Comptes rendus

Échinocandines et nouvelles modalités de prise en charge des candidoses au service des soins intensifs
Nouvelles options thérapeutiques dans les pneumonies nosocomiales et les pneumonies sous respirateur

Tour d’horizon des essais cliniques : Nouvelles données en perspective

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM sur l’essai ONTARGET, publié dans : N Engl J Med 10 avr 2008;358(15):1547-59 et sur diverses communications présentées durant les 57es Séances scientifiques annuelles de l’American College of Cardiology

Chicago, Illinois / 29 mars-1er avril 2008

D’APRÈS UNE ENTREVUE AVEC LES MÉDECINS SUIVANTS :

Ellen D. Burgess, MD, FACP, FRCPC Professeure, Département de médecine Directrice, Hypertension Research Clinic University of Calgary Foothills Hospital Calgary (Alberta)

Pierre Larochelle, MD, PhD, FRCPC Directeur de la recherche clinique Institut de recherches cliniques de Montréal Université de Montréal Montréal (Québec)

Jonathan G. Howlett, MD, FACC, FRCPC Professeur agrégé de médecine Dalhousie University Queen Elizabeth II Health Sciences Centre Halifax (Nouvelle-Écosse)

Introduction ONTARGET : efficacité et innocuité similaires

À en juger par le paramètre regroupé de l’essai ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and in Combination with Ramipril Global Endpoint Trial), c’est-à-dire la mortalité d’origine cardiovasculaire [CV], l’infarctus du myocarde, l’AVC ou l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) est aussi efficace qu’un inhibiteur de l’ECA. Les sujets de l’étude ont été randomisés de façon à recevoir un ARA, un inhibiteur de l’ECA ou les deux en association. Après un suivi d’une durée médiane de 56 mois, le taux d’événements était presque identique dans les trois groupes (16,7 %, 16,5 % et 16,3 % pour les groupes ARA, inhibiteur de l’ECA et traitement d’association, respectivement), mais le taux d’effets indésirables différait d’un groupe à l’autre. Bien que le traitement d’association ait entraîné plus d’effets indésirables que l’un ou l’autre agent en monothérapie, l’ARA a été mieux toléré que l’inhibiteur de l’ECA; en particulier, les taux de toux et d’angio-odème étaient significativement plus faibles.

L’essai ONTARGET – à ce jour le plus vaste à comparer un ARA et un inhibiteur de l’ECA – regroupait en tout 25 620 patients âgés de =55 ans (66,5 ans en moyenne) souffrant de maladie coronarienne, de maladie vasculaire périphérique ou cérébrale, ou de diabète avec atteinte des organes cibles. Au moment de la randomisation, plus de 80 % souffraient d’une maladie CV, près de 70 % étaient hypertendus et près de 40 % étaient diabétiques. Le traitement attribué se greffait à un traitement médicamenteux déjà optimal, à savoir : un antiplaquettaire chez plus de 80 % des patients, une statine chez plus de 60 % des patients et un bêta-bloquant chez plus de 50 % des patients. L’ARA à l’étude était le telmisartan et l’inhibiteur de l’ECA à l’étude, le ramipril.

Bien que les patients intolérants aux inhibiteurs de l’ECA aient été exclus de l’étude à la suite d’une période préliminaire, la tolérabilité du traitement attribué est demeurée nettement meilleure dans le groupe ARA. Conformément aux études préalables qui avaient révélé que les ARA ont un profil d’effets indésirables semblable à celui d’un placebo, l’ARA a entraîné une incidence moindre de toux (1,1 % vs 4,2 %; p<0,001) et d’angio-odème (0,1 % vs 0,3 %; p=0,01), par rapport à l’inhibiteur de l’ECA. Les symptômes d’hypotension ont été plus fréquents dans le groupe ARA que dans le groupe inhibiteur de l’ECA (2,6 % vs 1,7 %; p<0,001); par contre, l’association a permis d’atteindre une tension artérielle (TA) légèrement plus faible (baisse de 2,4/1,4 mmHg de plus). Dans les deux groupes, les manifestations indésirables importantes de l’hypotension étaient peu courantes tandis que les taux de syncope étaient identiques (2,0 %).

Les investigateurs de l’essai ONTARGET ont à dessein choisi d’évaluer un ARA au sein d’une population comparable à celle de HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation), étude qui a permis d’établir qu’un inhibiteur de l’ECA exerce des effets bénéfiques indépendants de la baisse tensionnelle. Comme le précise l’investigateur principal de l’essai ONTARGET, le Dr Salim Yusuf, Population Health Research Institute, McMaster University, Hamilton, Ontario, les résultats de l’étude confirment qu’un ARA peut remplacer un inhibiteur de l’ECA en première intention pour réduire le risque CV chez les patients souffrant de maladie vasculaire ou de diabète.

La deuxième hypothèse de l’étude ne s’est toutefois pas vérifiée. En effet, l’inhibition du système rénine-angiotensine (SRA) par un ARA en association avec un inhibiteur de l’ECA n’est pas plus efficace que l’un ou l’autre agent administré seul pour réduire le risque d’événement CV. En fait, non seulement n’a-t-on pas observé de protection clinique supplémentaire malgré une baisse légèrement plus marquée de la TA, mais le traitement d’association a occasionné une incidence plus élevée de symptômes d’hypotension (4,8 % vs 1,7 %; p<0,001), de syncope (0,3 % vs 0,2 %; p=0,03) et de dysfonctionnement rénal (13,5 % vs 10,2 %; p<0,001), par rapport à l’inhibiteur de l’ECA. Cependant, l’étude satellite en cours pourrait objectiver un avantage de la double inhibition du SRA dans certaines populations, comme les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche ou les insuffisants rénaux.

Les résultats de l’essai ONTARGET sont importants parce que, selon les lignes directrices en vigueur, les ARA constituent une solution de rechange acceptable aux inhibiteurs de l’ECA en cas d’intolérance et parce qu’ils confirment que les ARA peuvent être envisagés en première intention pour réduire le risque CV. Si l’investigateur principal, le Dr Yusuf, n’est pas prêt à concéder que les résultats s’appliquent à tous les représentants des classes thérapeutiques étudiées, d’autres experts estiment que l’équivalence des inhibiteurs du SRA observée dans l’étude ONTARGET pourrait être généralisée à tous les ARA et les inhibiteurs de l’ECA étudié à fond.

Prévention des événements cardiovasculaires par la néphroprotection : stratégies actuelles dans le contexte de l’étude ONTARGET

Point de vue :

Ellen D. Burgess, MD, FACP, FRCPC

Chez les patients atteints d’une insuffisance rénale chronique (IRC), le traitement antihypertensif a pour but d’abaisser la tension artérielle, de réduire le risque de maladie cardiovasculaire (CV) et de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Certes, 40 % des personnes souffrant d’une IRC meurent d’un événement vasculaire tel un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral, mais l’insuffisance rénale terminale serait à l’origine de 15 à 19 % des décès associés à l’IRC. Qui plus est, les décès consécutifs à l’arrêt de la dialyse et les suicides sont monnaie courante dans ce groupe de patients. Étant donné leurs effets néphroprotecteurs démontrés lors d’essais comparatifs, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) constituent d’ores et déjà les antihypertenseurs de prédilection en présence de diabète de type 2 et d’IRC. Or, voici que l’étude ONTARGET nous apprend que les ARA, mieux tolérés que les inhibiteurs de l’ECA, peuvent être utilisés en première intention pour réduire le risque d’événement CV chez les patients fortement vulnérables.

L’essai ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and In Combination with Ramipril Global Endpoint Trial) a produit les résultats auxquels on s’attendait. Il s’agit, certes, de la plus vaste comparaison directe d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et d’un inhibiteur de l’ECA (IECA) réalisée à ce jour, mais d’autres comptes rendus avaient déjà fait état d’une protection comparable contre les événements cardiovasculaires (CV). Ainsi, l’équipe de l’étude UMPIRE a publié, à l’été 2007, les résultats cliniques obtenus chez des patients de plus de 65 ans inscrits dans une vaste base de données canadienne et traités par un ARA ou un IECA (Verma et al. J Am Soc Hypertens 2007;1:286-94). Dans cette étude, évaluation comparative ARA-IECA la plus importante menée à ce jour au sein d’une population, la probabilité relative (OR) d’hospitalisation pour cause de syndrome coronarien aigu était plus faible chez les sujets sous ARA que chez les sujets sous IECA, sans écart significatif, toutefois (OR 0,89; IC à 95 % : 0,76-1,04). Par ailleurs, lors d’une comparaison ARA-IECA antérieure chez des patients qui avaient subi un infarctus du myocarde (IM) aigu, l’ARA avait fait montre d’un effet protecteur contre les événements CV similaire à celui de l’IECA (Pfeffer et al.N Engl J Med 2003;349[20]:1893-906).

L’emploi des inhibiteurs du système rénineangiotensine (SRA) est indiqué chez les patients atteints d’une insuffisance rénale chronique (IRC), qu’ils soient ou non diabétiques ou hypertendus. En effet, l’inhibition du SRA ralentit la progression de l’IRC. Sur la foi de données factuelles, les auteurs des lignes directrices en vigueur recommandent, en première intention, les IECA en cas de diabète de type 1 et les ARA en cas de diabète de type 2. Cependant, ces recommandations ne s’appuient pas sur des essais comparatifs, mais bien sur des études où l’efficacité d’un seul agent a été démontrée. Les auteurs des lignes directrices estiment généralement que les inhibiteurs du SRA sont interchangeables, le choix étant dès lors fonction de divers critères, dont la tolérabilité.

L’essai phare ayant révélé l’effet protecteur d’un IECA contre l’insuffisance rénale terminale (IRT) chez des sujets atteints du diabète de type 1 portait sur le captopril et date de 1993. Lors d’une série d’études sur les ARA, on a aussi observé un effet protecteur semblable dans le diabète de type 2. Ainsi, le recul de 28 % de l’IRT (p=0,002) par rapport au placebo enregistré dans l’étude RENAAL (Reduction of Endpoints in NIDDM with the Angiotensin II Antagonist Losartan) – l’un des essais ayant légitimé l’emploi des ARA en première intention dans la néphropathie diabétique – était nettement plus marqué que le recul annoncé par le léger écart des valeurs tensionnelles de fin d’étude (140/74 mmHg vs 142/74 mmHg). On a constaté un effet protecteur similaire contre la néphropathie diabétique, indépendant de la tension artérielle (TA), lors des études IDNT (Irbesartan in Diabetic Nephropathy Trial) et IRMA II (Irbesartan Microalbuminuria Type 2 Diabetes in Hypertensive Patients), qui portaient sur l’utilité d’un ARA en prévention de la néphropathie.

Pour offrir une protection contre l’IRC ou la maladie CV, on doit faire de la maîtrise de la TA sa priorité lors du choix de la stratégie antihypertensive. Cela dit, si les inhibiteurs du SRA ont suscité un intérêt particulier, c’est en raison des bienfaits qu’ils peuvent procurer au patient, indépendamment de la maîtrise de la TA. Le premier exemple de cette protection indépendante contre les événements CV, qui demeure d’ailleurs l’un des plus probants à ce jour, provient de l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoint Reduction) : on y avait comparé un ARA, le losartan, à un bêta-bloquant, l’aténolol, en prévention des événements cliniques chez des sujets qui présentaient une hypertrophie ventriculaire gauche. La baisse des chiffres tensionnels était comparable dans les deux groupes; cependant, la réduction du paramètre mixte comprenant la mortalité, l’IM ou l’accident vasculaire cérébral (AVC) a été 13 % plus marquée dans le groupe losartan. En outre, le losartan a été associé à une baisse relative de 25 % (p=0,001) des nouveaux cas de diabète. Dans l’essai comparatif avec placebo HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation), on a enregistré une diminution de 22 % (p<0,001) du paramètre principal (IM, AVC ou mortalité d’origine CV) dans le groupe sous ramipril, IECA, et ce, en dépit d’une légère différence moyenne de 3/2 mmHg de la TA de fin d’étude. Bien que le faible écart de 4/3 mmHg chez les sujets diabétiques de l’étude HOT (Hypertension Optimal Treatment) ait été associé à une diminution de 50 % des événements CV, des IM et de la mortalité d’origine CV – démontrant dès lors l’importance de la baisse de la TA, si légère soit-elle – d’aucuns avancent que les bienfaits observés dans la population HOPE sont indépendants, du moins en partie, des résultats tensionnels.

L’essai ONTARGET a été conçu essentiellement pour déterminer si un ARA pouvait procurer les mêmes bienfaits que le ramipril dans l’étude HOPE. Désireux de mettre à l’épreuve l’association ARA-IECA, on a constitué un troisième groupe de sujets. Au sein d’une population atteinte d’une maladie vasculaire ou exposée à un risque élevé en raison du diabète, l’ARA a offert une protection CV comparable à celle du ramipril. Au chapitre du paramètre mixte principal, à savoir la mortalité d’origine CV, l’IM, l’AVC ou l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, aucune différence significative n’est ressortie entre les trois groupes. Toutefois, comme on pouvait s’y attendre, l’ARA à l’étude, soit le telmisartan, a été mieux toléré que l’IECA. L’association médicamenteuse n’a apporté aucun bienfait supplémentaire par rapport à l’une ou l’autre monothérapie, mais elle a accru le risque d’effet indésirable, tant pour l’une que pour l’autre.

Ces résultats indiquent qu’un ARA protège le patient à risque élevé contre les événements CV aussi efficacement qu’un IECA. Cependant, on ignore pour l’instant quelle protection est offerte aux insuffisants rénaux : on attend les résultats de sous-études comparatives sur les stratégies de protection contre la progression de la néphropathie. On veut savoir, notamment, si la double inhibition du SRA, qui n’a pas procuré d’avantage CV particulier, est préférable aux monothérapies pour prévenir ou contenir la protéinurie. S’appuyant sur les résultats préliminaires d’une étude japonaise selon laquelle cette double inhibition ralentirait davantage, par un effet de synergie, la progression de la néphropathie chez des sujets non diabétiques, certains cliniciens y ont recours à titre empirique. Les données de l’essai ONTARGET sur la protection relative, mise en lumière par des marqueurs de la progression de la néphropathie telle la protéinurie, seront publiées sous peu; elles seront certes éclairantes, mais il convient de rappeler ici qu’ONTARGET est une étude CV. Ainsi, comme l’effet relatif des stratégies médicamenteuses sur la fonction rénale ne comptait pas au nombre des paramètres d’évaluation principaux, on ne saurait considérer cette observation comme décisive. Du point de vue de la prévention de l’IRC, l’étude connexe TRANSCEND (Telmisartan Randomized Assessment Study in Ace Intolerant Subjects with Cardiovascular Disease) sera probablement plus révélatrice : comme la protéinurie constituait un motif d’exclusion, cette étude permettra d’évaluer dans quelle mesure l’ARA protège le patient contre l’installation de la néphropathie.

Les essais prospectifs d’envergure tels que l’étude ONTARGET permettent de se livrer à des comparaisons objectives qui confirment ou infirment les hypothèses énoncées au terme d’analyses rétrospectives. À titre d’exemple, ONTARGET autorise, par des données convaincantes, le rejet d’un postulat controversé voulant que les ARA soient associés à une hausse relative du risque d’IM. Émise dans une publication avec comité de lecture, cette hypothèse a soulevé de vives critiques avant d’être écartée, parce que ses auteurs avaient opté pour une évaluation sélective des données. ONTARGET vient donc étayer encore plus solidement l’abandon de cette hypothèse. Cependant, il est fort possible que l’avantage de l’ARA sur l’IECA en matière d’innocuité ait été occulté en raison du plan de l’étude ONTARGET. En effet, les patients qui ne toléraient pas le ramipril ont été exclus lors d’une phase de préinclusion; il y a donc tout lieu de penser que les différences, en faveur de l’ARA, au chapitre de manifestations indésirables tels la toux et l’angio-odème ont été moins marquées qu’en situation réelle.

Les bienfaits des inhibiteurs du SRA dans l’IRC sont d’ores et déjà établis, même chez les sujets exempts d’hypertension. Chez le patient hypertendu, la stratégie d’obtention de la TA cible devrait comprendre un inhibiteur du SRA. Cela dit, il est essentiel d’envisager le traitement de l’IRC sur fond de prise en charge du risque CV. L’essai ONTARGET a confirmé qu’en prévention des événements CV, y compris l’IM et l’AVC, un ARA procurait aux patients à risque élevé des bienfaits indépendants de la TA comparables à ceux des IECA. Voilà une constatation à la fois importante et rassurante. Reste maintenant à déterminer ce qu’il en est chez les sujets regroupés suivant leur fonction rénale.

Résumé

L’essai ONTARGET montre que les ARA réduisent aussi efficacement que les IECA le risque d’événement vasculaire chez les patients très vulnérables. On attend avec impatience les données provenant de souspopulations présentant un dysfonctionnement rénal. Bien que l’emploi des inhibiteurs du SRA soit recommandé en première intention pour la maîtrise de l’IRC, que le patient soit diabétique ou non, la prise en charge de la néphropathie doit aller de pair avec la prévention des événements CV, importante cause de décès chez les patients atteints d’une IRC. Une comparaison directe établissant l’efficacité similaire d’un ARA et d’un IECA en protection CV vient conforter dans leur décision les cliniciens qui prescrivent un ARA à leurs patients souffrant de diabète de type 2 et d’une néphropathie, leur confirmant qu’ils ont fait le bon choix, tant sur le plan rénal que sur le plan CV.

Effets indépendants de la baisse tensionnelle chez les patients à risque élevé : pertinence de la comparaison d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA dans la prise en charge de l’hypertension au quotidien

Point de vue :

Pierre Larochelle, MD, PhD, FRCPC

Dans le traitement de l’hypertension essentielle, l’atteinte de la tension artérielle (TA) cible est l’objectif premier. S’il est maintenant prouvé que, à baisse égale des chiffres tensionnels, certaines stratégies de traitement peuvent réduire le risque de façon plus marquée que d’autres chez les patients exposés à un risque élevé, peut-être n’aurons-nous jamais de données comparables pour les patients exposés à un faible risque, car le faible taux d’événements cliniques rend difficile la tenue d’un essai prospectif à l’insu. Lors de l’essai récent ONTARGET, qui portait sur des patients déjà atteints d’une maladie vasculaire, l’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) s’est révélé aussi efficace que l’inhibiteur de l’ECA pour réduire l’incidence du paramètre mixte (mortalité d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque), mais l’association de l’inhibiteur de l’ECA et de l’ARA ne s’est pas révélée plus efficace et a été moins bien tolérée. Il est rassurant de savoir que les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) protègent les organes cibles, notamment le coeur et le rein, quand on les utilise pour maîtriser la TA chez un patient exposé à un faible risque. Cela dit, la protection relative contre les événements cliniques à un stade avancé de la maladie ne doit pas éclipser l’objectif principal du traitement de l’hypertension essentielle, c’est-à-dire la baisse de la TA.

La preuve d’effets bénéfiques indépendants de la baisse tensionnelle associés aux inhibiteurs du système rénineangiotensine (SRA) a d’abord été faite avec les inhibiteurs de l’ECA, puis en grande partie reproduite avec les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) dans plusieurs contextes bien précis, comme l’infarctus du myocarde (IM) aigu, l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale terminale (IRT) chez le diabétique. Lors de l’essai HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation), qui a pavé la voie à l’essai ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and In Combination with Ramipril Global Endpoint Trial), l’inhibiteur de l’ECA a été associé à une réduction de 22 % (p<0,001) de l’incidence du paramètre mixte (IM, AVC ou mortalité d’origine cardiovasculaire [CV]) par rapport à un placebo, malgré une baisse supplémentaire bien modeste de la tension artérielle (TA). Dans le cadre de la plus récente étude comparative, qui était essentiellement un essai de prévention secondaire comme HOPE, le même paramètre a été évalué, et les chercheurs ont conclu que l’ARA était aussi efficace que l’inhibiteur de l’ECA. Ils ont toutefois constaté avec déception que l’association de l’ARA et de l’inhibiteur de l’ECA n’avait pas été plus efficace chez un troisième groupe de patients et que, de surcroît, elle avait été moins bien tolérée.

Même si, lors de l’essai HOPE, l’inhibiteur de l’ECA n’était pas comparé à un agent actif, la petite différence tensionnelle observée entre les deux groupes en fin d’étude a amené les investigateurs à conclure qu’une proportion substantielle des bienfaits cliniques objectivés dans l’étude étaient indépendants de la TA. Dans le cadre de la nouvelle étude comparative, on a noté un bénéfice d’ampleur comparable dans une population à risque élevé similaire qui recevaient l’ARA. La mise en évidence de bienfaits indépendants de la TA associés aux inhibiteurs du SRA est compatible avec les données montrant que la régulation à la hausse du SRA est l’un des médiateurs de l’hypertrophie vasculaire et cardiaque, du remodelage cardiaque et de l’insuffisance rénale. Bien que l’efficacité antihypertensive des inhibiteurs du SRA soit un avantage de taille, ce sont probablement les effets supplémentaires de ces agents qui expliquent la diminution des taux d’événements chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou rénale ou ayant subi un IM aigu.

Chez les patients à faible risque, la protection des organes cibles indépendante de la TA est plus difficile à démontrer. D’abord, il serait très onéreux de réaliser une étude d’envergure et de durée suffisantes pour objectiver une différence entre divers antihypertenseurs dotés de modes d’action différents quant au taux d’événements cliniques. Ensuite, il faudrait tenir compte des autres facteurs de risque modifiables, comme l’hyperlipidémie ou la résistance à l’insuline, pendant toute la durée de l’étude. Par contre, des différences relatives entre diverses stratégies d’efficacité antihypertensive égale ont (Losartan Intervention for Endpoint Reduction). Contrairement aux études HOPE et ONTARGET, dont le tiers des sujets environ n’étaient pas hypertendus au départ, LIFE ciblait des patients souffrant d’hypertension essentielle qui, après randomisation, recevaient soit du losartan, un ARA, soit de l’aténolol, un bêta-bloquant. Même si les sujets de l’étude LIFE étaient exposés à un risque élevé du fait qu’ils devaient présenter une hypertrophie ventriculaire gauche pour être admissibles à l’étude et que 30 % des patients avaient des antécédents de maladie CV, LIFE était somme toute une étude de prévention primaire. Les patients étaient d’abord randomisés de façon à recevoir un traitement reposant sur un ARA ou un traitement reposant sur un bêta-bloquant, considéré à l’époque comme un agent de première intention. Au terme de l’étude, on a enregistré une baisse de 13 % (p=0,021) du paramètre mixte (mortalité, IM ou AVC) dans le groupe ARA par comparaison au groupe bêta-bloquant.

Il est ressorti d’autres études de prévention primaire que les stratégies antihypertensives peuvent différer quant aux bienfaits cliniques indépendants de la TA qu’elles confèrent. Dans l’essai ASCOT-BPLA, qui était le volet hypertension de l’essai ASCOT (Anglo- Scandinavian Cardiac Outcomes Trial), on a enregistré une réduction de 33 % (p=0,0003) du risque d’AVC mortel ou non mortel dans le groupe amlodipine par rapport au groupe aténolol. Bien que la diminution de 10 % (p=0,1) de l’incidence du paramètre principal (IM non mortel et maladie coronarienne mortelle) n’ait pas atteint le seuil de signification statistique, le comité de surveillance de l’innocuité a mis fin prématurément à l’essai parce qu’il redoutait un bénéfice excessif chez les patients qui recevaient l’inhibiteur calcique.

En pratique, on ne doit pas perdre de vue que les études cliniques avec paramètres, y compris l’étude LIFE, sont avant tout des comparaisons de stratégies thérapeutiques plutôt que d’agents isolés. Lors de l’essai LIFE, les patients recevaient d’abord du losartan ou un bêta-bloquant, mais la majorité des patients des deux groupes ont dû prendre un deuxième antihypertenseur, généralement un diurétique, pour atteindre leurs cibles tensionnelles. Lors de l’essai ASCOT-BPLA, les sujets étaient d’abord randomisés de façon à recevoir un inhibiteur calcique ou un bêta-bloquant, mais le deuxième agent éventuel était prédéterminé pour les deux groupes. Dans le groupe amlodipine, ce deuxième agent était le perindopril, inhibiteur de l’ECA, et dans le groupe aténolol, un diurétique. Là encore, la plupart des sujets d’ASCOT-BPLA ont reçu au moins deux agents et, tant dans l’essai LIFE que dans l’essai ASCOT-BPLA, un troisième agent était autorisé pour que la TA cible soit atteinte.

L’importance de la maîtrise de la TA comme point de départ pour la comparaison de deux stratégies de traitement a peut-être été illustrée par l’essai VALUE Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation), qui était aussi conçu pour comparer des stratégies antihypertensives quant à la protection CV relative qu’elles conféraient chez des patients à risque élevé. En effet, contrairement à l’hypothèse de travail, cet essai n’a pas réussi à prouver qu’une stratégie reposant sur un ARA offrait une protection plus marquée contre la morbi-mortalité cardiaque qu’une stratégie reposant sur un inhibiteur calcique, mais – et c’est là un point important – les baisses tensionnelles n’étaient pas identiques dans les deux groupes. À cause des modalités de l’ajustement posologique, la TA était systématiquement plus faible dans le groupe inhibiteur calcique. La différence a été particulièrement marquée au cours des six premiers mois de l’étude. Bien que l’hypothèse de travail de VALUE ne se soit pas vérifiée, on doit peut-être retenir que la protection contre la morbi-mortalité cardiaque (paramètre principal) était comparable dans les deux groupes malgré le désavantage possible du groupe ARA sur le plan tensionnel. L’analyse des paramètres secondaires prédéterminés a fait ressortir quelques différences.

Selon les lignes directrices canadiennes, les monothérapies acceptables en première intention dans le traitement d’une hypertension non compliquée sont un bêta-bloquant avant l’âge de 60 ans, un inhibiteur de l’ECA, un inhibiteur calcique à longue durée d’action, un diurétique ou un ARA. L’ajout d’un ARA au schéma de première intention découle en grande partie des résultats de l’étude LIFE, celle-ci ayant montré que le losartan est bénéfique en prévention primaire. Cependant, il est aussi précisé dans les lignes directrices que la plupart des patients ont besoin d’un traitement d’association pour atteindre leur TA cible. Les inhibiteurs du SRA sont intéressants comme composantes d’un traitement d’association chez les patients exposés à un faible risque parce que ce sont des antihypertenseurs efficaces. Bien qu’il soit difficile de faire ressortir des bienfaits indépendants de la TA dans le traitement de l’hypertension essentielle non compliquée, il est logique de supposer que les organes cibles de ces individus subiront avec le temps les altérations caractéristiques de la maladie avancée. La protection des organes cibles qu’offrent les inhibiteurs du SRA se vérifie dans les marqueurs de substitution comme l’absence d’hypertrophie ventriculaire gauche, mais peut-être n’y aura-t-il jamais d’étude prospective pour objectiver la diminution réelle du risque d’événement clinique par rapport aux autres options de traitement.

Chez les patients souffrant d’hypertension essentielle et exposés à un faible risque, la comparaison d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA que l’on a réalisée dans le cadre de l’essai ONTARGET n’a pas de répercussions directes sur les choix thérapeutiques, mais les données montrant que les ARA sont aussi efficaces que les inhibiteurs de l’ECA pour prévenir la maladie CV à un stade avancé de la maladie sont rassurantes. Les ARA étaient déjà reconnus comme une solution acceptable en première intention dans les lignes directrices canadiennes sur le traitement de l’hypertension essentielle, de sorte que la preuve récente de leur efficacité comparable à celle des inhibiteurs de l’ECA à un stade avancé de la maladie est un nouvel élément d’information clé. Par comparaison aux inhibiteurs de l’ECA, les ARA sont mieux tolérés en raison d’une incidence moindre de toux, ce qui peut être un avantage de taille dans le cas d’un traitement chronique dont l’observance est essentielle à l’obtention d’un bienfait clinique.

Résumé

La récente comparaison d’un ARA et d’un inhibiteur de l’ECA est pertinente de façon indirecte pour la prise en charge de l’hypertension essentielle. Malgré les nombreuses données montrant que les inhibiteurs du SRA protègent les organes cibles indépendamment de la baisse de la TA, entre autres chez les patients souffrant d’une maladie vasculaire établie, la priorité du traitement de l’hypertension non compliquée est la maîtrise de la TA. Parmi les traitements de première intention, un inhibiteur du SRA, seul ou en association, est une option intéressante pour obtenir la baisse tensionnelle souhaitée.

L’essai ONTARGET en contexte : Comparaison des ARA et des inhibiteurs de l’ECA quant à la prévention des événements cardiovasculaires

Point de vue :

Jonathan G. Howlett, MD, FACC, FRCPC

Selon un essai très récent, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et les inhibiteurs de l’ECA (IECA) se valent sur le plan de la prévention des événements cardiovasculaires chez les patients à risque élevé. Cet essai n’est pas le premier à prouver l’équivalence de ces deux types d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine, mais il est le plus vaste à ce jour. Son effectif se composait de patients souffrant d’une maladie vasculaire et de diabétiques exposés à un risque élevé (mais ne souffrant pas d’insuffisance cardiaque). Il y a quatre ans, des résultats similaires se sont dégagés d’un essai multicentrique d’envergure réalisé chez des patients traités après un infarctus du myocarde aigu. Lors de ces deux essais, l’ARA s’est avéré aussi efficace que l’IECA, qui était la référence. De même, lors des deux essais, l’association de l’ARA et de l’IECA n’a pas diminué le risque de façon plus marquée, mais elle a accentué le risque d’effets indésirables par comparaison à l’un et l’autre agent administrés seuls. Actuellement, les ARA sont présentés dans plusieurs lignes directrices en tant que solution de rechange acceptable aux IECA chez les patients à risque élevé. Or, les données récentes confirment qu’un ARA peut également être envisagé en première intention.

Lors de l’essai ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and In Combination with Ramipril Global Endpoint Trial), le plus vaste et le plus récent des essais dans lesquels on compare un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et un inhibiteur de l’ECA (IECA), les deux agents se sont révélés équivalents d’après le paramètre principal de l’étude, à savoir mortalité d’origine cardiovasculaire (CV), infarctus du myocarde (IM), AVC ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC). Au chapitre de la prévention des événements CV majeurs chez les patients à risque élevé, l’essai ONTARGET a établi que les ARA et les IECA sont d’efficacité équivalente, mais qu’ils diffèrent sur le plan des effets indésirables. Le telmisartan, un ARA, a été associé à un risque plus faible de toux et d’angio-odème que le ramipril, un IECA. Les données indiquent essentiellement que les deux agents sont d’excellents choix pour la prise en charge du risque chez les patients souffrant d’une maladie vasculaire ou les diabétiques à risque élevé.

Protection CV démontrée de longue date

Les IECA ont été les premiers inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) à faire l’objet d’une série d’études visant à confirmer leurs effets bénéfiques indépendants de la baisse tensionnelle chez des patients présentant une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) faible, par exemple en présence d’IC, ou ayant subi un IM aigu. Chez les patients présentant une FEVG <35 %, les essais phares ont été CONSENSUS (Cooperative New Scandinavian Enalapril Survival Study) et SOLVD (Study of Left Ventricular Dysfunction), et ils ont tous deux montré qu’un IECA prévient la survenue d’événements cliniques. Dans le sillon de SAVE (Survival and Ventricular Events), plusieurs essais ont montré qu’un IECA protège contre la survenue d’événements cliniques chez les patients ayant subi un IM aigu et présentant une faible FEVG. Lors de l’essai SAVE, le captopril, un IECA, a diminué la mortalité totale de 19 % (p=0,019), les récidives d’IM de 25 % (p=0,015) et le risque de progression de l’IC de 37 % (p<0,001) par rapport à un placebo. Les essais AIRE (Acute Infarction Ramipril Efficacy) et TRACE (Trandolapril Cardiac Evaluation) ont donné des résultats similaires, bien que les IECA évalués aient été différents. On a ensuite étudié les IECA chez des patients ayant été victimes d’un IM aigu, sans égard à la présence ou à l’absence d’IC ou de FEVG faible. Lors d’essais comme GISSI-3 (la troisième étude du Gruppo Italiano per lo Studio della Sopravvivenza nell’Infarto Miocardico) et ISIS-4 (la quatrième édition de l’International Study of Infarct Survival), les IECA ont réduit le risque d’événement clinique par rapport à un placebo malgré des différences tensionnelles minimes ou nulles.

La diminution des récidives d’IM et d’autres événements vasculaires que l’on a observée chez des patients souffrant d’IC ou ayant subi un IM aigu a donné lieu à la tenue de HOPE (Heart Outcomes Protection Evaluation), vaste étude de prévention vasculaire menée chez des patients exposés à un risque élevé qui ne souffraient pas d’IC ni n’avaient subi d’IM récent. HOPE a été le premier essai multicentrique avec placebo dans lequel on évaluait les effets d’un inhibiteur du SRA, le ramipril, par comparaison à ceux d’un placebo chez des patients à risque élevé n’ayant pas été victimes d’un IM aigu. Dans le cadre de cette étude qui regroupait 9000 sujets, l’utilisation du ramipril a été associée à une réduction de 26 % (p<0,001) de la mortalité d’origine CV, à une réduction de 20 % des IM (p<0,001), à une réduction de 32 % des AVC (p<0,001) et à une réduction de 14 % de la mortalité toutes causes confondues (p=0,005). L’incidence des événements a diminué malgré une baisse légère de la tension artérielle (TA), ce qui a amené beaucoup d’experts à poser comme hypothèse que les effets bénéfiques des IECA découlent en partie d’un mode d’action autre que la baisse tensionnelle. Avant la tenue de l’essai ONTARGET, on ignorait si les ARA ou les IECA exerçaient des effets comparables au sein de cette population vulnérable de patients présentant une atteinte vasculaire. Par ailleurs, et c’est là un autre aspect important de ces essais, l’hypertension n’était pas un critère d’admissibilité. Bien que près de 70 % des participants de l’essai ONTARGET aient eu des antécédents d’hypertension, la TA systolique moyenne était au départ très proche de 140 mmHg.

IECA et ARA : équivalence et stratégies d’association sous la loupe

C’est d’abord l’essai VALIANT (Valsartan In Acute Myocardial Infarction Trial) qui a prouvé que les ARA se comparent aux IECA pour réduire le risque CV. Cet essai visait à comparer le valsartan à forte dose avec le captopril administré à la même posologie que dans l’essai phare SAVE. En outre, on y comparait l’association des deux agents avec le captopril seul dans un troisième groupe afin de vérifier l’éventualité d’un bénéfice supplémentaire. L’essai VALIANT – qui regroupait 15 000 patients – portait sur des patients chez qui un IM aigu avait été suivi immédiatement d’une chute de la FEVG sous le seuil de 40 % ou de l’apparition de signes cliniques d’IC. Les résultats ont démontré que le valsartan n’était pas inférieur au captopril, et c’était la première fois qu’une étude d’envergure le prouvait. L’association ne s’est pas révélée plus efficace que l’un ou l’autre agent administré seul, mais elle a augmenté le risque de survenue d’effets indésirables.

Avant même que l’essai VALIANT n’ait lieu, l’essai LIFE (Losartan Intervention for Endpoint Reduction) était sorti des sentiers battus en démontrant que deux antihypertenseurs d’efficacité antihypertensive comparable ne sont pas nécessairement équivalents quant à la protection qu’ils confèrent contre le risque CV. Dans le cadre de LIFE, le losartan, un ARA, a été associé à une diminution de 13 % (p=0,021) du paramètre principal mixte – mortalité, IM ou AVC – par rapport à l’aténolol dans un groupe de patients hypertendus présentant une hypertrophie ventriculaire gauche. Outre cette diminution du paramètre principal mixte, on a observé une diminution de 25 % du risque d’AVC (p=0,001) et une diminution significative du risque d’apparition d’un diabète dans le groupe losartan. LIFE a été le premier essai d’importance à prouver l’efficacité supérieure d’un traitement antihypertensif comportant un inhibiteur du SRA, mais d’autres ont suivi. Le plus connu est ASCOT-BPLA (Anglo-Scandinavian Cardiovascular Outcomes Trial – Blood Pressure Lowering Arm). Là encore, on a constaté une diminution du risque d’événement CV dans le groupe qui recevait l’inhibiteur du SRA, un IECA en l’occurrence, par comparaison au groupe qui n’en recevait pas.

Pour l’instant, il semble que l’association d’un IECA et d’un ARA soit avantageuse dans seulement deux situations cliniques : en présence d’IC ou d’insuffisance rénale chronique (IRC). Cela dit, une diminution de l’incidence des événements CV cliniques n’a pas encore été démontrée hors de tout doute sous l’effet du traitement d’association. Au chapitre de l’IC, qui était un critère d’exclusion de l’essai ONTARGET, les preuves peut-être les plus solides du bénéfice associé à une double inhibition du SRA ont été générées par CHARM-Added (volet traitement d’association du programme Candesartan in Heart failure: Assessment of Reduction in Mortality). Lors de CHARM-Added, l’association d’un ARA et d’un IECA, par comparaison à un IECA seul, a permis une réduction supplémentaire de 15 % (p=0,01) du paramètre mixte, à savoir : mortalité d’origine CV ou hospitalisation pour cause d’IC. Au chapitre de l’IRC, plusieurs études ont révélé que le traitement d’association exerce un effet antiprotéinurique plus marqué que l’une ou l’autre monothérapie. Les données cliniques à l’appui des deux indications semblent indiquer qu’un risque minimum doit être présent au départ pour que les deux mécanismes d’inhibition du SRA se traduisent par une réduction supplémentaire du paramètre évalué. L’essai ONTARGET, auquel s’est greffée une étude satellite dans laquelle on évaluait les effets relatifs des trois stratégies sur la fonction rénale, devrait générer des données parlantes à cet égard.

Retombées actuelles et futures des résultats de l’essai ONTARGET

En pratique, les données prouvant qu’un ARA est aussi efficace qu’un IECA revêtent une grande importance. Par contre, l’ARA étant mieux toléré que l’IECA, il facilite l’observance du traitement. En définitive, si efficace que soit un médicament, il ne sera d’aucune utilité s’il n’est pas pris selon la posologie qui s’est avérée bénéfique. En outre, les ARA sont dotés d’un profil de tolérabilité qui se compare à celui d’un placebo. En dehors du cadre d’un essai clinique, la tolérabilité plus avantageuse d’un agent ne doit pas être sous-estimée, surtout s’il s’agit d’un traitement de durée indéfinie.

Les données dans leur ensemble étayent la théorie voulant que le SRA soit inhibé de façon comparable par un ARA et un IECA et que le bénéfice clinique soit comparable, peu importe l’agent administré. Bien que ces agents inhibent le SRA différemment, ce qui a donné lieu à un certain nombre de théories quant aux retombées éventuelles sur l’effet exercé, on ne dispose pas encore de données concluantes prouvant l’existence de différences au sein de ces classes et entre elles. Il est approprié que les cliniciens prescrivent les agents qu’ils connaissent bien, mais un ARA ou un IECA devrait faire partie du traitement de première intention dans plusieurs situations cliniques, comme un IM aigu ou un risque élevé. HOPE et ONTARGET sont en grande partie des essais de prévention secondaire tandis que LIFE était un essai de prévention primaire, mais on dispose maintenant de données cliniques pour un vaste éventail de patients à risque.

Les données obtenues à ce jour ne répondent pas à toutes les questions que l’on se pose sur l’utilité relative des ARA et des IECA pour la prévention des événements cliniques. Dans le présent article, nous avons cerné plusieurs enjeux, comme les différences éventuelles entre une inhibition simple et double du SRA dans certains groupes à risque, mais nous n’avons pas encore de réponses satisfaisantes. En outre, des données complémentaires de l’essai ONTARGET pourraient être révélatrices ou à tout le moins générer des hypothèses quant au rôle relatif de ces agents dans certaines situations bien précises, comme la protection relative contre l’AVC, le diabète ou la protéinurie, surtout en l’absence ou en présence de différences tensionnelles. Cependant, l’équivalence des IECA et des ARA en tant que traitements de première intention pour réduire le risque CV est déjà pertinente sur le plan clinique.

Résumé

L’essai ONTARGET vient gonfler le corpus de données montrant que les ARA peuvent être envisagés en première intention pour protéger le patient à risque élevé contre la survenue d’un événement CV. Les résultats obtenus chez les plus de 25 000 sujets de cet essai s’ajoutent à un volume déjà considérable de données montrant que les ARA sont aussi efficaces que les IECA pour réduire le risque CV sans égard à la baisse tensionnelle. Bien qu’ils agissent différemment, les ARA et les IECA n’ont pas semblé exercer d’effets bénéfiques additifs dans la population à risque élevé de l’essai ONTARGET. Si d’autres études clés préalables sur les ARA, comme LIFE, semblaient indiquer qu’à efficacité antihypertensive égale, les antihypertenseurs ne confèrent pas tous la même protection contre le risque CV, l’essai ONTARGET confirme qu’en première intention, on peut administrer un IECA ou un ARA indifféremment à un patient à risque élevé. -

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