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Traitement du prédiabète : modification des habitudes de vie et nouvelles mesures préventives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 2e Congrès international sur le prédiabète et le syndrome métabolique

Barcelone, Espagne / 25-28 avril 2007

Au cours des 25 prochaines années, la sédentarité et de mauvaises habitudes alimentaires aidant, le nombre de personnes atteintes d’un diabète de type 2 (DT2) doublera pour passer à 300 millions. Pareille augmentation grèvera les services de santé d’un lourd fardeau, de sorte que l’importance de la prévention ne laisse planer aucun doute.

Précurseur d’un diabète cliniquement manifeste

L’un des éléments clés de toute stratégie de prévention serait de repérer les personnes à risque d’un DT2. Le Pr Sir George Alberti, Imperial College, Londres, Royaume-Uni, et membre de longue date du Groupe consultatif de l’Organisation mondiale de la Santé sur le diabète, a expliqué que le concept actuel de prédiabète a été formulé en 2002 lorsque l’American Diabetes Association (ADA) s’inquiétait des retombées de l’anomalie de la glycémie à jeun (AGJ) et de l’intolérance au glucose (IG), mais estimait que ces termes n’étaient pas assez «menaçants». Il importe toutefois de souligner que cette définition n’englobe pas toutes les personnes à risque. «Si vous avez un parent du premier degré qui souffre de diabète, votre risque à vie est de 40 %, ce qui est plus élevé que le risque associé à une AGJ, par exemple», explique le Pr Alberti. Cette définition est aussi lacunaire du fait qu’elle regroupe deux entités distinctes comme l’AGJ et l’IG, même si nous avons de solides données montrant que l’IG est associée à un risque accru de macroangiopathie alors que ce lien est beaucoup plus discret dans le cas de l’AGJ.

Modification des habitudes de vie

Il est utile de définir un concept tel que le prédiabète uniquement s’il est possible d’intervenir. De l’avis du Dr Stefano del Prato, Università di Pisa, Italie, «le diabète se répand en raison des habitudes de vie qui changent [...] on pourrait donc essayer de renverser la vapeur». Les programmes d’éducation générale sur la santé doivent viser les jeunes en particulier. Le Dr del Prato faisait remarquer que l’on crie bien fort les méfaits du tabagisme alors que, par comparaison, bien peu de campagnes publicitaires font la promotion d’une saine alimentation et de l’activité physique, même si les conséquences d’habitudes de vie malsaines peuvent être graves. L’étude finnoise sur la prévention du diabète a montré que, chez les personnes déjà considérées comme prédiabétiques, la modification des habitudes de vie – par rapport à l’absence de modification – pourrait réduire la progression vers le DT2 de 58 % (Tuomilehto et al. N Engl J Med 2001;344[18]:1343-50). De plus, dans le cadre du suivi, on a observé un effet soutenu, le taux de progression vers le DT2 ayant été plus faible chez les patients qui avaient été conseillés au préalable.

Pharmacothérapie

Les études cliniques ont prouvé que la modification des habitudes de vie est une stratégie efficace, mais de tels changements demeurent difficiles à intégrer dans la pratique clinique. À bien des égards, le recours à la pharmacothérapie est considéré comme une intervention «plus simple». L’étude DREAM (Diabetes REduction Assessment with ramipril and rosiglitazone Medication) – qui portait sur des adultes présentant une AGJ – a permis de constater que la rosiglitazone était efficace pour prévenir le diabète; par contre, on a noté une incidence significativement plus élevée d’insuffisance cardiaque dans le groupe de traitement (14 cas [0,5 %] vs 2 cas [0,1 %] dans le groupe témoin; p=0,01). «Ce sont là de petits chiffres et l’on pourrait penser que le risque d’insuffisance cardiaque n’est somme toute pas si élevé compte tenu de la prévention très efficace du diabète», affirme le Dr del Prato, mais on doit aussi songer «au nombre de patients à risque d’insuffisance cardiaque parmi ceux dont le prédiabète n’évolue pas spontanément vers le DT2». Vu sous cet angle, le ratio risque:bénéfice de la rosiglitazone à titre de traitement préventif est moins intéressant.

L’intervention pharmacologique devrait aussi viser à modifier les processus sous-jacents et non seulement à en traiter les manifestations. Le suivi des sujets de l’étude DREAM une fois le traitement terminé n’a mis en évidence aucune différence significative entre les deux groupes quant au taux de progression vers le DT2; c’est donc dire que la rosiglitazone n’a eu aucun effet durable.

L’effet incrétine

«Si le glucose est administré par voie orale et par voie intraveineuse, l’organisme “voit” le même glucose, mais sa réponse varie. La réponse des cellules bêta est beaucoup plus marquée lorsque le glucose passe par l’estomac», explique le Dr Daniel Drucker, Mt. Sinai Hospital, Toronto, Ontario. Cette réponse plus marquée des cellules bêta tient à des substances appelées incrétines, en particulier le GIP (glucose-dependent insulinotropic peptide) et le GLP-1 (glucogen-like peptide-1), qui sont libérées en réponse aux aliments. Lorsque le diabète devient cliniquement manifeste, l’effet incrétine est moins prononcé. L’action des incrétines pourrait d’une certaine façon être anormale chez les personnes dont l’AGJ ou l’IG progressent vers le DT2. En pareil cas, le rétablissement fonctionnel des incrétines pourrait prévenir l’évolution vers le DT2.

On a tenté de perfuser des incrétines à des fins thérapeutiques, mais celles-ci sont rapidement dégradées par l’enzyme DPP-4 (dipeptidyl peptidase-4). Inversement, l’inhibition de la DPP-4 permet d’augmenter les taux de GIP et de GLP-1. Les inhibiteurs de la DPP-4 (aussi appelés amplificateurs d’incrétines) comme le sitagliptin et le vildagliptin se sont révélés capables d’améliorer l’équilibre glycémique chez des patients atteints d’un DT2 dont le risque d’hypoglycémie est faible. Ces inhibiteurs ont l’avantage de ne pas entraîner de gain pondéral. «Comme ces traitements à base d’incrétines simulent la physiologie de l’organisme, ils sont sûrs et sont dotés d’un bon profil de tolérabilité», de conclure le Dr Drucker.

Résultats d’études cliniques

Dans le cadre d’études de phase III, plus de 5000 patients ont reçu du vildagliptin pendant une période pouvant atteindre deux ans, souligne la Dre Gaia Panina, chercheure, Bâle, Suisse. Ces études visaient à comparer cet agent en monothérapie avec un placebo de même qu’avec la metformine ou la rosiglitazone, et à l’évaluer comme traitement d’appoint à une thiazolidinedione, à la metformine ou à l’insuline chez des patients atteints d’un DT2. Lors des études comparatives directes, son efficacité était généralement comparable à celle des autres antidiabétiques. Fait important à souligner, le profil des effets indésirables de l’inhibiteur de la DPP-4 semblait plus favorable; selon l’analyse des données colligées, l’incidence des effets gastro-intestinaux était beaucoup plus faible que dans le cas de la metformine (diarrhée : 3,1 % vs 26,2 %; nausées : 2,9 % vs 10,3 %; et douleurs abdominales : 1,2 % vs 7,1 %, respectivement). L’hypoglycémie était aussi peu fréquente (<1 % des patients selon l’analyse des données colligées).

La Dre Panina a aussi présenté les résultats préliminaires obtenus avec le vildagliptin en monothérapie chez des personnes présentant une IG. La baisse de la glycémie postprandiale ne s’accompagnait pas d’une augmentation de l’insulinémie, et l’on a observé une amélioration fonctionnelle de 20 % des cellules bêta.

Énoncé de consensus de l’ADA sur le prédiabète

Le Dr Julio Rosenstock, Dallas Diabetes and Endocrine Center, et professeur titulaire de médecine, University of Texas Southwestern Medical School, a présenté un énoncé de consensus très récent de l’ADA (Nathan et al. Diabetes Care 2007;30:753-9). Dans cet énoncé, on définit d’abord l’IG comme une glycémie de 7,8 à 11,0 mM et l’AGJ, comme une glycémie de 5,6 à 6,9 mM. Chez les personnes présentant une IG ou une AGJ isolée, l’ADA recommande une modification des habitudes de vie, l’objectif étant une perte pondérale de 5 % à 10 % du poids corporel et une activité physique modérée au quotidien. Chez les autres patients qui présentent à la fois une IG, une AGJ et d’autres facteurs de risque (p. ex., indice de masse corporelle élevé, antécédents familiaux de diabète, bilan lipidique défavorable), l’ADA va plus loin en recommandant d’ajouter la metformine à la modification des habitudes de vie. «Pour la première fois, un médicament que l’on utilise depuis longtemps, avec succès d’ailleurs, est recommandé à titre préventif», fait valoir le Dr Rosenstock. Cela dit, poursuit-il, «je ne crains pas de prendre position et j’estime que ce médicament n’est pas approprié comme traitement préventif en raison de ses effets indésirables». En revanche, bien que les inhibiteurs de la DPP-4 n’aient pas encore gagné leurs lettres de noblesse, les études réalisées à ce jour montrent que leur efficacité est comparable à celle de la metformine, mais que leur profil de tolérabilité est plus intéressant.

Résumé

Les cliniciens sont maintenant en mesure de penser à prévenir le DT2. La modification des habitudes de vie est une stratégie reconnue pour être efficace. La pharmacothérapie pourrait aussi se révéler efficace, mais les données actuelles demeurent insuffisantes à cet égard. Les experts concluent qu’il est maintenant temps d’envisager la conduite d’études de prévention.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le sitagliptin et le vildagliptin n’étaient pas commercialisés au Canada.

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