Comptes rendus

Tumeurs stromales gastro-intestinales et inhibiteurs de tyrosine kinases : nouvelles stratégies pour réduire le risque de récidive
Améliorer l’issue du traitement dans l’asthme et la MPOC

Rôle de l’inhibition de la 5-alpha réductase dans le cancer de la prostate et l’HBP : les enseignements de la recherche clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 6e Congrès mondial sur le vieillissement de l’homme

Tampa, Floride / 21-24 février 2008

De l’avis du Dr Ian Thompson, professeur titulaire et directeur, département d’urologie, University of Texas Health Science Center, San Antonio, la principale leçon à tirer de l’essai PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) et de l’expérience clinique en matière de suppression des androgènes est qu’une diminution de la stimulation androgénique de la prostate peut réduire considérablement le risque d’adénocarcinome de la prostate. Dans son allocution aux congressistes, le Dr Thompson, investigateur principal de cet essai phare, a fait part de ses vues sur l’interaction entre les androgènes, le cancer de la prostate et d’autres affections de la prostate.

L’essai PCPT a été mené à double insu avec randomisation et placebo, et regroupait 18 882 hommes en bonne santé âgés de ³55 ans. L’essai a pris fin en juin 2003, après qu’une analyse provisoire eut objectivé une diminution évidente du risque de cancer de la prostate chez les hommes qui recevaient un inhibiteur de la 5-alpha réductase (I5AR), le finastéride en l’occurrence. La réduction du risque atteignait près de 25 % chez les hommes traités par rapport aux témoins sous placebo, même après prise en compte de l’âge des patients, de leur groupe ethnique, de leurs antécédents familiaux ou de leur taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA).

En parallèle, cependant, les chercheurs ont mis en évidence une augmentation absolue significative de la proportion de lésions de grade élevé (score de Gleason de 7 à 10) dans le groupe I5AR par rapport au groupe placebo : 6,4 % vs 5,1 %, respectivement. Cette observation a fait l’objet d’un éditorial par le Dr Peter T. Scardino, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, New York, dans lequel ce dernier écrivait : «Les résultats de l’étude donnent à penser que le finastéride pourrait accélérer la croissance des cancers de grade élevé, lesquels peuvent menacer la santé et le pronostic vital s’ils ne sont pas traités avec succès» (N Engl J Med 2003;349[3]:297-9). Or, d’enchaîner le Dr Thompson, «nous savons maintenant que c’est faux».

Biais de constatation

«Nous comprenons maintenant que le risque accru de cancer de forte malignité tenait tout simplement à un biais de constatation», souligne le Dr Thompson. Il a cité à cet égard une étude à laquelle il a collaboré et lors de laquelle ses collaborateurs et lui-même ont tenté de déterminer si le risque accru de cancer de la prostate de grade élevé associé au finastéride dans le cadre de l’essai PCPT était imputable aux effets éventuels de l’agent soit sur la morphologie de la tumeur, soit sur la taille de la prostate (Lucia et al. J Natl Cancer Inst 2007;99[18]:1375-83).

Les chercheurs ont constaté que si les changements hormonaux dégénératifs objectivés dans les biopsies de tumeurs de grade élevé étaient comparables dans le groupe de traitement actif et le groupe placebo, le volume des prostates traitées était toutefois significativement plus petit (p<0,001). En outre, lorsqu’ils se sont penchés sur les marqueurs de substitution pathologiques de l’extension de la tumeur dans les carottes microbiopsiques, les chercheurs ont constaté que le pourcentage moyen de carottes positives, l’extension linéaire moyenne (maximale et totale) de la tumeur, la bilatéralité et l’infiltration périneurale étaient tous moins marqués chez les patients traités que chez les témoins sous placebo. De surcroît, les chercheurs ont noté que dans le groupe ayant subi une prostatectomie radicale, l’augmentation iatrogène significativement plus prononcée du nombre de tumeurs dont le score de Gleason était ³7 (p<0,001) n’atteignait plus le seuil de signification statistique après l’intervention (p=0,10).

«Finalement, chez les patients qui recevaient un placebo et non un I5AR, le risque de rater une tumeur prostatique de grade élevé à la biopsie était de 50 %, explique le Dr Thompson. En revanche, si le patient recevait du finastéride, la probabilité de détecter une tumeur de grade élevé était de 70 %, ce qui représente une augmentation hautement significative de la probabilité de constatation.»

Pour déterminer si les tumeurs découvertes chez les sujets sous finastéride avaient une portée clinique, les chercheurs se sont penchés sur les fragments biopsiques prélevés chez 737 sujets du groupe de traitement et 1047 du groupe placebo de l’essai PCPT. Les critères d’une tumeur n’ayant pas de portée clinique étaient les suivants : taux de PSA/volume tumoral £0,15, score de Gleason £6 et <3 mm de tissu tumoral dans au plus une carotte biopsique.

Il ressort de l’ensemble du matériel biopsique évaluable (1648 sujets traités et 1784 sujets sous placebo) que seulement 33 % des tumeurs étaient sans importance clinique. Ce pourcentage s’élevait à 28 % dans le groupe I5AR et à 36 % dans le groupe placebo. En outre, parmi les 97 tumeurs vraisemblablement sans importance clinique qui ont été excisées par prostatectomie radicale, 13 % étaient en fait de stade T3 à l’examen pathologique et avaient des marges positives ou un score de Gleason de ³7. «C’est donc dire que la majorité des cancers que le traitement par l’I5AR a permis de prévenir avaient une portée clinique», fait remarquer le Dr Thompson.

Les chercheurs de l’essai PCPT ont conclu que l’incidence plus élevée de cancers de grade élevé dans le groupe de traitement tenait peut-être à la diminution du volume tumoral et à l’inhibition des tumeurs de faible grade associées au finastéride plutôt qu’à un effet inexpliqué de cet agent sur la morphologie de la tumeur.

Sensibilité accrue du dosage de PSA, de l’examen par toucher rectal et de la biopsie

Comme le souligne le Dr Thompson, l’inhibition de la 5-alpha réductase améliore la sensibilité du dosage du PSA et de l’examen par toucher rectal pour la détection du cancer de la prostate alors qu’elle améliore la sensibilité de la biopsie à la fois pour la détection du cancer de la prostate et la détection des tumeurs de grade élevé. «Le finastéride déplace notablement la courbe ROC [receiver-operating characteristic] dans le cas du dosage du PSA, précise-t-il. Il y a très peu de tests cliniques qui déplacent la courbe ROC d’un biomarqueur, quel que soit le trouble biologique en cause, et il s’agit ici d’un déplacement significatif de la courbe ROC. Si la valeur-seuil du PSA à laquelle une biopsie est recommandée est de 4 [ng/mL], on doit la ramener à 1,6 pour obtenir la même spécificité chez un sujet sous finastéride.»

À un tel degré de spécificité, la sensibilité du dosage du PSA pour la détection d’un cancer de la prostate chez les sujets sous placebo était de 24 %, vs 37,8 % chez les sujets sous finastéride, note-t-il. De même, à une valeur-seuil de PSA de 4,1 ng/mL pour les patients sous placebo ou de 1,6 ng/mL pour les patients sous I5AR, la spécificité du dosage pour la détection d’une tumeur de grade élevé s’élevait à 90,5 % tandis que la sensibilité se chiffrait à 39,2 % chez les sujets sous placebo vs 53 % chez les sujets traités.

Traitement de l’HBP par un I5AR

Le Dr Timothy D. Moon, professeur titulaire d’urologie, University of Wisconsin, Madison, s’est penché sur l’utilisation des I5AR, en l’occurrence le dutastéride et le finastéride, pour le traitement des symptômes du bas appareil urinaire associés à l’HBP. Le dutastéride inhibe à la fois le type I et le type II de la 5-alpha réductase, alors que le finastéride inhibe sélectivement le type I. Les deux agents abaissent les taux sérique et intraprostatique de dihydrotestostérone de façon significative. Le Dr Moon précise par ailleurs que les deux agents diminuent nettement le volume de la prostate, les scores de symptômes urinaires, le risque de rétention urinaire et la probabilité d’une intervention chirurgicale pour cause de HBP du fait qu’ils agissent sur les récepteurs de la prostate et de l’appareil génito-urinaire.

Au nombre des effets indésirables d’ordre sexuel du finastéride figurent une diminution de la libido ainsi que du volume de l’éjaculat et de la puissance de l’éjaculation, quoique ces effets indésirables soient peu fréquents, ajoute le Dr Moon. Lors d’un essai avec placebo de deux ans sur l’efficacité du dutastéride, la dysfonction érectile, la baisse de la libido, la gynécomastie et les troubles de l’éjaculation ont tous été significativement plus fréquents la première année chez les patients traités, alors que la deuxième année, seule l’incidence de la gynécomastie demeurait significativement plus élevée. Les deux agents portent le taux sérique de testostérone de 10 % à 20 %, mais cette augmentation demeure dans les normes physiologiques et n’est pas considérée comme cliniquement pertinente, poursuit le Dr Moon.

Comme il faut compter environ six mois pour qu’un I5AR exerce son effet maximal sur les symptômes de l’HBP, certains médecins craignent que leurs patients ne soient pas prêts à attendre si longtemps avant d’être soulagés de leurs symptômes. «En général, les médecins ont l’impression qu’un soulagement immédiat s’impose, fait remarquer le Dr Moon. Or, les enquêtes auprès des patients semblent indiquer que ce n’est pas le cas. Les patients sont prêts à recevoir un traitement qui agit à long terme plutôt qu’à court terme, de sorte qu’un délai de six mois ne semble pas leur causer de problème.» Cela dit, l’association d’un alpha-bloquant comme l’alfuzosine ou la tamsulosine et d’un I5AR est parfois nécessaire pour optimiser le soulagement des symptômes chez les patients ayant une prostate volumineuse, conclut-il.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.