Comptes rendus

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Nouvelles stratégies pour le dépistage des anticorps anti-FVIII chez les patients hémophiles

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 51e Assemblée annuelle de l’American Society of Hematology

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 5-8 décembre 2009

La formation d’anticorps dirigés contre le facteur VIII (anti-FVIII) est considérée comme la complication la plus grave du traitement de l’hémophilie A. Les nouveaux tests semblent plus sensibles et plus spécifiques, en particulier pour le dépistage d’anticorps non neutralisants (AcNN) qui échappent au test de Bethesda, méthode de référence pour la recherche d’anticorps, et pourraient permettre de mieux définir les mécanismes par lesquels ces anticorps déjouent le traitement par un FVIII recombinant (rFVIII).

Résultats du test de Bethesda et du test ELISA

Selon les études canadiennes ayant utilisé le test ELISA, la formation d’AcNN diffère selon que le patient reçoit un rFVIII de pleine longueur ou un rFVIII sans domaine B (BDDrFVIII). «Depuis 30 ans, nous utilisons le test fonctionnel de Bethesda pour rechercher la présence d’anticorps anti-FVIII, [mais] de plus en plus, on pense que la réponse immunitaire dirigée contre le FVIII pourrait aussi donner lieu à l’apparition d’AcNN chez certains patients», affirmait le Dr David Lillicrap, Richardson Laboratory, Queen’s University, Kingston, Ontario, au congrès de l’American Society of Hematology (ASH).

En sa qualité d’auteur principal d’une étude reposant sur le dosage ELISA à laquelle participait l’Association canadienne des directeurs des cliniques d’hémophilie, le Dr Lillicrap a rapporté que la caractérisation de la réponse anticorps anti-FVIII progressait. Parmi les échantillons de plasma recueillis chez 392 hémophiles A que l’on a d’abord soumis au test de Bethesda, 24 (6 %) étaient positifs. Les 368 échantillons négatifs ont ensuite été soumis au test ELISA. Tous les échantillons ont été testés deux fois, et les échantillons positifs étaient soumis à des dilutions en série. Un deuxième laboratoire indépendant a vérifié environ 25 % des échantillons à l’aide du même dosage ELISA.

Le dosage ELISA a mis en évidence des AcNN dans 48 (13 %) des échantillons négatifs au test de Bethesda, mais il y avait une proportion plus élevée d’anticorps dirigés contre les rFVIII de pleine longueur que d’anticorps dirigés contre le rFVIII sans domaine B.

Si l’on en juge par cette étude, la différence tient au fait que «certains anticorps se fixent seulement au domaine B du FVIII», souligne le Dr Lillicrap. Plus précisément, le dosage ELISA a objectivé la présence d’AcNN contre une préparation de rFVIII sans plasma ni albumine (rAHF-PFm) chez 11,5 % des patients, contre une préparation de rFVIII stabilisée par saccharose (rFVIII-FS) chez 8,5 % des patients et contre une préparation de moroctocog alfa (BDDrFVIII) chez seulement 4,6 % des patients. Seulement 2,8 % des patients présentaient des anticorps dirigés contre les trois préparations de rFVIII.

Grosso modo, «cette étude portant sur une vaste population canadienne de patients hémophiles A a démontré la présence d’AcNN anti-FVIII chez 11 % de la population», poursuit le Dr Lillicrap. Malgré une bonne corrélation entre le test de Bethesda et le dosage ELISA quant au dépistage d’anticorps inhibiteurs, l’étude montre que seul le dosage ELISA peut déceler à la fois un titre faible ou fort d’anticorps neutralisants (AcN) et un titre faible ou fort d’AcNN. L’intérêt clinique des AcNN, possiblement un effet négatif sur les paramètres pharmacocinétiques des concentrés de rFVIII, «devra être déterminé par une étude dans laquelle on évaluera la récupération du facteur de coagulation et la demi-vie». Cela dit, la présente étude confirme que le dosage ELISA permet de mieux discriminer les anticorps anti-rFVIII que le test de Bethesda. On peut s’attendre à ce que le test ELISA soit utile pour mieux caractériser la réponse anticorps s’il est confirmé que les deux types d’anticorps, les AcN et les AcNN, peuvent avoir un effet sur le traitement par le rFVIII.

Données corroborantes

Plusieurs auteurs de la même équipe ont participé à une étude regroupant des patients hémophiles A du Québec, et les résultats obtenus concordaient largement. Des échantillons de plasma de 127 patients ont été soumis aux tests de Bethesda et ELISA qui utilisaient deux concentrés de rFVIII de pleine longueur, à savoir le rAHF-PFm et le rFVIII FS, et le BDDrFVIII en tant qu’antigènes pour l’habillage. Des échantillons de plasma de six patients non hémophiles servaient de témoins. Contrairement à l’étude pancanadienne qui définissait un test de Bethesda positif à partir de 0,6 unité Bethesda (UB)/mL, le seuil de positivité dans l’étude québécoise se chiffrait à <u>></u>0,4 UB/mL. Le test ELISA était considéré comme positif si l’absorbance était supérieure à celle de la moyenne du plasma normal d’au moins trois écarts-types.

Chez 12 des 127 patients (9,4 %), le test de Bethesda a détecté des anticorps, et le test ELISA était positif dans tous les cas. Parmi les 115 patients pour qui le test de Bethesda n’a pas décelé d’anticorps, 12 (10,4 %) ont eu un test ELISA positif. Cependant, les anticorps se limitaient exclusivement aux concentrés de rFVIII de pleine longueur. Aucun des patients dont le test était négatif n’était porteur d’anticorps anti-BDDrFVIII. L’auteure principale de l’étude, la Dre Anne-Marie Vincent, Département d’hématologie, CHUM-Hôpital Ste-Justine, Montréal, Québec, ajoute toutefois que «l’on ignore présentement l’intérêt clinique de cette observation» et que des études de pharmacocinétique visant à évaluer les retombées cliniques sont en cours.

«La production d’anticorps anti-FVIII est la complication la plus redoutable du traitement de l’hémophilie A», confirme la Dre Vincent. Sur la foi des études réalisées à ce jour, dit-elle, «le test ELISA pourrait être plus sensible», mais, prévient-elle, le test ELISA pourrait «déceler des anticorps dirigés à la fois contre les épitopes fonctionnels et les épitopes non fonctionnels du FVIII. Nous étudions la question».

Combler les lacunes

Le non-dépistage des anticorps non inhibiteurs est une lacune du test de Bethesda – comblée par le dosage ELISA – car ces anticorps «pourraient être responsables d’une faible récupération du FVIII in vivo ou d’un profil pharmacocinétique évocateur d’une clairance rapide du FVIII», explique la Dre Vincent. En pareil cas, le dosage ELISA pourrait être plus utile pour l’évaluation de la réponse relative au traitement disponible, surtout pour ce qui est de reconnaître les patients qui auraient davantage intérêt à recevoir le BDDrFVIII, lequel s’est montré moins sensible aux AcNN dans les deux études.

Si, cliniquement parlant, le test ELISA se révèle plus utile que le test de Bethesda, l’une des contraintes éventuelles sera l’expédition des échantillons de plasma par les hôpitaux qui n’ont pas l’équipement nécessaire pour faire le dosage ELISA. Les échantillons peuvent facilement être transportés sur glace sèche, mais «cette méthode de transport est coûteuse et loin d’être pratique», enchaîne la Dre Vincent. Pour explorer une autre possibilité, celle-ci et d’autres chercheurs, dont le Dr Lillicrap, ont entrepris une étude sur la stabilité d’échantillons de sérum adsorbés et séchés sur papier buvard à la température ambiante. Lors de cette étude, 213 échantillons de plasma provenant de 97 patients atteints d’hémophilie congénitale et cinq patients atteints d’hémophilie acquise ont été soumis au test ELISA après avoir été transportés selon les deux méthodes (les échantillons de plasma provenant de six témoins sains servaient de témoins). La première méthode, couramment utilisée, consistait à congeler les échantillons à -80 °C, alors que la deuxième consistait à les conserver pendant un mois à température ambiante après les avoir fait sécher. Les antigènes servant à l’habillage provenaient d’une préparation de rFVIII FS de pleine longueur et du BDDrFVIII.

«La corrélation entre les échantillons congelés et les échantillons séchés sur papier buvard quant au nombre d’écarts-types était excellente», rapporte la Dre Vincent. Si le test ELISA devient la nouvelle technique de référence pour le dépistage des anticorps anti-FVIII chez les patients hémophiles A, cette méthode de transport des échantillons au laboratoire pourrait être plus pratique et moins coûteuse, indique-t-elle.

Des chercheurs français ont utilisé deux tests pour dépister les AcNN qui échappent au test de Bethesda. Un test était conçu pour déterminer la réactivité des AcNN à la chaîne lourde et à la chaîne légère du FVIII. Le deuxième test était conçu pour déterminer la réactivité des AcNN au domaine B du FVIII. Parmi les 187 patients hémophiles A (133 atteints d’une forme sévère d’hémophilie et 31, d’une forme modérée) chez qui on a prélevé des échantillons, environ les deux tiers avaient reçu du rFVIII et l’autre tiers, du FVIII d’origine plasmatique. Le test de Bethesda – dont le seuil était de 0,6 UB/mL – était négatif pour tous les échantillons.

«La prévalence des AcNN dans cette série était de 24 %», rapporte le Dr Aurélien Lebreton, Laboratoire Sysdiag, Montpellier, France. Bien que la majorité des AcNN aient été dirigés contre la chaîne lourde du FVIII, 9 % des AcNN étaient dirigés contre le domaine B. Comme les chercheurs canadiens, le Dr Lebreton a émis l’hypothèse voulant que ces AcNN puissent influer sur les paramètres pharmacocinétiques des préparations de rFVIII, mais des études prospectives s’imposent.

«Chez les hémophiles, la pertinence des AcNN demeure controversée. Ces anticorps pourraient toutefois former des complexes immuns avec le FVIII et être responsables d’une clairance accrue du FVIII et, par conséquent, d’une demi-vie plus courte, poursuit le Dr Lebreton. Des études prospectives pourraient faire ressortir une différence selon le type de traitement.»

Résumé

L’apparition d’anticorps dirigés contre le FVIII est l’une des complications les plus graves du traitement de l’hémophilie A. Si les anticorps inhibiteurs neutralisent l’activité procoagulante du FVIII, rendant ainsi les préparations de rFVIII inefficaces, les AcNN, qui échappent au test de Bethesda, pourraient aussi revêtir un intérêt clinique. Plusieurs groupes de chercheurs se penchent actuellement sur de nouvelles méthodes plus sensibles de détection des anticorps, ce qui pourrait nous éclairer davantage quant aux faiblesses relatives des traitements actuels.

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