs du traitement – à savoir le soulagement des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie – sont les mêmes dans les formes sévères de MII ainsi que pour l’induction et le maintien de la rémission. Les immunomodulateurs ou les agents biologiques étant nécessaires à l’atteinte de ce dernier objectif, l’induction rapide et le maintien d’une rémission sans corticodépendance, avec le moins possible d’effets indésirables, demeurent les objectifs clés. Dans le cadre de la Semaine canadienne des maladies digestives, on a accordé une importance particulière à l’efficacité à long terme de quelques-uns des nouveaux inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa).

ADHERE était la prolongation ouverte de CHARM, l’essai pivot sur l’adalimumab dans le traitement de la MC. Lors de l’essai ADHERE, le traitement continu par l’adalimumab a été associé au maintien durable de la rémission. Parmi les sujets de CHARM qui étaient en rémission après un an, 83 % le sont demeurés pendant encore deux ans. Les auteurs ont aussi fait état de taux «cliniquement importants» de rémission sans corticostéroïde parmi les patients qui recevaient des corticostéroïdes au moment de leur admission à l’essai CHARM.

Dans la MC modérée ou sévère, les agents biologiques se sont avérés être un outil précieux pour l’induction et le maintien d’une rémission sans corticostéroïdes. Cependant, la perte de réponse ou l’apparition d’anticorps avec le temps demeurent une source de préoccupation. Le changement d’agent biologique peut contribuer au retour de la rémission. À cette fin, Fedorak et ses collaborateurs, investigateurs de l’essai WELCOME, ont évalué l’efficacité du certolizumab pegol chez des patients atteints de MC modérée ou sévère qui ne répondaient plus à l’infliximab ou qui avaient développé une réaction d’hypersensibilité au médicament. Lors de l’essai WELCOME, on observait une réponse clinique chez 38,3 % des patients de la cohorte après 26 semaines, et les taux de réponse ne différaient pas selon que l’agent était administré toutes les deux semaines ou toutes les quatre semaines. La présence d’anticorps au départ n’a pas eu d’effet sur les taux de réponse précoce. Si certains affirment qu’il n’y a pas de réaction croisée entre le certolizumab ou l’adalimumab et les anticorps contre l’infliximab, la question demeure controversée dans la littérature. On continue d’évaluer diverses séquences d’administration des anti-TNFa dans l’éventualité d’un échec du traitement de première intention.

Controverse au sujet des MII modérées

L’une des grandes difficultés de la pratique clinique est la prise en charge des patients atteints d’une MII chez qui un agent biologique n’est pas clairement indiqué d’emblée (stratégie de puissance dégressive), mais chez qui les traitements de première intention échouent. Panaccione et ses collaborateurs ont proposé un algorithme de traitement chronologique pour le traitement de la MC et de la CU modérées (Aliment Pharmacol Ther 2008;28:674-88) en vertu duquel le changement de traitement repose principalement sur le délai de réponse après prise en compte de la sévérité de la maladie. Ainsi, si le 5-ASA est l’option à considérer dans le traitement de première intention de la CU légère ou modérée, on peut envisager le budésonide ou des antibiotiques dans le traitement de la MC légère ou modérée. Un traitement plus énergique peut être envisagé à défaut d’une maîtrise appropriée ou dans l’éventualité de récidives fréquentes. En présence d’une MII modérée ou sévère, l’administration d’un agent biologique devrait être envisagée immédiatement après l’essai de corticostéroïdes systémiques et d’immunomodulateurs pendant un intervalle de durée limitée.

L’expression de la maladie étant variable, il demeure difficile de définir des critères stricts qui dictent l’intensification du traitement, mais les objectifs du traitement – à savoir, la cicatrisation rapide de la muqueuse, une rémission durable et l’absence de corticodépendance – valent pour tous les agents administrés.

Résumé

La mise au point des préparations de 5-ASA à libération retardée est une étape clé vers la maîtrise de la CU légère ou modérée et la rémission. Selon de nouvelles données, la maladie peut demeurer maîtrisée pendant au moins deux ans chez les patients qui répondent à ces préparations administrées une fois par jour. À mesure que la CU et la MC s’aggravent, on doit avoir recours à des traitements plus intensifs, mais l’objectif demeure le même, à savoir le soulagement rapide des symptômes suivi de longues périodes de quiescence de la maladie. Le besoin fréquent de corticostéroïdes pour réprimer les poussées aiguës indique que le patient a besoin d’un traitement plus puissant. Cela dit, au vu de l’arsenal thérapeutique élargi actuellement à leur disposition, les médecins devraient pouvoir induire et faire durer la rémission chez la grande majorité de leurs patients souffrant d’une MII.

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