Comptes rendus

Normaliser la phosphatémie et améliorer l’observance du traitement chez les patients dialysés
Vers un consensus sur les schémas à base d’inhibiteurs de la protéase potentialisés dans le traitement initial de l’infection à VIH

Préparer le terrain pour améliorer l’issue de la néphropathie chronique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 43e Congrès de la European Renal Association et de la European Dialysis and Transplant Association

Glasgow, Royaume-Uni / 15-18 juillet 2006

«Pendant de nombreuses années, nous ne cherchions qu’à stopper la maladie osseuse [chez les patients dialysés]», explique le Dr David C. Wheeler, maître de conférence en néphrologie, University College Medical School, Londres, Royaume-Uni. «Il est toutefois devenu évident au cours des cinq à huit dernières années que, ce faisant, nous ouvrons la porte aux dépôts de calcium dans les artères de nos patients.» Dans le cadre du congrès, des chercheurs ont exploré la question afin de déterminer si les traitements de nouvelle génération permettent de traiter la maladie osseuse sans pour autant causer des calcifications cardiovasculaires.

Données de l’essai DCOR

Le Dr David J.A. Goldsmith, consultant en néphrologie et maître de conférence honoraire, unité de néphrologie, Guy’s Hospital, Londres, Royaume-Uni, a présenté les données de l’essai DCOR (Dialysis Clinical Outcomes Revisited), la première étude d’envergure à comparer l’issue clinique chez des patients recevant divers chélateurs du phosphate. Dans le cadre de cet essai prospectif, 2103 patients hémodialysés répartis dans 75 centres aux États-Unis ont reçu aléatoirement le sevelamer ou un chélateur du phosphate à base de calcium. Le paramètre principal de l’étude était la mortalité toutes causes confondues.

Les chercheurs n’ont relevé aucune différence significative entre les deux groupes quant à la mortalité toutes causes confondues (risque relatif [RR] de 0,91; IC à 95 %, 0,77-1,08; p=0,3). Cela dit, selon l’analyse du sous-groupe des patients de 65 ans et plus, le risque de mortalité toutes causes confondues était plus faible chez les patients du groupe sevelamer (RR de 0,78; IC à 95 %, 0,62-0,97; p=0,03). De même, après au moins deux ans de traitement, les chercheurs ont noté une diminution significative de la mortalité dans le groupe chélateur du phosphate sans calcium (RR de 0,66; IC à 95 %, 0,48-0,94; p=0,02).

«[Nos connaissances sur les calcifications coronaires et la néphropathie] demeurent très rudimentaires, affirme le Dr Goldsmith. Lorsque nous avons un patient assis devant nous, notre analyse ne doit pas se limiter à ses taux sériques de calcium, de phosphate ou de PTH [parathormone]. Le traitement des anomalies du métabolisme osseux ou minéral demeure un défi d’une difficulté extrême, même de nos jours; bien doser et équilibrer tous les éléments qui entrent en ligne de compte est l’un des plus grands défis que nous avons à relever.»

Étude fondée sur des biopsies osseuses

Une biopsie osseuse a été réalisée après un an de traitement chez des patients hémodialysés qui, après randomisation, avaient reçu le sevelamer ou le carbonate de calcium. L’analyse des résultats a mis au jour une tendance vers une suppression moins marquée du renouvellement osseux et une amélioration de la microarchitecture osseuse dans le groupe sevelamer. Commentant ces résultats, le Dr Anibal Ferreira, service de néphrologie, Hospital de Curry Cabral, Lisbonne, Portugal, a expliqué à l’auditoire que son équipe et lui-même cherchaient à évaluer le renouvellement osseux, la minéralisation osseuse et le volume osseux et à comparer les effets du sevelamer à ceux du calcium chez leurs patients dialysés. Après randomisation, des adultes répartis dans 16 centres de dialyse du Portugal ont reçu l’un des deux types de chélateur du phosphate. Les biopsies osseuses étaient pratiquées à un an d’intervalle.

En tout, 33 patients du groupe calcium et 35 patients du groupe sevelamer ont terminé l’étude. Les taux sériques de phosphore, de calcium et de PTH étaient bien contrôlés dans les deux groupes, mais le taux sérique de calcium était systématiquement plus faible et le taux sérique de PTH, systématiquement plus élevé dans le groupe sevelamer. «Le traitement à base de calcium a donné lieu à une calcémie plus élevée, à une incidence accrue d’hypercalcémie et à une suppression plus marquée de la PTH», rapporte le Dr Ferreira. Le renouvellement osseux est passé d’un rythme normal à un rythme inférieur à la normale chez 9 % des patients du groupe sevelamer vs 31 % des patients du groupe carbonate de calcium.

Prolongation de l’étude RIND

Tant les données l’étude RIND (Renagel in New Dialysis) publiées à 18 mois (Block et al. Kidney Int 2005;68[4]:1815-24) que les données récentes de l’étude de prolongation sur la comparaison du sevelamer et de chélateurs du phosphate à base de calcium ont montré que, chez les patients dont la dialyse est très récente, le score des calcifications coronaires (SCC) est lié à la survie, affirme le Dr Geoffrey Alan Block, professeur adjoint de médecine, University of Colorado Health Sciences Center, et directeur, division de la recherche clinique, Denver Nephrologists, Colorado. Les résultats publiés récemment proviennent d’une étude de prolongation de 42 mois qui regroupait 114 sujets de la cohorte initiale de l’étude RIND. Les patients avaient en moyenne 60 ans au départ; 60 % étaient de sexe masculin et 60 % étaient diabétiques.

À un moment donné de l’étude initiale de 18 mois, dans le groupe calcium, 54 % avaient une calcémie supérieure à 2,55 mmol/L et 24 %, une calcémie supérieure à 2,75 mmol/L. «Il est très difficile de traiter et de prévenir les épisodes d’hypercalcémie quand on se sert du calcium comme chélateur du phosphate», fait valoir le Dr Block.

Le SCC médian était équivalent dans les deux groupes de traitement au début de l’étude de prolongation. Au fil du temps, le SCC a augmenté légèrement dans le groupe sevelamer alors que, dans le groupe calcium, il avait doublé à 12 mois et triplé à 18 mois. Toutefois, les patients qui n’étaient pas porteurs de calcifications au début de l’étude n’en avaient toujours pas à la fin de l’étude, indépendamment du type de traitement.

«Après ajustement des données pour tenir compte de l’âge, de la race, du sexe et du diabète, le taux de mortalité était deux fois plus élevé dans le groupe calcium. À mon avis, il importe peu de savoir si le calcium a aggravé la situation ou si le sevelamer a protégé les patients. Si on a le choix, le patient ne devrait pas recevoir de chélateur du phosphate à base de calcium», de conclure le Dr Block.

Perspective canadienne

Commentant ces présentations, le Dr David C. Mendelssohn, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, faisait remarquer que l’étude RIND avait mis en évidence une progression plus lente des calcifications vasculaires existantes chez les patients nouvellement dialysés qui recevaient le sevelamer. À cinq ans, le SCC était prédictif de la mortalité. «Le plus impressionnant a été que, malgré le petit nombre de patients traités, l’étude a fait ressortir une prolongation marquée et statistiquement significative de la survie dans le groupe sevelamer», dit-il.

L’étude DCOR a été réalisée chez des patients qui étaient déjà en dialyse, ajoute le Dr Mendelssohn. L’analyse du paramètre principal a fait ressortir une tendance en faveur du sevelamer. Le seuil de signification statistique a été atteint pour l’un des paramètres prédéterminés (patients ³65 ans) de même que pour un paramètre non prédéterminé (utilisation du sevelamer ³deux ans). L’étude n’avait pas la puissance statistique voulue, mais des indices biologiquement importants et logiques s’en sont dégagés.

Ces deux études combinées sont «remarquables», poursuit le Dr Mendelssohn, car ce sont les deux premières études comparatives et randomisées sur l’insuffisance rénale terminale à montrer qu’il est possible d’abaisser le taux de mortalité tragiquement élevé au sein de cette population. D’autres essais cliniques chez ces patients sont justifiés.

Autres études prometteuses

A également été présentée au congrès une étude internationale dont l’objectif était d’évaluer l’innocuité et l’efficacité du traitement par un chélateur du phosphate chez 143 patients en dialyse péritonéale (résumé MP580). Une étude croisée qui portait sur 58 patients a révélé que le traitement par le sevelamer était associé à une augmentation différée et soutenue du taux sérique de fétuine A, un inhibiteur de la calcification (résumé SP386). Dans une autre présentation, il a été question de l’étude épidémiologique CORD (Calcification Outcome in Renal Disease) selon laquelle des calcifications importantes tapissaient l’aorte abdominale de 796 patients dialysés (résumé MP327). Des chercheurs ont également présenté une évaluation de 36 patients nouvellement dialysés selon laquelle, chez 13 patients ne présentant aucune calcification coronaire au départ, 12 patients n’en avaient toujours pas après 30 mois (résumé MP440).

Traitement de la maladie de Fabry

Dans le cadre d’une autre séance, le Dr Stephen Waldek, consultant en néphrologie, Hope Hospital, Manchester, Royaume-Uni, a discuté de la conservation de la fonction rénale chez les patients souffrant de la maladie de Fabry. «[L’agalsidase bêta] administrée à raison de 1 mg/kg toutes les deux semaines peut prévenir la progression de la néphropathie si le traitement est amorcé tôt», dit-il. Chez certains patients âgés dont la sclérose est plus avancée et présentant une protéinurie, la maladie progresse; ces patients devraient recevoir un inhibiteur de l’ECA, un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II, ou les deux, de même qu’une statine. «Le dépistage précoce est la clé, souligne-t-il. Nous savons que, même à l’âge de 13 ou 14 ans, les garçons montrent des signes de dysfonction rénale. Nous devons donc faire tout ce que nous pouvons pour repérer ces familles, déceler la maladie tôt et administrer une dose suffisante de traitement enzymatique à ces patients.»

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