Comptes rendus

Traitement du glaucome primitif à angle ouvert : tour d’horizon des données
Taux cibles de LDL plus faibles attendus dans les lignes directrices de 2006

Mécanisme novateur dans le traitement de l’hypertension : blocage du système rénine-angiotensine en amont

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 5e Forum international sur l’antagonisme des récepteurs de l’angiotensine II

Monte-Carlo, Monaco / 24-26 janvier 2007

Le traitement de l’hypertension repose sur deux principes importants. Le premier est d’abaisser la tension artérielle (TA) de façon à atteindre les taux cibles actuels. Le deuxième est de choisir une classe d’antihypertenseurs qui améliore – ou du moins, qui n’exacerbe pas – les processus pathogènes contribuant aux séquelles évolutives de l’hypertension, comme l’hypertrophie cardiaque et l’insuffisance rénale. Un grand nombre d’antihypertenseurs actuellement sur le marché n’offrent aucune protection des organes cibles au-delà de leurs effets sur la TA et, chez la majorité des patients, aucun d’eux ne permet d’atteindre la TA cible lorsque utilisé en monothérapie. Cette lacune – la non-atteinte des taux cibles – demeure un problème majeur de santé publique. Au Canada, par exemple, un sondage réalisé en 2004 a révélé que moins de 20 % des patients traités pour l’hypertension atteignaient les taux cibles recommandés (<140/90 mmHg), et ce pourcentage est encore plus faible dans les pays européens.

Au chapitre de la maîtrise de l’hypertension et de la protection des organes cibles, «nous pouvons assurément faire mieux», note le Dr Michel Burnier, division de l’hypertension et de la médecine vasculaire, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne, Suisse. La recherche actuelle vise à découvrir les stratégies qui permettent à la fois de resserrer la maîtrise des chiffres tensionnels et de tirer avantage des agents qui semblent offrir une protection cible indépendante des effets sur la TA.

Par exemple, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) réduisent la protéinurie et ralentissent la progression de l’insuffisance rénale, mais une maîtrise plus efficace de la TA et une inhibition plus marquée du SRA pourraient accentuer ces deux effets bénéfiques. En effet, précise le Dr Burnier, il est probable qu’un blocage plus complet du SRA améliore la protection des organes cibles; compte tenu des options actuelles, cependant, cette stratégie s’accompagne de son lot de défis.

En particulier, comme l’ont fait valoir plusieurs experts, l’administration d’un inhibiteur de l’ECA à forte dose entraîne souvent des effets indésirables que les patients refusent de supporter. Un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) à forte dose est intéressant, mais les données à l’appui de cette approche sont insuffisantes. De plus, il est clair à la lumière de nombreuses études qu’une simple augmentation de la dose d’un inhibiteur du SRA ne permet pas nécessairement d’abaisser la TA davantage, ce qui est assurément la condition sine qua non d’une protection optimale contre l’atteinte des organes cibles. Enfin, ajoute le Dr Luis Ruilope, directeur de l’unité d’hypertension, Hospital Universitario 12 de Octubre, Madrid, Espagne, «si je prescrivais 900 mg d’irbesartan, je triplerais le coût».

Ces limites expliquent l’intérêt que suscite le développement clinique d’inhibiteurs directs de la rénine (IDR). Du fait qu’ils inhibent la rénine, ces agents bloquent la cascade du SRA à son point d’activation. Ce blocage plus précoce et plus complet fait obstacle à la conversion de l’angiotensine par d’autres voies et aux mécanismes de rétroaction compensatoire qui se soldent par une augmentation non souhaitable de l’activité rénine plasmatique (ARP) associée aux autres inhibiteurs du SRA. Lors des premiers travaux cliniques, les IDR se sont révélés sûrs et efficaces en monothérapie et en association avec d’autres antihypertenseurs, y compris d’autres inhibiteurs du SRA, combinaison qui pourrait encore améliorer la maîtrise de l’hypertension.

Physiopathologie du SRA

De l’avis du Dr Ruilope, l’association d’un IDR et d’un ARA est «très logique» sur le plan pharmacologique. Les IDR inhibent l’activité de la rénine, ce qui vient bloquer la cascade du SRA à son étape limitante et toutes les étapes en aval. En revanche, les inhibiteurs de l’ECA bloquent une seule étape du SRA, la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, ce qui explique que l’inhibition prolongée de l’ECA se solde par le phénomène bien connu de l’échappement de l’angiotensine par d’autres voies. Les ARA, pour leur part, font obstacle à l’action de l’angiotensine II, mais seulement après augmentation des taux circulants. De plus, en supprimant l’activité de l’angiotensine II, les inhibiteurs de l’ECA et les ARA stimulent l’ARP de façon indirecte. Selon certaines données, une augmentation de l’ARP chez les patients non traités serait associée à un pronostic cardiovasculaire plus sombre. L’aliskiren (dont le développement clinique est le plus avancé) est un IDR qui permet une suppression marquée de l’ARP, laquelle se maintient même en présence d’un inhibiteur de l’ECA ou d’un ARA. Ainsi, poursuit le Dr Ruilope, «les effets négatifs éventuels de l’ARP sur le rein et les vaisseaux pourraient être atténués lorsqu’un IDR est combiné à un inhibiteur de l’ECA ou à un ARA».

Maîtrise de la TA

Malgré une biodisponibilité de 2,6 %, l’aliskiren exerce un effet marqué sur la TA, si l’on en juge d’après les résultats d’essais cliniques. Sept essais randomisés sur le nouvel IDR en monothérapie dans le traitement de l’hypertension ont établi qu’après soustraction de l’effet placebo, l’aliskiren réduisait la TA diastolique moyenne en position assise de 7 à 8 mmHg en six semaines (p<0,05) et la TA systolique moyenne, de 10 à 11 mmHg (p<0,05). Les chercheurs soulignent aussi que l’effet sur la TA était proportionnel à la dose, mais se stabilisait généralement entre 300 et 600 mg/jour. Dans toutes les études où il a été évalué en monothérapie, l’aliskiren à 150 et à 300 mg/jour affichait un profil d’effets indésirables semblable à celui d’un placebo, ce qui veut dire qu’il peut être utilisé, à l’une ou à l’autre dose, soit en monothérapie, soit en association avec d’autres antihypertenseurs. L’IDR a abaissé la TA de façon comparable à un inhibiteur de l’ECA ou à un ARA en monothérapie.

Dans les essais cliniques en cours où l’on évalue l’IDR dans l’hypertension et ses séquelles, le nouvel agent permet systématiquement d’abaisser davantage la TA systolique et diastolique lorsqu’il est ajouté à toutes les classes d’antihypertenseurs d’usage courant, exception faite des bêta-bloquants que l’on n’a pas étudiés en association avec les IDR. Ces résultats donnent tout lieu de croire qu’un plus grand nombre de patients pourraient atteindre leur TA cible s’ils recevaient un IDR en association avec un diurétique, un inhibiteur calcique (IC) ou un autre inhibiteur du SRA. Il ressort aussi des mêmes essais qu’en association avec un inhibiteur de l’ECA ou un IC, l’aliskiren semble atténuer les effets indésirables habituels de l’une ou l’autre classe, surtout si l’inhibiteur de l’ECA ou l’IC doit être administré à forte dose.

Traitement d’association

De l’avis du Dr Michel Azizi, directeur, Centre de recherche clinique, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris, France, la tendance actuelle veut que l’on associe des inhibiteurs du SRA pour améliorer la maîtrise des chiffres tensionnels et optimiser la protection des organes cibles. Il a cité à cet égard une méta-analyse (Doulton TW, He FJ, MacGregor GA. Hypertension 2005;45:880-6) ayant révélé que l’association d’un inhibiteur de l’ECA et d’un ARA était plus efficace que l’un ou l’autre agent en monothérapie. Bien que l’association ait globalement abaissé la TA de 4,7/3,0 mmHg de plus que l’inhibiteur de l’ECA seul et de 3,8/2,9 mmHg de plus que l’ARA seul, note l’investigateur principal, l’augmentation de la dose de l’inhibiteur de l’ECA à courte ou à longue durée d’action n’entraînait généralement aucun effet additif de l’ARA sur la TA.

Une autre étude sur le traitement d’association dont il a été question au congrès avait pour objectif d’évaluer les effets interactifs d’un inhibiteur de l’ECA et d’un IDR sur la baisse de la TA. Selon cette étude, menée par Kilo et al., l’administration conjointe du ramipril à 10 mg et de l’aliskiren à 300 mg se traduit par une baisse supplémentaire et cliniquement pertinente de la TA (4,6/2,1 mm Hg) par rapport au ramipril à 10 mg en monothérapie et à une baisse totale de la TA de 16,6/12,8 mmHg. Outre cet effet sur la TA, on a observé une diminution de l’ARP tant sous aliskiren en monothérapie que sous traitement d’association. On a donc conclu que l’IDR avait neutralisé le processus par lequel l’ARP augmentait dans le groupe ramipril en monothérapie.

Azizi et al. ont aussi observé une diminution de l’ARP lorsque l’IDR était associé à un ARA (J Am Soc Nephrol 2004;15:3126-33). Pendant 48 heures, ils ont évalué les effets hormonaux et antihypertensifs de l’administration de 300 mg d’aliskiren, de 160 mg de valsartan ou de l’association à la moitié de la dose (150 mg d’aliskiren et 80 mg de valsartan). Comme ce fut le cas pour l’association IDR/inhibiteur de l’ECA, l’ARP a diminué sous l’effet de l’association IDR/ARA et de l’IDR en monothérapie. L’association des deux agents à faible dose a abaissé la TA au moins aussi efficacement que l’un ou l’autre agent fortement dosé en monothérapie.

Résumé

Ces résultats sont encourageants, mais d’autres données s’imposent pour déterminer si une association particulière d’inhibiteurs du SRA – que ce soit un IDR et un ARA, un IDR et un inhibiteur de l’ECA ou un inhibiteur de l’ECA et un ARA – confère à la fois une maîtrise optimale de la TA et une protection contre l’atteinte des organes cibles. De l’avis des conférenciers, on peut «assurément aspirer» à une maîtrise plus serrée de la TA, surtout chez les patients à risque élevé (diabète/insuffisance rénale) de même qu’à une meilleure protection des organes cibles, l’objectif ultime du traitement de l’hypertension que l’on ne peut toutefois pas atteindre sans d’abord parvenir à la TA cible.

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