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Réintroduction d’antinéoplasiques dans le cancer du sein métastatique : nouvelles données

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 45e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Orlando, Floride / 29 mai-2 juin 2009

Dans le cancer du sein, l’utilisation en situation adjuvante des antinéoplasiques les plus efficaces en première intention est associée à un risque de perte d’efficacité et d’exacerbation de la toxicité, ou les deux, s’ils sont réemployés en cas de récidive. Si le risque de toxicité cumulative de certains types de chimiothérapie est bien établi, on ne peut en dire autant du risque d’usure de l’effet. De nouvelles données montrent que la réintroduction d’antinéoplasiques peut être efficace, ce qui a en fait été le mieux illustré par la doxorubicine liposomale pégylée (DLP) – dont on a modifié la formulation pour réduire le risque de toxicité du principe actif tout en préservant son activité.

Données rétrospectives sur la réintroduction d’antinéoplasiques

«Jusqu’à présent, on s’est peu penché sur la reprise d’une anthracycline ou d’un taxane dans le traitement du cancer du sein métastatique, indique le Dr Jonathan Krell, Imperial College Healthcare NHS Trust, Londres, Royaume-Uni. Cette lacune a empêché une utilisation rationnelle et objective de médicaments autrement très efficaces chez des patientes qui ont vraisemblablement besoin d’une activité maximale pour obtenir une réponse.»

Pour favoriser une démarche plus rationnelle, le Dr Krell a examiné les résultats de 27 études selon lesquels la réintroduction des anthracyclines et des taxanes apparaît viable. Même si la qualité de ces études (dont 20 portaient sur les anthracyclines) était variable, précise-t-il, l’activité mesurée – par des paramètres comme le taux de réponse, le délai de progression et même la survie globale – était semblable à celle qui est observée chez des sujets n’ayant jamais reçu ces agents.

«Il existe des données à l’appui de la réintroduction des anthracyclines ou des taxanes dans le traitement du cancer du sein», indique le Dr Krell. Toutefois, prévient-il, les sources sont uniquement rétrospectives, à l’exception de deux études sur les anthracyclines qui étaient prospectives; il serait donc utile de mener davantage d’études prospectives sur la réintroduction de ces deux classes d’agents. Le Dr Krell plaide également pour un plus grand nombre d’études comparant les anthracyclines aux taxanes chez les sujets déjà exposés à ces deux classes en contexte adjuvant. Cela dit, précise-t-il, on ne doit pas nécessairement les éviter chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique uniquement parce qu’elles y ont déjà été exposées.

Nouveau regard sur les anthracyclines

Dans le cas des anthracyclines, les préoccupations ne concernent pas seulement l’efficacité mais également le risque accru d’effets indésirables limitant la dose, en particulier la cardiomyopathie. C’est d’ailleurs surtout dans le but de réduire ces effets que l’on a mis la DLP au point. Les premières études ont confirmé que ce composé est notablement mieux toléré que la doxorubicine classique, un avantage majeur lorsque les patientes atteintes d’un cancer avancé ont une tolérance réduite aux effets indésirables importants. C’est cependant à l’activité de la DLP chez des patientes déjà traitées par des anthracyclines que se sont intéressés les auteurs d’une nouvelle méta-analyse regroupant les données de quatre essais prospectifs. Les essais pris individuellement et collectivement ont montré que la DLP avait autorisé un taux élevé de bénéfice clinique (TBC) s’accompagnant par ailleurs d’un taux relativement faible d’effets indésirables, même chez les patientes ayant déjà reçu de la doxorubicine.

«Fait peut-être étonnant aux yeux de nombreux cliniciens, le bénéfice clinique associé à la DLP selon cet ensemble de données était également indépendant de la présence ou de l’absence d’une résistance préalable aux anthracyclines», rapporte le Dr Salah-Eddin Al-Batran, Clinique d’hémato-oncologie, Hôpital Nordwest, Francfort-sur-le-Main, Allemagne. On a de plus constaté que les taux de réponse n’étaient pas influencés par le temps écoulé depuis le dernier traitement ni par la dose cumulative reçue lors de l’exposition préalable aux anthracyclines classiques.

Cette méta-analyse incluait quatre études prospectives publiées entre 2004 et 2008 et regroupant 935 patientes traitées par la DLP pour un cancer du sein métastatique. Toutes ces patientes avaient de lourds antécédents de traitement, mais 274 d’entre elles avaient en outre déjà reçu des anthracyclines classiques. Pour l’ensemble de la population à l’étude, le nombre médian de chimiothérapies antérieures était de quatre, le minimum étant de un et le maximum, de neuf. Chez les patientes déjà exposées à des anthracyclines classiques, 14 % avaient reçu ces agents à titre adjuvant, 46 % en phase métastatique et 40 % dans les deux situations. Le paramètre principal d’évaluation était un TBC >30 %, ce bénéfice étant défini comme l’obtention et le maintien durant six mois d’une réponse objective ou d’une stabilisation du cancer.

Le TBC se chiffrait à 32 % dans l’ensemble de la population et à 32,2 % (IC à 95 % : 26,7-37,8) dans le sous-groupe déjà exposé aux anthracyclines. L’exposition préalable aux anthracyclines, dont on a mesuré l’effet éventuel de diverses façons, n’a pas modifié la réponse clinique. Ainsi, le taux de réponse était de 33,3 % chez les patientes qui avaient déjà reçu une anthracycline en situation adjuvante, de 34,4 % chez celles qui en avaient reçu en situation métastatique et de 29,4 % chez celles qui en avaient reçu dans les deux situations (p=0,71 pour les deux situations vs une exposition en situation adjuvante ou métastatique). Lorsqu’on a évalué la réponse chez les patientes considérées comme résistantes aux anthracyclines sur le vu du dossier médical, on a constaté un taux de réponse presque identique au taux observé chez les patientes sans antécédents de résistance (31,9 % vs 31,6 %).

Par ailleurs, on a observé un TBC plus élevé chez les patientes qui avaient reçu un petit nombre de chimiothérapies antérieures que chez celles qui en avaient reçu un grand nombre, mais le Dr Al-Batran a attribué cet écart à un meilleur pronostic dans le premier groupe. Lorsque le dernier traitement par une anthracycline classique remontait à moins de 12 mois, les patientes semblaient répondre moins bien que lorsque le traitement remontait à plus loin, signale-t-il également, mais la différence n’était pas statistiquement significative (26,3 % vs 34,2 %; p=0,21). On a aussi noté une modeste prolongation de la survie, là encore non significative du point de vue statistique, chez les patientes qui n’avaient jamais reçu de taxane.

L’innocuité n’était pas prise en compte dans cette analyse axée sur la sensibilité à la DLP après une exposition aux anthracyclines; cependant, il ressort de données antérieures citées par le Dr Al-Batran que, comparée à la doxorubicine classique, la DLP a réduit considérablement le risque global d’effets indésirables et présenté une tolérabilité particulièrement plus favorable sur le plan des signes de toxicité de classe 3 et 4. Lors d’études précédentes, la DLP s’est notamment démarquée du composé classique par un risque relativement faible de cardiotoxicité cumulative après de multiples cycles de traitement. Plusieurs études de la méta-analyse comportaient des évaluations spécifiques des données sur la cardiotoxicité, comme l’insuffisance cardiaque, et n’ont mis au jour aucune association significative.

Données convergentes de l’étude PELICAN

La combinaison d’activité et d’innocuité relative qu’offre la DLP présente aussi de l’intérêt dans le traitement de première intention du cancer du sein métastatique. L’avantage que cet agent pourrait procurer dans ce contexte par rapport à d’autres options est actuellement évalué dans le cadre de l’étude PELICAN (Pegylated Liposomal Doxorubicin Versus Capecitabine as First-line Chemotherapy for Metastatic Breast Cancer). Au cours de cette vaste étude multicentrique de phase III menée en Allemagne, 193 patientes ont été randomisées en vue de recevoir la DLP administrée par voie intraveineuse à raison de 50 mg/m2 une fois aux 28 jours, ou la capécitabine administrée par voie orale à raison de 1250 mg/m2 b.i.d. les jours 1 à 14 d’un cycle de 21 jours.

Selon les résultats partiels, la tolérabilité s’est jusqu’ici révélée similaire même si le type d’effets indésirables différait considérablement d’un groupe à l’autre. «Globalement, on a administré un nombre similaire de cycles dans le groupe DLP et le groupe capécitabine, mais on a observé moins d’effets indésirables de classe 3 ou 4 dans le groupe DLP», indique le Dr Al-Batran, qui a aussi présenté ces résultats.

Le paramètre principal d’évaluation de PELICAN est le délai de progression du cancer, mais on manque encore de recul pour analyser les données d’efficacité. À ce stade, on a plutôt voulu comparer la toxicité de deux composés relativement bien tolérés jusqu’à présent et qui représentent des choix de première intention raisonnables dans les monochimiothérapies séquentielles du cancer métastatique. «La principale manifestation de toxicité, toutes classes confondues, était le syndrome mains-pieds, signalé chez 35,1 % des patientes sous DLP et 19,2 % des patientes sous capécitabine. Seule la capécitabine a été associée à une diarrhée de classe 3 ou 4 [13,1 %], et les événements thromboemboliques de classe 3 ou 4 étaient aussi plus fréquents dans ce groupe [9,1 % vs 1,5 %]», rapporte le Dr Al-Batran.

Par rapport à la doxorubicine classique, la DLP offre un avantage crucial en ce que sa tolérabilité permet l’utilisation de cet antinéoplasique hautement efficace dans le cancer métastatique. Lorsque la doxorubicine a déjà été utilisée, les données validant l’utilité de la DLP lors de la réintroduction d’une anthracycline représentent un résultat clinique important étant donné le nombre restreint d’options chez les patientes au lourd passé thérapeutique. De l’avis du Dr Krell, la preuve que les stratégies de réintroduction sont viables devrait conduire à réexaminer les modalités du traitement optimal en cas de reprise évolutive d’un cancer métastatique.

Résumé

De nouvelles données sur la réintroduction d’antinéoplasiques chez les patientes atteintes d’un cancer du sein laissent supposer qu’au moins certains de ces composés conservent leur activité et pourraient jouer un rôle dans la prise en charge du cancer métastatique en récidive. Les données les plus probantes, générées par une méta-analyse de quatre études, plaident en faveur de l’utilisation de la DLP, une anthracycline dont on a modifié la formulation spécialement pour en améliorer la tolérabilité. Ces données regroupées sur la DLP ont corroboré les résultats d’une plus vaste analyse de 27 études sur les anthracyclines et les taxanes selon lesquels les stratégies de réintroduction semblent un moyen valable de préserver des options de traitement hautement efficaces.

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