Comptes rendus

Progrès dans le traitement de l’eczéma chronique des mains
Prise en charge du trouble dépressif majeur : rôle des antipsychotiques atypiques

Stratégies pour une diminution de la morbi-mortalité associée à l’aspergillose invasive et à d’autres infections

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 50e Conférence intersciences sur les agents antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Boston, Massachusetts / 12-15 septembre 2010

Malgré l’avènement de nouveaux antifongiques azolés dotés d’une efficacité sans précédent contre l’aspergillose invasive (AI) et d’autres infections graves, les infections fongiques demeurent une importante source de morbi-mortalité intrahospitalière chez les patients immunodéprimés. L’accélération de la mise en route du traitement ou le traitement prophylactique des patients à risque élevé sont des stratégies séduisantes pour réduire le nombre de victimes. Cependant, les algorithmes mis au point à cette fin de sont révélés de sensibilité insuffisante, complexes et peu pratiques pour être appliqués systématiquement à de nombreuses populations.

«L’ennui, c’est que les stratégies cliniquement utiles – par opposition aux stratégies scientifiquement utiles – doivent non seulement pouvoir être généralisées, mais elles doivent aussi être pratiques et raisonnablement sensibles, faute de quoi elles ne seront pas utilisées», fait remarquer le Dr Yoav Golan, Division des maladies infectieuses, Tufts-New England Medical Center, Boston, Massachusetts. Comme plusieurs autres experts, il a conclu que le nombre de patients à traiter pour prévenir une infection fulminante devait être de l’ordre de 10 à 20 pour que le rapport coût-efficacité soit acceptable. Dans les groupes de patients où l’incidence de l’AI est faible, même si l’issue est souvent fatale, cet objectif est difficile à atteindre.

Dans les guides de pratique reconnus, comme celui de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA), le voriconazole est l’antifongique recommandé pour le traitement de première intention de l’AI. Le désoxycholate d’amphotéricine B est aussi indiqué en première intention, mais le voriconazole s’est révélé supérieur lors d’un essai comparatif multicentrique clé, sans compter que les données de l’essai ont servi à prédire un meilleur rapport coût-efficacité. Chez les patients à risque élevé d’AI, comme les greffés de cellules souches hématopoïétiques qui développent une maladie du greffon contre l’hôte ou les patients souffrant d’une leucémie aiguë myéloblastique ou d’un syndrome myélodysplasique qui deviennent neutropéniques, l’IDSA recommande un traitement prophylactique par le posaconazole, agent oral étudié expressément à des fins de prévention, mais moins bien étudié dans le traitement des infections fongiques invasives (IFI) prouvées, contre lesquelles un traitement par voie intraveineuse est souvent la seule option.

L’importance de traiter sans tarder

Comment administrer l’agent de première intention plus tôt? Cette question revêt une grande importance, car même si le voriconazole est efficace contre les IFI, surtout l’aspergillose, les taux de mortalité demeurent inacceptables dans les populations à risque élevé. La stratification des IFI a toujours reposé sur les critères traditionnels – infection prouvée, probable ou possible – mais le risque élevé de complications majeures, y compris la mort résultant d’une infection avancée, a donné lieu à la mise en route plus précoce du traitement chez un pourcentage plus élevé de patients, explique le Dr Thierry Calandra, Division des maladies infectieuses, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse. À l’instar d’autres experts, il estime que le traitement prophylactique et le traitement préemptif pourraient être des armes essentielles dans notre lutte contre les complications.

«L’ennui, c’est que nous avons encore très peu de données montrant que la prophylaxie améliore significativement les résultats dans de nombreuses populations à risque élevé, pour lesquelles cette démarche pourrait être envisagée», affirme le Dr Calandra. Le traitement préemptif au moyen d’un antifongique à large spectre, comme les nouveaux azolés, pourrait être logique dans les populations où le taux d’AI est relativement élevé, par exemple les patients hospitalisés au Service des soins intensifs (SSI), mais c’est une théorie que l’on ne peut pas tenir pour acquise, surtout dans un contexte d’efficience raisonnable, même lorsque l’agent compte parmi les plus efficaces.

Le coût est le principal élément à considérer, car l’innocuité associée à l’administration précoce des nouveaux azolés ne semble pas être un obstacle au traitement prophylactique ou préemptif. Lors d’une étude de phase III multicentrique, 147 patients cancéreux hospitalisés présentant une neutropénie fébrile depuis 96 heures ont été randomisés de façon à recevoir du voriconazole immédiatement ou plus tard. Au chapitre de la diminution du taux d’IFI prouvées ou probables, la différence en faveur du groupe traité immédiatement n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (15,9 % vs 25,7 %, p=0,4), mais le traitement par le voriconazole s’est révélé sûr. Selon l’auteur principal de l’étude, le Dr Georg Maschmeyer, Département d’hémato-oncologie et des soins palliatifs, Klinikum Ernst von Bergmann, Potsdam, Allemagne, l’innocuité du voriconazole chez les patients immunodéprimés encourage la mise au point d’une méthode de dépistage qui permettra de cerner le sous-groupe dont la survie pourrait être prolongée grâce à un traitement plus précoce.

Dépistage et monitoring thérapeutique

De tels programmes de dépistage, qui reposeront probablement sur une combinaison quelconque de facteurs de risque associée à une valeur prédictive reproductible d’IFI, n’ont pas à se limiter aux populations à risque traditionnelles, comme les patients hospitalisés au SSI ou les patients immunodéprimés, quelle que soit la cause. On accorde de plus en plus d’attention aux facteurs qui définissent le risque chez l’hôte non traditionnel, comme le patient atteint de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) ou de diabète. Lors d’une étude qui ciblait cette population en particulier, l’usage chronique de corticostéroïdes était au nombre des facteurs de risque des IFI les plus fréquents.

«Les AI sont de plus en plus fréquentes chez les patients qui ne sont pas généralement considérés comme étant à risque», fait remarquer le Dr José A. Vazquez, Division des maladies infectieuses, Henry Ford Health Systems, Détroit, Michigan. Auteur d’une étude qui avait pour but de cerner les caractéristiques que partageaient 36 victimes inhabituelles d’une AI prouvée ou probable dans son établissement, le Dr Vazquez a rapporté que 69 % des patients prenaient des corticostéroïdes. L’utilisation d’un autre immunosuppresseur venait au deuxième rang des facteurs de risque communs. Conformément aux recommandations cliniques, le voriconazole était l’antifongique de première intention le plus utilisé dans cette population, mais à en juger par le taux de mortalité de 25 % à 90 jours, on doit impérativement élaborer des stratégies pour que le traitement commence plus tôt.

Certes, le diagnostic plus rapide d’une infection fongique par la tomodensitométrie ou le dépistage d’une aspergillose par le dosage immunoenzymatique du galactomannane (antigène des Aspergillus), donc sans culture, pourraient s’inscrire dans une stratégie visant à accélérer la mise en route du traitement, mais le suivi des concentrations sanguines de l’antifongique pourrait aussi améliorer les résultats. Face à une infection fongique potentiellement mortelle comme l’AI, plusieurs établissements optent pour le monitoring thérapeutique (MT) afin de s’assurer que les concentrations plasmatiques demeurent dans les limites d’une activité antifongique optimale. Le MT serait utile pour n’importe quel antifongique, mais on y accorde une attention particulière pour les agents utilisés dans le traitement de l’AI. À l’instar d’autres études, une étude sur le voriconazole a démontré que le MT était un outil clinique important.

«Sur 70 dosages effectués, 20 (28,7 %) ont révélé des concentrations insuffisantes», souligne la Dre Isabel Ruiz Camps, Division des maladies infectieuses, Hospital Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. Nous avons dû augmenter la dose de 17 à 50 % pour atteindre les concentrations thérapeutiques de l’antifongique, ce qui donne à penser qu’à défaut de MT, le traitement risque d’être inefficace, à tout le moins chez certains patients.

«Le voriconazole est l’antifongique de choix dans le traitement de l’AI et c’est également une solution de rechange dans les autres IFI, mais nos résultats donnent tout lieu de croire que l’efficacité du traitement passe par l’individualisation de la dose», fait remarquer la Dre Ruiz Camps.

Les antifongiques oraux actuellement sur le marché, tel le posaconazole, offrent peut-être une couverture suffisante en prophylaxie, mais l’un des défis que nous devrons relever sera de mieux définir les champs d’application respectifs du traitement préemptif et du traitement empirique. De l’avis du Dr Calandra, le traitement est préemptif lorsque l’infection est «possible» et empirique lorsqu’elle est «probable»; par contre, de meilleures méthodes de prédiction de l’infection pourraient brouiller ces distinctions. Cela est essentiel quand vient le moment de choisir le traitement. Face à une infection probable qui pourrait être une AI, un agent ayant fait ses preuves dans l'AI est un choix prudent. À des fins de prophylaxie, par contre, les agents n'ayant pas fait la preuve de leur activité dans l'AI peuvent tout de même convenir à la prévention de cette IFI ou à d'autres IFI du simple fait qu'ils inhibent la croissance fongique.

Résumé

L’antifongique officiellement recommandé dans le traitement de première intention de l’AI a été clairement déterminé sur la foi d’essais comparatifs, mais la lutte contre l’AI reposera assurément sur une intervention de plus en plus précoce, d’où l’importance d’un traitement préemptif dans les groupes à risque élevé rigoureusement définis. À l’heure actuelle, le choix entre un traitement prophylactique et un traitement préemptif demeure difficile, sauf dans certains sous-groupes assez restreints de patients à risque très élevé. Par contre, la morbi-mortalité persistante attribuée à l’instauration tardive du traitement antifongique nous amène à tenter d’intervenir plus tôt, que ce soit par un diagnostic plus rapide, une meilleure définition des groupes à risque élevé, un traitement plus efficace grâce au MT ou, fort probablement, une combinaison de ces démarches.

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