Comptes rendus

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Mieux-être à long terme chez les adolescents atteints du TDAH

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

160e Assemblée annuelle de l’American Psychiatric Association

San Diego, Californie / 19-24 mai 2007

Des chercheurs ont présenté au congrès des données sur l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité des sels mixtes d’amphétamines (SMA) tirées de la phase de prolongation ouverte d’une étude clinique de phase III. Selon ces données, les adolescents atteints du trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) peuvent recevoir à long terme une préparation de SMA à libération prolongée.

Les psychiatres sont de plus en plus sensibilisés au fait que le TDAH n’est pas un trouble qui affecte uniquement les enfants, et des experts du domaine se demandaient si cet agent pouvait demeurer efficace avec le temps. Comme les problèmes liés à la médication évoluent avec l’âge, les médecins craignaient que les médicaments servant au traitement du TDAH chez l’adolescent ne demeurent pas sûrs à long terme.

Le Dr Andrew Cutler, professeur adjoint invité de psychiatrie, University of Florida, et président de CORE Research, Maitland, Floride, et ses collaborateurs se sont penchés sur ces questions. «Bien que le TDAH soit le plus souvent diagnostiqué chez de jeunes enfants, il n’est pas l’apanage d’un seul groupe d’âge», confirme-t-il. Les psychostimulants – stratégie de longue date dans le traitement du TDAH – se sont révélés sûrs et efficaces dans tous les groupes d’âge. Nous avons besoin de données à long terme sur les SMA à libération prolongée vu le rôle important que jouent les médicaments à longue durée d’action dans le traitement du TDAH chez l’adolescent. De l’avis du Dr Cutler, le soulagement des symptômes la journée durant et la probabilité d’une meilleure observance du traitement grâce à la posologie monoquotidienne sont les principales raisons de l’intérêt que suscite cette option chez les médecins et les patients.

«Ces patients ont reçu des SMA à libération prolongée pendant un maximum de 24 mois, souligne-t-il. Nous avons constaté que le traitement pouvait demeurer sûr et bien toléré pendant 24 mois. On aurait pu s’attendre à une perte de poids avec les stimulants, mais les sujets de cette étude ont en fait pris du poids.»

Ces données pourraient être utiles aux psychiatres qui traitent des adolescents atteints du TDAH, car il ressort de la littérature que 30 % à 80 % des enfants souffrant du TDAH demeurent aux prises avec ce trouble à l’adolescence, précise-t-il (Barkley et al. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1990;29:546-57).

Le Dr Cutler, l’auteur principal, a suivi 238 patients qui ont reçu une dose variable de SMA à libération prolongée (10 mg/jour à 60 mg/jour) pendant une période pouvant atteindre 24 mois. Ces patients avaient d’abord pris part à une étude à double insu de quatre semaines (partie A), puis à une phase de prolongation ouverte de six mois (partie B). Les chercheurs ont évalué les participants à l’aide de la version IV de l’échelle d’évaluation du TDAH (ADHD-RS-IV), plus précisément à l’aide du score total et des sous-scores inattention et hyperactivité/impulsivité. Il importe ici de souligner que les patients qui avaient reçu un placebo avant de passer au traitement actif durant la phase ouverte se sont améliorés à la même cadence que les patients qui avaient reçu les SMA à libération prolongée d’emblée, d’ajouter le Dr Cutler.

L’effectif – dont l’âge moyen était de 14,6 ans – était composé de garçons dans une proportion de 71,8 % et de filles dans une proportion de 28,2 %. L'étude ouverte devait durer 18 mois, mais a été portée à 24 mois. La population de la partie A a été scindée en trois cohortes :

• la première cohorte a participé à une prolongation de six mois (partie B), pour ensuite prendre part à l'étude ouverte de 18 à 24 mois;

• une autre cohorte a reçu le traitement actif au cours de la partie A, puis est passée directement à l'étude ouverte de 24 mois;

• la dernière cohorte a reçu le placebo pendant la partie A, puis est passée directement à l'étude ouverte de 24 mois.

Le score total sur l’échelle ADHD-RS-IV chez les 237 sujets de l’analyse en intention de traiter s’est amélioré de manière significative par rapport au score obtenu dans deux cohortes : partie A/placebo (-11,7 points; p<0,001) et partie A/SMA (-3,9 points; p=0,0001) (Figure 1). Inversement, on a noté une augmentation de 0,3 point entre le début et la fin de l’étude dans la troisième cohorte, différence qui n’a pas atteint le seuil de signification statistique. Les chercheurs ont observé une amélioration significative (baisse du score) pour les sous-scores inattention et hyperactivité/impulsivité, affirme le Dr Cutler.

«Ces données viennent enrichir une importante base de données qui avait déjà révélé que les stimulants peuvent être sûrs et efficaces pendant de longues périodes, explique le Dr Cutler. D’aucuns craignent l’administration prolongée de stimulants; or, le TDAH est un trouble qui nécessite un traitement prolongé. L’étude nous rassure dans une certaine mesure puisqu’un traitement par des SMA à libération prolongée dont la durée pouvait atteindre deux ans est demeuré efficace et semble bien toléré. Les effets indésirables cardiovasculaires – que l’on craint en particulier – ont brillé par leur absence.»

Figure 1. Score moyen sur l’échelle ADHD-RS-IV au terme de l’étude


Amélioration clinique

Comme le Dr Cutler, le Dr Richard Weisler, professeur agrégé de psychiatrie, Duke University Medical Center et University of North Carolina-Chapel Hill, Raleigh, estime que le TDAH persiste au-delà de l’enfance et espère que les stratégies médicamenteuses à longue durée d’action se traduiront par une meilleure observance du traitement au sein de cette population. On a souligné au congrès le peu de données dont on dispose sur l’utilisation des psychostimulants pour traiter le TDAH au moment de la transition vers l’adolescence. «Le TDAH étant un trouble chronique, nous avons besoin de traitements efficaces et sûrs à long terme», soulignent les investigateurs. À cette fin, ils ont analysé les données de cette étude sur l’amélioration globale des patients, celle-ci ayant été mesurée à l’aide de l’échelle CGI-I (Clinical Global Impression Improvement).

«À 24 mois, le traitement était bénéfique chez environ le même pourcentage de patients que dans l’étude à double insu initiale, explique le Dr Weisler. Ceux qui ont reçu un placebo dans la phase à double insu et sont passés au traitement actif dans la phase de prolongation ont mis un certain temps à rattraper les autres patients, mais ils y sont parvenus, de sorte que les résultats ont finalement été comparables dans les deux groupes.»

Lorsqu’ils ont analysé les données sur l’amélioration globale, le Dr Weisler et ses collaborateurs ont observé des résultats tout aussi encourageants. À l’aide de l’échelle CGI-I, ils classaient les patients dans la catégorie «amélioration», laquelle était subdivisée en deux sous-catégories («amélioration très marquée» ou «amélioration marquée»), ou dans la catégorie «absence d’amélioration», laquelle était à son tour subdivisée en cinq catégories.

Au terme de l’étude, les chercheurs ont observé une «amélioration» chez 49,4 % des patients de la population en intention de traiter, y compris chez 20 des 28 patients (71,4 %) qui avaient reçu un placebo durant la phase à double insu. Des 113 participants qui avaient reçu les SMA à libération prolongée d’emblée, 66 (58,4 %) ont été classés dans la catégorie «amélioration», tout comme 31 des 96 patients (32,3 %) ayant participé à la phase de prolongation.

La plupart des améliorations sont survenues au cours des six premiers mois du traitement, et les améliorations par rapport aux valeurs initiales se sont maintenues des mois 9 à 24. Fait digne de mention, les meilleurs résultats ont été obtenus chez les patients qui avaient d’abord reçu le placebo. Au terme de l’étude de 24 mois, les chercheurs ont donc été étonnés de constater une «amélioration» chez plus de 70 % des patients de cette cohorte, fait valoir le Dr Weisler (Figure 2). «Le traitement a été efficace à long terme, poursuit-il. Il n’était pas nécessaire de constamment augmenter la dose; en fait, il était possible d’augmenter la dose jusqu’à l’obtention de la dose optimale, puis de maintenir cette dose. Cette stratégie a bien fonctionné chez ces patients.»
tion des scores CGI-I

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Innocuité et tolérabilité

Les effets indésirables qui sont survenus le plus souvent durant le traitement étaient les suivants : trouble respiratoire (22,3 %), céphalées (20,6 %), pharyngite (17,2%), anorexie (16,4 %), insomnie (15,5 %) et perte pondérale (14,7 %). Ces effets étaient généralement légers à modérés et transitoires. Aucun lien n’a été établi entre la préparation à libération prolongée et les six manifestations indésirables graves qui ont été signalées.

Toujours au chapitre de l’innocuité et de la tolérabilité, le Dr Weisler et ses collaborateurs ont porté une attention particulière à tous les effets cardiovasculaires du traitement par les SMA à libération prolongée, les stimulants étant généralement perçus comme une source d’inquiétude à cet égard (Spencer et al. Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1996;35:409-32).

À cette fin, les chercheurs ont mesuré la tension artérielle (TA) diastolique, la TA systolique et la fréquence du pouls, et les ont comparées aux données initiales des sujets afin de déceler tout changement éventuel. Ils ont calculé que les sujets avaient été exposés aux SMA à libération prolongée pendant une moyenne de 413,2 jours dans le cadre de l’étude. L’exposition cumulative – qui englobait à la fois l’étude à double insu et la phase de prolongation de six mois – totalisait 508,5 jours. Les doses variaient entre 10 mg et 60 mg/jour*, et la dose prescrite était le plus souvent de 30 mg/jour.

Les données sur l’innocuité cardiovasculaire, qui provenaient de la totalité des 238 sujets admis, ont révélé qu’entre le début et la fin de l’étude, la TA diastolique avait varié légèrement dans tous les groupes. Plus précisément, la TA diastolique a augmenté de 5,9 mmHg chez les sujets qui avaient reçu un placebo, alors qu’elle n’a pas varié dans le groupe traitement actif de la phase à double insu et a baissé de 0,8 mmHg chez les sujets de la phase de prolongation de six mois. De même, la TA systolique a augmenté en moyenne de 5,3 mmHg chez les sujets qui avaient d’abord reçu un placebo, de 2,8 mmHg chez ceux qui avaient reçu le traitement actif d’emblée et de 1,4 mmHg chez ceux qui ont pris part à la phase de prolongation de six mois. En moyenne, la fréquence du pouls a augmenté de 4,5 bpm dans le groupe ayant d’abord reçu un placebo et de 1,1 bpm dans le groupe ayant reçu le traitement actif d’emblée alors qu’elle a baissé en moyenne de 3,4 bpm dans le groupe ayant pris part à la phase de prolongation de six mois (Figure 3).
ions moyennes de la fréquence du pouls et de la fréquence cardiaque

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Chez les patients qui avaient d’abord reçu un placebo, on a noté une légère augmentation d’environ 5 mmHg de la TA systolique au moment du changement de traitement, note le Dr Weisler. Ces patients différaient d’une autre façon de ceux qui ont reçu le traitement actif sans interruption. En effet, on a noté une augmentation de la fréquence du pouls d’au moins 25 bpm, une augmentation de la TA systolique d’au moins 20 mmHg ou une augmentation de la TA diastolique d’au moins 10 mmHg chez un plus fort pourcentage de patients dans le groupe ayant d’abord reçu un placebo que dans le groupe ayant reçu le traitement actif d’emblée. Après les premières semaines de traitement, cependant, la TA des patients s’est stabilisée. Avec le temps, la TA diastolique a baissé légèrement chez les patients qui avaient reçu le traitement actif d’emblée, dit-il.

«Les effets cardiovasculaires étaient relativement mineurs et s’apparentaient aux effets associés à l’usage d’amphétamines, rapporte le Dr Weisler. Si les variations moyennes des paramètres cardiovasculaires étaient légères pendant l’étude, l’ampleur de ces variations différait d’un groupe à l’autre.» Il n’a donc pas été étonnant de voir que les changements étaient les plus marqués dans le groupe qui n’avait pas reçu le médicament pendant l’étude initiale. Cette observation donne à penser que les effets cardiovasculaires s’estompent au fil du temps si le traitement est poursuivi à long terme.

Il a toutefois incité l’auditoire à la prudence dans certains cas. «En général, les patients qui souffrent déjà de troubles cardiaques ne doivent pas recevoir de stimulants, souligne le Dr Weisler. J’entends par là les patients qui présentent une anomalie structurelle du cœur, une cardiomyopathie, un trouble grave du rythme cardiaque, la maladie coronarienne ou tout autre problème ou anomalie cardiaque grave.» Chez les enfants, les adolescents ou les adultes à qui l’on envisage de prescrire un psychostimulant, on doit faire une anamnèse et un examen physique minutieux afin d’évaluer la présence éventuelle d’un trouble cardiaque. Si les résultats de l’interrogatoire et de l’examen mettent au jour la possibilité d’un trouble cardiaque préexistant, les patients doivent faire l’objet d’une évaluation cardiaque plus approfondie.

Résumé

De nouvelles données sur l’utilisation des SMA à libération prolongée ont révélé que cette préparation peut être utile dans le traitement à long terme du TDAH chez l’adolescent. Les chercheurs en sont venus à cette conclusion sur la foi d’une exposition au médicament d’une durée maximale de 24 mois (phase à double insu de quatre semaines et/ou phase de prolongation de six mois et présente étude). Les données sur l’efficacité du traitement ont révélé que les améliorations observées dans les premières études s’étaient maintenues si l’on en juge par le score total sur l’échelle ADHD-RS-IV et par les sous-scores inattention et hyperactivité/impulsivité de ladite échelle. De même, le score CGI-I a mis en lumière une amélioration soutenue chez la plupart des patients ayant participé à la phase à double insu et une certaine amélioration continue chez des patients ayant pris part à la phase de prolongation. Les analyses de l’innocuité et de la tolérabilité ont montré que les patients n’avaient eu aucun effet indésirable inattendu et que les effets indésirables signalés étaient légers à modérés et transitoires. Les données sur l’innocuité cardiaque ont mis en lumière de légères augmentations de la TA et de la fréquence du pouls. Ces observations concordent avec d’autres données sur les stimulants utilisés dans le traitement du TDAH.

Le TDAH étant un trouble qui persiste souvent à l’adolescence, les SMA à libération prolongée semblent sûrs et efficaces pour le traitement à long terme du TDAH chez l’adolescent.

* Nota : Au Canada, la dose maximale recommandée de sels mixtes d’amphétamines à libération prolongée est de 30 mg/jour.

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