Comptes rendus

Les agents biologiques oraux suscitent de l’intérêt dans la polyarthrite rhumatoïde, leur innocuité étant maintenant presque aussi bien étayée que leur efficacité
Optimiser l’adhésion au traitement immunosuppresseur pour améliorer la capacité fonctionnelle du greffon à long terme

Progrès des agents biologiques oraux dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès européen annuel de rhumatologie 2012 (EULAR)

Berlin, Allemagne / 6-9 juin 2012

Berlin - Dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, des agents oraux ciblant des étapes moléculaires bien précises de la cascade inflammatoire ont franchi le seuil de la recherche clinique de phase III. À en juger par les données que la recherche a générées, l’activité anti-inflammatoire des agents oraux ciblés serait semblable à celle des anticorps monoclonaux ciblés injectables actuellement utilisés. Contrairement aux agents injectables, qui agissent typiquement à l’extérieur de la cellule pour inhiber des protéines pro-inflammatoires comme le facteur de nécrose tumorale, les agents oraux bloquent les voies intracellulaires de l’inflammation. Comme les agents injectables, par contre, les agents ciblés oraux pourraient aussi avoir des applications dans plusieurs autres processus inflammatoires, la maladie de Crohn par exemple. Selon les données d’efficacité recueillies à ce jour, le plus gros obstacle à l’homologation sera la démonstration que les cibles intracellulaires peuvent être inhibées sans risque lors d’un traitement au long cours.

Des études présentées au congrès ont généré d’autres données encourageantes sur l’efficacité et l’innocuité des agents ciblés oraux. De nouvelles données ont été présentées sur le tofacitinib et le GLPG0634, inhibiteurs de Janus kinases (JAK), et le fostamatinib, inhibiteur de la voie de la Spleen tyrosine kinase (Syk). Tous ces agents ont franchi ou sont sur le point de franchir le seuil de la recherche clinique de phase III. À défaut de comparaisons directes, on ne dispose d’aucune donnée permettant de déterminer si les agents oraux sont aussi efficaces ou sûrs que les agents ciblés injectables comme les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (TNF) – maintenant la pierre angulaire du traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) modérée à sévère –, mais les études sont suffisamment avancées pour amener de nombreux chercheurs à conclure que les agents ciblés oraux seront bientôt d’usage courant.

À en juger par les progrès accomplis, notamment par les nouvelles données présentées au congrès, «les nouveaux inhibiteurs de kinases actifs par voie orale auront bientôt un impact sur les options thérapeutiques dans la PR», estime le Pr Iain B. McInnes, University of Glasgow, Royaume-Uni. Si les agents oraux sont aussi sûrs et efficaces que les données actuelles semblent l’indiquer, la commodité d’un agent oral devrait conférer un important avantage clinique.

Données sur l’efficacité

Bien que les agents oraux et les agents injectables n’aient encore fait l’objet d’aucune comparaison directe, les données résultant de comparaisons indirectes semblent indiquer que les agents ciblés oraux peuvent exercer une activité anti-inflammatoire semblable à celle des anti-TNF dans la PR. Dans une étude à double insu présentée au congrès, 513 patients ont été randomisés de façon à recevoir par voie orale du tofacitinib à raison de 5 mg 2 fois/jour ou de 10 mg 2 fois/jour, ou un placebo. En outre, un groupe parallèle qui servait d’indicateur – formé de 204 patients supplémentaires – recevait 40 mg d’adalimumab (par injection) toutes les 2 semaines.

«Par rapport aux valeurs initiales, le score des huit rubriques du questionnaire SF-36 [Short-Form 36] sur la qualité de vie était significativement meilleur sous tofacitinib à 10 mg 2 fois/jour que sous placebo et numériquement plus élevé que sous adalimumab à 3 mois, avant que les non-répondeurs changent de traitement», souligne le Pr Ronald F. van Vollenhoven, Institut Karolinska, Stockholm, Suède. Toujours à 3 mois, lorsque les non-répondeurs sont passés au tofacitinib conformément au protocole de l’essai, les différences se sont rapidement atténuées, mais on observait encore un avantage significatif à 6 mois (p<0,05) en faveur des patients qui avaient reçu du tofacitinib dès le départ.

Bien que le tofacitinib ait fait l’objet de cinq études de phase III multicentriques dans la PR, cette étude était la première à le comparer directement – quoique sans randomisation – avec un anti-TNF. À 3 mois, la proportion de patients ayant rapporté un soulagement de leurs symptômes s’élevait à 36 % dans le groupe placebo, à 64 % dans le groupe adalimumab, à 68 % dans le groupe tofacitinib à 10 mg et à 70 % dans le groupe tofacitinib à 5 mg. À 12 mois, selon les scores sur plusieurs échelles d’évaluation de la qualité de vie, y compris la capacité fonctionnelle physique, on observait encore un avantage numérique en faveur du tofacitinib prescrit d’emblée, peu importe la dose, par rapport au placebo ou à l’adalimumab malgré le fait que les non-répondeurs au placebo étaient passés au traitement actif.

Inhibition des JAK

Une méta-analyse regroupant 32 essais cliniques avec placebo est venue étayer la théorie voulant qu’un inhibiteur oral des JAK puisse exercer un effet anti-inflammatoire comparable à celui des anti-TNF. Cette méta-analyse comportait des études sur le tofacitinib, l’adalimumab, le certolizumab, l’étanercept et des agents biologiques autres que des anti-TNF, comme l’abatacept et le rituximab. Comparés quant au risque relatif approché (OR) d’obtention d’une réponse ACR20, ACR50 et ACR70 à 3 ou à 6 mois, ces traitements se sont tous révélés d’efficacité comparable.

 «Tant en monothérapie qu’en association avec le méthotrexate (MTX), le tofacitinib administré à des doses thérapeutiques a été associé à des taux de réponse ACR20, ACR50 et ACR70 qui étaient comparables aux taux que l’on obtient avec les anti-TNF actuels», conclut l’auteure principale, la Dre Maria Cecilia Vieira, MAPI Consultancy, Boston, Massachusetts, qui a présenté ces données au congrès 2012.

Les données toujours plus nombreuses sur l’efficacité des inhibiteurs de JAK – non seulement le tofacitinib, mais aussi le ruxolitinib, le baricitinib et le GLPG0634 – montrent sans l’ombre d’un doute que la voie des JAK constitue une cible appropriée dans le traitement de la PR, mais leur innocuité devra être établie pour qu’ils franchissent les étapes subséquentes.

On a présenté au congrès une revue systématique de la littérature sur l’innocuité des inhibiteurs de protéines kinases dans la PR, y compris les inhibiteurs de JAK, les inhibiteurs de la Syk et les inhibiteurs d’autres cibles comme les MAP kinases. Au total, 28 études regroupant plus de 3000 participants ont été repérées. Bien qu’un vaste éventail d’effets indésirables aient été associés aux divers agents, les deux qui ont entraîné le plus d’abandons pour cause d’effets indésirables graves étaient le masitinib (20 %), inhibiteur de c-KIT, et l’imatinib (44 %), inhibiteur d’ABL. Les agents qui ont entraîné le moins d’abandons étaient le VX-702 (3 %), inhibiteur de MAP kinases, le tofacitinib (7 %) et le fostamatinib, inhibiteur de la Syk (6 %), affirme l’auteure principale, la Dre Eva Salgado, Hospital Clínico Universitario de Santiago, St-Jacques de Compostelle, Espagne.

Aucune nouvelle donnée clinique n’a été présentée au congrès sur le ruxolitinib et le baricitinib, deux inhibiteurs de JAK, mais les résultats d’un essai de phase II à double insu sur le GLPG0634 ont été présentés par un chercheur, le Dr Frédéric Vanhoutte, Galapagos NV, Malines, Belgique. Dans le cadre de l’essai, 36 sujets polyarthritiques – qui n’avaient pas bien répondu au MTX – ont été randomisés de façon à recevoir du GLPG0634 à raison de 100 mg 2 fois/jour ou de 200 mg 1 fois/jour ou un placebo. Le paramètre principal était la réponse ACR20.

“C’est le premier inhibiteur de JAK à inhiber sélectivement les JAK1, explique le Dr Vanhoutte. Au sein de la population globale, 83 % des patients sous traitement actif vs 33 % des patients sous placebo [p<0,01] avaient atteint la réponse ACR20 à 4 semaines. À ce résultat remarquable s’ajoute l’absence d’effets sur les LDL.» Une étude de détermination de la dose est en cours dans le cadre du programme de recherche clinique sur cet agent.

Les résultats d’un essai à double insu sur un inhibiteur de JAK1/JAK2, actuellement connu sous le nom de LY3009104, ont également été présentés au congrès. Dans cet essai de phase IIb, 301 patients atteints de PR active qui recevaient une dose stable de MTX ont été randomisés de façon à recevoir un placebo ou l’agent à l’étude à raison de l’une de quatre doses, variant entre 1 mg et 8 mg, 1 fois/jour. L’essai a duré 12 semaines.

«Son efficacité est rapidement devenue évidente, des écarts statistiquement significatifs ayant été observés dès la deuxième semaine, et ces écarts se sont maintenus jusqu’à l’atteinte des paramètres», souligne le Dr Edward Keystone, Mount Sinai Hospital, Toronto, Ontario. Ces paramètres étaient les réponses ACR20, ACR50 et ACR70 de même que la réponse évaluée par le score d’activité de la maladie DAS28 (Disease Activity Score 28). Aux deux doses les plus fortes, 4 mg et 8 mg, 75 % et 78 % des patients des deux groupes, respectivement, ont obtenu une réponse ACR20 vs 41 % des patients sous placebo. De même, 23 % des patients recevant la dose de 4 mg et 20 % de patients recevant la dose de 8 mg ont obtenu une réponse ACR70, vs 2 % des patients sous placebo.

Autres cibles du traitement inhibiteur

Le même principe – à savoir, le blocage de voies enzymatiques intervenant dans la libération de cytokines – est en cours d’exploration pour d’autres cibles, en particulier la Syk. Peu de nouvelles données sur l’efficacité de ces agents ont été présentées au congrès, mais l’innocuité du fostamatinib, l’un des représentants de cette classe ayant été étudiés, a été évaluée. Dans le cadre de deux essais, des chercheurs de l’entreprise qui développe cet agent ont évalué indépendamment l’altératon de la fonction hépatique et celle de la fonction rénale quant à leur impact éventuel sur les paramètres pharmacocinétiques du fostamatinib. Les deux études ont révélé qu’une insuffisance, même substantielle, de ces organes ne modifierait pas l’activité du fostamatinib, et la constance des concentrations sanguines de patients présentant un dysfonctionnement hépatique est rassurante du fait que le foie joue un rôle clé dans le métabolisme du fostamatinib.

Pour autant qu’ils soient aussi efficaces et sûrs que les agents injectables, les anti-inflammatoires oraux auront des avantages cliniques évidents, d’autant plus qu’environ 30 % des patients polyarthritiques ont une réponse faible ou nulle aux anti-TNF. L’arrivée de nouvelles classes pourrait augmenter le nombre de patients pouvant bénéficier d’une biothérapie ciblée en l’absence d’une réponse suffisante à des DMARD non biologiques comme le MTX. Des biomarqueurs permettant de prédire la réponse à ces agents sont à l’étude.

Résumé

Dans le traitement de la PR, les agents ciblés oraux se rapprochent de l’homologation, à en juger par les données présentées au congrès 2012 de l’EULAR. Parmi les agents oraux, ce sont les inhibiteurs des JAK et de la Syk qui ont atteint les stades les plus avancés du développement. Les essais de phase III sur le tofacitinib, le mieux étudié de ces agents, continuent d’alimenter la théorie voulant que l’on puisse inhiber les mécanismes intracellulaires de la cascade inflammatoire tout en offrant au patient une tolérabilité acceptable. Si les résultats du suivi continuent d’étayer l’innocuité de ces agents, on peut s’attendre à un élargissement important de l’arsenal thérapeutique dans la PR.   

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