Comptes rendus

Prise en charge du cancer du sein hormonosensible au stade précoce
Tour d’horizon des essais cliniques : Nouvelles données en perspective

Échinocandines et nouvelles modalités de prise en charge des candidoses au service des soins intensifs

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

18e Congrès européen sur la microbiologie clinique et les maladies infectieuses

Barcelone, Espagne / 19-22 avril 2008

Depuis de nombreuses années, les dérivés azolés sont le traitement de référence de la candidose invasive et septique. «Toutefois, le tableau épidémiologique de la candidose évolue, et il se pourrait que les microorganismes soient moins sensibles à ces médicaments», affirme le Pr Bart-Jan Kullberg, vice-président, maladies infectieuses et professeur titulaire de médecine, St Radboud University Nijmegen Medical Centre, Pays-Bas. L’Infectious Diseases Society of America (IDSA) en a pris acte récemment en révisant ses lignes directrices pour le traitement de première intention des mycoses invasives chez le patient non neutropénique. À l’origine de cette révision : les échinocandines récentes, qui ont fait montre d’une efficacité comparable à celle des dérivés azolés dans les candidémies, mais ont conduit à des taux de guérison supérieurs dans d’autres mycoses invasives.

L’une des principales difficultés qui se posent au clinicien appelé à traiter une infection à Candida est le choix du traitement empirique, car cette décision peut avoir des répercussions cruciales sur l’issue de l’infection. Comme le souligne le Pr Peter Gaustad, hôpital universitaire Rikshospitalet, Oslo, Norvège, «il faut amorcer le traitement sans délai, parce que la vie du patient est en jeu». Ainsi, on peut réduire notablement le taux de mortalité, le ramenant de 40 % à 10% ou 15 %, en mettant le traitement en route rapidement, soit au cours des 12 heures suivant le premier prélèvement sanguin.

Bien que le traitement soit empirique (voire administré par anticipation, dans certains cas), le clinicien doit viser le spectre le plus large possible. En présentant des données provenant de la Norvège, pays doté d’un excellent système de surveillance, le Pr Gaustad y est allé de cette précision : «Vingt pour cent des candidoses sont causées par des espèces éventuellement moins sensibles au fluconazole. Il ne faut pas l’oublier lors du choix d’un traitement empirique.»

Nouvelle réalité, nouvelles lignes directrices

Ces données et des observations du même ordre faites dans d’autres établissements, y compris en Amérique du Nord, ont incité l’IDSA à revoir ses lignes directrices. Le Pr Georg Maschmeyer, Klinikum Ernst von Bergmann, Potsdam, Allemagne, a affirmé que désormais, en présence d’une espèce inconnue, on optait de préférence pour les échinocandines en première intention chez le patient non neutropénique gravement malade ou ayant reçu un dérivé azolé à titre prophylactique. On pourra toujours, a-t-il ajouté, revenir au fluconazole après avoir isolé un agent pathogène susceptible d’être sensible à cet antifongique, tel que C. albicans ou C. parapsilosis, pour autant que l’état du patient soit stable. Cela dit, le fluconazole demeure l’agent de choix chez le patient dont l’état est moins grave et qui n’a pas fait l’objet d’un traitement récent par un dérivé azolé.

La révision des lignes directrices a été motivée en grande partie par une étude multicentrique randomisée publiée l’an dernier (Reboli et al. N Engl J Med 2007;356:2472-82). Dans cet essai, une nouvelle échinocandine s’est révélée aussi efficace qu’un dérivé azolé dans la candidémie, mais plus efficace dans d’autres formes de mycoses invasives. Ainsi, 245 adultes atteints d’une candidose invasive ont reçu, après randomisation, de l’anidulafongine ou du fluconazole par voie intraveineuse (i.v.). Le paramètre d’évaluation principal était la réussite thérapeutique après un traitement i.v. de 10 jours. La population était non neutropénique à 97 %, bien que la neutropénie n’ait pas constitué un motif d’exclusion.

On a obtenu une réussite thérapeutique, paramètre principal, chez 75,6 % des patients du groupe anidulafongine et 60,2 % des patients du groupe fluconazole. Les intervalles de confiance (IC) relatifs à l’avantage absolu de 15,4 % de l’anidulafongine sur le fluconazole sont également favorables à l’anidulafongine (IC à 95 % : 3,9-27,0); néanmoins, le résultat a été considéré comme une preuve de non-infériorité étant donné les hypothèses de départ. Cela dit, les résultats étaient systématiquement favorables à l’échinocandine, en particulier après ventilation de la population selon l’agent pathogène. Mentionnons à cet égard des taux de réussite thérapeutique de 72,7 % vs 53,3 % chez les sujets souffrant d’une mycose invasive autre que la candidémie. On a observé une réussite microbiologique chez 88,1 % des patients du groupe anidulafongine contre 76,2 % du groupe fluconazole. Enfin, le taux de mortalité toutes causes confondues s’est établi à 31 % dans le groupe fluconazole et à 23 % dans le groupe anidulafongine.

Figure 1. Taux de survie estimé (analyse en intention de traiter)


Difficultés de la mise en route précoce du traitement empirique

Les taux de mortalité appréciables enregistrés dans cette étude mettent en lumière le besoin de déceler tôt les mycoses et d’y opposer un traitement énergique. Dans certaines séries de cas, le taux brut de mortalité associé aux mycoses invasives atteint 50 %. En outre, la récidive pose problème dans la prise en charge des infections à Candida, surtout chez les patients dans un état critique traités au service des soins intensifs (SSI). Les marqueurs du risque peuvent cependant orienter le clinicien. À cet égard, la colonisation par des espèces Candida est-elle, oui ou non, un indicateur utile?

À cette question brûlante, le Dr Paolo Manzoni, hôpital Sant’ Anna, Turin, Italie, répond par l’affirmative, sur la foi d’une étude menée dans son service de néonatalité. En effet, une analyse de régression multivariable a révélé l’existence d’un lien significatif entre la colonisation des cathéters veineux centraux (CVC) ainsi que de multiples lieux et la progression vers l’infection invasive; de plus, cette analyse a montré l’effet protecteur du fluconazole administré à titre prophylactique (Manzoni et al. Pediatrics 2006;118:2359-64).

On se demande également si les cultures de contrôle et la connaissance du degré de colonisation peuvent guider le recours à un traitement «par anticipation». «On ne s’entend pas là-dessus», précise le Dr Manzoni. Cela dit, une étude récente a révélé ce que peut accomplir une surveillance systématique. En effet, dans un service de chirurgie, on a enregistré un taux de candidoses acquises de 10 % au cours des deux années ayant précédé l’adoption du traitement par anticipation en présence d’un indice de colonisation rectifié supérieur à 0,4; après la mise en place de cette stratégie thérapeutique, aucun cas de candidose n’a été signalé. «La surveillance ciblée (…) est efficace pour prévenir les candidoses nosocomiales dans un contexte de soins intensifs chirurgicaux», conclut le Dr Manzoni.

Définition de la réussite thérapeutique et choix de l’antifongique

Dans la plupart des essais cliniques sur les antifongiques opposés aux infections à Candida, le paramètre d’évaluation principal est mixte, associant réponse clinique favorable (disparition des signes et des symptômes de la mycose) et réponse biologique favorable (éradication de l’agent pathogène), et la mortalité est un paramètre secondaire. Pourtant, fait valoir le Dr Daniel Kett, University of Miami/Jackson Memorial Hospital, Floride, «nos patients ont plutôt à cœur de rester en vie». Selon lui, on doit prendre en compte le pronostic vital lors de l’élaboration d’un plan d’essai clinique.

Divers choix de traitement s’offrent au médecin traitant, insiste le Dr Kett. «Aux SSI où je travaille, les échinocandines sont généralement plus efficaces, et je suis tout à fait d’accord avec les nouvelles lignes directrices : il est raisonnable de les prescrire en première intention au patient très malade ou dans un état critique.» À l’instar de ses collègues, le Dr Kett affirme que les nouvelles lignes directrices sont solidement étayées. Outre l’essai anidulafongine-fluconazole, il existe des comparaisons caspofongine-amphotéricine B et micafongine-amphotéricine B. Dans un cas comme dans l’autre, les résultats sont favorables à l’échinocandine. Par ailleurs, on a comparé deux doses de micafongine et de caspofongine lors d’une étude randomisée (Clin Infect Dis 2007;45:883-93), et aucune différence entre ces deux échinocandines n’est ressortie. Notons que l’anidulafongine n’a pas été comparée à d’autres échinocandines dans le cadre d’un essai clinique d’envergure. Elle pourrait toutefois offrir un avantage par rapport aux autres agents de sa classe, car elle ne subit aucun métabolisme hépatique et n’est associée à aucune interaction médicamenteuse connue. Son emploi serait donc éventuellement préférable en cas d’atteinte hépatique ou de prise concomitante d’autres médicaments métabolisés dans le foie.

Résumé

La nature des candidoses évolue, et la résistance des espèces Candida aux dérivés azolés est de plus en plus fréquente. Des avenues thérapeutiques intéressantes s’ouvrent toutefois, tel le recours aux échinocandines. À ces nouvelles armes doivent cependant s’ajouter des renforts : instauration du traitement sans délai, remplacement des CVC et, éventuellement, surveillance de la colonisation.

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