Comptes rendus

Amélioration des stratégies de traitement antiplaquettaire en présence d’un syndrome coronarien aigu
Cancer de la prostate : survie prolongée grâce à une diminution optimisée des androgènes

Prise en charge des SCA : l’ère de l’individualisation du traitement antiplaquettaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2009

Edmonton, Alberta / October 24-28, 2009

Deux essais randomisés multicentriques récents – en l’occurrence, TRITON-TIMI 38 (TRial to assess improvement In Therapeutic Outcomes by optimizing platelet iNhibition with prasugrel - Thrombolysis In Myocardial Infarction 38) et PLATO (PLatelet inhibition And paTient Outcomes) – ont montré que des agents réalisant une inhibition plus efficace de la fonction plaquettaire que le clopidogrel majoraient significativement la protection contre les événements thrombotiques. Dans le premier de ces essais, le prasugrel – une thiénopyridine – a réduit de 19 % (taux de risque [HR, pour hasard ratio] de 0,81; IC à 95 % : 0,73-0,90; p<0,001) le risque de survenue du paramètre principal regroupant les décès d’origine cardiovasculaire (CV) et les infarctus du myocarde (IM) ou les AVC non mortels. Dans le second, le ticagrelor – un antagoniste réversible du récepteur ADP P2Y<sub>12</sub> – a réduit de 16 % (HR de 0,84; IC à 95 % : 0,77-0,92; p<0,001) le risque de survenue du même paramètre mixte.

Bénéfice lié à la puissance d’action

«Les données indiquent que des antiplaquettaires plus puissants peuvent calmer la tempête déchaînée lors du syndrome coronarien aigu [SCA]», fait observer le Dr Stephen D. Wiviott, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. Auteur principal de l’étude TRITON-TIMI 38, le Dr Wiviott signale que les résultats de cet essai de même que ceux de l’essai plus récent intitulé PLATO ont corroboré la puissance d’action relative observée dans les études expérimentales et cliniques. Lorsqu’on a comparé directement le prasugrel administré à une dose d’attaque de 60 mg et le clopidogrel administré à une dose d’attaque de 600 mg chez des patients soumis à une intervention coronarienne percutanée (ICP), le prasugrel a été associé à une inhibition de l’agrégation plaquettaire 33 % plus efficace que le clopidogrel à double dose, et la différence était déjà significative après 30 minutes (Wiviott et al. Circulation 2007;116:2923-32).

Cette puissance supérieure du prasugrel de même que son début d’action plus rapide et l’absence de résistance expliquent les résultats de l’essai TRITON-TIMI 38. Durant le suivi de six à 15 mois, la protection relative observée s’est traduite par une réduction relative de 24 % du taux d’IM (p<0,001), de 32 % du taux d’interventions de revascularisation urgentes (p<0,001) et de 54 % du taux de thromboses sur tuteur (p<0,001). Signe possible de l’importance d’un début d’action rapide, la réduction du taux de thromboses sur tuteur à 30 jours était de 71 % (p=0,0001).

Même si l’essai TRITON-TIMI 38 regroupait des patients devant subir une ICP alors que l’essai PLATO était ouvert à tous les patients hospitalisés pour un SCA, les deux études visaient à évaluer, au moyen du même paramètre, l’efficacité antiplaquettaire relative dans un groupe à risque élevé. L’essai PLATO a montré que le ticagrelor était plus puissant que le clopidogrel pour inhiber la fonction plaquettaire, tant en contexte expérimental que clinique. Dans les deux essais, l’agent innovateur était plus efficace que le clopidogrel quant à la réduction du risque de survenue du paramètre principal et des paramètres secondaires, tels les IM et la mortalité d’origine vasculaire.

Mettre en balance le risque hémorragique et le bénéfice escompté

Bien que le prasugrel et le ticagrelor se soient tous deux révélés plus efficaces que le clopidogrel lors des études, il sera essentiel d’individualiser le traitement pour en tirer un bénéfice optimal, croient les experts. La réduction du risque d’événement thrombotique est directement corrélée avec l’accentuation de l’effet antiplaquettaire et l’augmentation du risque hémorragique. Comme les études le montrent, le risque relatif diffère d’un patient à l’autre en fonction de la balance entre le risque d’événement et la vulnérabilité aux hémorragies chez chaque individu.

«L’accroissement du risque hémorragique est la rançon de l’augmentation de puissance des traitements antiplaquettaires. Cela s’est vérifié avec le prasugrel, le clopidogrel à forte dose et le ticagrelor dans le cas des hémorragies spontanées», confirme le Dr Wiviott. Comme le note ce dernier, le prasugrel était associé à des taux plus élevés d’hémorragies majeures (2,4 % vs 1,8 %; p=0,03) et d’hémorragies menaçant le pronostic vital (1,4 % vs 0,9 %; p=0,01) que le clopidogrel lors de l’essai TRITON-TIMI 38, mais la majoration du risque d’hémorragie était beaucoup moins marquée lorsqu’on excluait de l’analyse les patients ayant soit un poids inférieur à 60 kg, soit des antécédents d’événement vasculaire cérébral, soit un âge supérieur à 75 ans.

Néanmoins, les analyses de sous-groupes de l’étude TRITON-TIMI 38 ont fait ressortir un bénéfice relatif encore plus marqué chez nombre d’entre eux, tels les patients diabétiques, la réduction du risque relatif de survenue du paramètre principal ayant atteint 30 % au sein de cette population (HR de 0,70; p<0,001). Chez les patients qui présentaient un IM avec sus-décalage du segment ST (IM ST+) au moment de l’admission, on a observé une réduction de 21 % (HR de 0,79; p<0,01) de ce risque sans augmentation des hémorragies majeures. Le Dr Wiviott a attribué ce résultat au fait que les patients de ce groupe étaient plus jeunes que ceux de la population totale de l’étude, ce qui réduisait la probabilité d’antécédents d’événement vasculaire cérébral ou d’autres facteurs de risque hémorragique.

La variabilité interindividuelle de la réponse au traitement antiplaquettaire a aiguillonné la recherche de nouvelles options. Près de 15 % des patients ne répondent pas au clopidogrel et presque autant ont une réponse sous-optimale, souligne le Dr Robert Welsh, cardiologue d’intervention, University of Alberta, Edmonton. Même si, en augmentant la dose, on peut parfois surmonter la résistance au clopidogrel, qui semble au moins en partie génétique, il s’impose avant tout de cerner les patients qui ne répondent pas ou pas assez à cet agent. Bien qu’on ait proposé l’utilisation d’épreuves de la fonction plaquettaire, cette option pourrait être inapplicable en contexte aigu, lorsque la mise en route rapide d’un traitement antiplaquettaire efficace est cruciale.

Création d’algorithmes en fonction du ratio bénéfice/risque

La différence significative démontrée en faveur des antiplaquettaires récents dans la réduction du taux d’événements thrombotiques en présence d’un SCA laisse présager la création d’algorithmes de traitement sur mesure, tenant compte à la fois du ratio bénéfice/risque associé à l’agent lui-même et du profil particulier du patient. Par exemple, l’emploi du prasugrel à la dose étudiée dans l’essai TRITON-TIMI 38 ne semble pas approprié chez les sujets de faible poids (<60 kg) ou âgés (>75 ans), ce qui donne à penser que le clopidogrel pourrait demeurer le traitement de première intention chez ces patients. Inversement, le clopidogrel ne convient pas nécessairement aux patients à risque élevé devant subir une ICP avec mise en place d’un tuteur, même en l’absence de résistance au clopidogrel.

«Les thromboses sur tuteur représentent toujours un problème clinique majeur, ce qui prouve manifestement que nous n’avons pas encore de schémas antiplaquettaires adéquats pour ces patients», fait valoir le Dr Welsh.

Il est illogique de s’attendre à ce qu’un effet antiplaquettaire donné offre le même ratio bénéfice/risque chez tous les patients. Il semble maintenant établi que les bénéfices et les risques diffèrent selon diverses caractéristiques du patient. Bien qu’on ne sache pas précisément quand les nouveaux agents seront commercialisés au Canada, les cardiologues d’intervention réunis au congrès s’accordent à penser qu’il existe un besoin urgent de tels traitements pour améliorer la prise en charge du risque.

À mesure que l’éventail thérapeutique s’élargira, il sera peut-être nécessaire d’ajuster l’effet antiplaquettaire non seulement en fonction des caractéristiques individuelles du patient, mais également de la variation du risque relatif au fil du traitement, en agissant de façon à assurer un début précoce de l’effet antiplaquettaire au moment de l’hospitalisation pour un SCA, puis le maintien d’une protection à long terme. Cela dit, il est important de reconnaître que, du point de vue du bénéfice global, les résultats plaident nettement en faveur des nouveaux agents même si on tient compte du risque hémorragique. Par exemple, en se basant sur la population randomisée totale de l’essai TRITON-TIMI 38, on a calculé que le traitement d’un millier de patients permettrait d’éviter 23 IM au prix de seulement six hémorragies majeures non reliées à un pontage aorto-coronarien. Ces données font entrevoir la possibilité d’améliorer considérablement l’issue chez les patients victimes d’un SCA grâce à des traitements offrant une plus grande efficacité antiplaquettaire que les schémas actuels.

Résumé

Les résultats des essais TRITON-TIMI 38 et PLATO confirment que, comparativement au schéma AAS/clopidogrel, l’utilisation d’antiplaquettaires plus puissants procure aux patients victimes d’un SCA une protection significativement plus marquée contre les événements CV majeurs. Même si l’augmentation de l’activité antiplaquettaire était généralement corrélée avec un accroissement du risque hémorragique, l’augmentation absolue des taux d’hémorragies majeures et d’hémorragies menaçant le pronostic vital était acceptable et largement compensée par la réduction du risque d’IM et de mortalité d’origine vasculaire. Toutefois, on pourra rendre ce ratio bénéfice/risque encore plus favorable par l’individualisation judicieuse du traitement, ce qui suppose l’utilisation des antiplaquettaires les plus puissants chez les sujets les plus vulnérables aux événements thrombotiques. Les bénéfices importants associés au prasugrel dans les groupes les plus à risque, comme les patients diabétiques et les patients présentant un IM ST+ et recevant un tuteur, donnent tout lieu de croire que les nouveaux traitements joueront un rôle majeur dans l’amélioration de l’issue.

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