Comptes rendus

Mise à jour des principes du traitement de la colite ulcéreuse : l’observance d’abord et avant tout
Préparer le terrain pour améliorer l’issue de la néphropathie chronique

Normaliser la phosphatémie et améliorer l’observance du traitement chez les patients dialysés

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

43e Congrès de la European Renal Association et de la European Dialysis and Transplant Association

Glasgow, Royaume-Uni / 15-18 juillet 2006

Chez les patients hémodialysés, le taux de mortalité – qui se chiffre à plus de 20 % par année – dépasse souvent celui de la mortalité par cancer, soulignent les conférenciers. La mortalité très élevée au sein de cette population vulnérable tient en grande partie aux événements cardiovasculaires (CV), et on a émis l’hypothèse voulant que certaines anomalies du métabolisme minéral, une élévation de la phosphatémie et de la calcémie en particulier, puissent contribuer au risque excessif de maladie CV. Comme le rapportent Block et al. (J Am Soc Nephrol 2004; 15:2208-18), par exemple, une phosphatémie supérieure à 1,61 mmol/L serait associée à une augmentation du risque relatif de mortalité selon une base de données de patients hémodialysés représentative de la situation nationale; essentiellement, le risque de mortalité double lorsque la phosphatémie atteint ³2,91 mmol/L.

Dans la même étude, l’hypercalcémie était aussi associée à un risque accru de mortalité, tout comme une hyperparathyroïdie modérée à sévère. Comme l’indique le Dr John Cunningham, professeur titulaire de néphrologie, Royal Free and University College Medical School, Londres, Royaume-Uni, «si l’on maîtrise mieux le taux de phosphore dans les cas où il est le plus élevé, nous réduirons peut-être le risque de mortalité».

À ce jour, par contre, les efforts déployés pour atteindre les taux cibles de phosphore établis par la Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (K/DOQI) sont «décevants», près de 50 % des patients ayant des taux qui demeurent supérieurs aux cibles recommandées par la K/DOQI, selon une étude par Young et al. (Kidney Int 2005; 67:1179-87).

Les options de traitement actuelles, «qui ne sont pas particulièrement bonnes», pour citer le Dr Cunningham, expliquent en partie le fait que les valeurs cibles ne sont pas atteintes. L’observance pourrait aussi être «sous-optimale», les patients trouvant difficile de prendre de multiples comprimés du chélateur du phosphate avec chaque repas, en plus des autres médicaments qu’ils doivent prendre pour les autres maladies dont ils souffrent. Par conséquent, un nombre moindre de comprimés pour traiter l’hyperphosphatémie chez le patient dialysé pourrait améliorer l’observance, estiment les conférenciers.

Dans sa présentation, la Dre Nirupama Vemuri, South Florida Nephrology Group, Coral Springs, Floride, expliquait que le carbonate de lanthane, chélateur du phosphate sans calcium, permet une maîtrise de la phosphatémie qui est comparable à ce qu’offrent les autres chélateurs du phosphate, mais il exige moins de comprimés. Comme l’explique la présentation par affiche de son étude, plus de 2700 patients souffrant d’une insuffisance rénale chronique sont passés dès le début de l’étude d’un chélateur du phosphate quelconque au carbonate de lanthane, qui a d’abord été administré à une dose initiale de 1500 mg/jour fractionnée selon les repas. La posologie était ajustée une fois par semaine, jusqu’à un maximum de 3750 mg/jour. (Il importe de souligner que, dans cette étude, les patients prenaient les préparations originales de 250 mg et de 500 mg, et non les nouvelles préparations à plus forte dose de 750 mg et de 1000 mg). Comme le rapportent la Dre Vemuri et ses collègues, la phosphatémie mesurée à 12 et à 16 semaines se maintenait ou presque aux taux obtenus avec les chélateurs du phosphate antérieurs, et la proportion de patients dont la phosphatémie était maîtrisée (<1,77 mmol/L) est demeurée constante à 42 %, tant selon l’analyse préalable à l’étude que selon l’analyse postérieure à l’étude.

À 12 semaines, précise la Dre Vemuri, on a également enregistré une diminution significative du nombre moyen de comprimés par semaine et de la dose quotidienne totale, par rapport au traitement par le chélateur du phosphate préalable. Chez les patients qui prenaient au préalable un chélateur du phosphate à base de calcium, le nombre de comprimés nécessaires au départ pour normaliser la phosphatémie était de 8,3, et la dose totale de calcium était de 5,39 g par jour. Chez les patients qui prenaient le sevelamer au départ, le nombre moyen de comprimés était de 9,6, pour une dose quotidienne moyenne de 7,6 g. Chez les patients qui prenaient à la fois un chélateur du phosphate à base de calcium et un chélateur du phosphate sans calcium, le nombre moyen de comprimés au départ était de 14,9.

Seize semaines après le passage au carbonate de lanthane, le nombre moyen de comprimés était passé à 5,8 par jour et à 5,9 par jour dans les groupes qui recevaient antérieurement du calcium et le sevelamer, respectivement, et à 6,5 par jour dans le groupe qui recevait les deux types de chélateurs, ce qui revient à une diminution d’environ 30 à 40 % du nombre total de comprimés dans les groupes monothérapie et à une diminution pouvant atteindre 56 % dans le groupe combinaison. «Au terme de la période d’ajustement posologique de 12 semaines, 73 % des patients ont déclaré que, dans l’ensemble, ils préféraient le carbonate de lanthane à leur chélateur du phosphate antérieur», font remarquer les auteurs. Cette réponse a trouvé écho chez 83 % des médecins.

«L’hyperphosphatémie entraîne une morbi-mortalité CV, et l’observance du traitement contribue étroitement à la normalisation de la phosphatémie», déclare la Dre Vemuri. Les nouvelles préparations fortement dosées «viendront diminuer le nombre de comprimés de 60 à 80 %, par comparaison aux deux préparations de carbonate de lanthane à plus faible dose et à d’autres chélateurs du phosphate», ajoute-t-elle.

Résultats d’autres études

Dans le cadre d’une étude ouverte distincte dont il a présenté les résultats, le Dr Rajnish Mehrotra, professeur adjoint de médecine, David Geffen School of Medicine, University of California at Los Angeles, et ses co-investigateurs ont testé toutes les préparations optimisées en comprimés à croquer à 250, 500, 750 et 1000 mg.

En tout, 509 patients – dont environ la moitié prenait le sevelamer avant de passer au carbonate de lanthane et dont 40 % recevaient un chélateur du phosphate à base de calcium – ont reçu le carbonate de lanthane, d’abord à raison de 1500 mg/jour, puis à 2250 ou 3000 mg/jour, afin d’atteindre la phosphatémie cible de 3,5 à 5,5 mg/dL (1,13 à 1,78 mmol/L). Dans la deuxième phase de cette étude ouverte, les patients ont continué à recevoir des doses pouvant atteindre 3000 mg/jour ou un maximum de 4500 mg/jour après un ajustement posologique forcé.

Les questionnaires sur la satisfaction des patients et des médecins ont été recueillis au départ, puis après 4, 8 et 24 semaines de traitement, indiquent les investigateurs. Après 24 semaines, 78 % des patients et 88 % des médecins ont rapporté une satisfaction globale significativement plus élevée (p<0,001) à l’égard des nouvelles préparations; par comparaison, 63 % des patients et 66 % des médecins étaient globalement satisfaits du chélateur du phosphate antérieur. Environ 60 % des patients ont aussi indiqué qu’ils préféraient la préparation fortement dosée parce qu’elle était facile à prendre, qu’elle réduisait le nombre de comprimés et qu’elle facilitait l’observance du traitement.

«Je pense – du moins j’espère – que les nouvelles préparations de carbonate de lanthane amélioreront l’observance du traitement. En effet, si l’on peut réduire le nombre de comprimés à prendre, il est à souhaiter que les patients les prendront plus régulièrement et, par conséquent, que leur phosphatémie sera mieux maîtrisée», note le Dr Mehrotra, qui précise que même si cela reste à confirmer, une meilleure maîtrise de la phosphatémie se traduira probablement par une amélioration de l’issue clinique.

De même, la maîtrise rapide de l’hyperphosphatémie grâce à une dose initiale plus élevée pourrait convaincre davantage les patients de l’efficacité réelle du traitement. Comme l’indique le Dr George Porter, professeur émérite de médecine, Oregon Health Sciences University, Portland, si le médecin doit constamment augmenter le nombre de comprimés que doit prendre le patient, «ce dernier finit par se décourager».

Les investigateurs ont donc tenté d’établir la dose exacte de carbonate de lanthane qui réduirait la phosphatémie le plus rapidement. Pour les fins de l’étude, la maîtrise de la phosphatémie se définissait comme un taux £1,77 mmol/L, comme le recommandent les lignes directrices de la K/DOQI. Deux études ont fait l’objet d’une analyse rétrospective. Dans l’une de ces études, les patients ont reçu aléatoirement le carbonate de lanthane à raison de 225, 675, 1350 et 2250 mg/jour (doses fractionnées en fonction des repas). Dans la deuxième, la posologie était ajustée sur une période de cinq semaines, de 375 mg/jour à un maximum de 3000 mg/jour, au moyen de comprimés dosés à 125 mg ou à 250 mg.

L’analyse de la première étude a révélé que la posologie initiale de 2250 mg était celle qui avait permis la maîtrise la plus rapide de la phosphatémie après une médiane de sept jours. Dans la deuxième étude, les investigateurs ont noté un «lien direct» entre la phosphatémie initiale et la dose requise pour la normaliser, un taux initial plus élevé nécessitant une dose plus forte. La phosphatémie a été maîtrisée chez 58 % des patients qui avaient un taux initial de 1,77 à 2,42 mmol/L, chez 53 % de ceux qui avaient un taux initial de >2,42 à 2,91 mmol/L, et chez 52 % de ceux qui avaient un taux initial >2,91 mmol/L.

Fait important, les deux études ont permis de constater que l’incidence des effets indésirables n’augmentait pas parallèlement à la dose. «Globalement, nous avons découvert qu’une posologie de 2250 à 3000 mg/jour de carbonate de lanthane permet de normaliser la phosphatémie très rapidement», confirme le Dr Porter. Cependant, souligne-t-il, il est essentiel que les patients comprennent l’importance de prendre leurs comprimés pendant ou après les repas pour que le médicament soit le plus efficace possible.

Lignes directrices de la K/DOQI

Les plus récentes lignes directrices de la K/DOQI recommandent maintenant une phosphatémie cible plus faible, plus précisément entre 1,13 et 1,78 mmol/L. Dans le cadre d’une autre étude de phase III, les investigateurs ont évalué l’efficacité du carbonate de lanthane pour atteindre la phosphatémie cible actuellement recommandée dans les plus récentes lignes directrices de la K/DOQI chez des patients recevant un seul chélateur du phosphate ou une association de chélateurs du phosphate.

Dans la présentation de son étude, l’auteur principal, le Dr Alastair Hutchison, unité de néphrologie, Manchester Royal Infirmary, et maître de conférence honoraire en médecine, University of Manchester, Royaume-Uni, a expliqué que 274 patients avaient reçu une dose totale de carbonate de lanthane de 1500 mg/jour fractionnée en trois doses administrées aux repas pendant une période de 12 semaines. La dose quotidienne pouvait être augmentée de 750 mg une fois par semaine, jusqu’à l’atteinte de la dose maximale de 4500 mg/jour, l’objectif étant d’atteindre les taux cibles recommandés par la K/DOQI. Les comprimés utilisés étaient dosés à 250 mg, à 500 mg, à 750 mg et à 1000 mg. Avant de changer de traitement, 57 % des patients recevaient un seul chélateur du phosphate alors que 41 % recevaient au moins deux chélateurs du phosphate. Au moment de la présélection, la phosphatémie moyenne était de 1,99 mmol/L chez les patients recevant un seul chélateur du phosphate, et seulement 36 % des patients du groupe monothérapie avaient atteint la phosphatémie recommandée par la K/DOQI.

Après 12 semaines de traitement par le carbonate de lanthane, la phosphatémie moyenne était de 1,83 mmol/L, et 52 % des patients avaient atteint les taux cibles de la K/DOQI. Chez les patients qui recevaient au moins deux chélateurs du phosphate au départ, la phosphatémie moyenne au moment de la présélection était semblable, soit 1,97 mmol/L, et 35 % des patients avaient atteint les taux cibles de la K/DOQI. Douze semaines plus tard, la phosphatémie avait chuté à 1,87 mmol/L, et 43 % des patients qui recevaient antérieurement au moins deux chélateurs du phosphate avaient atteint les taux cibles de la K/DOQI.

Comme l’indiquent les investigateurs, les sujets de cette étude avaient besoin d’une dose moyenne d’environ 3000 mg/jour. Ainsi, chez la majorité des patients ayant besoin d’un traitement pour leur hyperphosphatémie, un seul comprimé à croquer de 1000 mg administré à chaque repas pourrait maîtriser la phosphatémie. La plupart des effets indésirables étaient de nature digestive : vomissements, nausées et diarrhée, d’intensité légère à modérée dans tous les cas.

«Si vos patients doivent avaler chaque jour plusieurs comprimés d’un chélateur du phosphate, vous pouvez améliorer la maîtrise de la phosphatémie chez un grand nombre d’entre eux en passant au carbonate de lanthane. Et, ce faisant, vous réduirez significativement le nombre de comprimés qu’ils doivent prendre», de conclure le Dr Hutchison.

Résultats à six ans

L’innocuité du carbonate de lanthane, dont l’utilisation remonte maintenant à six ans chez certains patients, a fait l’objet de plusieurs présentations. Dans une étude de prolongation de deux ans qui a été réalisée au sein d’un sous-groupe de patients qui avaient pris part à quatre études préalables, les investigateurs ont tenté de repérer les effets indésirables graves ou les nouveaux effets indésirables qui auraient pu apparaître après six ans d’utilisation. «Ce ne sont pas tous les patients qui ont pu participer à l’étude pendant la totalité des six années», fait remarquer le Dr Hutchison. En effet, au sein d’une cohorte de 93 patients inscrits à l’étude de prolongation, seulement 17 ont pu terminer les six années de traitement. Cela dit, 26 patients ont participé à l’étude pendant cinq ans et 38, pendant quatre ans.

Lors de cette étude de prolongation, quatre patients (4,3 %) ont été victimes d’une fracture, taux qui s’apparente vraiment à ce que l’on observe avec les autres chélateurs du phosphate. Les investigateurs ont noté que la plupart des patients avaient eu un effet indésirable quelconque au cours de l’étude, mais seulement deux cas de céphalées ont été considérés comme reliés au traitement.

Fait important à souligner, aucun patient n’a présenté deux élévations consécutives de plus de trois fois la limite normale supérieure du taux d’alanine aminotransférase ou d’aspartate aminotransférase, alors que les taux plasmatiques de carbonate de lanthane sont restés de l’ordre de la nanomole pendant la totalité des six années. «Aucun autre chélateur du phosphate n’a fait l’objet d’un suivi aussi long, poursuit le Dr Hutchison, et nous n’avons observé aucune augmentation de la fréquence des effets indésirables au fil du temps. De même, l’exposition croissante au médicament n’a entraîné aucun effet indésirable nouveau ou inattendu.»

D’autres chercheurs ont corroboré l’absence de toxicité pour le foie et le cerveau. Le professeur Marc De Broe, professeur titulaire de médecine, département de néphrologie et d’hypertension, Hôpital universitaire d’Anvers, Belgique, a clairement démontré que, après l’ingestion, le carbonate de lanthane est absorbé de façon minime par le tube digestif et la petite fraction de l’agent qui est absorbée se lie aux protéines en totalité ou presque. Par conséquent, l’accumulation dans les os est extrêmement faible, même après une exposition prolongée. Il est excrété presque entièrement par le système biliaire et ne fait que passer par le foie, souligne le professeur De Broe, car il se lie d’abord à la transferrine avant d’être capté par les lysosomes, puis éliminé par le canalicule biliaire.

Cela dit, prévient-il, les patients souffrant d’une cirrhose déclarée ne doivent pas recevoir ce médicament. «Si la voie des lysosomes est compromise et si le mécanisme d’élimination de l’agent s’en trouve perturbé, il s’accumule dans le sérum et ses concentrations sanguines augmentent. Il devient alors impossible d’en prévoir l’effet.»

Deux expériences réalisées chez l’animal par le Dr Stephen Damment, Hampshire, Royaume-Uni, ont confirmé les hypothèses des chercheurs selon lesquelles les cas rapportés antérieurement d’accumulation de carbonate de lanthane dans le cerveau tenaient au fait que le composé en poudre administré à forte dose dans la nourriture s’était déposé en partie sur la peau de l’animal et que le composé avait ensuite été transféré dans le cerveau pendant l’autopsie; il a donc été exclu que l’accumulation était due à la capacité du composé à traverser la barrière hémato-encéphalique.

Résumé

Il devient de plus en plus important d’abaisser et de normaliser les taux de phosphore chez les patients souffrant d’une insuffisance rénale chronique, surtout à la lumière des nouveaux taux plus faibles recommandés dans la mise à jour des lignes directrices de la K/DOQI. Les médecins traitants doivent aussi continuer de rappeler à leurs patients qu’ils doivent prendre leurs comprimés pendant les repas pour optimiser leurs résultats. La diminution du nombre de comprimés de la préparation optimisée de carbonate de lanthane favorisera une meilleure observance. De plus, la préparation se caractérise par un profil d’innocuité satisfaisant, sans augmentation apparente de l’incidence des effets indésirables.

Remarque : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le carbonate de lanthane n’était pas commercialisé au Canada.

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