Comptes rendus

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Optimisation des traitements d’induction et d’entretien du myélome multiple chez le patient âgé

Traitement du TDAH : durabilité de l’effet thérapeutique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 29e Conférence annuelle de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (CACAP)

Toronto (Ontario) / 12-14 novembre 2009

Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est généralement diagnostiqué chez des enfants qui éprouvent de sérieuses difficultés scolaires et des problèmes d’apprentissage. Cela dit, ses manifestations débordent le cadre scolaire. «Le TDAH, c’est beaucoup plus qu’un problème scolaire. C’est un trouble qui laisse son empreinte sur la vie sociale, les activités parascolaires, la vie domestique, les relations avec les parents et la fratrie et toutes les activités qui exigent de l’attention, par exemple la conduite automobile», affirme le Dr Declan Quinn, professeur agrégé de psychiatrie, University of Saskatchewan, Saskatoon.

Lorsqu’on compare les capacités fonctionnelles de patients atteints du TDAH à celles de témoins, on constate que les personnes aux prises avec un TDAH sont beaucoup plus susceptibles de redoubler des années scolaires, de décrocher avant la fin du secondaire, de sombrer dans la toxicomanie, d’être impliqués dans de graves accidents (de la route, notamment), d’être arrêtés et incarcérés ou d’être congédiés. De plus, ajoute le Dr Quinn, «les patients atteints du TDAH n’ont pas une belle relation avec leurs parents»; et pourtant, ceux-ci peuvent avoir une influence déterminante sur la vie d’un enfant TDAH».

Dès lors, la prise en charge du TDAH doit être axée sur l’amélioration de la qualité de vie (QdV) dans toutes les sphères d’activité. On doit apprendre à l’enfant à se concentrer, améliorer sa capacité d’apprentissage, aiguiser ses aptitudes à la résolution de problèmes et, dernier objectif mais non le moindre, l’aider à suivre son traitement à la lettre.

Évaluation de la QdV dans le TDAH

Le Dr Quinn préconise l’utilisation de l’échelle CGI (Clinical Global Impression) pour évaluer, avant et après la mise en place du traitement, le déficit provoqué par le TDAH chez l’enfant et l’adolescent. C’est un instrument simple qui permet à l’enfant, au parent, voire à l’enseignant, d’évaluer l’amélioration qu’apporte le traitement; et en règle générale, précise le médecin, ces gens arrivent d’emblée à des résultats qui concordent parfaitement.

Selon le Dr Quinn, les 10 questions du questionnaire SNAP-IV (Swanson, Nolan and Pelham) pourraient, bien qu’elles soient formulées pour l’évaluation de la performance et des interactions de l’enfant en classe, être facilement adaptées à la vie domestique et aux activités parascolaires, ce qui permettrait de mieux juger de l’effet du traitement sur la QdV globale. L’échelle SKAMP (Swanson, Kotkin, Agler, M-Flynn and Pelham) constitue également un instrument utile pour l’appréciation de la QdV globale.

«Dans le TDAH, le traitement a pour objectif d’améliorer la QdV globale des patients; on ne veut pas seulement qu’ils arrivent à fonctionner à l’école ou au travail, mais aussi qu’ils entretiennent de saines relations avec leurs proches ainsi qu’avec leurs amis et leurs pairs», insiste le Dr Quinn.

Ampleur de l’effet du traitement

On peut traiter le TDAH par des préparations à base d’amphétamines ou de méthylphénidate (MPH). Quel type de psychostimulant est le plus efficace? La réponse demeure nébuleuse. Désireuse d’élucider la question, une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Stephen Glatt, professeur adjoint de psychiatrie, de neuroscience et de physiologie, State University of New York-Upstate Medical University, Syracuse, a réalisé une méta-analyse portant sur 23 essais, 11 médicaments et 19 paramètres d’évaluation de comportements caractéristiques du TDAH. Les chercheurs ont comparé l’ampleur de l’effet du traitement (réponse sous l’agent considéré vs réponse sous l’agent de comparaison) par les produits à base de MPH ou d’amphétamines, tant à courte qu’à longue durée d’action; cette ampleur correspondait à la différence moyenne standardisée (DMS) entre les deux traitements.

Pour tous les symptômes du TDAH, la DMS globale non redressée a été plus marquée dans les études sur les amphétamines que dans les études sur le MPH (1,03 vs 0,77). Après prise en compte d’éventuelles variables confusionnelles liées au plan des études, l’écart entre les préparations à base d’amphétamines et de MPH demeurait statistiquement significatif, à savoir 1,1 pour les amphétamines et 0,79 pour le MPH. (À titre informatif, l’ampleur de l’effet se situe aux environs de 0,5 pour les antidépresseurs et à 0,25 pour les antipsychotiques atypiques. Il est de 1,2 pour le dimésylate de lisdexamfétamine [LDX].) Comme le laissent entrevoir les analyses de la DMS, le nombre de patients à traiter pour obtenir un bénéfice au chapitre des scores totaux des symptômes du TDAH était plus faible dans les études sur les amphétamines (2) que dans les études sur le MPH (3).

Comme l’a expliqué le Dr Glatt en entrevue, ces deux types de médicaments augmentent la concentration de dopamine dans la synapse. Cependant, le MPH exerce cette action en bloquant le transport de la dopamine, ce qui a pour effet d’inhiber son recaptage dans la synapse. Quant aux amphétamines, elles provoquent plutôt une certaine perméabilité synaptique qui permet à la dopamine de s’immiscer dans la synapse et d’agir sur le premier neurone qu’elle croise. «Nous partons du principe que les études comparées sont équivalentes, mais si l’effet des amphétamines sur les symptômes du TDAH est effectivement plus marqué que celui du MPH, ce serait donc que les amphétamines corrigent mieux que le MPH les anomalies mécaniques à l’origine du TDAH», avance le Dr Glatt.

Modes de libération et durée d’action

Dans les lignes directrices nord-américaines, on recommande le recours aux stimulants à longue durée d’action en première intention, parce que ces médicaments agissent plus longtemps et aident les patients TDAH à mieux fonctionner en dehors des heures d’école. Au Canada, l’atomoxétine, un non-stimulant, constitue également un agent de première intention.

En 1992, rappelle le Dr Frank Lopez, directeur, Children’s Developmental Center, Winter Park, Floride, on a réclamé des stimulants plus sûrs, moins susceptibles d’être utilisés de façon abusive ou détournée. Ce mouvement a mené à la commercialisation des sels mixtes d’amphétamines à libération prolongée (SMA XR).

À l’heure actuelle, il existe quatre modes de libération des stimulants à longue durée d’action (ils ne sont pas tous offerts au Canada) : les SMA XR se présentent sous forme de gélules qui contiennent des granules à libération immédiate et des granules à libération lente; le MPH est libéré par un système multicouches ou un système OROS (osmotic-controlled release oral system); pour la lisdexamfétamine (LDX), le tout premier promédicament parmi les stimulants, on a fait appel à une technologie appelée Carrierwave.

Dans un tour d’horizon de ces diverses technologies, le Dr Lopez fait remarquer que les granules agissent rapidement et longtemps; c’est un peu comme si le patient prenait deux à quatre doses à intervalles de quatre à six heures. De plus, on peut saupoudrer les granules sur la nourriture, ce qui est bien chez le jeune enfant incapable d’avaler une pilule. Cependant, certains aliments peuvent modifier le Tmax de ces préparations qui, en outre, sont sensibles aux variations du pH gastrique. «Chez un patient qui sécrète beaucoup d’acide le matin, tant la substance à disponibilité immédiate que la substance retard seront libérées rapidement», explique le Dr Lopez. Par ailleurs, en raison d’une variabilité notable d’un patient à l’autre, ces préparations doivent parfois être administrées plusieurs fois par jour, ajoute le médecin.

Grâce à la technologie OROS, 22 % de la substance est disponible dès l’administration, et le reste est libéré graduellement, sur une période de cinq à neuf heures. Malgré l’effet nul des aliments sur l’absorption de cette préparation, la biodisponibilité et l’absorption peuvent varier en raison des différences de transit gastrique d’un patient à l’autre et chez un même patient. En outre, la capsule OROS doit être avalée entière; «il ne faut pas se le cacher, ça pose problème chez le jeune enfant qui n’a pas appris à avaler des pilules», souligne le Dr Lopez.

La technique du promédicament a déjà été mise à profit en pharmacologie, notamment dans des antibiotiques, des inhibiteurs de la pompe à protons et des antihypertenseurs. Elle présente de multiples avantages : elle accroît la solubilité et, partant, la disponibilité du médicament en vue de son absorption intestinale; elle augmente la résistance du médicament à la dégradation et à la biotransformation; elle fait en sorte que le médicament ne s’active qu’une fois parvenu à son lieu d’action, ralentissant sa libération et réduisant du coup sa toxicité. Mais surtout, les promédicaments prolongent la disponibilité systémique du médicament après sa biotransformation en métabolite actif.

L’efficacité du promédicament a été démontrée dans des études sur la LDX. Chez des enfants traités par ce promédicament lors d’une étude pivot, les parents ont fait état d’une atténuation moyenne des symptômes de 51,7 % à 10 h par rapport aux symptômes présents avant la prise du médicament, entre 7 h 30 et 8 h. Ce recul des symptômes était toujours aussi marqué à 14 h et même à 18 h, heure à laquelle l’effet des médicaments commence généralement à s’émousser. Environ 10 heures après l’administration du médicament, les parents constataient encore une réduction de 46 % des symptômes. «La LDX étant un promédicament, elle est insensible au pH et au transit gastriques, explique le Dr Lopez; de plus, la Cmax et le Tmax – entre 4,5 et 6 heures – sont peu variables. Bref, ce médicament exerce un effet très constant et prévisible.»

Lors d’un essai semblable réalisé en classe-laboratoire, on a comparé ce promédicament au SMA XR et à un placebo. Les enfants traités par un des deux agents actifs ont obtenu des résultats équivalents lors d’un test de mathématiques jusqu’à trois heures environ après l’administration du médicament. Passé ce délai, les enfants du groupe promédicament ont surpassé ceux du groupe SMA XR jusqu’à 12 heures, et de manière significative entre 10 et 12 heures, rapporte le Dr Lopez.

Enfin, dans une autre étude réalisée en classe-laboratoire, celle-là d’une durée de 13 heures, les enfants sous LDX ont fait montre, selon l’échelle SKAMP, d’un degré d’attention plus grand jusqu’à la 13e heure ayant suivi l’administration du médicament (Figure 1). Par ailleurs, les effets indésirables signalés le plus souvent au cours d’un essai de quatre semaines avec progression posologique obligatoire ont été la diminution de l’appétit, les douleurs abdominales, l’insomnie et l’irritabilité; contre toute attente, l’incidence de ces manifestations a diminué au fur et à mesure qu’a augmenté la dose de LDX, qui est d’abord passée de 30 à 50, puis à 70 mg par jour.

«Un patient TDAH vous dira que sans traitement, tous ses efforts, si louables soient-ils, sont voués à l’échec», conclut le Dr Lopez.

Figure 1. Score SKAMP-A antérieur et postérieur (13 heures) à la prise du médicament


Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’une discussion avec le Dr Frank Lopez, directeur, Children’s Developmental Center, Winter Park, Floride, et la Dre Ann Childress, Center for Psychiatry and Behavioral Medicine, Las Vegas, Nevada.

Q : Le promédicament a-t-il entraîné des effets cardiovasculaires?

Dr Lopez : Nous recueillons des données depuis plus de un an et n’avons encore noté aucun problème lié à l’intervalle QTc [intervalle QT corrigé en fonction de la fréquence cardiaque]. En fait, il n’y a eu aucune manifestation de nature à nous inquiéter ou à préoccuper la FDA. Comme tous les stimulants, le promédicament peut faire varier la tension artérielle, mais il n’y a rien d’inattendu à signaler de ce côté non plus.

Q : Selon vous, quelles sont les observations les plus importantes qui se dégagent du programme d’essais cliniques sur la LDX?

Dr Lopez : [D’abord], ce produit agit aussi rapidement que le SMA XR, mais surtout, son effet sur l’attention est plus durable, et il permet de recentrer l’attention de l’enfant beaucoup plus facilement, même après 12 heures passées en classe. Et même après 13 heures en classe-laboratoire, on arrive à recentrer l’attention d’un enfant agité, ce qui n’est pas le cas avec le SMA XR. Je trouve intéressant, également, que l’effet du médicament soit reproductible chez un même patient. Le médecin peut donc assurer ses patients que leur médicament agira avec la même efficacité, jour après jour.

Q : Pourquoi la durée d’action d’un psychostimulant est-elle si importante?

Dre Childress : Les enfants ont de longues journées. Ils ne passent peut-être que six heures assis à leur pupitre, mais ils prennent souvent leur médicament avant de quitter la maison et s’ils ne le font pas, ils risquent de se faire expulser de l’autobus parce qu’ils dérangent; c’est d’ailleurs arrivé à certains de mes patients. Après l’école, les enfants font du sport ou d’autres activités. Si les parents ne reviennent les chercher qu’à 18 h, les journées sont vraiment longues. Alors si le médicament ne fait plus effet, l’enfant n’arrivera pas à faire ses devoirs et se fera gronder à la maison. Comme vous le voyez, la durée d’action a énormément d’importance.

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