Comptes rendus

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Résultats du sondage de CADDRA : suivi de la réponse des patients atteints du TDAH

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

26e Conférence annuelle de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent - 2006

Toronto, Ontario / 12-14 novembre 2006

Si l’on en croit les psychiatres de l’enfant et de l’adolescent qui étaient présents au congrès, le retour sur le marché canadien des sels mixtes d’amphétamine à libération prolongée (SMA XR) en août 2005 continue de susciter des réactions, tant chez les médecins que chez les patients.

En février 2005, Santé Canada a décidé unilatéralement de retirer du marché canadien ce dérivé amphétaminique fort répandu. Cette décision était fondée sur des craintes qu’avaient soulevées des cas isolés de mort subite/cardiaque et d’AVC chez des patients qui avaient reçu des ordonnances de SMA à libération immédiate (IR) ou prolongée (XR). Ni l’une ni l’autre de ces préparations n’a été retirée dans d’autres pays. À ce moment-là, les médecins qui traitaient des patients atteints du trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) s’étaient dits préoccupés par la rapidité avec laquelle cette mesure avait été prise et par le fait que Santé Canada avait agi sans consulter de spécialistes du TDAH qui auraient été mieux habilités à analyser les données.

La tournure des événements a inquiété à la fois les patients atteints du TDAH et les médecins qui les traitaient. CADDRA (Canadian Attention Deficit/Hyperactivity Disorder Resource Alliance) est une association nationale indépendante sans but lucratif qui regroupe des médecins venant en aide aux patients souffrant du TDAH et à leur famille. En tant qu’experts en la matière, les membres de CADDRA font de la recherche, traitent des patients et rédigent des lignes directrices de pratique sur le TDAH.

De l’avis du Dr Umesh Jain, président de CADDRA et psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, Centre for Addiction and Mental Health, Toronto, Ontario, les responsables de Santé Canada ne semblent pas avoir tenu compte des retombées qu’aurait le retrait soudain de ce médicament (à l’époque, environ 11 000 patients le prenaient au Canada) sur les patients et leur capacité de composer avec un retour des symptômes du TDAH et sur les médecins qui devaient trouver une solution de rechange pour ces patients.

Après de longues délibérations auxquelles participaient un groupe d’experts sur le TDAH et Santé Canada, la préparation de SMA XR a réintégré le marché en août 2005.

Cela dit, la suspension de l’avis de conformité des SMA XR «nous a donné l’occasion de savoir ce qui était arrivé à nos patients» lorsqu’ils sont passés à un autre traitement, explique le Dr Jain.

Les membres de CADDRA ont effectivement pris l’initiative de concevoir un questionnaire devant être retourné par télécopieur et de l’acheminer à tous les médecins qui, à la connaissance de CADDRA, prescrivaient la préparation de SMA XR au moment de sa suspension. CADDRA demandait aussi aux patients ou aux responsables de leurs soins d’y répondre. Les données ont été recueillies et compilées par un tiers indépendant.

Les membres de CADDRA cherchaient surtout à savoir quels médicaments avaient reçus les patients après la suspension des SMA XR, comment ils y avaient répondu et, lorsque la préparation de SMA XR a réintégré le marché sept mois plus tard, combien de patients étaient revenus au premier médicament. «Cette initiative relevait de CADDRA et n’a pas été commanditée par l’industrie», insiste le Dr Jain, qui ajoute que CADDRA a également reçu les données brutes pour s’assurer qu’elles étaient saisies de façon appropriée.

On a aussi eu recours aux services d’un statisticien, le Dr David Streiner, professeur émérite, épidémiologie clinique et biostatistique, McMaster University, Hamilton, Ontario, pour faire valider les analyses et les conclusions du sondage.

En tout, 208 questionnaires ont été remplis et retournés. De ces répondants, 193 recevaient la préparation de SMA XR au moment de sa suspension. Les membres de CADDRA estiment que l’échantillon est représentatif des médecins traitant le TDAH au Canada.

«Une majorité de patients – 37 % pour être plus précis – sont passés à la préparation de méthylphénidate à libération prolongée et à une prise par jour», rapporte le Dr Jain, qui a qualifié ce choix d’assez prévisible du fait que l’utilisation de ce produit était alors fort répandue. Venaient aux deuxième et troisième rangs, respectivement, le sulfate de dextroamphétamine qui talonnait le premier choix d’assez proche à 32 % et l’atomoxétine, un non-stimulant, à 16 %.

Médicament de rechange

Les répondants au sondage devaient comparer l’efficacité du médicament de rechange à celle de la préparation de SMA XR. Si 54 % des patients ont dit que leurs symptômes s’étaient aggravés lorsqu’ils ont changé de traitement et 8 %, que leurs symptômes n’avaient pas changé, 11 % ont indiqué que ceux-ci avaient diminué. Lorsqu’on les a interrogés au sujet de symptômes particuliers, les patients ou les responsables de leurs soins ont été nombreux à affirmer qu’ils préféraient le médicament qu’ils prenaient avant le changement. Par exemple, plus de la moitié des répondants estimaient que la qualité de leurs interactions sociales était meilleure sous SMA XR, et plus de 60 % ont indiqué que leur comportement s’était amélioré sous SMA XR avant le changement. Quelque 60 % des répondants étaient d’avis que la préparation de SMA XR était meilleure que l’autre médicament sur le plan de la maîtrise globale des symptômes.

Par conséquent, fait valoir le Dr Jain, «lorsque la préparation de [SMA XR] donne de bons résultats, ces résultats sont vraiment bons et, lorsqu’on doit mettre fin au traitement, aucun nouveau médicament ne peut leur donner satisfaction». Cette observation reflète la nature de la préparation de SMA XR dont l’effet est souvent «très marqué».

Après la réintégration

Après le retour de la préparation de SMA XR sur le marché, 65 % des patients qui la prenaient avant la suspension ont de nouveau opté pour ce traitement. Parmi les patients qui ont continué de prendre le médicament de rechange, 21 % ne savaient pas que la préparation SMA XR était de nouveau commercialisée, mais 22 % ont dit qu’ils avaient continué de prendre le médicament de rechange parce qu’ils avaient des «craintes au sujet de l’innocuité» de leur médicament antérieur. Enfin, 22 % des patients ont continué de prendre le nouveau médicament parce qu’ils estimaient que leurs symptômes étaient bien maîtrisés et qu’ils ne voyaient pas l’utilité d’un changement.

«On parle ici d’un échantillon de seulement 200 patients environ sur 11 000 patients qui prenaient les [SMA XR]. Ce n’est pas un gros échantillon, mais je pense que, à tout le moins, compte tenu de la façon dont les données ont été obtenues, toutes les régions du pays sont assez bien représentées, comme les enjeux entourant l’utilisation du médicament en tant que tel», de conclure le Dr Jain.

À l’heure actuelle, les médecins montrent encore une certaine réticence à prescrire cet agent, estime le Dr Jain, «et ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, car c’est à Santé Canada qu’il incombe de mettre le public en garde contre les problèmes éventuellement liés à l’utilisation d’un produit. Un grand nombre de questions soulevées étaient déjà là il y a 40 ans, mais la suspension a donné l’impression qu’il s’agissait de nouveaux symptômes que Santé Canada venait de repérer, ce qui a malheureusement donné lieu à des tensions.»

Santé Canada a récemment affirmé que tous les produits pour le TDAH commercialisés au Canada devraient dorénavant comporter une mise en garde contre ces effets indésirables rares, mais graves.

Élargissement de l’arsenal thérapeutique

Comme les agents utilisés pour le traitement du TDAH comportent un risque de consommation abusive ou de vente, les chercheurs essaient de trouver différentes façons de limiter ce risque chez les personnes souffrant du TDAH. À l’heure actuelle, l’utilisation de préparations à longue durée d’action ou à libération prolongée est l’une des meilleures stratégies. La question a fait l’objet d’une séance distincte dirigée par le Dr Robert Findling, professeur titulaire de pédopsychiatrie, Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio. Celui-ci a fait un survol des nouvelles préparations de plusieurs stimulants qui se trouveront un créneau dans le traitement du TDAH au cours des années à venir.

Le SPD465 est une préparation de SMA dont la durée d’action est de 16 heures. Son mode d’action repose sur une libération immédiate, une libération retard et une deuxième libération retard différée. «On a conçu le SPD465 pour qu’il ressemble le plus possible à la préparation de SMA XR, explique le Dr Findling, tout en fournissant une dose supplémentaire de SMA IR huit heures plus tard.» Lors d’une étude qui visait à évaluer la nouvelle préparation à trois types de granules, les deux doses de SPD465 ont permis aux adolescents de résoudre un nombre moyen plus élevé de problèmes mathématiques que les SMA IR. Comme on pouvait s’y attendre, la nouvelle préparation de SMA d’une durée d’action de 16 heures a entraîné insomnie et anorexie, mais aucun des patients n’a abandonné l’étude en raison des effets indésirables.

La lisdexamfétamine (LDX) est une autre nouvelle préparation. En tant que précurseur, la LDX doit subir une transformation chimique avant que l’ingrédient actif ne soit biodisponible, ce qui devrait en restreindre notablement la vente illégale et la consommation abusive qui en découle. Chez des animaux de laboratoire, on n’a encore découvert aucune dose létale de LDX, poursuit le Dr Findling.

Lors d’une étude en ambulatoire, la LDX – dont la dose a été portée jusqu’à 70 mg – a réduit le score des symptômes sur l’échelle d’évaluation du TDAH (ADHD-RS) d’une moyenne de 26,9 points par rapport au score initial chez des enfants qui avaient déjà été traités pour le TDAH. Cela représente une amélioration moyenne du score de plus de 60 %. Les chercheurs ont aussi utilisé l’échelle Clinical Global Impressions-Improvement (CGI-I) pour évaluer les symptômes des patients. Après seulement six mois, on a enregistré la cote «amélioration marquée» ou «amélioration très marquée» chez 95 % des patients. Dans le cadre d’une autre étude naturaliste, on a observé après sept semaines une variation significativement plus marquée du score total sur l’échelle ADHD RS-IV chez les enfants qui recevaient le système transdermique de méthylphénidate (STM) ou le méthylphénidate à libération osmotique que chez ceux qui recevaient un placebo, et l’ampleur de l’effet était très comparable pour les deux agents actifs. Le système transdermique possède plusieurs caractéristiques intéressantes, précise le Dr Findling. Entre autres, c’est un timbre transparent et mince que l’on applique comme un pansement et qui adhère étonnamment bien à la peau. Ce timbre transdermique a été conçu pour ne pas se déplacer pendant les activités quotidiennes normales d’un enfant comme la natation, l’activité physique ou le bain. C’est le premier médicament pour le TDAH qui ne s’administre pas par voie orale.

Les données – qui ont été recueillies pour une durée de port de neuf heures – ont mis en évidence une amélioration significative du score SKAMP (Swanson, Kotkin, Agler, M-Flynn et Pelham) chez les enfants qui portaient le timbre actif par rapport à ceux qui portaient un timbre placebo pendant neuf heures. Des effets cliniquement significatifs ont toutefois été observés pendant une période pouvant durer 12 heures, note le Dr Findling.

Aucun effet indésirable grave n’a été signalé pendant l’étude, et les chercheurs n’ont rapporté aucune anomalie à l’ECG, dans les signes vitaux ou les constantes biologiques. Un érythème a été mis en évidence au point d’application du timbre, mais il était presque toujours léger, et la plupart des enfants n’ont pas été incommodés par les symptômes dermatologiques.

Une autre préparation de méthylphénidate, le dexméthylphénidate, est commercialisée aux États-Unis à la fois sous forme de préparation IR et de préparation XR. Cette dernière s’administre une fois par jour.

Ce système de libération représente un progrès dans la technologie des isomères simples. On l’a formulé de façon à isoler l’isomère d actif du méthylphénidate. Les chercheurs estiment que c’est à l’isomère d que l’on doit la diminution des symptômes du TDAH.

Selon les résultats d’études menées chez des enfants et des adolescents, la nouvelle préparation est efficace pour traiter les symptômes du TDAH, si l’on en juge par les rapports des enseignants et des parents. Plus précisément, le taux de réponse avoisinerait 70 %, «ce qui coïncide avec les taux de réponse obtenus dans toutes les études sur les stimulants», fait remarquer le Dr Findling.

Une préparation de méthylphénidate multicouches est déjà commercialisée au Canada, et les capsules produisent des effets comparables à ceux de la préparation IR de méthylphénidate à deux prises par jour. La durée de l’effet des capsules à libération contrôlée est de 10 à 12 heures.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées de discussions avec le Dr Robert Findling, professeur titulaire de pédopsychiatrie, Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio; et la Dre Lily Hechtman, professeure titulaire de pédopsychiatrie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal, Québec, durant le congrès.

Q : Dans quelle mesure le timbre du STM adhère-t-il à la peau?

Dr Findling : Les parents craignent toujours que le timbre ne colle pas suffisamment à la peau et se demandent si l’enfant pourra tout de même nager ou aller au gymnase. Or, chez la plupart des enfants de l’étude, le timbre adhérait vraiment très bien et pourtant, le protocole ne leur imposait aucune restriction sur le plan de l’activité. Lorsqu’il est enlevé une fois, par contre, il ne colle plus très bien.

Q : À votre avis, quelle serait l’utilisation optimale des nouveaux stimulants?

Dre Hechtman : Je pense que la préparation de SMA XR dont la durée d’action est de 16 heures convient davantage aux adultes et aux adolescents, car même la préparation d’une durée d’action de 12 heures ne répond pas à leurs besoins. En effet, on doit souvent compléter le traitement par une préparation à courte durée d’action que l’on administre vers la fin de la journée pour les devoirs, les projets, etc. parce que les préparations d’une durée d’action de 10 à 12 heures ne suffisent pas. La préparation de SMA XR dont la libération s’échelonne sur 16 heures a donc été conçue pour répondre à ce besoin. La LDX a été conçue pour éviter les abus, non pas par les patients eux-mêmes, mais par ceux qui achètent les stimulants et se les injectent. Pour ce qui est du timbre, mes collègues américains qui l’ont prescrit estiment qu’il donne aux parents un meilleur contrôle de la durée du traitement. Par exemple, s’ils veulent que les symptômes soient maîtrisés seulement pendant la messe, ils peuvent très bien ajuster la durée du port en conséquence.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le SPD465, le dimésylate de lisdexamfétamine, le système transdermique de méthylphénidate et le dexméthylphénidate n’étaient pas commercialisés au Canada.

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