Comptes rendus

Traitement du TDAH : durabilité de l’effet thérapeutique

Rôle des biothérapies dans la prise en charge du psoriasis

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

EN DIRECT - Dermatologie

7-11 octobre 2009

Commentaire éditorial :

Neil H. Shear, MD, FRCPC, FACP

Chef de la dermatologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, Professeur titulaire de médecine, de pharmacologie, de pédiatrie et de pharmacie, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Le psoriasis, toutes formes confondues, touche quelque 125 millions de personnes dans le monde (National Psoriasis Foundation, 2007). Souvent prurigineuses et inesthétiques, les lésions sont très difficiles à supporter, tant physiquement que psychologiquement. Le psoriasis peut s’accompagner, dans un cas sur deux, de dystrophie unguéale (J Am Acad Dermatol 2007;57:1-27) et, dans 30 % des cas, de rhumatisme psoriasique (Derm Ther 2004;17:341-9) (Figure 1), affection qui peut nuire à l’accomplissement des activités quotidiennes, diminuer le rendement professionnel et amoindrir la qualité de vie (QdV).

Chez les patients psoriasiques, la prévalence de certaines maladies est nettement plus élevée, et le taux de comorbidité général est près de deux fois plus important (Ann Rheum Dis 2005;64[suppl II ]:ii87-ii90). Comme l’inflammation chronique est une composante à la fois du psoriasis et des maladies cardiovasculaires, le sujet psoriasique est plus exposé à l’infarctus du myocarde, ce risque étant à la mesure de la gravité du psoriasis (JAMA 2006;296[14]:1735-41). Ajoutons à cela que le taux de mortalité est proportionnel à la sévérité de la maladie et à l’importance des facteurs de comorbidité (Arch Dermatol 2007;143[12]:1493-9).

Dans la plupart des algorithmes de traitement, on recommande de faire d’abord l’essai des agents topiques, associés éventuellement à la photothérapie (Expert Rev Dermatol 2009;4[1]:15-21). Ces mesures initiales se révèlent toutefois insuffisantes chez environ 30 % des patients qui, le cas échéant, doivent se tourner vers les traitements systémiques tels le méthotrexate (MT X), la cyclosporine et l’acitrétine. Chez bon nombre de patients, toutefois, les agents systémiques classiques ne sont pas à la hauteur non plus en raison soit de leur manque d’efficacité, soit de leurs effets indésirables.

En quête d’une bonne qualité de vie

Voyant leur QdV diminuée par le psoriasis, les patients exigent des médicaments plus efficaces, qui agissent plus rapidement et donnent lieu à des rémissions plus durables, tout en étant mieux tolérés et plus sûrs. Au cours de la dernière décennie, les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-a) se sont montrés plus efficaces que les traitements systémiques traditionnels, amenant des taux de rémission plus élevés que ces derniers. Les chercheurs qui se sont adressés aux congressistes ont exploré des questions diverses, notamment les effets du traitement sur la QdV, l’efficacité comparative des anti-TNF et du MTX ainsi que la faisabilité d’un traitement séquentiel par les anti-TNF.

Lors d’une étude multicentrique menée en Europe, des chercheurs ont évalué la QdV chez 751 patients atteints de psoriasis et de rhumatisme psoriasique, s’intéressant plus particulièrement à l’effet d’un agent biologique, l’étanercept (Thaçi et al. Résumé P1160). Les réponses au questionnaire EuroQoL-5D (EQ-5D) ont révélé qu’au départ, les sujets avaient une QdV comparable à celle de personnes en dépression clinique et moins bonne que celle de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Trois semaines après le début du traitement par l’une des deux doses d’étanercept étudiées, la QdV s’était améliorée selon l’EQ-5D. À 24 semaines, la variation du score de QdV était environ cinq fois plus marquée que l’écart minimal admissible, à savoir une augmentation d’au moins 0,05 du score EQ-5D.


Par ailleurs, un groupe de chercheurs de divers pays a comparé les effets de l’infliximab et du MTX sur la QdV de patients atteints de psoriasis en plaques modéré ou sévère (Reich et al. Résumé 1187). Les résultats proviennent de l’essai RESTORE1, comparaison multicentrique avec randomisation de l’infliximab, inhibiteur du TNF-a, à 5 mg/kg et du MTX par voie orale à 15-20 mg par semaine. L’amélioration du score DLQI (Dermatology Life Qualify Index) a été significativement plus marquée dans le groupe anti-TN F lors de toutes les évaluations (10 semaines : -11,4 vs -7,9, p<0,001; 16 semaines : -11,6 vs -8,95, p<0,001 et 26 semaines : -11,3 vs -9,14, p=0,004). Le questionnaire SF-36 a pour sa part mis en lumière une amélioration plus nette de l’état physique chez les sujets traités par l’inhibiteur du TNF-a; l’écart était significatif à 10 et 16 semaines (p<0,001 et p=0,002) et toujours présent, quoique non significatif, à 26 semaines. De même, le bilan mental du questionnaire SF-36 a révélé une amélioration significativement plus marquée sous anti-TNF à 10 semaines (p=0,011) et une différence persistante, quoique non significative, à 16 et 26 semaines.

Ces résultats rejoignent ceux d’essais antérieurs, qui ont montré que pendant un traitement anti-TNF, la QdV s’améliorait au rythme où ralentissait l’activité cutanée dans le psoriasis en plaques.

Anti-TNF et MTX

Le MTX est reconnu depuis longtemps comme l’un des agents systémiques les plus puissants contre le psoriasis. Après l’arrivée des inhibiteurs du TNF-a, on a, bien entendu, voulu savoir quel type de traitement était le plus efficace. Ces précieuses données comparatives, nous les avons enfin grâce à l’essai RESTO RE1, qui s’est terminé récemment (Barker et al. Résumé FC06.8).

L’étude a réuni 858 patients atteints de psoriasis modéré ou sévère. Plus précisément, le score PASI (Psoriasis Area and Severity Index) moyen de départ était =12 et les lésions recouvraient =10 % de la surface corporelle. Après randomisation suivant un rapport 4:1, les sujets ont reçu de l’infliximab à 5 mg/kg ou du MTX à 15-20 mg/semaine. Les patients n’ayant pas obtenu de réponse PASI 50 à 16 semaines ont changé de traitement. Le paramètre principal était la proportion de patients ayant satisfait au
semaines (Figure 2).

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Au total, 78 % des sujets sous infliximab répondaient au critère PASI 75 à 16 semaines, comparativement à 42 % des sujets sous MTX; pour la réponse PASI 90, les pourcentages atteignaient respectivement 55 et 20 % (p<0,001 dans les deux cas). Dès la deuxième semaine, 38 % des patients traités par l’inhibiteur du TNF-a avaient obtenu une réponse PASI 50, contre 9 % des patients traités par le MTX (p<0,001). Après 10 semaines, 74 % du groupe anti-TNF était parvenu à une réponse PASI 75, par rapport à 30 % environ du groupe MTX (p<0,001).

Autre preuve de la plus grande efficacité du traitement biologique : des résultats insatisfaisants ont amené près de 30 % des patients sous MTX à passer à l’anti-TNF à 16 semaines. Environ les trois quarts de ces sujets sont alors parvenus à une réponse PASI 75.

Aucun effet indésirable inattendu ne s’est produit pendant l’étude. Le taux d’effets indésirables était comparable dans les groupes biothérapie et MTX, soit 72 et 67 %; dans le cas des effets indésirables graves, les taux se sont situés à 7 et 3 %, respectivement. On a mis fin au traitement en raison d’anomalies hépatiques chez 1 à 2 % des patients de chaque groupe. Enfin, des réactions au point de perfusion ont conduit à l’arrêt du traitement chez 4 % des sujets sous inhibiteur du TNF-a.

Le MTX apaise depuis des années les patients psoriasiques qui ne sont pas soulagés adéquatement par les agents topiques, la photothérapie ou une association de ces modalités thérapeutiques, et il demeure une option judicieuse dans de nombreux cas. Malheureusement, chez une proportion non négligeable de patients, le MTX ne parvient pas à contenir suffisamment le psoriasis. Et comme les traitements offerts ne leur procurent souvent qu’un soulagement modéré, bien des patients se contentent d’une simple amélioration de leur état, si minime soitelle. Mais voilà : à l’ère des biothérapies, le médecin doit viser une réponse PASI 75 chez la majorité de ses patients. Si elle se fait encore attendre 12 à 16 semaines après le début d’un traitement traditionnel, il y a tout lieu d’envisager une biothérapie.

Comme le montre cette étude, les patients qui passent du MTX à un inhibiteur du TNF-a ont de très bonnes chances d’obtenir une réponse satisfaisante et voient augmenter la probabilité de parvenir au blanchiment d’au moins 90 % de leurs lésions (réponse PASI 90). En effet, lors de l’essai RESTO RE1, 57 % des sujets sous infliximab ont satisfait au critère PASI 90, comparativement à 1 % des témoins sous placebo (p<0,0001).

Les patients dont la réponse au MTX n’est pas à la hauteur des attentes répondent donc souvent aux inhibiteurs du TNF-a; on en a d’ailleurs fait une autre démonstration lors de la prolongation ouverte de l’étude CHAMPION (Comparative Study of Adalimumab vs. Methotrexate and vs. Placebo in Psoriasis Patients) (Papp et al. Résumé P1225). On a invité les sujets n’ayant pas répondu suffisamment au MTX (<PASI 50) à amorcer un traitement par l’adalimumab. Après 24 semaines de traitement par l’anti-TNF, les taux de réponses PASI 75, 90 et 100 ont atteint respectivement 79, 52 et 31 %.

L’évaluation de la réponse PASI 90 témoigne de l’enthousiasme grandissant que soulève la perspective d’un blanchiment complet des lésions cutanées grâce aux inhibiteurs du TNF-a. De fait, la puissance de ces agents biologiques par rapport à d’autres antipsoriasiques a fait de cet objectif une visée réaliste, à notre portée aujourd’hui plus que jamais.

Onychopathie psoriasique

Environ la moitié des patients psoriasiques ont des lésions unguéales (Figure 1, 3). Au total, 82 % des patients admis à l’étude EXPRESS (European Infliximab for Psoriasis Efficacy and Safety Study) souffraient d’une onychopathie (J Am Acad Dermatol 2008;58:224-31). Un traitement an
a fait disparaître les lésions unguéales chez 45 % de ces sujets.

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On a toujours tenu pour acquis que les lésions unguéales et cutanées évoluaient parallèlement sous l’effet du traitement, mais peu de données étayent cette présomption. Or, les patients adhéreraient peut-être mieux à un traitement au long cours s’ils savaient à quel moment cette réponse simultanée était susceptible d’intervenir. L’équipe d’EXPRESS s’est livrée à une analyse rétrospective des données de l’étude afin de préciser le lien entre les réponses cutanée et unguéale au traitement anti-TN F au long cours (Winkelman et al. Résumé P1220).

Leur analyse a porté sur 378 patients atteints de psoriasis modéré ou sévère. Après randomisation, ils ont reçu un placebo ou de l’infliximab à 5 mg/kg et ont été suivis pendant un an. Des 305 patients traités par l’inhibiteur du TNF-a, 240 souffraient de psoriasis unguéal; 186 de ces derniers sujets étaient encore sous biothérapie à la fin de l’étude. Les ongles de tous les patients du groupe infliximab, sauf un patient, ont été examinés à la 50e semaine.

À 50 semaines, 138 des 185 patients traités par l’infliximab avaient obtenu une réponse PASI 75. Chez les patients dont le psoriasis avait régressé d’au moins 90 % (PASI 90), l’amélioration médiane de l’indice tnNAPSI (Target Nail - Nail Psoriasis Severity Index) et du nombre d’ongles touchés (NNAIL ) a atteint 100 %. La proportion de patients chez lesquels on a observé un blanchiment complet des lésions unguéales à 50 semaines s’est établie à 56 % (PASI 75) et à 62 % (PASI 90).

Comme le montre cette analyse, le blanchiment des lésions unguéales et la réponse unguéale avaient évolué parallèlement à la réponse cutanée après un an chez des patients atteints de psoriasis modéré ou sévère. Les cliniciens souhaiteront peut-être relayer cette information à leurs patients pour les aider à gérer leurs attentes à l’endroit des anti-TNF dans le traitement du psoriasis, et plus précisément des manifestations unguéales de cette maladie.

Influence de l’origine ethnique sur la réponse aux anti-TNF

La mondialisation et les mouvements migratoires plus nombreux font en sorte qu’aujourd’hui, on doit davantage tenir compte des effets des médicaments dans divers groupes ethniques. Dans cet esprit, des chercheurs ont évalué un anti-TNF chez des patients moyen-orientaux atteints de psoriasis (Dayem HA, Omar MF. Résumé P1269).

L’étude a porté sur 22 patients souffrant de psoriasis en plaques modéré ou sévère. Ils ont reçu de l’infliximab à 5 mg/kg au début de l’étude, puis les 2e, 6e, 14e et 22e semaines. Le paramètre principal était la réponse PASI 75 à 10 semaines. L’équipe s’est également intéressée à la réponse unguéale (NAPSI ), à la QdV (DL QI) et à l’impression globale du médecin (PGA, pour Physician Global Assessment).

Au total, rapportent les auteurs, 16 des 20 (80 %) patients évaluables satisfaisaient au critère PASI 75 à 10 semaines. De plus, huit patients (40 %) ont obtenu une réponse PASI 90 et deux (10 %), une réponse PASI 100, qui témoigne d’un blanchiment complet des lésions. À 24 semaines, les taux de réponse étaient les suivants : 85 % (PASI 75), 65 % (PASI 90) et 25 % (PASI 100). Après 10 semaines, l’indice NAPSI révélait une atténuation d’au moins 75 % des lésions unguéales chez 43 % des patients, proportion qui atteignait 86 % à 24 semaines. Le score DL QI moyen s’était amélioré de 12,6 points à 10 semaines et de 13,5 points à 24 semaines. Du point de vue du médecin (PGA), il y a eu blanchiment complet ou quasi complet des lésions chez 75 % des patients à 10 semaines et 80 % des patients à 24 semaines.

Ces résultats reflètent ceux d’autres évaluations d’inhibiteurs du TNF dans diverses populations de patients psoriasiques. Notons que les lésions unguéales, la QdV et l’évaluation du médecin se sont toutes améliorées au fil du blanchiment des lésions cutanées.

Traitement du psoriasis palmoplantaire

Les lésions psoriasiques de la paume de la main et de la plante du pied résistent souvent aux traitements traditionnels. Bien que l’atteinte palmoplantaire constitue la règle plutôt que l’exception dans le psoriasis, les réponses palmaire et plantaire ont rarement figuré au nombre des principaux paramètres d’évaluation des études sur les anti-TNF.

Or, on a justement présenté aux congressistes les résultats d’un essai clinique avec randomisation mené dans une population restreinte (24 patients) dont le psoriasis avait une composante palmoplantaire (Bissonnette et al. Résumé P1159). Le score PASI de départ dans les territoires visés était d’au moins 8, et l’atteinte couvrait au moins 10 % de la surface palmoplantaire. Les sujets ont reçu de l’infliximab à 5 mg/kg ou un placebo au début de l’étude, puis les 2e et 6e semaines. Les témoins sous placebo en début d’étude ont reçu de l’infliximab les 14e, 16e et 20e semaines.

Après 14 semaines, 33,3 % des patients sous anti-TNF étaient parvenus à une réponse PASI 75 et 66,7 %, à une réponse PASI 50. Dans le groupe placebo, 8,3 % des patients satisfaisaient aux critères PASI 75 et PASI 50 à 14 semaines (p=0,009 pour la réponse PASI 50). La surface atteinte a diminué de 53,6 % dans le groupe infliximab contre 4,5 % dans le groupe placebo (p=0,002). Après 26 semaines, la surface atteinte avait régressé de 69,2 % en moyenne chez les sujets traités d’emblée par l’agent biologique; quant au taux de réponses PASI 75, il se chiffrait à 58,3 %.

Malgré son effectif restreint, cette étude prospective montre que l’infliximab peut atténuer de manière significative le psoriasis palmoplantaire, réfractaire au traitement.

Du nouveau dans le traitement du psoriasis

Les études présentées jusqu’à maintenant ont confirmé l’efficacité des anti-TNF dans le psoriasis. Cependant, une nouvelle classe d’antipsoriasiques se dessine à l’horizon et a fait l’objet de quelques exposés lors du présent congrès.

Les lésions psoriasiques expriment les interleukines (IL ) 12 et 23, qui comportent toutes les deux une sous-unité p40. Or, il existe désormais une classe d’agents qui ciblent l’IL -12/23. Le premier représentant de cette classe, l’ustékinumab, a amené un taux de réponse comparable, peu importe l’âge au moment du diagnostic, l’ancienneté de la maladie, l’existence d’un rhumatisme psoriasique concomitant ou la situation initiale sur les plans suivants : score PASI , évaluation du médecin, surface corporelle atteinte et score de QdV. En outre, l’analyse des caractéristiques cliniques a montré que les antécédents thérapeutiques, notamment la photothérapie et les antipsoriasiques antérieurs, influaient peu sur la réponse (Reich et al. Résumé P1222). Enfin, dans une étude (Menter et al. Résumé P1157) portant sur un autre agent qui cible les IL -12/23, soit l’ABT -874, on a constaté le blanchiment de 90 % des lésions après 12 semaines de traitement chez la moitié des sujets du groupe ABT -874 par rapport aux témoins du groupe placebo. Ces agents nous rapprochent encore davantage de notre but, soit l’obtention d’une réponse durable chez une forte proportion de patients.

Résumé

L’utilité des anti-TNF dans le psoriasis n’est plus à démontrer. Soumis au regard des chercheurs et à l’épreuve de la pratique clinique depuis une dizaine d’années, les inhibiteurs du TNF-a ont fait la preuve de leur innocuité et de leur efficacité, pourvu qu’ils soient prescrits aux bons patients. Ces agents affichent généralement un profil d’innocuité favorable. C’est une classe de médicaments efficaces contre une maladie accablante, tant physiquement que psychologiquement, et souvent difficile à maîtriser par les méthodes traditionnelles. Grâce aux anti-TNF et aux agents ciblant les IL-12/23, les patients peuvent aujourd’hui escompter, de manière tout à fait réaliste, une réponse complète, à savoir le blanchiment de toutes les lésions cutanées.

Voyons quelques cas réfractaires dans lesquels l’inhibition du TNF-a a donné des résultats intéressants.

Cas no 1

Présenté par le Dr Ulrich Mrowietz, Université de Kiel, Allemagne

I l s’agit d’un homme de 45 ans qui mesure 1,83 m et pèse 82 kg (indice de masse corporelle de 24,5) dont le psoriasis est apparu à l’âge de 19 ans. On ne sait rien des antécédents familiaux, mais le patient n’est pas porteur du gène HLA-Cw6. L’aspect des lésions cutanées est caractéristique d’un psoriasis en plaques, associant des signes d’hyperprolifération et d’inflammation. Le patient est fumeur, mais on ignore s’il présente des maladies concomitantes. Il ne prend en ce moment aucun médicament. Il a déjà utilisé sans succès tous les agents topiques sur le marché et subi plusieurs séances de photothérapie (rayons UVB et balnéoPUVAthérapie). Ni l’acitrétine ni le MTX pris à une posologie atteignant 20 mg/semaine n’ont amélioré son état. Le patient ne tolère pas le fumarate, et la cyclosporine a fait augmenter sa tension artérielle à un point inacceptable. Son score PASI, qui s’élève à 18,2, dénote un psoriasis sévère chronique.

Q : À la lumière de ces informations, lequel des objectifs thérapeutiques suivants considéreriez-vous comme atteignable chez ce patient : réponse PASI 50, PASI 75, PASI 90, blanchiment total des lésions cutanées ou blanchiment total des lésions cutanées et unguéales?

R : Le tiers des participants ont choisi le critère PASI 50 comme réponse. Les deux tiers restants se partageaient également entre les quatre autres options.

Dr Mrowietz : Le patient a connu une longue succession d’échecs thérapeutiques. Plusieurs facteurs doivent peser dans la décision de traitement. Pour faire une évaluation précise, il faut tout d’abord déterminer de quelque manière la sévérité de la maladie. Le pourcentage de la surface corporelle atteinte et l’intensité des signes locaux sont deux critères possibles. Puis, on tiendra compte de la topographie des lésions — en particulier si elles siègent aux ongles et au cuir chevelu. L’ancienneté de la maladie importe également; dans le cas présent, le psoriasis évolue depuis 25 ans et s’est avéré réfractaire à de multiples traitements. Enfin, on considérera différents autres facteurs, notamment la présence possible d’une arthropathie, l’activité et la tolérabilité des traitements antérieurs, les symptômes et les facteurs de comorbidité associés et le retentissement subjectif de la maladie sur la QdV. Après ce bilan, deux stratégies se détachent : le traitement d’association et le traitement biologique. Étant donné la nature récalcitrante de la maladie du patient, un traitement d’entretien au long cours sera vraisemblablement nécessaire pour tenir le psoriasis en échec. De prime abord, les antécédents thérapeutiques orientent vers une stratégie d’association avec photothérapie, de type PUVA thérapie. Toutefois, l’impossibilité d’utiliser la photothérapie sur de longues périodes et le besoin d’un traitement continu chez ce patient nous conduisent à bifurquer vers les agents biologiques, en particulier les anti-TNF, qui permettent généralement une maîtrise à long terme de la maladie. En témoignent notamment les résultats d’un vaste essai clinique avec placebo mené sur l’infliximab dans le psoriasis (Reich et al. 2005). Lors de cet essai, près de 60 % des patients ont atteint le critère PASI 90 après 10 semaines et répondaient tou
ès 24 semaines. Après 50 semaines, plus de 70 % des patients sous infliximab satisfaisaient au critère PASI 75.

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Commentaire du Dr Shear : Une atténuation modérée du psoriasis était jadis un objectif thérapeutique acceptable étant donné que les options de traitement existantes ne permettaient guère d’espérer mieux. Les manifestations extracutanées étaient à peu près oubliées et le fardeau de la maladie ne jouait pas nécessairement dans le choix du traitement. La commercialisation des anti-TNF a changé la donne. La plupart des patients peuvent atteindre le critère PASI 75 ou PASI 90 après 10 à 16 semaines de traitement, et c’est la cible qu’on doit viser. De plus, il est permis d’escompter un effet favorable sur les lésions unguéales (atténuation ou même blanchiment), les facteurs de comorbidité associés et la QdV. Le traitement prolongé peut et doit être envisagé maintenant qu’il est possible de maîtriser la maladie à long terme grâce aux agents biologiques. Les stratégies de prise en charge du psoriasis doivent servir tous les objectifs du traitement.

Cas no 2

Présenté par la Dre Alexandra Ogilvie, Université d’Erlangen, Allemagne

Le patient est âgé de 52 ans et souffre d’un psoriasis diagnostiqué 25 ans plus tôt. La maladie a commencé par une atteinte unguéale isolée durant les trois premières années, puis a évolué vers un psoriasis en plaques. Depuis trois ans, s’est greffée à ce tableau une arthrite prédominante des interphalangiennes distales (IPD) touchant trois articulations. La seule affection concomitante est une hypertension, traitée par un inhibiteur de l’ECA. Pour son psoriasis, le patient reçoit actuellement du MTX à raison de 15 mg/ semaine. Ses antécédents thérapeutiques comprennent le traitement topique par des corticostéroïdes de classe II ou III, le calcipotriol, le goudron de houille et l’anthraline. La photothérapie (UVA/UVB et PUVAthérapie orale) a eu des effets favorables appréciables mais de courte durée sur les lésions cutanées. Un traitement systémique par l’acitrétine a en outre été tenté puis abandonné pour cause d’élévation des enzymes hépatiques.

Q : La présence d’une atteinte unguéale influencerait-elle votre choix du traitement?

R : L a majorité des participants, soit 86 %, ont répondu par l’affirmative à cette question.

Dre Ogilvie : L’atteinte des ongles est fréquente au cours du psoriasis et alourdit considérablement le fardeau de la maladie. En plus d’être très apparente, l’onychopathie entraîne une déficience fonctionnelle, expose à un risque d’infection secondaire et résiste souvent au traitement. Des données toujours plus nombreuses indiquent qu’elle serait aussi associée à la sévérité des lésions cutanées. Lors d’une étude menée chez 1500 patients psoriasiques dont environ la moitié avait une atteinte unguéale, les investigateurs ont regroupé les sujets en fonction du degré de sévérité du psoriasis (léger, score PASI <10; modéré, score PASI =10-20; et sévère, score PASI >20). Ils ont alors observé une relation quasi linéaire entre la présence d’une atteinte unguéale et les scores PASI . La prévalence des lésions unguéales passait en effet de 41,3 % dans les psoriasis légers à 61,2 % dans les psoriasis sévères (Dermatology 2008;216:366-72). Selon certaines données, le psoriasis unguéal serait un marqueur précoce du rhumatisme psoriasique. Les relations réciproques entre le psoriasis unguéal, les enthésites et l’arthrite des IPD laissent à penser que l’ongle serait une fenêtre sur l’articulation. Une analyse multivariée des facteurs associés au rhumatisme psoriasique effectuée chez 1600 patients atteints de psoriasis a révélé que les lésions du cuir chevelu et la dystrophie unguéale figuraient parmi l
s d’arthrite les plus puissants, le taux de risque (hazard ratio) variant entre 3 et 4 en présence de ces caractéristiques (Arthritis Rheum 2009;61:233-9).

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Commentaire du Dr Shear : L’évaluation de tout patient psoriasique doit comprendre un examen minutieux des ongles. Plusieurs outils d’évaluation et de suivi de l’onychopathie psoriasique ont été mis au point. Cependant, à l’heure actuelle, seule l’échelle NAPSI (Nail Psoriasis Severity Index) est validée. Bien qu’utilisée couramment en recherche clinique, elle peut être difficile à intégrer à la pratique clinique. Plusieurs groupes travaillent à l’élaboration d’outils d’évaluation adaptés à la pratique clinique, et l’on devrait disposer prochainement d’un instrument validé plus simple. L’arrivée des anti-TNF renforce la pertinence de tenir compte des atteintes unguéales dans l’évaluation et le traitement du psoriasis. Contrairement aux traitements systémiques classiques, les agents biologiques peuvent blanchir les lésions unguéales chez une proportion substantielle de patients (J Am Acad Dermatol 2008;58:224-3).

Cas no 3

Présenté par la Dre Marina Papoutsaki, Université de Rome Tor Vergata, Italie

La patiente, âgée de 51 ans, est atteinte de psoriasis depuis 33 ans et de rhumatisme psoriasique depuis 25 ans. Elle a déjà reçu de nombreux traitements : corticostéroïdes topiques et oraux, kératolytiques, dérivés de la vitamine D, MTX, acitrétine et esters de l’acide fumarique. Sous cyclosporine depuis 2002, elle présente maintenant de l’hypertension et un carcinome basocellulaire récurrent.

Q : Envisageriez-vous un traitement biologique au long cours chez cette patiente?

R : Les participants ayant répondu par oui ou par non à cette question se partagent en deux moitiés.

Dre Papoutsaki : L’arrivée des agents biologiques a effectivement placé la barre plus haut en matière d’objectifs thérapeutiques dans le psoriasis. La plupart des patients peuvent atteindre le critère PASI 75 ou PASI 90 moins de 10 semaines après la mise en route du traitement. Un blanchiment total des lésions cutanées est à la portée de nombreux patients. De plus, le traitement par un agent biologique peut atténuer les lésions difficiles à traiter des ongles et du cuir chevelu, amoindrir les répercussions des affections concomitantes associées au psoriasis (y compris les arthropathies) et réduire les effets défavorables du psoriasis sur la QdV. Avec les agents biologiques, le maintien d’une maîtrise à long terme de la maladie sans diminution notable de l’innocuité est un objectif réaliste pour tous les patients souffrant de psoriasis. Une stratégie tournée vers cet objectif a été recommandée pour l’infliximab (Reich et al. Dermatology 2008;217:268-75). L’accent est mis sur la surveillance continue de la réponse au traitement et l’ajustement du schéma thérapeutique de façon à maintenir la maîtrise de la maladie tout en réduisant au minimum
atient. Selon ma propre expérience clinique, l’anti-TNF a autorisé un blanchiment total des lésions chez des patients atteints d’un psoriasis sévère et a maintenu son activité pendant au moins cinq ans.

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Q : Après l’obtention d’un blanchiment des lésions cutanées sous infliximab, poursuivriez-vous le traitement par cet agent, changeriez-vous d’agent biologique ou cesseriez-vous tout traitement biologique?

R : Les trois quarts des participants (74 %) s’accordent à penser que la poursuite du traitement par l’infliximab serait la meilleure conduite à tenir.

Commentaire du Dr Shear : Comme le psoriasis est une affection chronique, on a tout intérêt à poursuivre l’administration du médicament. D’abord, les rechutes surviennent durant les interruptions du traitement. Ensuite, la reprise du traitement après une interruption prolongée ne produit pas toujours d’aussi bons résultats que le traitement continu. Conclusion : si l’infliximab ou l’agent biologique employé donne satisfaction, il n’y aucune raison de cesser le traitement.

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