Comptes rendus

Les défis du traitement des infections à Gram positif graves
Prise en charge du glaucome : évaluer et réduire le risque

Nouvelles options dans le traitement des candidoses invasives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 17e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie

Munich, Allemagne / 31 mars-3 avril 2007

L’épidémiologie de la candidémie est complexe et varie d’une unité de soins à l’autre. Depuis 10 ans, la multiplication des infections à Candida non-albicans (NAC) chez les patients hospitalisés lance un défi de taille aux cliniciens, principalement en raison des différences de sensibilité aux antifongiques entre les espèces. Il serait important de mieux connaître les facteurs de risque de la candidose à NAC afin de déterminer le traitement antifongique initial approprié et de choisir le traitement le plus efficace en cas d’infection persistante et récurrente.

Tendances épidémiologiques changeantes

La candidémie compte parmi les infections septicémiques nosocomiales les plus fréquentes, et l’incidence des candidémies à NAC est en hausse dans tous les groupes d’âge, surtout chez les personnes âgées. Elle est associée à un taux de mortalité élevé (30 % à 40 %), prolonge la durée du séjour à l’hôpital et augmente le coût des soins médicaux. Les patients souffrant d’une maladie sous-jacente grave qui sont hospitalisés à l’unité des soins intensifs (USI) sont les sujets les plus à risque de candidémie en raison de la ventilation mécanique, des cathéters centraux à demeure, de la nutrition parentérale totale et des sondes urinaires. À l’USI post-opératoires, les cathéters triple lumière, les plaies abdominales compliquées et la nécessité d’un traitement de substitution rénale sont des terrains propices à l’apparition d’une candidémie. «Le défi consiste à bien distinguer la mortalité attribuable exclusivement à la candidose de la mortalité principalement attribuable à la maladie grave sous-jacente», affirme le Dr Georg Maschmeyer, professeur titulaire de médecine interne, Klinikum Ernst von Bergmann, Potsdam, Allemagne. «Chaque établissement doit examiner d’un œil critique la distribution des isolats de Candida provenant des patients souffrant d’une candidose invasive avant de tirer des conclusions quant aux algorithmes de traitement antifongique.» Comme la multiplication des candidoses à NAC pourrait s’expliquer par l’utilisation répandue du fluconazole à des fins de prophylaxie ou de traitement empirique précoce de la candidose, on privilégie maintenant de nouveaux agents comme le voriconazole et la classe prometteuse des échinocandines (anidulafongine, caspofongine, micafongine) en monothérapie ou en association.

Échinocandines

Les échinocandines sont de larges molécules lipopeptidiques qui inhibent la synthèse du bêta-glucane, portant ainsi atteinte à la paroi cellulaire du champignon et tuant rapidement la plupart des espèces du genre Candida. Les échinocandines – aussi vraisemblablement actives contre les micro-organismes vivant en biofilm qui sont résistants aux antifongiques triazolés – pourraient jouer un rôle clé dans le traitement des candidoses cutanéomuqueuses chroniques et récurrentes et les candidoses liées aux dispositifs médicaux. «Des études ont révélé qu’une dose de 0,5 µg/mL d’échinocandine exerce un effet fongicide sur les infections liées aux dispositifs», indique Russell Lewis, PharmD, professeur adjoint, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston.

Les trois échinocandines se caractérisent par une distribution importante après administration par voie intraveineuse. La caspofongine et la micafongine sont éliminées par métabolisme hépatique, tandis que l’anidulafongine subit une dégradation chimique. La demi-vie d’élimination assez longue permet une seule administration par jour. Dans les modèles animaux, l’activité des échinocandines est maximale lorsque le ratio entre la Cmax plasmatique et la CMI (concentration minimale inhibitrice) avoisine 10 ou que le ratio entre l’ASC24h plasmatique ou tissulaire et la CMI est supérieur à 250. La rétention tissulaire persistante qui entraîne un déclin continu de la charge fongique semble indiquer que les échinocandines pourraient être administrées à une fréquence moindre et qu’une dose plus forte pourrait être tout aussi efficace qu’un schéma quotidien. «On doit approfondir la recherche afin d’évaluer les effets des échinocandines administrées à forte dose et à intervalles prolongés, tant sur le champignon que sur l’hôte, à la lumière des observations provenant d’études chez l’animal selon lesquelles de fortes doses pourraient être associées à des saignements majeurs et à une augmentation paradoxale de la charge fongique», ajoute le Dr Lewis.

Candidoses chez les patients hospitalisés à l’USI

«La candidose invasive – qui vient au troisième rang des infections rencontrées à l’USI – est associée à une morbi-mortalité considérable et à des coûts de santé appréciables en raison des risques d’insuffisance respiratoire plus aiguë, de dépendance ventilatoire et de prolongation du séjour à l’USI associés à la candidémie», explique le Dr Coleman Rotstein, professeur titulaire de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario. Selon les lignes directrices de l’Infectious Diseases Society of America, le fluconazole et l’amphotéricine B sont les pierres angulaires du traitement. Le fluconazole peut s’administrer soit par voie intraveineuse, soit par voie orale, et peut donc être utile pour un traitement à posologie dégressive. Par contre, il est inactif contre C. krusei; et il est moins actif contre C. glabrata de sorte qu’il devrait probablement être administré à plus forte dose. L’amphotéricine B étant néphrotoxique, son utilisation et son efficacité s’en trouvent limitées.

L’analyse des résultats de diverses stratégies de traitement a mis en évidence un taux de mortalité de 40 % pour les traitements par l’amphotéricine B seule, le fluconazole seul et l’association amphotéricine B/fluconazole vs 32 % pour l’association amphotéricine B/caspofongine. Il a été démontré que le voriconazole, antifongique triazolé, exerce une activité plus marquée contre les espèces du genre Candida, y compris les espèces résistantes au fluconazole.

La Dre Mamie Hui, département de microbiologie, Université chinoise de Hong Kong, a présenté une étude sur l’activité in vitro du fluconazole et celle du voriconazole contre les espèces incriminées dans les candidoses invasives. Sur un total de 84 isolats, on a dénombré 27 de C. parapsilosis, 32 de C. tropicalis et 25 de C. glabrata. Tous les isolats de C. parapsilosis étaient sensibles au fluconazole et au voriconazole. Seulement 10 isolats (40 %) de C. glabrata étaient sensibles au fluconazole, 12 (48 %) se caractérisaient par une sensibilité moindre et trois (12 %) étaient résistants, tandis que 24 (96 %) étaient sensibles au voriconazole, ce qui dénote une activité significativement plus marquée (p<0,05). Les deux agents ont exercé une activité similaire contre C. tropicalis. Ces statistiques montrent que l’activité varie d’un antifongique à l’autre, et qu’il est justifié de procéder à des tests de sensibilité pour guider le choix des antifongiques et surveiller étroitement les tendances au chapitre de l’antibiorésistance.

L’anidulafongine et la micafongine, deux nouvelles échinocandines, sont maintenant établies dans le traitement de la candidémie/candidose invasive depuis la publication récente des résultats d’essais cliniques randomisés ayant montré que cette classe thérapeutique est efficace et sûre et qu’elle comporte un très faible risque d’interactions médicamenteuses. Il est essentiel que toute décision thérapeutique tienne compte également de l’état clinique du patient. «Pour autant que le patient soit stable, que l’on connaisse l’espèce de Candida en cause et que la souche soit sensible au fluconazole, on devrait utiliser le fluconazole, une échinocandine ou le voriconazole en première intention. Chez les patients dont les paramètres hémodynamiques sont instables, dont l’infection est causée par C. glabrata, C. krusei ou une espèce de Candida inconnue, et/ou qui ont déjà reçu un antifongique azolé, une échinocandine serait le traitement initial à privilégier, tandis que l’amphotéricine B ou le voriconazole viendraient au deuxième rang», estime le Dr Rotstein.

Résultats d’études cliniques sur la candidémie

L’arsenal croissant d’antifongiques à notre disposition se traduit par un nombre élevé d’études publiées dans lesquelles on compare l’efficacité et l’innocuité de divers traitements pour la candidémie/candidose invasive. Cependant, comme les essais randomisés sur les antifongiques n’ont pas tous des plans et des critères de jugement similaires, la comparaison directe des résultats d’une étude à l’autre est ardue. «Le choix du comparateur, l’hypothèse évaluée – efficacité équivalente ou supérieure d’un traitement? – et la puissance statistique – suffisante ou non pour démontrer l’équivalence? – sont autant d’embûches auxquelles nous nous heurtons», soutient le Dr Bart-Jan Kullberg, professeur titulaire de médecine et d’infectiologie, Université Radboud, Nimègue, Pays-Bas. Dans les études utilisant l’amphotéricine B comme comparateur, seule la toxicité de cet agent explique les différences significatives par rapport aux autres agents évalués. Les agents s’apparentent effectivement au chapitre de l’efficacité, mais diffèrent quant à la toxicité. «De même, lors d’une étude dans laquelle on comparait l’anidulafongine et le fluconazole, la différence tenait à C. albicans», fait remarquer le Dr Kullberg.

Résumé

De plus en plus de patients sont exposés à un risque élevé de candidose invasive/candidémie, cause importante de morbi-mortalité. Bien que nous ayons actuellement à notre disposition plusieurs options pour traiter la candidémie, ces agents diffèrent entre eux sur le plan de l’activité, et il est par conséquent difficile de choisir l’antifongique le plus approprié. L’amphotéricine B est associée à une importante néphrotoxicité limitant la dose et occasionne des réactions liées à la perfusion. Le fluconazole exerce une activité de plus en plus limitée contre les candidoses à NAC. Le voriconazole est doté d’un spectre d’activité antifongique plus large et est mieux toléré. Les échinocandines représentent un choix prometteur dans le traitement des mycoses invasives graves et difficiles à traiter vu leur début d’action rapide, leurs paramètres pharmacocinétiques prévisibles et leur pénétration tissulaire plus marquée qui prolonge leur activité. Il est justifié de procéder à des tests de sensibilité afin de guider le choix des antifongiques et de surveiller l’antibiorésistance de près.

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