Comptes rendus

Premier énoncé de position de la SCC sur la désaccoutumance au tabac : une démarche systématique factuelle voit le jour
Une bonne évaluation du risque CV pour un bon usage des statines

Prévention de l’AVC en présence de fibrillation auriculaire : l’anticoagulation entre dans une nouvelle ère

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2010

Montréal, Québec / 23-27 octobre 2010

Plusieurs mécanismes sous-tendent l’incidence accrue de fibrillation auriculaire (FA) avec l’âge, notamment les effets à long terme de l’inflammation sur les vaisseaux de même que le remodelage et la rigidité vasculaires. En raison de ces changements, il est difficile de faire régresser la FA. La morbimortalité liée à la FA découle notamment d’un risque d’AVC multiplié par 4 ou 5; cependant, comme le souligne la Dre Elaine Hylek, professeure agrégée de médecine, Boston University School of Medicine, Massachusetts, le risque d’AVC attribuable à la FA diffère grandement en fonction de l’âge. Ainsi, chez les 50 à 59 ans, seulement 1,5 % des AVC sont imputables à la FA alors que chez les 80 à 89 ans, un AVC sur quatre est imputable à cette arythmie.

Dans cinq essais clés avec randomisation où la warfarine a été comparée à un placebo, on a observé une diminution fort convaincante de 64 % du risque relatif d’AVC en faveur du traitement actif. Il est rassurant de constater que, lors de ces essais, le taux d’hémorragies majeures n’était que de 0,3 % par année. En 2006, la FDA a néanmoins exigé l’insertion d’une mise en garde encadrée dans la monographie de la warfarine afin d’alerter les médecins et les patients quant à l’incidence élevée d’hémorragies intracrâniennes (HIC) sous warfarine.

De plus, le RIN cible sous warfarine varie entre 2 et 3; s’il est <2, le risque d’AVC augmente alors que s’il se situe entre >3,5 et 4, c’est le risque d’HIC qui augmente. «La warfarine est un médicament difficile d’emploi; non seulement il est inconstant, mais on a du mal à obtenir un résultat entre 2 et 3», fait remarquer la Dre Hylek. Des chercheurs ont conclu que si un patient n’atteint pas le RIN cible 58 à 65 % du temps, le médecin doit réévaluer le traitement.

Au congrès, le Dr Jeffrey Weitz, professeur titulaire de médecine, de biochimie et de sciences médicales, McMaster University, Hamilton, Ontario, a décrit d’autres inconvénients de la warfarine, notamment un lent début d’action nécessitant le chevauchement avec un anticoagulant par voie intraveineuse (i.v.), de multiples interactions avec les aliments et les médicaments et la nécessité d’une surveillance constante du RIN.

En revanche, les nouveaux anticoagulants oraux, dont le rivaroxaban et l’apixaban, inhibiteurs du facteur Xa, et le dabigatran, inhibiteur direct de la thrombine (IDT), commencent à agir rapidement, éliminant du coup la nécessité du chevauchement avec un anticoagulant i.v. De plus, ils peuvent être administrés à doses fixes, ont peu d’interactions avec les aliments et les médicaments et, fait peut-être encore plus important, la surveillance du RIN n’est pas vraiment nécessaire.

Le Dr Stuart Connolly, professeur titulaire de médecine, McMaster University, faisait remarquer que la warfarine est considérablement sous-utilisée chez les sujets âgés, car le risque hémorragique est une importante source d’inquiétude pour les médecins. Le taux d’abandon du traitement par la warfarine avoisine 50 % la première année.

L’association clopidogrel+AAS est également une amélioration par rapport à la warfarine. Lors de l’essai ACTIVE, qui regroupait des patients en FA à qui la warfarine ne convenait pas, on a observé une réduction de 28 % des AVC lorsque le clopidogrel était ajouté à l’AAS, mais le risque d’hémorragie majeure augmentait. Cela dit, souligne le Dr Connolly, «le traitement a permis de prévenir plus d’AVC qu’il n’a causé d’hémorragies, et un grand nombre d’hémorragies n’ont entraîné aucune incapacité à long terme», contrairement aux AVC imputables à la FA qui, eux, sont majoritairement invalidants, dit-il.

Les avantages de nouvelles stratégies d’anticoagulation orale

En matière d’anticoagulation orale, ce sont les nouveaux agents oraux qui constituent la véritable percée, car ils semblent tous offrir des avantages substantiels par rapport à la warfarine. Lors du vaste essai de phase III RE-LY (Randomized Evaluation of Long Term Anticoagulation Therapy), un IDT homologué récemment, le dabigatran, administré à raison de 110 et 150 mg 2 fois/jour a été comparé à la warfarine en mode ouvert. Cet essai de non-infériorité a été réalisé chez 18 113 patients en FA exposés à un risque modéré ou élevé d’AVC. «En fait, souligne le Dr Connolly, «les résultats montrent beaucoup plus qu’une simple non-infériorité dans le cas de la dose plus forte de dabigatran; cette dernière s’est en effet révélée de loin supérieure à la warfarine pour la prévention des AVC ou des embolies systémiques».

La dose de 150 mg 2 fois/jour a été associée à une réduction de 35 % des AVC et des événements emboliques systémiques par rapport à la warfarine, ce qui est hautement significatif sur le plan statistique (p<0,001), poursuit-il. Les taux d’AVC étaient similaires sous dabigatran à faible dose (110 mg 2 fois/jour) et sous warfarine; par contre, si on a observé une réduction marquée des AVC hémorragiques chez les patients qui recevaient 110 mg 2 fois/jour, il y a eu une légère augmentation des AVC ischémiques. «Dans l’ensemble, les patients se tirent presque assurément mieux d’affaire sous dabigatran à 110 mg 2 fois/jour que sous warfarine, car les AVC hémorragiques tuent en quelques semaines dans plus de 50 % des cas», explique le Dr Connolly. En fait, les deux doses de l’IDT ont été associées à une diminution remarquable des AVC hémorragiques, conclut-il.

La dose de 110 mg 2 fois/jour a également permis de réduire les taux d’hémorragies majeures de 20 % comparativement à la warfarine (p=0,003) alors que le dabigatran à 150 mg 2 fois/jour se comparait à la warfarine quant au risque d’hémorragie majeure. Les deux doses de l’IDT ont réduit le risque d’hémorragie potentiellement mortelle par comparaison à la warfarine. Seules les hémorragies digestives ont été plus fréquentes sous dabigatran, ce qui pourrait tenir au fait qu’une grande quantité de médicament n’a pas été absorbée et est demeurée dans le tube digestif après l’ingestion.

Les chercheurs ont constaté une diminution des AVC dans tous les sous-groupes de l’étude RE-LY qu’ils ont évalués. Bien que la protection marquée contre les AVC ait été moindre chez les sujets âgés, la diminution marquée des HIC sous l’effet des deux doses de l’IDT est demeurée constante, même chez les sujets âgés et même par comparaison aux patients sous warfarine présentant un RIN exceptionnellement stable.

Certaines interactions médicamenteuses peuvent influer sur les concentrations plasmatiques de dabigatran, mais la plupart ont des effets plutôt mineurs, et relativement peu d’ajustements posologiques s’imposent.

Les résultats de l’essai AVERROES (Apixaban versus acetylsalicylic acid to Reduce Rate Of Embolic Stroke) ont par ailleurs révélé que l’administration de 5 mg d’apixaban 2 fois/jour à des patients présentant une FA et un facteur de risque d’AVC supplémentaire excluant l’utilisation de la warfarine donnait lieu à une réduction de 55 % des AVC comparativement à l’AAS à raison de 81 à 324 mg/jour, sans augmentation des hémorragies majeures. Le Dr Connolly a calculé qu’en traitant 1000 patients en FA pendant 1 an avec l’apixaban plutôt qu’avec l’AAS, on pouvait s’attendre à éviter 18 AVC, 10 décès et 31 hospitalisations pour cause d’événement CV durant le traitement. On s’attend à ce que l’apixaban soit supérieur à la warfarine, mais on n’en a pas encore fait la preuve. La dronédarone, nouvel antiarythmique maintenant homologué pour le traitement de la FA, a quant à elle été associée à une diminution du risque d’AVC lors des essais pivots ayant mené à son homologation.

«En présence de FA, l’objectif du traitement est de prévenir un AVC, et le dabigatran administré à raison de 150 mg 2 fois/jour est de loin plus efficace que la warfarine et le dabigatran administré à raison de 110 mg 2 fois/jour chez la plupart des patients. Bref, nous devrions réserver la dose de 110 mg 2 fois/jour aux cas où le risque hémorragique est manifestement trop élevé, enchaîne le Dr Connolly. «La dose de 150 mg est un bon choix chez la plupart des patients.»

Recommandations quant à la fibrillation auriculaire

Les nouvelles recommandations de la SCC sur la FA ont été présentées au congrès. La prévention des AVC, l’un des chapitres les plus importants, a fait l’objet d’une allocution, comme les autres chapitres qui ont tour à tour été présentés par le président de chaque comité. Voici quelques-uns des principaux points que le président du comité sur la prévention des AVC, le Dr John Cairns, professeur titulaire de médecine, Division de cardiologie, University of British Columbia, Vancouver, a présentés :

• En présence de FA ou de flutter auriculaire (FlA), on doit toujours déterminer le risque d’AVC à l’aide d’un outil comme le score CHADS2 ainsi que le risque hémorragique; un traitement antithrombotique s’impose dans la plupart des cas.

• Les patients à très faible risque d’AVC (CHADS<sub>2</sub> = 0) doivent recevoir de l’AAS à faible dose, tandis que les patients à faible risque (CHADS<sub>2</sub> = 1) ou à risque modéré (CHADS<sub>2</sub> = 2) doivent recevoir de la warfarine ou du dabigatran.

• Dans la plupart des cas, le dabigatran, généralement administré à raison de 150 mg 2 fois/jour, est préférable à la warfarine.

• Chez les coronariens stables aux prises avec une FA ou un FlA, le traitement antithrombotique doit être fonction du risque d’AVC : AAS pour un score CHADS<sub>2</sub> de 0 et anticoagulant oral pour un score CHADS<sub>2</sub> =1; dans ce dernier cas, la warfarine doit être préférée au dabigatran.

• Chez les patients stables sur le plan hémodynamique dont la FA ou le FlA persiste depuis =48 heures ou dont la durée est indéterminée et qui ont besoin d’une défibrillation électrique ou médicamenteuse : warfarine ou dabigatran pendant les 3 semaines qui précèdent la défibrillation et pendant au moins 4 semaines après la défibrillation. Si la FA ou le FlA persiste ou récidive, le traitement antithrombotique, à base d’anticoagulant oral ou d’AAS selon le cas, doit se poursuivre indéfiniment.

Résumé

Les médecins contribuent très étroitement à la prévention des AVC en prescrivant un traitement antithrombotique dans la vaste majorité des cas de FA ou de FlA. Si l’AAS à faible dose suffit chez les patients à très faible risque, les autres patients doivent recevoir un anticoagulant, soit de la warfarine, soit du dabigatran à raison de 150 mg 2 fois/jour, ce dernier étant l’anticoagulant généralement privilégié. Grâce à l’homologation récente du dabigatran au Canada et à l’avènement d’autres nouveaux anticoagulants oraux, l’anticoagulation entre dans une nouvelle ère qui s›annonce prometteuse : non seulement la prévention des AVC sera-t-elle efficace, mais les tracas et les précautions actuellement associés à l’utilisation de warfarine seront chose du passé. Dans ses recommandations de 2010, la SCC propose des stratégies pratiques pour la prise en charge de la FA que chaque médecin devrait lire attentivement.

D’après des communications scientifiques présentées au congrès de l’ASBMR et choisies par un comité d’examen sous la direction du Dr Kendler, conformément aux principes de l’accréditation. Les Drs Kendler et Josse ont révisé et approuvé le texte et les diapositives connexes à des fins éducatives.

Le présent programme éducatif en ligne est approuvé à titre d'activité de formation collective agréée en vertu de la section 1 de la charpente des activités de développement professionnel continu dans le cadre du Programme de maintien du certificat (MDC) du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Il a été revu et approuvé par l'Université McGill et donne droit à un maximum de 0,5 unité de formation au titre de la section 1 du programme de MDC.

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