Comptes rendus

Hyperphosphatémie chez le sujet en dialyse : priorité à la réduction des calcifications
Nouvelles données importantes sur l’utilisation des statines dans l’insuffisance cardiaque

Pronostic du glioblastome multiforme : taux de survie à la hausse

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

49e Assemblée annuelle de l’American Society for Therapeutic Radiology and Oncology (ASTRO)

Los Angeles, Californie / 28 octobre-1er novembre 2007

Les chercheurs se sont intéressés au témozolomide (TMZ), agent alkylant oral, dans le traitement adjuvant du glioblastome multiforme (GBM) après que des agents administrés en monothérapie se soient révélés actifs dans le gliome récidivant. En outre, il a été démontré que cet agent entraîne une déplétion de la MGMT (O6-méthylguanine-DNA-methyltransferase), enzyme de réparation de l’ADN. Une faible activité MGMT dans le tissu tumoral est associée à une survie plus longue chez les patients porteurs d’un GBM qui reçoivent une chimiothérapie.

Lors d’un essai clinique de phase II, la chimioradiothérapie à base de TMZ, suivie d’un maximum de six cycles de TMZ comme traitement adjuvant, a été associée à un taux de survie à deux ans de 31 % chez des patients présentant un GBM (Stupp et al. J Clin Oncol 2002;20:1375-82). Ces résultats encourageants ont motivé la tenue d’un essai multinational de phase III financé conjointement par l’Institut national du cancer du Canada (INCC) et l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC).

Essai phare

L’essai de l’INCC-OERTC comparait les mêmes schémas que l’essai de phase II. Les critères d’inclusion étaient un âge compris entre 18 et 70 ans (médiane : 56 ans), un diagnostic récent de glioblastome confirmé par un examen histologique et un indice fonctionnel <2. Dans les six semaines suivant le diagnostic du glioblastome, 573 patients ont été randomisés dans deux groupes : radiothérapie (RT) focale standard seule ou RT et administration concomitante de TMZ suivies d’une chimiothérapie adjuvante par le TMZ. La chimiothérapie adjuvante consistait en un maximum de six cycles de TMZ, à raison de 150 à 200 mg/m²/jour, pendant cinq jours, tous les 28 jours. La RT était administrée en fractions de 2 Gy, pour une dose totale de 60 Gy. Le paramètre principal était la survie globale. Après un suivi d’une durée médiane de 28 mois, les résultats ont objectivé une médiane de survie de 14,6 mois dans le groupe TMZ vs 12,1 mois dans le groupe RT seule. Le taux de survie à deux ans du groupe TMZ était plus du double de celui du groupe RT seule : 26,5 % vs 10,4 %, p<0,001 (Stupp et al. N Engl J Med 2005;352:987-96) (Figure 1).

Comme le souligne le Dr Dennis Shrieve, directeur de la radio-oncologie, University of Utah School of Medicine et Huntsman Cancer Institute, Salt Lake City, «quand il est question de tumeurs au cerveau, une différence de survie de cette ampleur est un réel coup d’éclat. Les courbes de survie ont continué de diverger jusqu’à la fin de l’étude, de sorte que la survie à long terme était presque trois fois plus élevée dans le groupe TMZ, ce qui donne à penser que le bénéfice du traitement pourrait être plus marqué dans un sous-groupe de patients. Compte tenu de ces résultats, l’association TMZ plus RT est devenue, à l’échelle mondiale, la nouvelle norme de traitement des glioblastomes», enchaîne-t-il.

Figure 1. Essai de l'INCC-OERTC : Augmentation des taux de survie


Selon les données d’un article paru en marge de la publication des premiers résultats, la survie à long terme des patients souffrant d’un glioblastome pourrait devenir un objectif réaliste du traitement grâce à un agent comme le TMZ, poursuit le Dr Shrieve. Les chercheurs de l’essai de l’INCC-OERTC ont rapporté les résultats de leur évaluation de l’état de méthylation du gène codant pour l’enzyme MGMT réparatrice d’ADN (ci-après, le gène MGMT) et de son association avec la survie (Hegi et al. N Engl J Med 2005;352:997-1003). La méthylation – ou silençage – du gène MGMT est associée à une prolongation de la survie.

L’état de méthylation était connu dans un sous-groupe de 206 patients. Environ 45 % des patients étaient porteurs d’un gène MGMT méthylé. La méthylation du promoteur du gène MGMT conférait un pronostic très favorable, sans égard au traitement (taux de risque [HR] de 0,45; p<0,001). Cela dit, un avantage significativement plus marqué a été observé chez les patients randomisés dans le groupe TMZ, la méthylation du gène MGMT ayant été associée à une médiane de survie de 21,7 mois dans le groupe TMZ vs 15,3 mois dans le groupe RT seule (p=0,007).

«Sur le plan de la survie, le TMZ a conféré un énorme avantage aux patients porteurs d’un gène MGMT méthylé, confirme le Dr Shrieve. Chez ces patients, la survie à deux ans était près de 50 % dans le groupe TMZ vs environ 20 % dans le groupe RT seule.»

Malgré les résultats favorables obtenus dans le groupe TMZ en traitement adjuvant, la possibilité d’une survie à long terme chez les patients porteurs d’un GBM demeure une question sans réponse, note le Dr René-Olivier Mirimanoff, Centre hospitalier universitaire, Lausanne, Suisse. Cependant, à la lumière de ces données à long terme de l’essai de l’INCC-OERTC, les patients vivent plus longtemps, et leur survie pourrait devenir une possibilité.

Possibilité de survie à long terme

Les patients sont suivis depuis maintenant une médiane de cinq ans. Le taux de survie à quatre ans est quatre fois plus élevé dans le groupe TMZ que dans le groupe RT seule : 12 % vs 3 %, respectivement, souligne le Dr Mirimanoff. L’ampleur de la différence de survie entre les groupes s’est accentuée au fil du suivi. Après un suivi d’une durée moyenne de 45,9 mois, la médiane de survie se chiffrait à 12,1 mois dans le groupe RT vs 14,6 mois dans le groupe traitement d’association (Table
Survie à long terme

<img1121|center>

Il est ressorti de l’analyse des données en fonction de la méthylation du gène MGMT que la survie à quatre ans était presque deux fois plus élevée chez les patients du groupe TMZ porteurs d’un gène MGMT méthylé que chez l’ensemble des patients de la cohorte TMZ (22 % vs 12 %). En outre, les patients dont les facteurs pronostiques étaient favorables (âge moins avancé et bon indice fonctionnel) ont obtenu de bien meilleurs résultats sous TMZ, leur survie à quatre ans ayant été de 28,4 % vs 6,8 % dans le groupe RT seule (p=0,012).

Même chez les patients porteurs d’un gène MGMT non méthylé, le traitement par le TMZ a conféré un avantage substantiel sur le plan de la survie. Seulement 1 % des patients du groupe RT seule étaient toujours en vie à deux ans, vs 15 % des patients du groupe TMZ. Il n’y avait aucun survivant dans le groupe RT seule à trois ans, alors que 11 % des sujets du groupe TMZ porteurs d’un gène MGMT non méthylé étaient toujours vivants après trois et quatr
Tableau 2. État de méthylation du gène MGMT : survie à quatre ans

<img1122|center>

«Cette maladie était toujours mortelle dans le passé, mais il y a maintenant une lueur d’espoir pour une minorité substantielle de patients souffrant d’un glioblastome, indique le Dr Mirimanoff. Il s’agit là d’une percée dans le traitement du glioblastome. Il y a 20 ans, nous n’avions aucune option à offrir aux patients, et la survie à long terme était inconcevable. Les patients souffrant d’un glioblastome peuvent maintenant vivre plus longtemps tout en ayant une bonne qualité de vie. Ils peuvent aspirer à être beaucoup plus actifs qu’auparavant. On peut continuer de les suivre et leur offrir d’autres traitements, notamment une nouvelle intervention chirurgicale et une nouvelle chimiothérapie. Les résultats de cette étude ont littéralement métamorphosé la prise en charge des patients porteurs d’un glioblastome», lance le Dr Mirimanoff.

Une évaluation de la qualité de vie a révélé que l’ajout du TMZ à la RT n’avait pas d’impact négatif sur la qualité de vie, même chez les patients dont la qualité de vie était déjà diminuée par la maladie en tant que telle. Nous attendons les résultats d’une mise à jour de l’analyse de la qualité de vie, «mais nous n’avons aucune raison de penser qu’il y aura une différence entre les deux groupes», ajoute le Dr Mirimanoff.

Au dire du Dr Anthony Zietman, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, et membre de l’ASTRO, la présentation du Dr Mirimanoff «est le fait saillant du congrès. Auparavant, cette maladie tuait toutes ses victimes très rapidement. Nous assistons actuellement au début d’une ère nouvelle puisque certains patients voient enfin la lumière au bout du tunnel.»

Tremplin pour l’avenir

De l’avis du Dr Mirimanoff, le traitement d’association sera un tremplin pour la recherche future sur le traitement du glioblastome. En fait, d’enchaîner le Dr Shrieve, «l’évaluation de nouvelles stratégies axées sur le TMZ est déjà en marche». La recherche vise surtout à déterminer comment on peut tirer avantage de l’importance pronostique de l’état de méthylation du gène MGMT. En particulier, les chercheurs en oncologie se penchent sur les moyens de combattre la résistance au traitement conférée par le gène MGMT non méthylé.

L’une des possibilités serait d’administrer le TMZ en schéma dose-densité pour causer une déplétion de l’enzyme MGMT. Des études préliminaires ont permis de constater que le TMZ à forte dose peut diminuer rapidement l’activité MGMT de plus de 70 % (Tolcher et al. Br J Cancer 2003;88:1004-11). Reste toutefois à voir si l’effet du traitement sur la MGMT se traduira par un bénéfice clinique, précise le Dr Shrieve.

Au nombre des autres stratégies à l’étude, citons l’association du TMZ et d’un inhibiteur de la PARP (poly[ADP-ribose] polymérase), enzyme qui stimule la réparation de l’ADN en activant la voie de la réparation par excision de bases. L’inhibition de l’enzyme PARP rend les cellules cancéreuses plus sensibles à la radiothérapie et à des agents alkylants comme le TMZ, explique le Dr Lawrence Kleinberg, codirecteur de la radiochirurgie stéréotaxique et professeur agrégé de radio-oncologie et de neurochirurgie, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland.

Lors d’une étude clinique préliminaire portant sur des patients qui souffraient d’un mélanome malin métastatique, l’association du TMZ et de l’AG-014699, inhibiteur de la PARP expérimental, a donné lieu à une réponse partielle chez quatre patients sur 20 et à une stabilisation de la maladie chez quatre autres patients (Plummer et al. J Clin Oncol 2006;24[suppl]:résumé 8013).

«Nous avons de bonnes raisons de croire qu’un inhibiteur de la PARP pourrait être particulièrement efficace en association avec le TMZ. L’activité alkylante du TMZ cause trois types de lésions de l’ADN, et la PARP est nécessaire à la réparation de ces trois types de lésions», explique-t-il.

Autres stratégies

Les chercheurs s’intéressent aussi aux nouvelles stratégies ciblées pour augmenter les gains de survie déjà réalisés avec le TMZ et la RT. En particulier, les inhibiteurs de l’EGFR (epidermal growth factor receptor) et du VEGF (vascular endothelial growth factor) s’annoncent prometteurs pour le traitement du gliome malin et d’autres cancers.

On observe une amplification ou surexpression de l’EGFR chez la moitié des patients porteurs d’un GBM, précise le Dr Kleinberg. La mutation EGFR vIII est fréquente en présence d’un GBM, et sa fréquence augmente à mesure que la tumeur, d’abord à faible malignité, se transforme en astrocytome anaplasique, puis en GBM.

Nous avons besoin d’une nouvelle génération d’inhibiteurs de l’EGFR, poursuit le Dr Kleinberg, car les agents actuellement à notre disposition sont actifs chez seulement une faible proportion de patients. L’ABT-888, inhibiteur de l’EGFR expérimental administré par voie orale, s’est révélé actif lors d’études in vitro et dans les modèles précliniques, y compris les modèles du gliome.

Le bien-fondé de l’utilisation d’un inhibiteur du VEGF dans le GBM réside dans le fait que l’on reconnaît maintenant le rôle majeur de l’angiogenèse dans le processus morbide, déclare le Dr Shrieve. L’hypoxie – qui signe le GBM – est associée à la résistance à l’irradiation, à la croissance tumorale et à la régulation à la hausse du VEGF, ce qui stimule l’angiogenèse tumorale nécessaire à la survie à long terme en milieu hypoxique.

Le cediranib (AZD2171), inhibiteur pan-VEGF oral, s’est révélé actif lors d’une évaluation clinique préliminaire. Dans le cadre d’une étude qui regroupait 30 patients aux prises avec un gliome récidivant, le traitement par l’inhibiteur du VEGF s’est traduit par 16 réponses radiographiques, dont neuf réponses partielles objectives (Batchelor et al. J Clin Oncol 2007;25[suppl]:résumé 2001). La possibilité d’associer un inhibiteur du VEGF et la RT sera une question de synchronisation. Par exemple, un inhibiteur du récepteur VEGF de type 2 a été évalué en association avec la RT. L’antagoniste du récepteur exerçait l’effet additif escompté lorsqu’il était administré des jours 1 à 3 et le jour 5 de la RT, mais son activité était nettement plus marquée lorsqu’il était administré le jour 4 (Winkler et al. Cancer Cell 2004;6:553-63).

«Le traitement anti-angiogénique pourrait avoir une valeur ajoutée dans le GBM en normalisant les vaisseaux tumoraux et en exerçant une activité cytotoxique directe qui résultera de l’inhibition de la néovascularisation», conclut le Dr Shrieve.

Résumé

Le pronostic du GBM demeure sombre chez de nombreux patients, le GBM étant souvent mortel en quelques mois seulement. Cependant, après 20 à 30 ans d’évolution à pas de tortue, nous avons maintenant des données très claires montrant que la survie à long terme est possible chez une proportion substantielle de patients. L’association du TMZ, agent alkylant oral, et de la RT, suivie du TMZ en traitement adjuvant, semble la voie de l’avenir dans les stratégies de traitement du GBM. Lors d’un essai clinique multinational qui a fait date, cette association a quadruplé le nombre de patients en vie après quatre ans, comparativement à la RT seule. Chez les patients porteurs d’une forme méthylée ou inactivée du gène MGMT, qui représentent environ 50 % de l’ensemble des patients, la survie à quatre ans dépasse 20 %. Le gain de survie découlant de l’ajout du TMZ à la RT est comparable chez les patients dont le pronostic est favorable. Pour potentialiser les progrès accomplis à ce jour avec l’association TMZ-RT, les chercheurs se tournent vers les stratégies axées sur la répression du gène MGMT activé. Le recours aux agents de nouvelle génération, comme les inhibiteurs de l’EGFR et du VEGF, notamment en association avec des agents chimiothérapeutiques et la RT, occupe une place importante dans les plans d’avenir. Bien qu’il demeure une importante cause de morbi-mortalité, le GBM ne doit plus être considéré comme une maladie inéluctablement mortelle.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.