Comptes rendus

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Traitement ciblé dans le cancer du rein avancé : prolongation de la survie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 22e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie (EAU)

Berlin, Allemagne / 21-24 mars 2007

Jusqu’à tout récemment, le traitement par une cytokine était considéré comme la pierre angulaire du traitement systémique du cancer du rein avancé, même si une réponse solide et soutenue ne pouvait être obtenue que chez certains patients. Des recherches poussées sur les mécanismes moléculaires du cancer se sont traduites par la mise au point d’inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), agents qui font obstacle à l’angiogenèse tumorale. Contrairement aux schémas de chimiothérapie que l’on administre en cycles de courte durée afin de faire régresser la tumeur, les ITK sont administrés de façon continue sur de plus longues périodes et visent à prolonger la survie plutôt que de guérir le cancer. L’évaluation de la toxicité des ITK doit donc nécessairement être différente, et d’autres facteurs comme la qualité de vie deviennent plus importants.

Résultats de TARGET

Le sorafenib est un ITK que l’on utilise dans le traitement du cancer du rein avancé depuis la publication des résultats favorables de l’essai pivot TARGET (Treatment Approaches in Renal Cancer Global Evaluation Trial). Comme le souligne le Dr Marc-Oliver Grimm, Université technique de Dresde, Allemagne, «c’est en fait la plus vaste étude randomisée et comparative avec placebo jamais réalisée dans le cancer du rein». Elle avait pour but de comparer le sorafenib à 400 mg b.i.d. avec un placebo comme traitement de deuxième intention chez 903 patients atteints d’un cancer du rein avancé à cellules claires. L’analyse de la population globale a révélé que la médiane de survie sans progression (SSP), l’un des paramètres principaux, était de 5,5 mois dans le groupe de traitement actif comparativement à 2,8 mois dans le groupe placebo (p<0,01) (Escudier et al. N Engl J Med 2007;356[2]:125-34).

«Il est important de savoir si l’utilisation préalable d’une cytokine a des répercussions sur le bénéfice clinique associé au sorafenib», fait valoir le Dr Grimm. Ce dernier a présenté aux congressistes l’analyse détaillée de sous-groupes de la population de l’essai TARGET, laquelle avait été stratifiée selon que les sujets avaient déjà reçu une cytokine (n=742) ou non (n=161). «Sans égard au type de traitement préalable, nous avons observé un doublement de la SSP, celle-ci étant passée plus précisément de 12 semaines dans le groupe placebo à 24 ou 25 semaines dans le groupe sorafenib», rapporte-t-il. Cette différence s’est maintenue après une deuxième stratification en fonction de critères comme le sexe, l’indice fonctionnel, la catégorie de risque ou la présence de métastases pulmonaires. De plus, le pourcentage de sujets chez qui le traitement a été associé à un bénéfice clinique (rémission complète, rémission partielle ou stabilisation du cancer) se chiffrait à environ 85 %, qu’une cytokine ait déjà été administrée ou non. Lors de l’analyse de l’innocuité, des différences ont pu être mises en évidence quant aux réactions individuelles, mais, en général, le profil d’innocuité était comparable chez les patients ayant reçu une cytokine et les patients n’en ayant pas reçu.

De l’avis du Dr Tim Eisen, professeur titulaire d’oncologie médicale, Cambridge Research Institute, University of Cambridge, Royaume-Uni, «les personnes âgées sont souvent sous-représentées dans les essais en oncologie». Par conséquent, une analyse de sous-groupes de TARGET en fonction de l’âge (<65 ou ³65 ans) avait sa raison d’être. Environ le tiers de la population de cet essai avait >65 ans. La SSP était plus longue chez les sujets des deux sous-groupes qui recevaient le traitement actif, et le pourcentage de patients chez qui le traitement a procuré un bénéfice clinique était comparable (environ 85 %). De l’autre côté de l’équation bénéfice:risque, le profil de toxicité était comparable dans les deux sous-groupes. Enfin, l’analyse d’autres paramètres comme la qualité de vie liée à la santé et la détérioration de l’état de santé rapportée par les patients n’a fait ressortir aucune différence entre les sous-groupes. «Je l’ai déjà dit de bien des façons, et je le répète, l’âge ne semble pas avoir de retombées sur le bénéfice», de conclure le Dr Eisen pour résumer la question.

Passage du placebo au traitement actif dans TARGET : données corroborantes supplémentaires

«L’essai TARGET avait des paramètres coprincipaux – la SSP et la survie globale [SG] – mais après une analyse partielle de la SSP, les chercheurs ont décidé d’offrir le traitement actif aux sujets sous placebo», explique le Dr Eisen. Un peu moins de la moitié de tous les patients qui avaient amorcé l’étude dans le groupe placebo, c’est-à-dire la majorité des patients toujours sous placebo à ce moment-là, sont passés au traitement actif. Au moment du changement de traitement, la médiane de SG était de 14,7 mois dans le groupe placebo alors qu’elle n’avait toujours pas été atteinte dans le groupe sorafenib (taux de risque : 0,72 [p=0,018]). Selon la méthode d’O’Brien-Fleming, cette analyse n’a pas atteint le seuil prédéfini de signification statistique. Le Dr Eisen souligne néanmoins que cette étude avait des paramètres coprincipaux et que l’autre paramètre avait déjà été atteint. «Nous n’obtiendrons jamais de données plus pures que celles-là». Six mois après le passage au traitement actif, la médiane de SG dans le groupe sorafenib avait été atteinte (19,3 mois). Dans le groupe placebo, la médiane de SG est passée à 15,9 mois, ce qui dénote un effet tardif du traitement actif. De plus, les chercheurs ont observé une certaine régression de la tumeur chez quelques-uns des patients du groupe placebo, ce qui semble indiquer que les patients pourraient bénéficier d’un traitement tardif par le sorafenib.

Traitement en conditions réelles

Après qu’il a été déterminé que le traitement actif avait permis d’atteindre le paramètre principal, mais avant que le produit ne soit commercialisé, environ 2500 patients ont reçu le sorafenib dans le cadre du programme d’accès élargi ARCCS (Advanced Renal Cell Carcinoma Sorafenib). Les critères d’exclusion ont été maintenus au minimum dans cette étude ouverte. «Cette étude représente donc une évaluation plus proche de la réalité», estime le Dr David Quinn, Kenneth J. Norris Comprehensive Cancer Center, University of Southern California, Los Angeles. Les patients devaient souffrir d’un cancer du rein avancé, mais il n’y avait aucune restriction quant au sous-type. La présence de métastases cérébrales n’était pas un critère d’exclusion, et les patients souffrant d’insuffisance rénale, peu importe la sévérité, pouvaient être admis à l’étude pour autant qu’ils n’aient pas été en dialyse. La population de l’étude ARCCS différait de celle de TARGET dans la mesure où environ la moitié des sujets recevaient le sorafenib en première intention (la médiane d’âge était aussi légèrement plus élevée) et bien que la majorité des sujets aient été de race blanche, les non-Blancs y étaient mieux représentés. L’examen histologique du tissu tumoral a mis en évidence 163 tumeurs papillaires et 25 tumeurs à cellules chromophobes, soit les plus vastes populations de patients porteurs de telles tumeurs à être étudiées dans un contexte métastatique. «Les résultats seront intéressants, soutient le Dr Quinn, parce qu’il n’existe actuellement aucun traitement direct pour ces patients.»

La dose totale moyenne était en fait de 677 mg/jour. Les effets indésirables les plus courants étaient le syndrome d’érythrodysesthésie palmo-plantaire, les éruptions cutanées et l’hypertension. Fait digne de mention, le profil de toxicité du sorafenib demeurait comparable, que le traitement ait été administré en première ou en deuxième intention. En résumé, ces résultats ont étayé le bénéfice clinique du sorafenib au sein d’une population qui n’avait pas été sélectionnée aussi rigoureusement.

Discussions sur l’étude TARGET

Les résultats de l’étude TARGET et leur application dans la pratique clinique ont fait l’objet d’autres discussions au cours du congrès. Les résultats des analyses principales et de toutes les analyses secondaires ont révélé que le traitement par le sorafenib pouvait prolonger la SSP, et l’analyse des sujets qui sont passés du placebo au traitement actif a aussi semblé faire ressortir une prolongation de la SG. Cependant, un traitement dont l’objectif est de prolonger la survie plutôt que de guérir le cancer devrait peut-être être évalué selon des critères d’innocuité différents, la prise en charge des effets indésirables étant importante dans la pratique clinique. Au dire du Dr Jürgen Gschwend, Université technique de Munich, Allemagne, «en général, les effets indésirables du sorafenib peuvent être traités et sont réversibles [...] Une bonne communication entre le patient et son médecin est essentielle pour que ces effets indésirables soient décelés le plus tôt possible et traités. Ce faisant, on s’assure d’optimiser la dose de sorafenib et d’offrir aux patients la meilleure qualité de vie possible.»

Résumé

Les résultats des essais cliniques sur le sorafenib sont importants. La SSP était deux fois plus longue chez les patients souffrant d’un cancer du rein avancé qui recevaient le traitement actif que chez les témoins sous placebo, peu importe leur âge et l’administration préalable ou non d’une cytokine. La SG a aussi semblé plus longue. Le diagnostic et le traitement rapides des effets indésirables contribuent à optimiser la qualité de vie des patients.

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