Comptes rendus

Optimisation du traitement ciblé dans le cancer du rein
Nouvelles cibles et nouvelles stratégies pour la prévention et le traitement de la migraine

Nouveaux concepts thérapeutiques dans l’ostéoporose

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 30e Assemblée annuelle de l’American Society for Bone and Mineral Research

Montréal, Québec / 12-16 septembre 2008

À n’importe quel moment, le remodelage osseux permanent touche 10 à 20 % de la surface osseuse d’un squelette jeune et sain. «L’élimination d’un quantum de tissu osseux par les ostéoclastes est suivie d’une [néo]formation osseuse dans la lacune creusée par les ostéoclastes [...] Les quantités d’os résorbé et d’os formé étant à peu près similaires chez un jeune adulte en bonne santé, la masse osseuse se maintient», explique la Dre Juliet Compston, professeure titulaire de médecine des os, Cambridge University School of Clinical Medicine, Royaume-Uni.

Biologie du vieillissement osseux

La Dre Compston a décrit en détail divers facteurs interdépendants qui contribuent à la perte et à fragilité osseuses associées au vieillissement. Deux mécanismes clés expliquent la perte osseuse : augmentation du nombre d’ostéoclastes et de leur activité, et diminution parallèle de l’activité des ostéoblastes au niveau cellulaire, dans l’unité de remodelage. La résorption osseuse devient donc plus rapide que la formation osseuse. En parallèle, la quantité de nouveau tissu osseux ne suffit peut-être pas à remplir les lacunes creusées par la résorption osseuse. «Ces deux mécanismes sont en cause dans la perte osseuse postménopausique. Le remodelage est accéléré et les lacunes de résorption – qui se multiplient dans l’os trabéculaire – ne sont remplies que partiellement.»

Ce déséquilibre associé au vieillissement est influencé par des facteurs génétiques, comme le capital osseux acquis pendant le développement du squelette, des facteurs environnementaux, comme une activité physique moindre et une carence en vitamine D (vit D), et les changements hormonaux systémiques, surtout le déficit en oestrogènes et la synthèse moindre de facteurs de croissance. «Tous ces facteurs, empruntant de multiples voies [...], augmentent la synthèse et l’activité des ostéoclastes, et réduisent l’activité des ostéoblastes. Il en résulte une accélération du remodelage osseux et une diminution de la néoformation osseuse», note la Dre Compston.

Dans l’ostéoporose, la perte osseuse s’accompagne de changements qualitatifs dus au vieillissement qui contribuent aussi à la fragilité osseuse et aux fractures. Ces changements ne sont pas nécessairement captés par l’ostéodensitométrie et doivent souvent être élucidés. Ce sont des modifications du degré et de la distribution de la minéralisation, l’altération de la microarchitecture osseuse, les lésions de stress comme les microfissures causées par le ralentissement du renouvellement osseux, les modifications de la composition de la matrice minérale et la perte de viabilité des ostéocytes.

D’autres facteurs influent sur le traitement

Au dire du Dr John Bilezikian, professeur titulaire de médecine et de pharmacologie, et chef de la division d’endocrinologie, Columbia University Medical Center, New York, la commodité est un avantage clé de tout traitement de longue durée. On assiste à de nombreux progrès, dont l’arrivée de nouvelles préparations – à prise mensuelle, voire annuelle – de traitements existants. Le coût et la tolérabilité influent aussi sur l’adhésion au traitement. L’alendronate générique est maintenant le plus abordable des agents anti-ostéoporose, précise-t-il. Cela dit, un tour d’horizon des dossiers d’une clinique – présenté au congrès par des chercheurs canadiens – a révélé qu’un nombre assez élevé de femmes atteintes d’ostéoporose tolérant bien l’alendronate de marque ont commencé à avoir des troubles digestifs quand elles sont passées au générique (Grima et al. Résumé SA414). Dans cette étude, 53 des 181 femmes (29 %) qui avaient commencé à recevoir l’alendronate avant juillet 2005 (lancement du générique) ont ensuite mis fin à leur traitement. Environ la moitié des abandons étaient dus à des troubles digestifs et l’autre moitié, à une baisse de la densité minérale osseuse. Ces résultats ont des conséquences sur la santé et l’économie, affirme l’un des auteurs, le Dr Rick Adachi, chef de la division de rhumatologie et professeur titulaire de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario. «Les effets indésirables [de l’alendronate de marque] apparaissent généralement au cours des deux ou trois premiers mois. Ces patientes le prenaient depuis plus longtemps et allaient très bien avant que ces problèmes surgissent [...] Les conséquences sont multiples : peut-être le médicament n’est-il pas efficace ou peut-être la patiente mettra-t-elle fin au traitement et l’issue sera-t-elle défavorable.» La différence de tolérabilité pourrait tenir au profil de dissolution de l’agent générique, estiment les chercheurs.

L’innocuité du traitement de l’ostéoporose est débattue dans les publications médicales et grand public. Un manque d’information – à la fois chez les patientes et les médecins – peut mener à une observance médiocre. L’ostéonécrose de la mâchoire (ONM) est extrêmement rare chez les sujets atteints d’ostéoporose recevant un bisphosphonate, souligne le Dr Bilezikian. Selon un groupe de travail de l’ASBMR, le risque d’ONM se chiffre à environ 0,7 pour 100 000 sujets traités. Le syndrome d’hypersuppression, qui se caractérise par la survenue de fractures «en bâton de craie» chez les sujets sous bisphosphonates, est aussi extrêmement rare, dit-il. «Ce syndrome semble résulter d’une utilisation prolongée, et les douleurs osseuses localisées pourraient constituer le prodrome. On observe parfois à la radiographie une réaction évidente au niveau de l’os cortical, et le renouvellement osseux pourrait être affaibli. Ces [éléments] sont très imprécis. On ignore plein de choses sur ce syndrome, même s’il est effectivement lié aux bisphosphonates.»

Aux États-Unis, la monographie de la tériparatide comporte une mise en garde encadrée contre le risque apparent d’ostéosarcome, mais un seul cas a été rapporté chez les plus de 750 000 sujets traités depuis 2002. L’incidence de l’ostéosarcome chez l’adulte étant d’environ un sur 250 000, l’association est discutable, estime-t-il. De même, la fibrillation auriculaire a été signalée comme un effet indésirable grave de l’acide zolédronique lors des essais pivots; or, elle n’a jamais été signalée dans les autres études sur cet agent ni dans les études sur les autres bisphosphonates. L’acide zolédronique est associé à une réaction aiguë (surtout à la première dose) que l’on peut prévenir en administrant de l’acétaminophène avant le traitement.

Rôle de la vitamine D

La vit D contribue à la santé osseuse en augmentant l’absorption du calcium et du phosphore par l’intestin, et elle semble avoir un rôle dans la formation osseuse. Au congrès, plusieurs communications ont porté sur le rôle de la vit D dans la prévention et le traitement de l’ostéoporose. Le Dr Michael Holick, professeur titulaire de médecine, de physiologie et de biophysique, et directeur de la clinique de santé osseuse, Boston University Medical Center, Massachusetts, a discuté des répercussions d’une carence en vit D (taux de 25-hydroxy-vitamine D [25(OH)D] <20 ng/mL ou <50 nmol/L) sur la santé en général et de sa contribution à une faible minéralisation osseuse et à la pathogenèse de l’ostéoporose. Les carences, de plus en plus courantes avec l’âge, sont fréquentes chez les victimes de fractures ostéoporotiques. Plusieurs facteurs peuvent être en cause : mauvaise alimentation, restrictions physiques et isolement social ayant pour conséquence l’absence d’activités de plein air. Même une carence infraclinique peut précipiter et exacerber l’ostéoporose, affirme le Dr Holick. «Les bisphosphonates sont la pierre angulaire du traitement, mais il est essentiel de corriger les carences en vit D, peu importe le traitement», ajoute-t-il. Il est ressorti d’une étude récente que le taux sérique moyen de 25(OH)D était sous-optimal chez 52 % des femmes traitées pour l’ostéoporose (Holick et al. J Clin Endocrinol Metab 2005;90[6]:3215-24).

Un apport suffisant en vit D renforce la résistance des membres inférieurs et diminue le risque de chute chez les sujets âgés, mais les mécanismes sous-jacents n’ont pas été parfaitement élucidés. Un taux élevé de 25(OH)D est aussi associé à une amélioration de la densité osseuse. D’autres études présentées au congrès ont confirmé qu’un apport suffisant en vit D est salutaire pour les personnes âgées. Une étude a mis en évidence des taux plus élevés de perte osseuse au niveau de l’os iliaque chez des hommes présentant une carence en 25(OH)D que chez des hommes présentant des taux normaux ou une simple insuffisance (Enrud et al. Résumé F367). Selon une méta-analyse d’essais sur la vit D pour la prévention des chutes chez la personne âgée, on doit administrer de fortes doses thérapeutiques d’un supplément de vit D (au moins 700 UI/jour) pour réduire le risque d’au moins 19 %. Une dose plus faible ou générant un taux sérique de 25(OH)D <60 nmol/L était moins susceptible de réduire le risque de chute (Henschkowski et al. Résumé SU423). Une petite étude a révélé que les sujets présentant une carence en 25(OH)D jouissent d’une qualité de vie inférieure à la moyenne, quelles que soient les répercussions de la perte osseuse ostéoporotique (Camacho et al. Résumé SU424).

Soleil et autres sources

Ostéoporose Canada recommande actuellement 800 UI/jour de vit D et 1500 mg/jour de calcium chez les adultes de >50 ans. Un apport suffisant devrait générer un taux sérique de 25(OH)D de 40 à 60 ng/mL, précise le Dr Holick. Une intoxication par la vit D ne survient presque jamais, le taux sérique devant excéder 150 ng/mL.

Les rayons de soleil demeurent la source la plus efficace de vit D. Dans les pays nordiques, l’exposition au soleil est rarement suffisante pendant les saisons chaudes, et l’ensoleillement moindre en hiver rend quasi impossible la synthèse d’une quantité suffisante de vit D. «En hiver, seules les personnes vivant [au sud d’]Atlanta, en Géorgie, synthétisent de la vit D. Si vous vivez [plus au nord], la synthèse de vit D est essentiellement inexistante», lance-t-il. Une personne en bonne santé aura un apport suffisant en vit D si elle s’expose les bras et les jambes pendant cinq à 15 minutes deux ou trois fois par semaine, après quoi elle devra appliquer un écran solaire. Les personnes au teint foncé ont besoin d’une exposition sensiblement plus longue.

Un supplément de vit D en comprimés peut combler les lacunes. Les complexes vitaminiques standard contiennent 400 UI, mais on ne doit pas en doubler la dose en raison du risque d’apport excessif en vit A. Si certains médecins recommandent la consommation de poissons gras pour augmenter l’apport en vit D, la teneur d’une portion (500 à 1000 UI) signifie qu’une consommation quotidienne s’impose, ajoute le Dr Holick. En présence d’une carence réelle en vit D, un cycle d’injections à forte dose serait peut-être préférable. «Chez les sujets dont le réservoir de vit D est vide, je prescris généralement 50 000 UI une fois par semaine pendant huit semaines, puis une fois toutes les deux semaines.» Selon son équipe, l’administration d’une dose de 50 000 UI deux fois par mois également efficace pour prévenir la récurrence d’une carence (Pietras et al. Résumé SU426).

Les données présentées au congrès confirment que nous sommes encore loin de la prise en charge idéale de l’ostéoporose. Les chercheurs s’entendent pour dire qu’il n’existe pas de traitement ni de schéma universel et que, par conséquent, l’objectif ultime est l’individualisation du traitement».

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.