Comptes rendus

Amélioration des paramètres de survie dans le lymphome folliculaire
Traitement du prédiabète : modification des habitudes de vie et nouvelles mesures préventives

Mise à jour sur le traitement du cancer du sein hormonosensible : résultats à long terme de l’essai BIG 1-98

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 31e Congrès de la Société européenne de médecine interne cancérologique

Istanbul, Turquie / 29 septembre-3 octobre 2006

Lors de sa présentation des données de l’essai 1-98 du BIG (Breast International Group) recueillies pendant plus de quatre ans, le Dr Alan S. Coates, School of Public Health, University of Sydney, Australie, a expliqué que l’essai comptait plus de 8000 femmes ménopausées souffrant d’un cancer du sein à récepteurs hormonaux (RH+) qui avaient été randomisées en quatre groupes : tamoxifène ou létrozole (inhibiteur de l’aromatase [IA]) pendant cinq ans; tamoxifène pendant deux ans suivi du létrozole pendant trois ans; ou létrozole pendant deux ans suivi du tamoxifène pendant trois ans.

Données à 51 mois

L’analyse à 51 mois regroupait la quasi-totalité des 5000 femmes des deux premiers groupes. Les groupes de traitement séquentiel ont été exclus de cette analyse en raison des événements précoces qui auraient pu fausser les données à long terme.

De l’avis du Dr Coates, «cette nouvelle analyse des deux monothérapies de l’essai BIG 1-98 – dont la durée médiane du suivi est deux fois plus longue que celle de la première évaluation à 26 mois – confirme les résultats déjà publiés [N Engl J Med 2005;353:2747-57] selon lesquels le létrozole est supérieur au tamoxifène quant à la survie sans cancer (SSC) – paramètre principal – et quant à un certain nombre de paramètres secondaires, notamment, et surtout, l’intervalle sans récidive à distance à long terme.»

Très peu de patientes se sont retirées du suivi, et l’analyse en intention de traiter englobait la quasi-totalité des patientes, note le Dr Coates. «Le nombre d’événements liés au paramètre SSC se chiffre à 352 dans le groupe létrozole et à 418 dans le groupe tamoxifène, ce qui est assez semblable aux résultats de l’ensemble des quatre groupes figurant dans l’article initial du NEJM. On a aussi enregistré des résultats comparables à ceux de l’analyse initiale quant au nombre d’événements systémiques liés au paramètre SSC (331 vs 374), bien que la mortalité (194 vs 211 décès) ait augmenté par rapport au suivi de plus courte durée (166 vs 192 décès)», poursuit-il.

Après un suivi médian de plus de quatre ans, l’IA a été associé à une réduction significative de 18 % du taux de récidive global chez les femmes ménopausées souffrant d’un cancer du sein hormonosensible précoce. Le risque de métastases à distance, facteur prédictif reconnu de la mortalité par cancer du sein, avait diminué de 19 % à 51 mois. Fait important, le risque accru de récidive chez les femmes qui présentaient une atteinte ganglionnaire et chez celles qui avaient reçu une chimiothérapie avait diminué respectivement de 23 % (p=0,004) et de 26 % (p=0,03), ce qui est significatif.

Mise à jour sur l’innocuité

«Certains investigateurs craignent que la supériorité des IA par rapport au tamoxifène ne varie en fonction du sous-groupe de patientes. Or, cette analyse montre clairement qu’il n’y a aucun sous-groupe – qu’il soit défini en fonction de l’âge, de la taille de la tumeur primitive, de l’atteinte ganglionnaire, de la présence ou non de récepteurs à la progestérone [toutes les patientes souffraient d’un cancer à récepteurs œstrogéniques], du type d’intervention chirurgicale ou de radiothérapie ou encore de la présence ou de l’absence de chimiothérapie adjuvante – où l’efficacité supérieure du létrozole par rapport à celle du tamoxifène diffère des résultats obtenus dans l’ensemble du groupe. Compte tenu de ces données, il serait dangereux de conclure qu’il existe un sous-groupe au sein duquel la supériorité du létrozole par rapport au tamoxifène n’est pas comparable aux résultats obtenus dans l’ensemble du groupe», explique le Dr Coates.

Sur le plan de l’innocuité des deux agents, les données à 51 mois étaient essentiellement identiques aux données à 26 mois, fait remarquer le Dr Coates. Chez les patientes qui ont reçu le tamoxifène, les thrombo-embolies étaient significativement plus fréquentes, et leur sévérité était significativement plus élevée. Il en a été de même des pathologies de l’endomètre, des bouffées congestives, des sueurs nocturnes et des saignements vaginaux. Chez les patientes qui ont reçu l’IA, on a noté une fréquence plus élevée de fractures osseuses, d’arthralgies et d’hyper-cholestérolémie légère, mais ce dernier phénomène était en fait un artefact lié à l’effet hypocholestérolémiant du tamoxifène.

Après un examen approfondi, l’équipe de l’essai BIG 1-98 du Dr Coates a conclu qu’il n’existait aucune différence significative entre les deux groupes quant à la distribution des événements selon la classe de cardiotoxicité ou au nombre total d’événements cardiaques (Figure 1). «C’est ce qu’on peut affirmer au sujet du nombre relativement faible de cas de cardiopathie ischémique de classes diverses et du nombre encore plus faible de cas d’insuffisance cardiaque de classes diverses», soutient-il.

Figure 1. Ensemble des événements cardiaques (toutes classes confondues)


«L’innocuité est fondamentalement semblable aux résultats publiés de la première analyse, ce qui confirme l’efficacité et l’innocuité du létrozole, de conclure le Dr Coates. À mesure que se prolonge le suivi, il nous sera peut-être donné de constater une supériorité encore plus marquée qui s’accompagnera éventuellement de bienfaits à long terme pour les patientes. L’innocuité à 51 mois reflète essentiellement les données publiées sur ces agents.»

Hypercholestérolémie et données cardiovasculaires

Lors de l’essai BIG 1-98, la différence entre le létrozole et le tamoxifène quant au nombre total d’événements cardiovasculaires (CV) n’était pas significative. Les résultats d’un essai dirigé par le Dr Alain Monnier, département d’oncologie médicale, Centre Hospitalier de Belfort-Montbéliard, Montbéliard, France, ont étayé l’effet relativement neutre des IA sur la cholestérolémie et les événements CV. Le risque relatif d’événement CV chez les patientes ayant reçu un IA s’apparente à celui de patientes qui recevaient un placebo plutôt que le tamoxifène.

Dans le cadre d’essais comme l’essai MA.17, aucune différence n’a été observée entre le létrozole et le placebo quant aux variations du bilan lipidique ou aux événements CV. Ces données prouvent que l’IA n’est pas associé à l’hypercholestérolémie ni à une hausse du risque CV. En fait, estiment les investigateurs, le taux d’événements cardiaques de classe 3, 4 ou 5 – qui était de 1 % plus élevé (2,1 % vs 1,1 %) dans le groupe létrozole que dans le groupe tamoxifène lors de l’essai BIG 1-98 – tient fort probablement aux effets hypolipidémiants du tamoxifène.

La fréquence des événements CV mortels dans les essais sur les IA administrés comme traitement adjuvant est comparable à celle des femmes ménopausées sans cancer du sein appariées sur le plan de l’âge. Voilà qui semble indiquer que les IA n’augmentent pas l’incidence des complications CV mortelles, mais sont dépourvus des effets cardioprotecteurs du tamoxifène, concluent les auteurs.

Remettre les nouveaux résultats dans leur contexte clinique

Selon le Dr Gabriel Hortobagyi, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston, l’adoption d’une stratégie autre que la mise en route précoce d’un traitement par un IA se traduirait par l’apparition de récidives qui ne se seraient pas produites si la patiente avait reçu un IA. L’administration d’un IA seul ou après un traitement initial par le tamoxifène est la stratégie optimale pour les femmes ménopausées, et plusieurs essais en cours font état d’un gain de survie.

Il reste encore des questions à approfondir au sujet des IA : durée optimale du traitement, stratégie croisée ou administration d’emblée, séquence optimale et rôle éventuel des modulateurs sélectifs des récepteurs œstrogéniques et des régulateurs négatifs sélectifs des récepteurs œstrogéniques après l’administration de l’IA. «Mais, et c’est probablement la question la plus importante, il faut vérifier s’il existe des sous-groupes de tumeurs RH+ qui doivent faire l’objet de stratégies différentes. Il est fort possible que certaines patientes atteintes d’une tumeur RH+ bénéficieraient davantage d’un IA administré d’emblée alors que d’autres bénéficieraient tout autant ou plus d’un traitement séquentiel, conclut le Dr Hortobagyi.

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