Comptes rendus

Maladies inflammatoires de l’intestin : optimisation de l’adhésion au traitement et des résultats
La relation patient-médecin dans le traitement de l’infection à VIH : le dialogue joue un rôle clé

Regard sur la substitution d’antipsychotique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

OPTIONS MÉDICALES - Psychiatrie

Février 2010

STRATÉGIES DE SUBSTITUTION D’ANTIPSYCHOTIQUE : CONSIDÉRATIONS PRATIQUES

Commentaire éditorial :

Roger S. McIntyre, MD, FRCPC

Directeur, Unité de psychopharmacologie des troubles de l’humeur, University Health Network, Professeur agrégé de psychiatrie et de pharmacologie, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Dans la prise en charge des troubles psychiatriques, les objectifs thérapeutiques sont de plus en plus précis, et on accorde une importance croissante au rétablissement fonctionnel. Au-delà du soulagement complet des symptômes et du rétablissement fonctionnel, cliniciens et patients aspirent à une meilleure qualité de vie et à un sentiment de bienêtre. L’absence d’un trouble psychiatrique n’équivaut pas à la présence d’une bonne santé. De plus en plus, donc, on évalue la qualité de vie et les paramètres dits «humains», tant dans les essais cliniques visant à évaluer l’efficacité que dans les essais cliniques réalisés en conditions réelles. Ce recentrage découle en partie du fait que, dans les troubles mentaux, les résultats subjectifs ont autant d’importance que les résultats objectifs. Si les antipsychotiques constituent la pierre angulaire du traitement de la schizophrénie, ils sont aussi de bonnes solutions de rechange dans le traitement à court terme et le traitement d’entretien du trouble bipolaire. Par ailleurs, les antipsychotiques atypiques représentent un progrès par rapport aux antipsychotiques classiques quant à l’acceptabilité et à la tolérabilité.

Malgré ces progrès, les symptômes ou le syndrome persistent chez un grand nombre de patients sous antipsychotique, et nombreux sont ceux qui ne parviennent pas au rétablissement fonctionnel. D’autres patients encore sont incapables de tolérer les antipsychotiques en raison de leurs effets indésirables ou ne devraient pas les prendre en raison de risques appréciables pour la santé (p. ex., anomalies métaboliques). Pour toutes ces raisons, les médecins doivent souvent changer l’antipsychotique que prend le patient. Le traitement – que l’on évalue à l’aide de méthodes paramétriques – doit reposer sur des preuves et être le fruit d’une collaboration. À cette fin, le patient, ses proches et l’équipe soignante doivent tous participer à la décision de poursuivre le même traitement ou de changer de stratégie.

Pourquoi changer de traitement?

Plusieurs raisons expliquent que l’on doive changer de traitement, mais l’objectif ultime est d’améliorer la qualité de vie du patient. Que le trouble sous-jacent soit la schizophrénie ou le trouble bipolaire, la plupart des patients passent d’un antipsychotique atypique à un autre. Non seulement le changement d’antipsychotique est-il monnaie courante dans la prise en charge de la schizophrénie et du trouble bipolaire, mais les changements fréquents sont la règle plutôt que l’exception1. Au nombre des principales raisons de la substitution figure une efficacité sousoptimale, mais l’efficacité relative ne se limite pas au soulagement des symptômes. Au contraire, la schizophrénie et le trouble bipolaire touchent tous deux un vaste éventail de composantes psychologiques et neurologiques qui influent sur la qualité de vie, comme la fonction cognitive qui pourrait faire obstacle au rétablissement même lorsque les symptômes cardinaux du trouble sont raisonnablement bien maîtrisés. Les effets indésirables du traitement peuvent aussi nuire au bien-être du patient même s’ils ne menacent pas l’adhésion à très court terme. Lorsque l’objectif du traitement est l’autonomie du patient, son retour au travail ou l’amélioration de sa qualité de vie, le passage à un nouvel antipsychotique peut tout de même être une option séduisante pour autant que le patient soit stable et que cette mesure soit susceptible de faciliter l’atteinte des objectifs (Figure 1).

Figure 1. Objectifs d’un changement de traitement visant l’autonomie du patient


Le rôle grandissant des antipsychotiques atypiques

Les antipsychotiques atypiques sont tous regroupés dans une seule et même classe. Ils ont en commun l’indication de traitement de la schizophrénie et, dans certains cas, l’indication de traitement du trouble bipolaire. Sur les plans de la pharmacologie, de la tolérabilité et de l’efficacité, par contre, ils sont hétérogènes. Dans le traitement de la schizophrénie ou du trouble bipolaire, le choix d’un antipsychotique atypique et le moment où il est utilisé sont influencés par les données probantes qui étayent son profil ainsi que par sa tolérabilité et son innocuité, tant intrinsèques que relatives. Tous les antipsychotiques atypiques sont connus pour les précautions et les mises en garde qui les accompagnent : symptômes extrapyramidaux (SEP) aigus, somnolence, modifications de la composition corporelle/ des paramètres métaboliques, hypotension orthostatique, élévation du taux de prolactine, modifications électrocardiographiques, dyscrasie, dyskinésies tardives, et syndrome malin des neuroleptiques. Il importe toutefois de souligner que le risque de survenue de ces problèmes de tolérabilité et d’innocuité varie d’un agent à l’autre, à un point tel que si le risque est élevé dans certains cas, il sera minime, voire inexistant, dans d’autres cas.

Les antipsychotiques atypiques ne sont pas interchangeables. Ils diffèrent quant à leurs caractéristiques cliniques et quant à leur mode d’action, notamment sur certains plans potentiellement importants comme le taux d’occupation relative des récepteurs aux neurotransmetteurs2. Les différences en termes d’activité expliquent probablement les différences dans le profil d’effets indésirables et la variabilité interindividuelle de la réponse. Les distinctions cliniques entre la clozapine, le prototype et le plus ancien des antipsychotiques atypiques, et les six autres agents atypiques – la rispéridone, l’olanzapine, la quétiapine, l’aripiprazole, la ziprasidone et la palipéridone – illustrent l’absence de similitudes pharmacodynamiques. La clozapine, par exemple, est le seul agent doté d’une efficacité sans équivoque dans la schizophrénie résistante au traitement et le seul qui réduit le nombre de suicides.

L’équilibre du ratio bénéfice:risque

De multiples étude sont confirmé l’effet bénéfique d’un changement d’antipsychotique. Dans le cadre d’une étude de population conçue expressément pour confirmer la diminution des SEP chez les patients qui passaient d’un agent typique à un agent atypique dans la pratique, et non dans le cadre d’un essai clinique, la prescription d’antiparkinsoniens a chuté de 9,2 % (p<0,0001) après le changement3. En revanche, la prescription d’antiparkinsoniens a augmenté de 12,9 % (p<0,0001) après le passage d’un agent typique à un autre. Selon les données colligées de trois essais visant à évaluer le passage à la ziprasidone chez des patients dont le traitement était déjà stable, peu importe qu’ils aient reçu un agent typique ou atypique, mais qui continuaient de présenter des symptômes pénibles, on a rapporté une amélioration significative (p<0,05) de tous les principaux symptômes mesurés et de la plupart des symptômes secondaires au cours des six semaines suivant le début du traitement4.

Figure 2. Facteurs à considé
nt d’antipsychotique

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Cela dit, les risques et les bénéfices qui découlent d’un changement d’antipsychotique doivent être soupesés soigneusement en regard d’autres stratégies, surtout lorsqu’une simple modification de la dose du traitement en cours pourrait mieux soulager les symptômes ou atténuer les effets indésirables. Les risques d’un changement d’antipsychotique sont mesurables, y compris la détérioration des résultats et l’augmentation des coûts en l’absence de la réponse souhaitée5. Si, par contre, on ne change pas de traitement au moment opportun lorsque la réponse est sous-optimale, les conséquences seront également de moins bons résultats et des coûts plus élevés6. Fait important à souligner, une réponse insuffisante à un antipsychotique n’exclut pas d’emblée une réponse favorable à un autre antipsychotique7. Par ailleurs, les différences entre les agents atypiques et entre tous les antipsychotiques quant aux effets indésirables incitent le médecin à changer de traitement lorsque les effets indésirables minent la qualité de vie ou la santé globale du patient.

En dernier lieu, la nécessité éventuelle d’un traitement à vie dans la schizophrénie commande une démarche thérapeutique holistique et exige une attention particulière aux risques à long terme pour la santé. Cet aspect est devenu d’autant plus important que certains agents atypiques – mais pas tous – peuvent entraîner un gain pondéral suffisant pour causer des troubles chroniques, comme l’hypertension et l’hyperglycémie8. Le gain pondéral est déjà en soi un effet indésirable inacceptable pour de nombreux patients, mais ses conséquences sur les facteurs de risque cardiovasculaire (CV) pourraient même être une cause de décès si rien n’est fait pendant de longues périodes. De telles complications – qu’elles surviennent alors que le traitement n’apporte qu’un soulagement sous-optimal des symptômes ou qu’elles soient liées aux effets asymptomatiques du traitement comme le diabète, l’hyperlipidémie, une insuffisance rénale progressive et les troubles CV – sont peut-être difficiles à justifier lorsque d’autres traitements, possiblement d’efficacité comparable, sont à notre disposition.

Figure 3.
nomalies métaboliques diverses sur le choix d’un antipsychotique

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Réussite du changement d’antipsychotique

Un grand nombre d’études ont confirmé que la substitution d’antipsychotique pouvait améliorer le bien-être du patient. Plusieurs d’entre elles ont démontré l’avantage du passage d’un agent typique à un agent atypique, par exemple sur le plan de la qualité de vie chez des patients âgés qui sont passés à l’olanzapine ou à la rispéridone,9 tandis que d’autres études ont confirmé qu’il pouvait aussi être bénéfique de passer d’un agent atypique à un autre. Par définition, les études de substitution regroupent des patients dont les symptômes sont mal maîtrisés ou dont le traitement en cours cause des effets indésirables inacceptables, mais elles n’étayent pas forcément la supériorité d’un agent par rapport à un autre étant donné la variabilité interindividuelle de la réponse aux antipsychotiques. Par contre, ces études montrent que les patients n’ayant pas de bons résultats avec un traitement en obtiennent de meilleurs avec un autre. Ainsi, quelques études ont montré : un gain d’efficacité associé au passage d’un antipsychotique classique, de l’olanzapine ou de la rispéridone à la ziprasidone4; un gain d’efficacité associé au passage de l’olanzapine, de la rispéridone ou de la quétiapine à l’aripiprazole10; et une amélioration de la qualité de vie associée au passage de l’halopéridol à l’olanzapine, à la rispéridone ou à la clozapine11. La clozapine s’est par ailleurs révélée efficace chez un pourcentage élevé de patients atteints de schizophrénie, quel qu’ait été l’autre agent atyique qu’ils recevaient antérieurement12.

Nous disposons de données similaires lorsque la substitution est motivée par des effets indésirables. Même si la vulnérabilité à certains effets indésirables varie considérablement d’un patient à l’autre, le risque relatif de survenue d’un effet indésirable en particulier est généralement spécifique du médicament administré, contrairement à l’efficacité. Par exemple, la rispéridone est liée beaucoup plus étroitement à l’hyperprolactinémie et aux effets indésirables qui en découlent que la quétiapine et l’aripiprazole. Ces deux derniers sont plutôt connus pour diminuer la prolactinémie dans les stratégies de substitution13,14. Quant au gain pondéral et aux perturbations métaboliques connexes, ils sont surtout le propre de l’olanzapine et de la clozapine15,16.

Résumé

La substitution d’antipsychotique est une décision clinique critique, à la fois pour ses bénéfices éventuels, comme une meilleure qualité de vie pour le patient, et ses risques éventuels, comme la survenue d’autres effets indésirables sans avantage clinique notable. Les risques et les bénéfices doivent être soupesés soigneusement. Cela dit, le risque associé à l’inaction pourrait être pire que le risque associé à une tentative de substitution d’antipsychotique lorsque le patient ne parvient pas à la capacité fonctionnelle escomptée après une modification du schéma thérapeutique. Dans le cadre de la prise en charge d’une maladie chronique, le clinicien et le patient doivent tous deux aspirer au soulagement des symptômes de même qu’à une amélioration de la capacité fonctionnelle et de la qualité de vie, et le choix de l’antipsychotique atypique le mieux adapté est l’un des moyens d’y arriver.

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LES ANTIPSYCHOTIQUES ATYPIQUES, UNE FAMILLE HÉTÉROGÈNE

Commentaire éditorial :

Ric M. Procyshyn, MSc, PharmD, PhD

Chercheur clinicien en psychopharmacologie, BC Mental Health and Addictions Services, Professeur agrégé de clinique, Département de psychiatrie, Professeur auxiliaire, Division de pharmaceutique et de biopharmaceutique, Faculté de pharmacie, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

Dans les guides de pratique clinique et les algorithmes de traitement, les antipsychotiques atypiques sont considérés comme des agents de première intention dans la schizophrénie1,2,3. Cependant, comme ils sont dotés d’un large spectre d’activité, on ne les prescrit pas uniquement pour traiter et alléger les symptômes de la schizophrénie : bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui considérés comme des agents de première intention dans le traitement à court terme de la manie et de la dépression associées au trouble bipolaire I et le traitement d’entretien du trouble bipolaire4. Ces composés appartenant à une seule et même classe d’antipsychotiques (dits «atypiques»), on peut avoir l’impression qu’ils partagent de nombreuses propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques. Or, ce n’est pas tout à fait juste. Il y a, en effet, plus de différences que de similitudes entre ces agents. À titre d’exemple, le schéma de liaison aux récepteurs et les voies métaboliques varient notablement d’un antipsychotique atypique à l’autre; ces particularités (ainsi que d’autres facteurs) s’unissent pour forger l’«empreinte» du médicament, ce sceau unique auquel tiennent les différences d’efficacité et de tolérabilité entre ces agents.

Avant l’avènement des antipsychotiques atypiques, les symptômes extrapyramidaux (SEP) étaient une conséquence inéluctable (et par là-même, le gage) d’un traitement antipsychotique efficace. Les antipsychotiques de deuxième génération étant assortis d’un faible risque relatif de SEP et de dyskinésies tardives, on les a qualifiés d’«atypiques»5. Avec le temps, cependant, on a proposé plusieurs autres critères pour définir l’atypicité, dont certains ont recueilli une plus large adhésion que d’autres : 1) élévation moindre du taux de prolactine, 2) affinité plus forte envers les récepteurs 5HT<sub>2A</sub> qu’envers les récepteurs dopaminergiques de type 2 (D2) et 3) effet plus marqué sur les symptômes négatifs6,7. Cela dit, la diminution des SEP associée aux agents atypiques est généralement considérée comme un effet de classe qui distingue ces composés des antipsychotiques typiques. Mis à part les SEP, les différences pharmacologiques et cliniques entre les antipsychotiques typiques et atypiques relèvent sans doute davantage de la relativité que de l’absolu8.

Pharmacodynamie (liaison aux récepteurs)

Comme nous venons de l’évoquer, bon nombre des différences cliniques entre les antipsychotiques atypiques et les antipsychotiques typiques (sur les plans, p. ex., de l’efficacité et des effets indésirables) s’expliquent en partie par le schéma de liaison aux récepteurs. De fait, c’est après avoir constaté que tous les antipsychotiques typiques se liaient aux récepteurs D2 qu’on a émis l’hypothèse dopaminergique, selon laquelle l’hyperactivité dopaminergique dans le système mésolimbique serait fondamentale dans la physiopathologie de la schizophrénie9. La pharmacodynamie des agents atypiques ne réfute en rien cette hypothèse, puisque ces substances se fixent également (à titre d’antagonistes ou d’agonistes partiels) aux récepteurs D<sub>2</sub> 10. Cependant, ils ont aussi des effets non négligeables sur d’autres voies de neurotransmission, effets qui influent sur leur profil clinique. À ce titre, la voie la plus importante est peut-être la voie sérotoninergique (5-HT), puisqu’on a montré que le blocage des récepteurs 5-HT<sub>2A</sub> et 5-HT<sub>2C</sub> contribuait à l’efficacité antipsychotique11. En outre, la plus grande efficacité des antipsychotiques atypiques contre les troubles cognitifs et les symptômes négatifs procéderait, croit-on, du blocage des récepteurs 5-HT<sub>2A</sub> du cortex préfrontal12.

L’affinité envers certains récepteurs explique non seulement l’efficacité d’un antipsychotique, mais également ses effets indésirables. À titre d’exemple, les antipsychotiques typiques agissent en bloquant les récepteurs D<sub>2</sub> du système mésolimbique; cependant, ils ont tendance à bloquer aussi les récepteurs D<sub>2</sub> du striatum, d’où un risque accru de SEP13. Fort heureusement, le degré d’occupation des récepteurs associé à chacun de ces effets est relativement bien défini. Ainsi, une occupation de 65 à 80 % des récepteurs D<sub>2</sub> détermine un effet antipsychotique, plus précisément une atténuation des symptômes positifs. En revanche, il existe une corrélation significative entre un degré d’occupation des récepteurs D<sub>2</sub> supérieur à 80 % et un risque accru de SEP14. Si le sujet sous antipsychotique atypique est relativement à l’abri des SEP, c’est peut-être parce que ces agents ont moins d’affinité envers les récepteurs D<sub>2</sub> que les antipsychotiques typiques, certes, mais c’est peut-être également parce que leur affinité envers d’autres récepteurs (sérotoninergiques en particulier, mais aussi muscariniques, histaminiques et adrénergiques) a pour effet d’atténuer certaines manifestations indésirables liées au blocage des récepteurs D&l
du striatum15.

Tableau 1 . Schéma de liaison in vitro des antipsychotiques atypiques

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Si les schémas de fixation permettent de distinguer les agents typiques des agents atypiques sur le plan pharmacologique, ils risquent cependant d’entretenir une fausse impression de similitude entre les agents atypiques. Or, les critères qui distinguent les antipsychotiques typiques des antipsychotiques atypiques peuvent également s’appliquer aux divers agents atypiques. Ainsi, le schéma d’occupation des sous-types de récepteurs dopaminergiques et sérotoninergiques varie considérablement d’un agent atypique à l’autre (Tableau 1)5. Et il ne fait nul doute que certaines différences entre ces agents au chapitre de l’efficacité et des effets indésirables trouvent là leur explication. Lors des essais comparatifs, on n’a pas observé de différence remarquable d’efficacité entre les antipsychotiques atypiques; dans la pratique, toutefois, un fait demeure : un patient peut répondre mieux à certains agents qu’à d’autres. Ce qui veut dire qu’un patient qui répond mal à un antipsychotique atypique peut fort bien répondre favorablement à un autre. De même, un agent atypique peut provoquer des effets indésirables qui seront inexistants avec un autre agent atypique. Et le schéma de liaison aux récepteurs n’est qu’un des nombreux éléments qui déterminent les particularités de la réponse, qu’il s’agisse d’effets recherchés ou indésirables.

Pharmacocinétique (métabolisme)

La pharmacocinétique est l’étude du devenir des médicaments dans l’organisme. Plus précisément, les paramètres pharmacocinétiques rendent compte de l’absorption, de la distribution, du métabolisme et de l’excrétion du médicament ainsi que des liens entre ces processus, d’une part, et les effets thérapeutiques ou indésirables, d’autre part. Les propriétés pharmacocinétiques d’un agent (particulièrement son métabolisme) déterminent le risque d’interactions médicamenteuses. Quelques précisions s’imposent ici. Au cours du métabolisme, une enzyme ou une série d’enzymes vont transformer un composé donné en une substance plus hydrosoluble, que l’organisme aura moins de mal à éliminer. Les deux principaux processus métaboliques en cause sont l’oxydation (phase I) et la conjugaison (phase II). Le métabolisme de phase I repose sur une famille d’oxydases qui vont, par diverses réactions d’oxydation, soit modifier, soit ajouter un groupement fonctionnel. Cette superfamille, c’est le cytochrome P450 (CYP450). À ce jour, on a répertorié plus de 40 enzymes dans le CYP450 chez l’humain. L’oxydation de la plupart des médicaments relève de six de ces enzymes (1A2, 2C9, 2C19, 2D6, 2E1 et 3A4)16. On trouve ces enzymes principalement dans le foie, mais aussi, en concentrations appréciables, dans la paroi intestinale (en particulier l’isoenzyme 3A4)17. À l’instar de la plupart des psychotropes, les antipsychotiques atypiques sont des substrats de plus d’une isoenzyme du CYP450. Cependant, il y a, pour chaque antipsychotique atypique, une isoenzyme du CYP450 qui agit comme principale responsable du métabolisme : clozapine et olanzapine (CYP1A2), rispéridone (CYP2D6), palipéridone (métabolisme de phase I négligeable), quétiapine (CYP3A4), ziprasidone (CYP3A4, mais également aldéhyde-oxydase) et aripiprazole (CYP2D6 et CYP3A4)18-20.

La voie métabolique détermine le risque d’interactions médicamenteuses associé à chaque agent, lequel est fonction de l’induction ou de l’inhibition des isoenzymes du CYP450. Prenons, par exemple, un patient traité par un antipsychotique principalement métabolisé par la CYP1A2 (clozapine ou olanzapine) chez lequel vient s’ajouter un inducteur de la CYP1A2 (p. ex. cigaret te ou f luvoxamine) : le métabolisme de l’antipsychotique étant intensifié, sa concentration sérique sera plus faible. Comme ce type d’interaction médicamenteuse (induction) est causé par une augmentation graduelle du nombre d’enzymes, la conséquence clinique (soit une efficacité moindre en raison d’une baisse de la concentration sérique) peut ne se manifester qu’après deux ou trois semaines. Si, au contraire, un inhibiteur d’une isoenzyme du CYP450 est ajouté, l’effet sera immédiat. Par exemple, si un inhibiteur de la CYP2D6 (p. ex. paroxétine ou ritonavir) est ajouté à un traitement par la rispéridone ou l’aripiprazole, cette isoenzyme métabolisera moins efficacement le substrat (en l’occurrence, la rispéridone ou l’aripiprazole). En pareil cas, la concentration sérique de l’antipsychotique peut augmenter, d’où une intensification possible de l’effet pharmacologique et des effets indésirables, tels que les SEP. En ce qui concerne la palipéridone et la ziprasidone, le risque d’interactions médicamenteuses est minime. Dans le cas de la palipéridone, moins de 20 % de la substance est métabolisée lors des phases I et II, celle-ci étant principalement éliminée par les reins sous forme inchangée. Quant à la ziprasidone, elle est principalement métabolisée (aux deux tiers environ) par l’aldéhyde-oxydase, enzyme cytosolique qui n’est pas facilement saturable. Le clinicien doit connaître ces différences de métabolisme afin de prévenir les interactions médicamenteuses.

Brève description des antipsychotiques atypiques

La clozapine, prototype des antipsychotiques atypiques, est une dibenzodiazépine. Bien qu’elle ait contribué à la définition de l’atypicité en raison du faible risque de SEP auquel elle est associée (même lors d’un traitement prolongé), ce n’est pas un traitement de première intention. C’est que la clozapine peut entraîner une agranulocytose (environ 1 % par année), complication pouvant engager le pronostic vital21. Il semble que le risque d’agranulocytose soit plus élevé pendant les trois premiers mois de traitement; cependant, tous les patients sous clozapine doivent faire l’objet d’une surveillance hématologique régulière. Malgré tout, la clozapine demeure une option de choix en cas de piètre réponse à d’autres antipsychotiques22. Notons que la clozapine a également été associée au syndrome métabolique, à la myocardite et à des convulsions liées à la dose.

La rispéridone, dérivé du benzisoxazole, est le seul antipsychotique atypique offert sous forme de préparation injectable retard administrée toutes les deux semaines. Bien que la rispéridone soit associée à un risque minime de SEP à faible dose, sa grande affinité envers les récepteurs D<sub>2</sub> fait en sorte qu’à forte dose (plus de 6 mg/jour), elle peut entraîner autant de SEP que certains agents typiques23. Lors d’un essai comparatif, on a enregistré une incidence de SEP semblable chez les sujets sous rispéridone et chez les sujets sous halopéridol24. De même, la rispéridone élève le taux de prolactine. En raison de ces deux effets, l’atypicité de cette substance est parfois mise en doute. Par contre, la rispéridone fait montre d’une grande affinité envers les récepteurs 5-HT<sub>2A</sub> 14, ce qui pourrait expliquer, du moins en partie, son efficacité contre les symptômes négatifs25.

La pal ipér idone, métabol i te act i f (9-hydroxy-rispéridone) de la rispéridone, est une préparation à libération prolongée à une prise par jour. Elle est éliminée à 60 % par voie rénale sous forme inchangée, et se distingue en cela de la rispéridone. De fait, environ 20 % seulement de la substance est métabolisée lors des phases I et II de la biotransformation26. La palipéridone pourrait avoir sur la rispéridone l’avantage de l’innocuité dans la mesure où elle risque moins d’entraîner d’interactions médicamenteuses, mais son schéma de liaison aux récepteurs rappelle fortement celui de la rispéridone (Tableau 1)26.

L’olanzapine, une thiénobenzodiazépine, est elle aussi associée à un risque de SEP proportionnel à la dose27. Cela dit, l’incidence des SEP est faible pour peu qu’on s’en tienne à la posologie homologuée (5-20 mg/jour). À l’instar de la rispéridone, l’olanzapine a une forte affinité envers les récepteurs 5-HT<sub>2A</sub>. L’olanzapine suscite certaines inquiétudes, car elle a tendance à provoquer des perturbations métaboliques, notamment un gain de poids, des dyslipidémies et une insulinorésistance28. La cigarette intensifie son métabolisme, tout comme celui de la clozapine (les hydrocarbures aromatiques de la fumée de cigarette sont des inducteurs de la CYP1A2). Une augmentation de la dose d’olanzapine (et de clozapine) peut donc s’imposer chez un fumeur29. C’est une réalité dont on doit prendre acte, car environ 90 % des patients atteints de schizophrénie fument. Les cliniciens doivent toujours demander à leurs patients s’ils fument.

La quétiapine est une dibenzothiazépine très peu susceptible de causer des SEP ou d’élever le taux de prolactine, puisqu’elle n’occupe que provisoirement les récepteurs D<sub>2</sub> (dissociation rapide)30. Cette substance peut provoquer de la somnolence et une hypotension orthostatique, manifestations passagères qui résulteraient notamment de l’affinité modérée de la quétiapine envers les récepteurs histaminiques H<sub>1</sub> et alpha1-adrénergiques, respectivement7. L’un des métabolites actifs du médicament, la norquétiapine, peut, contrairement à la quétiapine, bloquer le transporteur de la noradrénaline et exercer une activité antagoniste sur les récepteurs 5HT<sub>2C</sub>, deux effets qui sous-tendent, en partie, l’efficacité de la quétiapine dans les troubles thymiques et cognitifs.

La ziprasidone est un benzisoxazole semblable à la rispéridone, à ceci près qu’elle est associée à un risque moindre de SEP et d’hyperprolactinémie31. Bien que la ziprasidone ait une forte affinité envers les récepteurs D<sub>2</sub> par rapport à d’autres agents atypiques, elle possède également une très grande affinité envers les récepteurs 5-HT<sub>2A</sub>, ce qui explique, croit-on, qu’elle soit peu susceptible de provoquer des SEP32. L’allongement de l’intervalle QTc a donné lieu à des inquiétudes initialement, mais des recherches approfondies ont montré que ces craintes étaient injustifiées33. L’un des plus grands avantages de la ziprasidone réside dans le faible risque de gain pondéral auquel elle est associée. Qui plus est, cette substance ne semble pas liée à des dyslipidémies ni à l’insulinorésistance. Afin d’être bien absorbée (biodisponibilité), la ziprasidone doit être prise avec des aliments (un repas d’au moins 500 kcal, sans égard à la teneur en lipides), deux fois par jour34.

L’aripiprazole est un dihydrocarbostyril. Comme la ziprasidone, il est peu susceptible d’entraîner un gain de poids ou des perturbations métaboliques marquées. Bien que l’aripiprazole soit le composé ayant la plus forte affinité envers les récepteurs D<sub>2</sub>, son emploi n’est associé qu’à de légers SEP. Ce paradoxe tient à l’activité agoniste partielle de l’aripiprazole sur les récepteurs D<sub>2</sub>. L’aripiprazole exerce cette activité agoniste partielle sur les récepteurs 5-HT<sub>1A</sub> également (tout comme la clozapine, la quétiapine et la ziprasidone). Lors d’un essai avec placebo de 26 semaines sur la prévention des rechutes à l’aide de l’aripiprazole, l’effet indésirable signalé le plus souvent a été l’insomnie. Les autres manifestations indésirables plus fréquentes dans le groupe aripiprazole que dans le groupe placebo ont été les tremblements, l ’acathi s ie, les vomi s sement s et les nausées35.

Résumé

L’adjectif «atypique» qualifie une vaste gamme d’antipsychotiques utilisés pour le traitement de la schizophrénie et d’autres psychoses. Cependant, le flou sémantique qui entoure ce terme peut donner au clinicien la fausse impression que ces composés sont très étroitement apparentés. Or, il n’en est rien : leurs profils pharmacodynamique et pharmacocinétique varient grandement. La grande famille des antipsychotiques atypiques est efficace dans la prise en charge des psychoses; toutefois, on a également recours à ces agents pour traiter d’autres maladies mentales tels les troubles thymiques, souvent parce qu’ils sont associés à un risque moindre d’effets indésirables que les composés plus anciens. Vu les différences indéniables entre les agents atypiques, le clinicien devrait envisager l’essai d’un autre antipsychotique atypique si celui qu’il a prescrit amène une réponse clinique sousoptimale ou n’est pas bien toléré.

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35. Pigott et al. Aripiprazole for the prevention of relapse in stabilized patients with chronic schizophrenia: A placebo-controlled 26-week study. J Clin Psychiatry 2003;654(9):1048-56.

CHANGEMENT D’ANTIPSYCHOTIQUE : DES STRATÉGIES BIEN PENSÉES

Commentaire éditorial :

Christoph U. Correll, MD

Directeur médical, Programme de reconnaissance et de prévention, Directeur, Service d’évaluation et de prévention des effets indésirables, Advanced Center for Intervention and Services Research, The Zucker Hillside Hospital, Center for Translational Psychiatry, The Feinstein Institute for Medical Research, North Shore-Long Island Jewish Health System, Professeur agrégé de psychiatrie et de sciences du comportement, Albert Einstein College of Medicine, Bronx, New York

L’efficacité d’un antipsychotique, qu’il soit prescrit dans la schizophrénie ou le trouble bipolaire, passe d’abord et avant tout par l’adhésion au traitement, mais celle-ci sera improbable si le patient est insatisfait de son traitement pour cause d’inefficacité ou d’effets indésirables. Lors de l’étude CATIE, 74 % des patients ont cessé de prendre leur antipsychotique sur une période de 18 mois en raison d’un manque d’efficacité, d’effets indésirables ou d’une décision personnelle, motivée selon toute vraisemblance par une insatisfaction quelconque1. Le manque d’efficacité ou les effets indésirables ne sont toutefois pas les seules raisons pouvant conduire à un changement de traitement; par exemple, un patient peut rechercher une posologie plus commode. Quoi qu’il en soit, le clinicien peut puiser dans une vaste gamme d’antipsychotiques afin d’améliorer la capacité fonctionnelle et la qualité de vie de ses patients grâce à la maîtrise des symptômes et à l’absence relative d’effets indésirables.

À moins d’un échec thérapeutique patent, les médecins se font tirer l’oreille lorsque vient le temps de changer d’antipsychotique2. En effet, ils craignent, entre autres choses, que la transition soit difficile et que le nouveau traitement ne soit pas plus efficace que l’ancien3,4. Soulignons ici qu’aucun antipsychotique n’est complètement exempt d’effets indésirables5 : il n’est donc pas impossible que les doléances du patient cèdent la place à d’autres, tout simplement. Cela dit, il est vrai que les risques et les avantages des antipsychotiques diffèrent notablement d’un patient à l’autre. Grâce à une documentation de plus en plus riche, le clinicien peut aujourd’hui procéder à des substitutions thérapeutiques en s’appuyant sur des arguments rationnels. Il peut se renseigner notamment sur les facteurs à considérer lors d’un changement de traitement et sur les mesures à prendre pour faciliter la transition. Lorsqu’un traitement ne donne pas satisfaction au patient pour quelque raison que ce soit, une substitution avec visées réalistes et préparation minutieuse de la transition peut améliorer le sort du patient, ne serait-ce qu’en raison d’une observance plus rigoureuse.

Y a-t-il d’autres solutions?

Un médicament peut difficilement agir si le patient ne le prend pas. Les causes de l’inobservance sont multiples : un patient abandonnera son traitement parce qu’il le juge inefficace, tandis qu’un autre trouvera les effets indésirables inacceptables.6 Le gain pondéral est un bon exemple (chez les femmes, surtout) d’effet indésirable qui peut nuire à l’adhésion au traitement, même si la prise de poids est minime. Il se peut d’ailleurs que le patient n’évoque pas d’emblée cette manifestation indésirable comme cause d’inobservance si on ne lui pose pas directement la question. Cela vaut également pour les dysfonctions sexuelles. Par ailleurs, certaines personnes se préoccuperont, éventuellement avec raison, des conséquences à long terme d’un gain de poids excessif. Chose certaine, ce n’est qu’en faisant toute la lumière sur les causes de l’inobservance que l’on peut espérer en arriver à une solution de rechange rationnelle. Bien sûr, le clinicien ou le patient peut décider de changer de traitement en raison d’une maîtrise déficiente des symptômes ou de la survenue d’effets indésirables, et ce, sans qu’il y ait nécessairement un problème d’observance. Cela dit, l’inobservance est une épée de Damoclès qui devrait inciter le clinicien – davantage, peut-être, que toute autre motivation – à s’enquérir régulièrement du degré de satisfaction de son patient à l’égard du traitement et à envisager le recours à un autre médicament lorsqu’il perçoit du mécontentement.

L’individualisation des soins est un thème récurrent en médecine, mais il existe peu de domaines où ce concept est plus pertinent que dans le traitement de la schizophrénie ou du trouble bipolaire par des antipsychotiques. Lorsqu’un schéma thérapeutique ne donne pas les résultats escomptés, le changement de traitement constitue peut-être la meilleure solution, mais ce n’est forcément la seule3. Fait à noter, la réponse à une dose donnée semble varier considérablement d’un patient à l’autre, et cela est vrai tant sur le plan de l’efficacité que sur celui des effets indésirables. En d’autres termes, si les symptômes ne sont pas suffisamment atténués, peutêtre serait-il sage d’envisager une simple augmentation de la dose avant d’opter pour un nouvel agent. Si, au contraire, ce sont les effets indésirables qui posent problème, une baisse de la dose pourrait les éliminer ou en diminuer l’intensité. Toute médaille ayant son revers, en augmentant la dose, on risque d’intensifier les effets indésirables jusqu’à un degré éventuellement inacceptable, tandis qu’en la réduisant, on risque d’intensifier les symptômes. C’est pourquoi on ne doit pas, bien que l’ajustement posologique soit plus simple que le changement d’antipsychotique, modifier la dose sans informer le patient de ces risques et surveiller de près les effets de la nouvelle posologie.

Par ailleurs, en cas d’effets indésirables incommodants ou mettant l’observance en péril, on peut faire l’essai d’un traitement d’appoint avant de changer d’agent. À titre d’exemple, les anticholinergiques peuvent atténuer les symptômes extrapyramidaux, alors que l’exercice et un changement d’alimentation peuvent limiter le gain de poids. Il va sans dire que le clinicien devra se demander si ces mesures d’appoint ne risquent pas, en compliquant davantage les choses, de favoriser l’inobservance. Toutefois, si on explique bien au patient les solutions susceptibles d’améliorer son bienêtre et sa qualité de vie, peut-être sera-t-il disposé à les envisager avant un changement d’antipsychotique. Au fond, personne n’est mieux placé que lui pour évaluer la satisfaction à l’égard du traitement et pour vous orienter vers la solution de rechange qui lui convient le mieux : traitement d’appoint, changement de traitement ou modification des habitudes de vie.

Aux sources de l’inobservance

Les essais cliniques comparatifs, il importe de le souligner, sont des indicateurs plus ou moins fiables d’efficacité et d’adhésion à des posologies données. Certes, ils peuvent fournir une approximation de l’index thérapeutique, mais il ne faut pas oublier que l’observance est généralement beaucoup plus rigoureuse lors d’un essai clinique qu’en dehors de ce cadre. Qui plus est, les essais cliniques sont souvent menés chez des patients ayant peu ou pas d’affections concomitantes, ou alors les personnes atteintes d’une maladie sévère ou réfractaire au traitement en sont exclues. Dans bon nombre d’essais comparatifs, le traitement actif est assorti d’un taux d’efficacité élevé sur une longue période; pourtant, les études menées en situation réelle donnent plutôt à penser que la majorité des patients cessent de prendre leur antipsychotique initial au cours de la première année de traitement1. La connaissance des nombreux écueils cliniques à l’origine de ce taux d’abandon élevé – qui vont d’une maîtrise déficiente des symptômes aux div
nce – peut aider le clinicien à déterminer s’il doit modifier la dose ou prescrire un autre antipsychotique.

Tableau 1 . Prédicteurs de l’abandon précoce

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Choix de l’agent de remplacement

Lorsque le traitement en cours ne donne pas satisfaction, que ce soit en raison de la persistance des symptômes ou de la survenue d’effets indésirables inacceptables, le clinicien doit analyser des variables diverses en vue de mieux choisir le traitement suivant. Les effets des antipsychotiques antérieurs, notamment la réponse et la tolérabilité, sont de première importance. Bien que la pertinence du profil de liaison aux récepteurs dopaminergiques et sérotoninergiques comme critère de sélection d’un antipsychotique n’ait pas été démontrée, la prescription d’un agent doté d’un profil de fixation différent de celui du médicament précédent est raisonnable lorsque le changement de traitement est motivé par un manque d’efficacité. De même, si le changement s’impose principalement en raison d’un effet indésirable donné, par exemple le gain pondéral ou la somnolence, on se tournera vers les agents peu susceptibles de provoquer la manifestation que le patient souhaite éviter.

Parlons un peu, si vous le voulez bien, des attentes du patient. Le passage à un nouveau traitement est parfois ardu; lorsqu’on opte pour un changement de médicament, le patient doit, dans la mesure du possible, être partie prenante à la décision et participer activement à l’évaluation du nouveau traitement. Car la réussite de la démarche peut dépendre entièrement du contexte situationnel, notamment du soutien dont bénéficie le patient, de ses antécédents en matière d’observance et de son désir de faire l’essai d’un autre agent. Et il ne faut pas sous-estimer l’importance des détails praticopratiques : l’obligation de prendre deux ou trois doses par jour peut mettre en échec un traitement autrement efficace chez un patient ayant de la difficulté à composer avec un schéma thérapeutique complexe.

Changement de traitement : examen des stratégies possibles

Vous avez finalement opté pour un changement d’antipsychotique. Plusieurs stratégies s’offrent à vous, chacune ayant ses bons et ses mauvais côtés7. Le choix de la méthode est fonction des éléments suivants : objectifs visés, agents en cause et particularités du patient. Le changement pour cause d’inefficacité se passe d’explications : en cas de maîtrise déficiente des symptômes, le choix d’une autre stratégie thérapeutique s’impose incontestablement, et le traitement de rechange devrait, selon toute vraisemblance, avoir des effets favorables. Les essais cliniques comparatifs portent à croire que dans l’absolu, aucun des antipsychotiques homologués ne se distingue nettement sur le plan de l’efficacité (à l’exception de la clozapine dans les cas réfractaires). Cependant, ces médicaments forment une famille hétérogène; étant donné la variabilité appréciable de la réponse d’un patient à l’autre, il est tout à fait possible qu’un patient réponde mal à un antipsychotique, mais favorablement à un autre.

Lorsque le changement est motivé par un manque de tolérabilité, l’étendue du problème a son importance, dans la mesure où aucun antipsychotique n’est totalement dépourvu d’effets indésirables. Selon un groupe d’auteurs, le clinicien qui envisage un changement d’antipsychotique devrait, afin de réduire le risque d’effets indésirables, suivre les six étapes que voici8 : déterminer, avec un degré de certitude raisonnable, que l’effet indésirable est bel et bien causé par le traitement antipsychotique; confirmer que l’effet est susceptible de se maintenir à une intensité inacceptable en cas de poursuite du traitement; envisager d’autres solutions que le changement de traitement pour composer avec l’effet indésirable; évaluer la probabilité qu’un autre antipsychotique soit moins susceptible de provoquer l’effet indésirable; évaluer le risque de survenue d’autres effets indésirables advenant un changement de traitement; et, dernière étape, évaluer l’efficacité probable du traitement de rechange.

Certaines stratégies de changement sont la simplicité même, alors que d’autres sont plutôt complexes. La moins compliquée de toutes est la substitution pure et simple : le patient remplace son ancien antipsychotique par le nouveau, sans dégression ni progression posologique. On entreprend ce nouveau traitement à une posologie située dans la zone thérapeutique en espérant qu’il sera aussi, voire plus, approprié que l’ancien traitement. Si elle est parfois indiquée, en particulier lorsqu’il y a urgence, cette façon de faire n’est pas monnaie courante. La plupart du temps, le clinicien doit ménager une transition afin d’assurer la maîtrise des symptômes et de réduire au minimum le risque d’effets indésirables.

En règle générale, la démarche prudente consiste à diminuer graduellement la dose de l’ancien médicament tout en augmentant lentement celle du nouvel agent. Il existe toutefois des variantes sur ce thème. À titre d’exemple, on peut opter pour l’ajustement posologique «en miroir» de sorte que le patient soit déjà parvenu à une pleine dose thérapeutique du nouvel agent au moment où il sera complètement sevré de l’agent précédent7. Autre possibilité : la technique du «double plateau», éventuellement plus intéressante lorsqu’un relâchement dans la maîtrise des symptômes risque d’avoir de fâcheuses conséquences. Ici, on ne commence à réduire la dose de l’ancien antipsychotique que lorsqu’on a atteint la pleine dose thérapeutique du nouvel agent. Pendant un certain moment, avant le début de la dégression posologique, le patient reçoit donc une pleine dose thérapeutique des deux agents (Figure 1). Pour que le patient tire pleinement parti de cette substitution avec chevauchement complet, les deux antipsychotiques
enter des profils d’effets indésirables très différents de sorte à éviter le phénomène de rebond et les manifestations indésirables additives.

Figure 1. Stratégies de substitution d’antipsychotiques

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Toutefois, quelle que soit la stratégie choisie, on doit composer avec les différences d’index thérapeutique d’un patient à l’autre. Ainsi, on peut ne vouloir abaisser la dose de l’ancien antipsychotique sous le seuil d’efficacité que lorsque les symptômes seront pleinement maîtrisés par le nouvel antipsychotique; seulement, voilà : la dose efficace n’est pas nécessairement la même chez tous les patients. C’est pourquoi on doit surveiller de près les patients pendant la période de transition pour s’assurer de la maîtrise constante des symptômes et rectifier le tir, au besoin, en cas d’effets indésirables. À noter que la demi-vie peut orienter l’ajustement posologique. Ainsi, des augmentations de dose quotidiennes peuvent être indiquées si le médicament a une demi-vie relativement brève, ce qui est le cas de la ziprasidone et de la quétiapine. Par contre, si l’agent a une durée d’action plus longue (p.
on peut avoir intérêt à espacer davantage les hausses, surtout après l’atteinte de la limite inférieure de la zone thérapeutique, afin de laisser aux effets indésirables le temps de se manifester.

Tableau 2. Préparations et teneurs disponibles

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Étant donné la vaste gamme d’antipsychotiques sur le marché , l’hétérogénéité de cette famille de médicaments et les besoins particuliers de chaque patient, il n’existe pas de stratégie de remplacement universelle. Aucune différence nette entre la substitution brutale et graduelle n’est ressortie d’une méta-analyse portant sur les stratégies de remplacement des antipsychotiques atypiques9. Précisons toutefois que tous les essais inclus dans cette méta-analyse avaient été menés chez des patients hospitalisés; en outre, les médicaments de secours étaient autorisés et accessibles. Il demeure donc raisonnable de s’interroger sur l’instabilité clinique que peut entraîner une substitution brutale. La substitution avec double plateau, démarche la plus prudente, est la stratégie qui risque le moins de conduire à un dérapage des symptômes et, peut-être, la plus susceptible d’assurer une transition en douceur. Elle est particulièrement indiquée lorsque les deux antipsychotiques en cause sont assez bien tolérés et possèdent des profils d’effets indésirables différents. S’il est possible de porter rapidement la posologie du nouvel agent à la dose thérapeutique, la période de chevauchement des deux traitements sera relativement brève.

Résumé

Il existe de nombreux traitements médicamenteux contre la schizophrénie et le trouble bipolaire. La réponse à ces divers traitements et la tolérabilité de ceux-ci variant notablement d’un patient à l’autre, il faut choisir avec soin la stratégie qui, chez un patient donné, va améliorer la qualité de vie ou la maintenir à un niveau acceptable. Le traitement choisi devra accroître la capacité fonctionnelle du patient grâce à une maîtrise plus étendue des symptômes et à une amélioration de la fonction cognitive, d’une part, ainsi qu’à un risque moindre de somnolence et de symptômes extrapyramidaux, d’autre part. Le clinicien doit également prendre en considération les risques à long terme que pose le traitement pour la santé; nous pensons notamment au gain pondéral, aux dyslipidémies et à l’hyperglycémie. L’atteinte de ces objectifs en vue d’une prise en charge optimale nécessite souvent des changements d’antipsychotiques. Dans la mesure où elles sont assorties de visées thérapeutiques explicites et où le clinicien soupèse avec soin leurs avantages et leurs risques, ces substitutions peuvent améliorer véritablement les résultats cliniques.

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CONSIDÉRATIONS THÉRAPEUTIQUES POUR LA PÉRIODE DE TRANSITION CHEZ LE PATIENT AMBULATOIRE

Commentaire éditorial :

David Bloom, MD, FRCPC

Directeur médical, Programme de déficience intellectuelle avec comorbidité psychiatrique, Directeur médical, Programme des troubles psychotiques, Institut universitaire en santé mentale Douglas, Professeur adjoint de psychiatrie, Université McGill, Montréal (Québec)

Dans les meilleures conditions, les patients atteints de schizophrénie ou de trouble bipolaire peuvent escompter une maîtrise symptomatique suffisante pour recouvrer en bonne partie la capacité fonctionnelle qu’ils avaient avant la maladie. Les effets indésirables sont certes monnaie courante, mais peuvent être légers et acceptables. En revanche, dans les cas de symptômes ou d’effets indésirables persistants, toute la difficulté est de déterminer si on peut améliorer la qualité de vie (QdV) en changeant de traitement. S’il n’existe pas de moyen objectif de le prédire, on peut vraisemblablement attendre un bénéfice de cette stratégie compte tenu de la variété des caractéristiques, et notamment des modes d’action, des agents à notre disposition. Plusieurs considérations doivent néanmoins présider au choix du traitement.

Une substitution serait-elle cliniquement bénéfique? La question peut être soulevée par quiconque se préoccupe du bien-être du patient, y compris lui-même, la famille ou l’équipe de soins. Souvent, on cherche simplement une meilleure maîtrise des symptômes. Toutefois, dans la schizophrénie, cette maîtrise est une notion relative, qui s’étend de la suppression d’hallucinations marquées à un retour à une activité professionnelle ou à un fonctionnement normal dans les tâches quotidiennes. De même, on peut juger efficace un traitement du trouble bipolaire qui prévient une alternance rapide des cycles, mais, chez nombre de patients, il serait réaliste de viser un rétablissement plus complet, qui inclut une totale autonomie fonctionnelle dans les activités quotidiennes. En somme, il s’agit peut-être de trouver un traitement qui ne fait pas que maîtriser les symptômes du patient mais qui lui permet de vivre sa vie. Chez de nombreux patients, un traitement optimal au moyen des agents actuels peut apporter une plus grande autonomie et une meilleure QdV.

Tolérabilité : primauté de la perspective du patient

La réduction des effets indésirables est un autre motif fréquent de la substitution d’ antipsychotique qui a aussi des répercussions indirectes sur l’issue à long terme (Tableau 1). Définir un équilibre acceptable entre l’efficacité et la tolérabilité est subjectif et dépend avant tout du patient, car c’est lui, en définitive, le meilleur juge des effets indésirables qu’il vaut la peine de tolérer en échange d’une maîtrise suffisante des symptômes. La rupture de cet équilibre compromet classiquement l’observance et expose de ce fait à l’échec du traitement. S’il est toujours opportun que le médecin et le patient s’entendent sur un schéma de traitement, la sensibilité aux préoccupations du patient quant aux effets indésirables est sans doute l’un des pivots d’une alliance réussie. La tolérabilité est relative. Même si on doit parfois éduquer le patient sur la nécessité d’accepter certains effets indésirables en contrepart
hé, un effet indésirable n’est mineur que dans la subjectivité du patient, ce qui justifie de considérer une substitution dès lors que la QdV est altérée d’une manière persistante et substantielle.

Tableau 1. Facteurs morbides et symptomatiques à considérer dans la décision de traitement*

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Prise en compte des bénéfices et des risques à long terme

La décision de substitution peut émaner du médecin, notamment lorsqu’elle est dictée par des anomalies des paramètres métaboliques, fonctionnels hépatiques ou hématologiques qui remettent en cause l’innocuité relative de l’antipsychotique. Certes, les inquiétudes des patients concernant le gain pondéral associé au médicament — qui précède d’ailleurs souvent les perturbations métaboliques comme l’hyperlipidémie et l’hyperglycémie — peuvent aussi jouer, mais les anomalies des constantes biologiques1, même en l’absence de symptômes, sont une importante raison d’envisager une substitution. Cette dernière n’est pas nécessairement la seule option. Par exemple, une perte pondérale associée à une augmentation de l’exercice peut renverser les modifications métaboliques apparues avec des antipsychotiques dont le profil métabolique est défavorable2. Néanmoins, à long terme, une hyperlipidémie persistante expose entre autres aux maladies cardiovasculaires3, et l’hyperprolactinémie, à l’ostéoporose et à certaines formes de cancer4, de sorte qu’un changement d’agent peut être justifié même lorsqu’il y a maîtrise des symptômes de schizophrénie.

Si le traitement actuel n’offre pas une maîtrise suffisante des symptômes, surtout lorsque ces symptômes mettent le patient ou les autres en danger, un changement d’agent va de soi. Toutefois, dans le contexte de patients ambulatoires relativement stables, la substitution doit être entreprise sous réserve d’une évaluation rigoureuse des bénéfices et des désavantages éventuels. Cette démarche doit être discutée avec le patient et les personnes qui seront touchées par le changement de traitement, en particulier celles qui pourraient être appelées à fournir un soutien durant la période de transition. Lorsque des membres de la famille ou de l’entourage d’un patient adulte, comme un colocataire, sont engagés dans la démarche, il est préférable d’obtenir le consentement du patient. Cela dit, il peut être opportun de déroger à la confidentialité en cas de refus de consentement sans motif raisonnable pour les personnes qui doivent être mises au courant d’un changement possible du cours évolutif de la maladie, y compris celles qui vivent avec le patient.

Dans la réflexion sur la substitution, il est essentiel de s’assurer que les attentes sont réalistes. Même si les essais cliniques nous éclairent sur les probabilités de réponse et les taux d’effets indésirables particuliers associés aux différents antipsychotiques sur le marché, la réponse et la tolérabilité individuelles restent en partie imprévisibles. Le risque à courir n’est pas seulement de ne rien gagner mais également de reculer au chapitre de la maîtrise des symptômes ou de la tolérabilité. Ces risques ne doivent pas décourager les patients de rechercher à travers ce moyen une meilleure QdV; cela dit, une formulation claire des objectifs s’impose (Tableau 2), et le patient doit reconnaître le rôle actif qui lui revient dans l’évaluation des enjeux et la recherche de résultats optimaux.

Préparation à la période de transition

Les patients et les soignants bien informés sur la période transition ont plus de chances de surmonter les épisodes d’instabilité. Bien qu’on puisse effectuer un changement rapide de molécule, par exemple, en passant immédiatement de la rispéridone à la palipéridone, il est généralement préférable de sevrer le patient de l’agent initial de façon à réduire le risque de rechute si le nouvel agent s’avère inefficace. Dans bien des cas, il est approprié de ne commencer le retrait graduel de l’ancien agent qu’une fois atteinte la dose thérapeutique complète du nouvel agent. Comm
certains agents, en particulier la clozapine, peut provoquer un rebond, une transition d’au moins une semaine est recommandée chez la plupart des patients. Une substitution plus lente sera d’autant plus justifiée que le patient reçoit depuis longtemps l’ancien médicament.

Tableau 2. Préparation du patient à la période de transition

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Avec les antipsychotiques de deuxième génération les mieux tolérés, il est généralement possible d’augmenter la dose rapidement; cependant, même quand on atteint une dose thérapeutique, il faut parfois un mois ou plus avant qu’on puisse évaluer pleinement les bénéfiques et les risques du nouveau traitement, le temps que le patient s’y accoutume. Durant cette transition, il s’impose de suivre les patients de près et de resserrer progressivement la surveillance en présence d’antécédents de symptômes sévères. Un professionnel de la santé en mesure d’évaluer l’efficacité et la tolérabilité du traitement doit prendre contact avec le patient au moins toutes les deux semaines; de plus, le patient et les soignants doivent disposer d’un numéro d’urgence. Encore une fois, les patients parfaitement informés des effets indésirables possibles du nouveau médicament seront davantage en mesure de passer au travers de la transition et d’évaluer les bénéfices relatifs de la substitution.

L’objectif du traitement de la schizophrénie est le rétablissement, une cible différente de la rémission. Si la rémission complète est rare dans la schizophrénie, le rétablissement désigne ici la capacité relative du patient de redevenir l’individu qu’il était avant la maladie. Les traitements actuels conduisent rarement à une rémission, mais permettent indéniablement aux patients de faire des gains importants sur le plan de l’autonomie et du sentiment de maîtrise de leur maladie. C’est souvent pour s’approcher de cet objectif que le médecin, le patient ou les soignants songent à une substitution. Au cours d’une vie, on peut en venir à changer plusieurs fois de médicament et même revenir à un ancien agent, une stratégie qui peut être viable, afin d’améliorer la QdV. Si l’on ne doit pas décourager les patients de cette quête, il est essentiel qu’elle soit l’objet d’une démarche systématique afin de s’assurer qu’elle repose sur des attentes réalistes.

Prise en charge des effets indésirables : stratégies pour une substitution réussie

Pour nombre de médicaments, c’est souvent au début du traitement que le risque d’effets indésirables culmine, son importance déclinant ensuite à mesure que le patient s’habitue au nouvel agent. Bien qu’on ne puisse pas prédire quels effets indésirables vont persister ou s’aggraver avec la poursuite du traitement, on doit rassurer le patient pendant cette transition et lui fournir des soins de soutien. Par exemple, l’ajout d’une benzodiazépine ou d’un antiépileptique comme l’acide valproïque peut aider à atténuer l’agitation ou l’agressivité durant cette période5. Le patient pourrait trouver utile de tenir un journal de ses effets indésirables de manière à discerner ceux qui persistent et à noter leur évolution au fil des semaines. Il pourrait ainsi se sentir plus en contrôle durant cette période de turbulences. Étant donné qu’aucun médicament n’est totalement exempt d’effets indésirables, il est important de toujours faire un essai adéquat du nouveau traitement. Si le patient reçoit le soutien approprié durant la transition, les bienfaits de la substitution pourront émerger pendant que les effets indésirables s’estompent, permettant ainsi au patient de s’habituer au nouveau traitement.

Les principales manifestations cliniques associées aux antipsychotiques sont le gain pondéral, la somnolence, les effets indésirables liés à l’hyperprolactinémie et les symptômes extrapyramidaux (SEP). Bien que leur risque de survenue respectif va
d’un patient à l’autre, des distinctions claires ont été établies qu
associé aux différents agents actuellement sur le marché. Ainsi, la rispéridone arrive en tête pour l’hyperprolactinémie (Figure 1), et l’olanzapine, pour le gain pondéral (Figure 2)6.

Figure 1. Prolactinémie moyenne après 4 à 8 semaines de traitement antipsychotique

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Figure 2. Résultats de l’étude CATIE : Variation moyenne du poids par rapport au poids initial (p<0,001)

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Les substitutions qui visent à réduire ou à éliminer les effets indésirables compromettant la QdV ou l’observance s’appuient rationnellement sur les profils de tolérabilité caractéristiques de
les concernent particulièrement les patients qui subissent un effet indésirable typique d’un médicament et qui veulent passer à un autre agent moins susceptible d’entraîner cet effet. L’exemple classique est celui du gain pondéral très fortement associé à l’olanzapine, mais il y en a d’autres. Il n’existe pas de recommandations formelles en la matière, mais les études publiées permettent de dégager des choix rationnels (Tableau 3).

Tableau 3. Choix du nouvel agent

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Résumé

L’expansion de l’arsenal antipsychotique, en particulier des agents de deuxième génération dotés de mécanismes et de profils de tolérabilité très divers, permet aujourd’hui d’aspirer à un plus grand bien-être pour les patients atteints de schizophrénie. Les neuroleptiques classiques ont radicalement allégé le fardeau en supprimant les psychoses et les symptômes positifs manifestes, mais ils le font au prix de SEP et n’ont qu’un effet limité du point de vue du retour à une vie normale. Avec l’éventail thérapeutique actuel, le patient a de bien meilleures chances de retrouver des éléments fondamentaux du moi qu’il a perdu durant les épisodes aigus de schizophrénie ou les sautes d’humeur associées au trouble bipolaire. Les agents récents ne sont pas dénués d’effets indésirables, mais, en adoptant une démarche empirique dans la recherche d’une stratégie de traitement optimale, il est souvent possible de trouver un médicament qui répond aux besoins du patient sur les plans de l’efficacité et de la tolérabilité et dont l’innocuité à long terme n’inspire pas de craintes.

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CHANGEMENT D’ANTIPSYCHOTIQUE CHEZ LE PATIENT AMBULATOIRE : L’IMPORTANCE DES SOINS DE SOUTIEN

Commentaire éditorial :

Donna Kydd, RN(EC), CSPSM(C)

Association canadienne pour la santé mentale Oshawa (Ontario)

Il est démontré que l’autogestion du traitement améliore l’issue chez les patients psychiatriques, une observation particulièrement pertinente dans le cas de la substitution d’antipsychotique. Que le changement soit envisagé à la demande du patient ou sur la recommandation du médecin, il est essentiel que le patient s’applique à comprendre les objectifs du traitement et les risques et les bénéfices relatifs qui en découlent. Il doit lui-même surveiller sa réponse tant au point de vue des symptômes de la maladie que des effets indésirables. Et, durant ce processus, il a besoin de se sentir assuré du soutien de son médecin pour faire face aux effets de cette modification.

Éléments à considérer

C’est souvent en raison d’effets indésirables comme le gain pondéral ou la somnolence que le patient demande à changer de traitement. En général, les femmes sont particulièrement préoccupées par la prise de poids. En outre, ce problème est associé à divers facteurs de comorbidité comme l’hypertension et le diabète. La décision de changer d’antipsychotique commande la prudence, et les bénéfices et les risques éventuels doivent être bien pesés. La substitution n’est pas nécessairement le premier recours chez un patient qui répond par ailleurs bien à son traitement. Par exemple, un patient motivé pourrait envisager un programme d’exercice rigoureux pour prévenir le gain pondéral associé à certains antipsychotiques. Heureusement, la variété des antipsychotiques actuels et des profils de tolérabilité permet d’adapter le traitement assez étroitement aux besoins du patient.

Une fois la décision de substitution prise, il est primordial que le clinicien informe le patient des effets indésirables possibles d’une manière exhaustive et précise, préalablement à tout changement. S’il ne le fait pas, il met sa crédibilité en jeu. La transparence et l’honnêteté sont essentielles. Si le clinicien perd la confiance de son patient, il deviendra pratiquement impossible de collaborer pour établir les bénéfices relatifs d’un nouveau médicament et les stratégies pour pallier ses effets indésirables. Souvent, le principal impact de la perte de confiance est l’inobservance, qui aboutit à l’échec du traitement. En général, mieux le patient est préparé à faire face aux effets indésirables prévisibles d’un nouveau médicament, meilleures sont les chances de succès de la transition.

Durant la phase de transition, les effets indésirables risquent d’augmenter et la maîtrise des symptômes, de diminuer. Cette situation est souvent passagère et tend à se rétablir spontanément, le temps que le patient se stabilise et s’habitue au nouveau médicament. Aider le patient à gérer les effets indésirables comme la somnolence et une aggravation de l’anxiété est alors essentiel de façon à tout mettre en oeuvre pour que la transition réussisse et que le patient puisse, idéalement, constater les avantages du nouveau traitement. Beaucoup de patients peuvent décrire très précisément l’intensité relative de ces effets indésirables et l’efficacité du traitement, aidant ainsi le clinicien à déterminer si d’autres mesures s’imposent.

Nécessité d’un soutien accru au patient

Étant donné le risque de nouveaux effets indésirables et de réduction de la maîtrise des symptômes, on doit fournir davantage de soutien au patient durant la transition. D’un point de vue pratique, une prise de contact hebdomadaire avec le patient est souvent suffisante, mais la qualité du contact peut compter autant que la fréquence. Les patients ont besoin de sentir qu’ils sont entendus. De simples gestes comme passer un coup de fil au patient pour voir comment se passe la transition peuvent être une façon de lui témoigner de l’empathie. Les patients nous en sont souvent profondément reconnaissants. Une bonne communication avec le patient réduit le risque d’inobservance.

En outre, l’extrême hétérogénéité du cours de la maladie et de la réponse au traitement chez les patients atteints de schizophrénie commande une personnalisation minutieuse des objectifs du traitement. Pour certains, l’objectif peut se limiter à la suppression des symptômes positifs. Pour d’autres, la cible sera un rétablissement fonctionnel relativement plus large. Chez les patients qui abandonnent le traitement parce qu’ils le tolèrent mal ou ne le trouvent pas assez efficace, porter des jugements n’apporte généralement rien d’utile. En engageant plutôt le patient à cerner et à surmonter les obstacles à la réussite du traitement, on peut stimuler une prise en main personnelle éminemment favorable au succès du traitement.

Résumé

Le choix d’antipsychotiques dont on dispose aujourd’hui a permis de rehausser les critères d’efficacité et de tolérabilité du traitement. Les patients doivent être activement engagés dans leur prise en charge étant donné que ces médicaments sont d’efficacité variable et qu’ils ont tous des effets indésirables. Pour gérer efficacement la transition lors d’un changement d’antipsychotique, il ne s’agit pas tant de suivre un algorithme particulier que de s’appuyer sur des principes pratiques de bonne communication et d’offre de soins de soutien. Dans le contexte ambulatoire en particulier, il est incontestable que le patient joue un rôle crucial dans la définition et l’acceptation du traitement qu’il juge optimal.

LA SCHIZOPHRÉNIE ET LE TROUBLE BIPOLAIRE, UN SUIVI À VIE

Commentaire éditorial :

Roger S. McIntyre, MD, FRCPC

Directeur, Unité de psychopharmacologie des troubles de l’humeur, University Health Network, Professeur agrégé de psychiatrie et de pharmacologie, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Chez un patient atteint de schizophrénie ou de trouble bipolaire, le changement d’antipsychotique est généralement motivé par une piètre maîtrise des symptômes ou des effets indésirables insupportables. Ces maladies étant chroniques, la conciliation de l’objectif immédiat, à savoir une amélioration de la qualité de vie, et des effets à long terme du traitement est un impératif. De plus en plus, donc, on s’attarde aux effets à long terme du traitement antipsychotique sur les risques importants pour la santé générale, comme les maladies cardiovasculaires (MCV)1. Si de multiples facteurs semblent expliquer les taux élevés de MCV chez les patients atteints de schizophrénie, notamment des taux élevés de tabagisme et d’obésité (dans les deux cas, prévalence trois fois plus élevée qu’en l’absence de schizophrénie2,3), le choix d’un antipsychotique qui n’exacerbe pas ces risques semble revêtir une importance grandissante.

L’efficacité et l’innocuité des antipsychotiques

CATIE (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness), l’une des plus vastes études comparatives sur les antipsychotiques, a bien mis en évidence la complexité des enjeux entourant l’efficacité et l’innocuité relatives des antipsychotiques4. Dans le cadre de cette étude, près de 1500 patients suivis dans 57 centres ont reçu aléatoirement l’un ou l’autre de quatre agents atypiques (rispéridone, olanzapine, quétiapine, ziprasidone) ou un antipsychotique typique, la perphénazine. Au départ, il s’était écoulé en moyenne 14 ans environ depuis le début du traitement antipsychotique. L’étude a ceci de particulier que les taux d’abandon ont été étonnamment similaires dans tous les groupes sur une période de 18 mois. Globalement, 74 % (extrêmes : 62 % et 84 %) des patients ont mis fin au traitement antipsychotique qui leur avait été attribué. Les taux ne différaient pas de manière significative entre l’olanzapine, la perphénazine et la ziprasidone, mais l’abandon du traitement était significativement moins probable si les patients recevaient de l’olanzapine que s’ils recevaient de la quétiapine (p<0,001) ou de la rispéridone (p=0,002). Par contre, les abandons motivés par un gain pondéral ou les effets indésirables métaboliques (p<0,001) étaient plus nombreux dans le groupe olanzapine que dans les autres groupes.

Lors de l’étude CATIE, une proportion substantielle de patients recevait déjà de l’olanzapine, de la rispéridone ou de la quétiapine, qui étaient tous commercialisés lorsque l’étude a débuté. Dans les faits, donc, les patients ont été randomisés de façon à changer de traitement ou à poursuivre le traitement initial. Lorsque ce dernier groupe a été évalué séparément, les chercheurs ont constaté que le taux d’abandon était plus faible5. Si cette observation plaide en faveur de l’importance de ne pas changer de traitement sans raison, elle ne permet pas d’évaluer les bénéfices de la substitution chez les patients dont les symptômes ne sont pas maîtrisés ou dont le traitement est mal toléré. Dans le cadre de l’étude CATIE, les principaux motifs d’abandon du traitement, en particulier les effets indésirables, différaient d’un agent à l’autre, ce qui corrobore les données actuelles montrant qu’il n’existe pas de traitement optimal contre la schizophrénie. Ces résultats soulignent au contraire la nécessité d’options multiples et le bénéfice éventuellement associé au changement d’antipsychotique motivé par la recherche d’un juste équilibre entre l’efficacité et l’innocuité.

Surveillance des risques métaboliques iatrogènes

Chez un patient sous antipsychotique, le risque iatrogène de MCV est en grande partie le résultat indirect du gain pondéral iatrogène. Bien que certains antipsychotiques contribuent directement à la résistance à l’insuline6, on s’inquiète de plus en plus des effets variables des antipsychotiques atypiques sur les anomalies métaboliques secondaires à l’obésité7. Les antipsychotiques atypiques ne sont pas tous étroitement associés à un gain pondéral, et les patients recevant un antipsychotique favorisant le gain de poids n’auront pas tous cet effet indésirable, mais il est recommandé d’être à l’affût d’un gain de poids durant le suivi clinique usuel8. C’est donc dire que l’on doit consigner d’emblée, à titre de valeurs de référence, le poids (en particulier, l’indice de masse corporelle [IMC]), la glycémie
dique à jeun, la tension artérielle (TA) et le tour de taille. La TA, le bilan lipidique et la glycémie doivent être mesurés après trois mois de traitement, puis une fois par année, alors que l’on doit calculer l’IMC et mesurer le tour de taille plus souvent, c’est-à-dire une fois par mois les trois premiers mois, puis tous les trois mois la première année et une fois par année par la suite (Tableau 1).

Tableau 1. Protocole de surveillance chez les patients recevant un antipsychotique de deuxième génération*

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Sur le plan du risque de gain pondéral, la clozapine et l’olanzapine viennent en tête de liste, suivies de la rispéridone et de la quétiapine4. La ziprasidone et l’aripiprazole, en revanche, sont associés à un risque relativement faible de gain pondéral9,10. Le risque relatif de gain pondéral explique probablement en grande partie le risque accru de diabète associé à la fois à la clozapine et à l’olanzapine11. Ces deux agents sont aussi associés à un risque accru de dyslipidémies majeures. Dans certaines études, la rispéridone et la quétiapine ont également été associées à un risque accru de diabète et de dyslipidémies 4, mais aucun lien concluant avec ces anomalies métab
é dans le cas de la ziprasidone et de l’aripiprazole (Tableau 2). Cela dit, l’évaluation de ces risques relatifs doit tenir compte du patient. Autrement dit, on accordera la priorité aux agents associés à un risque relativement faible d’anomalies métaboliques chez un patient déjà obèse ou présentant d’emblée un nombre important de facteurs de risque de MCV. Le changement d’antipsychotique doit être envisagé chez les patients qui développent des troubles métaboliques iatrogènes.

Tableau 2. Antipsychotiques de deuxième génération et anomalies métaboliques

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L’hyperprolactinémie – qui est aussi délétère pour la santé – n’est pas un effet indésirable de tous les antipsychotiques actuellement sur le marché. Conséquence directe du blocage des récepteurs dopaminergiques, le risque d’hyperprolactinémie cliniquement importante est plus élevé avec les antipsychotiques classiques et les antipsychotiques atypiques ayant une forte affinité pour les récepteurs D<sub>2</sub>, comme la rispéridone12. Les symptômes évidents de l’hyperprolactinémie, comme la gynécomastie chez l’homme, peuvent être perturbants et inciter le patient à demander un changement de traitement. Quoi qu’il en soit, le taux de prolactine doit être surveillé en raison des risques qu’il entraîne, notamment l’ostéoporose chez l’homme et la femme13 et plusieurs cancers hormonodépendants chez la femme, dont le cancer du sein14.

Tabagisme et acathisie

Le taux extraordinairement élevé de tabagisme chez les patients atteints de schizophrénie – près de 70 % dans certaines études15 – est une autre cible éventuellement importante des initiatives visant à améliorer la santé de cette population. Malgré l’hypothèse voulant que le taux élevé de tabagisme soit lié aux anomalies touchant les récepteurs nicotiniques16, la renonciation au tabac, voire une diminution du nombre de cigarettes fumées, peut avoir des effets bénéfiques substantiels sur la santé. Des stratégies telles que le traitement de substitution de la nicotine s
théorie de stimulation des récepteurs nicotiniques explique effectivement le lien entre le tabagisme et la schizophrénie. Même s’il a été rapporté que l’usage du tabac soulage l’acathisie17, on ignore si les agents atypiques associés à un risque relativement faible d’acathisie peuvent réduire le besoin impérieux de fumer. D’autres études sur le penchant pour l’usage du tabac chez les patients atteints de schizophrénie pourraient nous éclairer sur le ratio bénéfice:risque de l’abandon du tabac.

Tableau 3. Fréquence de manifestations indésirables signalées, par antipsychotique

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Paradigmes thérapeutiques

Compte tenu de la diversité d’agents à la fois efficaces et bien tolérés à notre disposition, il peut sembler simple a priori d’opter pour des stratégies thérapeutiques qui réduisent au minimum un large éventail de risques pour la santé, mais la réalité est probablement plus complexe. Par exemple, l’agent le plus efficace pour un patient ne sera peut-être pas le mieux toléré ou le plus sûr à long terme. De même, il sera peut-être difficile d’amener un patient à changer d’antipsychotique pour la seule raison que le traitement l’expose à un risque substantiel si ce patient a déjà essuyé plusieurs échecs et si ses symptômes sont enfin très bien maîtrisés. Le patient et ses proches doivent participer à une discussion sans équivoque sur les avantages et les désavantages relatifs des stratégies possibles. Comme nous avons à notre disposition de multiples agents atypiques qui diffèrent entre eux sur les plans du mode d’action, de l’innocuité et de la tolérabilité, il sera sera plus facile de trouver un agent qui réunit quelques-uns ou la plupart des attributs qui importent au patient. Cela dit, il faudra forcément faire des compromis et accepter que la probabilité de trouver un médicament n’imposant aucune contrainte soit très faible.

L’individualisation du traitement est essentielle dans la prise en charge d’un trouble hétérogène comme la schizophrénie, mais ce concept ne doit pas se limiter au choix d’un antipsychotique; il doit au contraire être élargi de façon à englober les stratégies d’appoint. Par exemple, chez un patient qui prend un antipsychotique favorisant le gain pondéral, un programme d’activité physique pourrait non seulement diminuer le risque de prise de poids, mais aussi réduire le risque de MCV vu le bénéfice inhérent à l’activité physique. Chez un patient qui prend un antipsychotique perturbant les cycles du sommeil, soit parce qu’il cause une somnolence le jour, soit parce qu’il cause une insomnie la nuit, on pourra ajuster le schéma de façon à administrer un agent sédatif le soir et un agent stimulant le matin18. Chez un patient agité malgré une bonne maîtrise de la schizophrénie, peut-être un anxiolytique aurat- il sa place. Dans tous les cas, il importe de réévaluer la pertinence de la solution lorsque les conditions de vie du patient changent.

La substitution d’antipsychotique n’est pas la seule solution et, souvent, ce n’est pas forcément la meilleure option selon que l’on cherche à maîtriser le trouble, à éviter certains effets indésirables ou à réduire les risques du traitement à long terme. Il se pourrait néanmoins que ce soit souvent la solution la plus efficace. On doit soigneusement soupeser les caractéristiques uniques de chaque antipsychotique lorsqu’on tente de trouver celui qui permettra d’atteindre l’ensemble des objectifs cliniques, même si certains objectifs se font concurrence. Au chapitre des ajustements posologiques et des traitements d’appoint, il y a sans doute plusieurs moyens d’arriver à un schéma thérapeutique qui offre un ratio bénéfice:risque raisonnable, tant aux yeux du clinicien qu’à ceux du patient.

Résumé

L’atteinte de l’objectif immédiat – à savoir la maîtrise et la stabilisation des symptômes de la schizophrénie ou du trouble bipolaire – est une première étape essentielle, mais on doit garder à l’esprit que ces troubles sont chroniques. Le vaste éventail d’antipsychotiques atypiques commercialisés au cours de la dernière décennie permet d’atteindre des objectifs plus ambitieux dans la prise en charge de risques à court et à long terme pour la santé. Certes, il est essentiel de souvent réévaluer le schéma thérapeutique afin de voir comment on peut améliorer le rétablissement et la qualité de vie, mais le choix du traitement doit aussi tenir compte de l’effet sur d’autres risques pour la santé, surtout les MCV. Si, côté gestion des risques à long terme, la substitution d’antipsychotique est une solution parmi d’autres, l’individualisation des soins, elle, est une stratégie clé pour l’atteinte d’objectifs diversifiés et parfois concurrents dans le traitement de la schizophrénie et du trouble bipolaire.

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