Comptes rendus

Schémas antiémétiques : réduire le risque de vomissements associé au cisplatine au niveau du carboplatine et ainsi faire profiter les patients d’un gain de survie
Sclérose en plaques : le traitement précoce et les mesures favorisant l’observance du traitement sont bénéfiques

Traitement de fond et symptomatique dans un seul et même inhalateur : la stratégie SMART s’impose de plus en plus comme une option valable dans la maÎtrise de l’asthme

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Point de vue sur les articles suivants : Kuna et al. Int J Clin Pract 2007;61(5):725-36. Bousquet et al. Respir Med 2007;101:2437-46. Vogelmeier et al. Eur Respir J 2005;26:819-28.

Revu par : Louis-Philippe Boulet, MD, FRCPC

Institut de cardiologie et de pneumologie Hôpital Laval Québec (Québec)

Professeur titulaire de médecine Université Laval Québec (Québec)

La prévalence de l’asthme au Canada est en hausse chez les deux sexes, quoique prépondérante chez les hommes (Les maladies respiratoires au Canada, Santé Canada, septembre 2001), et on ne constate guère de signes d’amélioration notable de la maîtrise de la maladie. L’enquête Reality of Asthma Control menée par McIvor et al. (Can Fam Physician 2007;53:672-7) a révélé que l’asthme n’était pas maîtrisé chez 53 % des 893 adultes sondés, d’après les critères objectifs définis dans les recommandations de la Conférence canadienne de consensus sur l’asthme. Plus de 80 % des sujets de cette enquête ont indiqué présenter des épisodes d’aggravation de leurs symptômes. La survenue d’exacerbations a entraîné une utilisation des ressources en soins de santé beaucoup plus importante chez les sujets dont l’asthme n’était pas maîtrisé que chez ceux qui obtenaient une bonne maîtrise.

L’Association pulmonaire du Canada maintient également que l’asthme est la principale cause des visites au service des urgences et qu’environ 500 adultes meurent d’asthme chaque année – en dépit des lignes directrices qui, sauf s’il s’agit de formes très légères, recommandent une prise en charge énergique de l’asthme.

En définitive, la maîtrise médiocre de l’asthme a moins à voir avec les médicaments qui sont utilisés qu’avec l’usage, ou le mauvais usage, qu’en font les patients. Dans un article de synthèse visant à mieux cerner l’observance, Lacasse et al. (Can Respir J 2005;12[4]:211-7) ont constaté que moins de la moitié des patients à qui un corticostéroïde en inhalation (CSI) avait été prescrit en traitement de fond prenaient le médicament tel que prescrit, environ un sur quatre ne le prenait presque jamais, et une proportion similaire utilisait l’inhalateur de temps en temps seulement. Entre autres facteurs, la crainte de prendre du poids et de subir d’autres effets indésirables éventuels ainsi que la complexité du traitement peuvent influer sur l’observance.

On voit de plus en plus de praticiens adopter la stratégie qui consiste à traiter l’asthme par une association à doses fixes comportant un CSI et un bêta2-agoniste à longue durée d’action, à laquelle on ajoute un bêta2-agoniste à courte durée d’action pour le soulagement des symptômes. Comme le soulignent Vogelmeier et al. (Eur Respir J 2005;26[(5]:819-28), non seulement ces associations en inhalateur sont-elles plus commodes que le traitement administré dans des inhalateurs distincts, mais elles permettent en outre souvent de maîtriser l’asthme à l’aide de plus faibles doses de CSI que lorsque le CSI est administré seul. Actuellement, deux associations CSI/bêta2-agoniste à longue durée d’action sont commercialisées : budésonide/formotérol et salmétérol/fluticasone; les deux sont utilisées comme traitement de fond et complétées par un bêta2-agoniste à courte durée d’action administré à part, comme médicament de secours.

Des investigateurs ont proposé d’utiliser l’association CSI/bêta2-agoniste à longue durée d’action à la fois pour le traitement de fond et le soulagement des symptômes, évitant ainsi au patient de devoir prendre un bêta2-agoniste à courte durée d’action comme médicament de secours. Cette stratégie simplifiée doit pouvoir offrir un début d’action rapide, étant donné qu’un soulagement rapide des symptômes est incontournable dans la prise en charge de l’asthme.

L’association budésonide/formotérol est le seul traitement qui remplit ces critères, les associations contenant du salmétérol ayant un début d’action plus lent (Eur Respir J 1997;10:2484-9). L’association fixe en inhalation utilisée à la fois pour le traitement de fond et symptomatique – appelée stratégie SMART (Symbicort Maintenance and Reliever Therapy) – présente des caractéristiques et des possibilités intéressantes. Premièrement, l’exposition au bêta2-agoniste ne peut être augmentée sans que l’exposition au CSI ne le soit en concomitance. Si les patients prennent leur médicament de secours parce que leur asthme est moins bien maîtrisé – comme c’est très souvent le cas – ils pourraient de cette manière traiter les exacerbations évolutives à un stade précoce et prévenir une aggravation ultérieure de leur asthme. Deuxièmement, un seul inhalateur suffit à répondre à leurs besoins médicamenteux. Enfin, cette stratégie pourrait être plus économique que les options classiques recommandées.

Stratégies d’association : Études COMPASS, AHEAD et COSMOS

Un nombre croissant de données tendent à montrer que la stratégie SMART permet de maîtriser l’asthme aussi bien que les options de traitement généralement recommandées moyennant des doses globales de CSI souvent inférieures. Trois études pivots ont exploré cette stratégie chez des patients asthmatiques.

Lors de l’étude COMPASS (Kuna et al. Int J Clin Pract 2007;61[5]:725-36), 3335 adolescents et adultes symptomatiques ont été randomisés dans trois cohortes : budésonide/formotérol à 160/4,5 µg, une inhalation 2 f.p.j., plus des inhalations au besoin; salmétérol/fluticasone 25/125 µg en association fixe, deux inhalations 2 f.p.j., plus de la terbutaline; ou association fixe budésonide/formotérol à 320/9 µg, une inhalation 2 f.p.j., plus de la terbutaline, là encore utilisée au besoin. Le paramètre d’évaluation principal était le délai de survenue de la première exacerbation sévère, définie comme une aggravation de l’asthme nécessitant une hospitalisation ou un traitement au service des urgences, ou une corticothérapie orale d’au moins trois jours.

Après 24 semaines, on a constaté que le schéma SMART avait prolongé le délai de survenue de la première exacerbation sévère comparativement à la stratégie association à doses fixes avec bêta2-agoniste à courte durée d’action, le taux de risque (hazard ratio) de survenue d’une première exacerbation sévère ayant été réduit de 33 % (p=0,003) vs l’association salmétérol/fluticasone, et de 26 % vs l’association budésonide/formotérol (p=0,026). Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes à doses fixes quant au délai de survenue de la première exacerbation sévère.

Le schéma SMART a également réduit le nombre total d’exacerbations sévères de 39 % par rapport à l’association à doses fixes salmétérol/fluticasone (p<0,001) et de 28 % par rapport à l’association à doses fixes budésonide/formotérol (p=0,0048). Par ailleurs, le nombre total d’hospitalisations/visites au service des urgences était moins élevé dans les deux groupes budésonide/formotérol que dans le groupe salmétérol/fluticasone, mais la différence entre ces deux premiers groupes n’était pas significative du point de vue statistique.

Comparativement aux deux associations à doses fixes, le schéma SMART a réduit de 41 à 45 % le nombre de jours de traitement par des stéroïdes oraux et de 38 à 61 % le nombre de jours d’épisodes d’exacerbation nécessitant une hospitalisation/visite au service des urgences. Les trois schémas étaient comparables sur les plans du soulagement des symptômes et de la fonction pulmonaire. Les trois ont été aussi bien tolérés les uns que les autres. Différence digne de mention cependant, le schéma SMART a amélioré la maîtrise de l’asthme au prix d’une dose régulière de l’agent de fond de l’association CSI/agoniste à longue durée d’action 50 % moins élevée que les deux autres schémas.

Résultats de l’étude AHEAD

Dans le cadre du volet canadien – dont j’étais l’investigateur principal – de l’étude AHEAD récemment publiée (Bousquet et al. Respir Med 2007;101:2437-46), nous avons randomisé 2309 patients qui avaient présenté au moins une exacerbation au cours de l’année précédente dans un groupe soumis à la stratégie SMART % association budésonide/formotérol 160/4,5 µg, administrée cette fois à raison de deux inhalations 2 f.p.j., plus des inhalations au besoin % et un groupe soumis au schéma à forte dose salmétérol/fluticasone 50/500 µg, une inhalation 2 f.p.j., plus de la terbutaline au besoin. Le traitement s’est poursuivi durant six mois.

Comme dans l’étude COMPASS, le paramètre d’évaluation principal était le délai de survenue de la première exacerbation sévère, définie de manière identique. Les paramètres secondaires comprenaient le taux d’exacerbations sévères, l’intervalle précédant la première hospitalisation ou visite au service des urgences et le taux d’hospitalisations ou de visites au service des urgences.

Après six mois, on n’a pas constaté de prolongation significative du délai de survenue de la première exacerbation sévère dans le groupe SMART. Néanmoins, le schéma SMART tendait à retarder la première exacerbation ainsi que les exacerbations subséquentes et a été associé à une réduction de 21 % du taux global d’exacerbations (25 événements/100 patients/année) comparativement au schéma fortement dosé salmétérol/fluticasone plus bêta2-agoniste à courte durée d’action (31 événements/100 patients/année [p=0,039]). La stratégie SMART a également réduit le risque d’hospitalisation ou de traitement au service des urgences de 36 % vs le groupe de comparaison, et de 31 % le taux d’hospitalisations/traitements au service des urgences (p=0,046).

Il est à noter cependant qu’une amélioration équivalente de la maîtrise de l’asthme a été obtenue sous l’effet d’une dose quotidienne moyenne de CSI 38 % moins élevée dans le groupe budésonide/formotérol que dans le groupe salmétérol/fluticasone, différence qui était significative (p<0,0001). De plus, les patients du groupe SMART ont eu besoin de moins de jours de corticothérapie orale en raison d’exacerbations (764 jours) que les patients du groupe de comparaison (990 jours). La fréquence des effets indésirables graves était très peu élevée et similaire dans les deux groupes. Reflétant là encore les résultats de l’étude COMPASS, les deux traitements ont été associés à une amélioration similaire quant au nombre de jours sans symptômes, qui est passé d’un maximum d’environ 6 jours au départ à environ 44 jours au terme de l’étude. Aucune différence n’a été relevée entre les deux groupes sur le plan de l’augmentation du VEMS ni de l’utilisation du traitement au besoin.

Nous avons en outre observé un phénomène intéressant chez les participants de l’étude AHEAD. Lorsque la maîtrise de l’asthme se dégradait, le schéma SMART apportait une protection supplémentaire contre les exacerbations comparativement au schéma fortement dosé salmétérol/fluticasone plus bêta2-agoniste à courte durée d’action. Cette observation laisse à penser que la stratégie SMART pourrait être particulièrement bénéfique pour les patients qui n’obtiennent pas une maîtrise optimale de l’asthme, présentent une forme plus active de la maladie ou sont exposés à davantage de facteurs déclenchants. De plus, le traitement axé sur la stratégie SMART coûtait, au Canada, 24 % moins cher que l’autre schéma (p<0,001).

Résultats corroborés par l’étude COSMOS

Une étude antérieure avait également validé la pertinence de la stratégie SMART par rapport au schéma salmétérol/fluticasone. Lors de l’étude COSMOS (Vogelmeier et al. Eur Respir J 2005;26:819-28), 2143 adolescents et adultes ont été randomisés en vue de recevoir pendant 12 mois un schéma SMART (budésonide/formotérol 160/4,5 µg, deux inhalations 2 f.p.j., plus des inhalations au besoin) ou le schéma salmétérol/fluticasone 50/250 µg 2 f.p.j., plus du salbutamol au besoin. Comme il s’agissait d’une étude ouverte, les investigateurs pouvaient ajuster à la hausse ou à la baisse la dose de l’agent de fond de l’un ou l’autre schéma, selon les besoins du patient.

À 12 mois, le risque d’exacerbation sévère était 25 % moins élevé dans le groupe SMART que dans le groupe de comparaison. Le schéma budésonide/formotérol en traitement de fond et de secours a également réduit de 22 % le taux total d’exacerbations sévères vs le schéma salmétérol/fluticasone. La diminution du fardeau global des exacerbations autorisée par la stratégie SMART se détaillait comme suit : nombre de jours total des épisodes d’exacerbation sévère de toute durée, baisse de 36 %; consultations médicales non prévues, baisse de 24 %; jours de corticothérapie orale en raison d’exacerbations sévères, baisse de 34 %; visites au service des urgences, baisse de 16 %; et jours d’hospitalisation, baisse de 37 %. L’amélioration de la maîtrise de l’asthme observée dans le groupe SMART ne s’expliquait pas par une utilisation trop fréquente du médicament de secours, puisque, pendant toute la durée l’étude, cette utilisation était 38 % moins importante que dans le groupe de comparaison.

Points de repère pour la prise en charge de l’asthme

À la lumière des résultats de notre propre étude ainsi que d’autres travaux, on peut dégager plusieurs observations cliniquement pertinentes susceptibles d’être utiles pour orienter la prise en charge de l’asthme.

L’étude AHEAD a révélé que les patients comptent souvent beaucoup sur leur médicament de secours et que la surutilisation est fréquemment associée à l’imminence d’une exacerbation. Nombre de cliniciens recommandent de doubler la dose du CSI devant l’imminence d’une exacerbation, mais plusieurs études montrent que cette stratégie n’est pas toujours efficace.

Ainsi, selon une étude menée par Harrison et al. (Lancet 2004;363:271-5), le doublement de la dose du CSI face à une diminution du débit expiratoire de pointe ou à une aggravation des symptômes n’a guère amélioré la maîtrise de l’asthme et n’a pas réduit le besoin de stéroïdes oraux. Rabe et al. (Chest 2006;129:246-56) rapportent également que l’incidence des exacerbations sévères était moins élevée chez les patients recevant une association CSI à faible dose/bêta2-agoniste à longue durée d’action à la fois comme traitement de fond et de secours que les patients recevant une dose plus forte de budésonide comme traitement de fond avec un bêta2-agoniste à courte durée d’action comme médicament de secours.

Il peut être préférable, lorsqu’une exacerbation se déclare, d’augmenter la dose initiale du CSI de plus du double – comme cela doit être précisé dans le plan d’auto-prise en charge du patient – mais chez les patients qui prennent du budésonide/formotérol, l’utilisation de cette association comme traitement de fond et de secours pourrait résoudre le problème du traitement sous-optimal de l’asthme durant les périodes de maîtrise médiocre de la maladie, ne serait-ce qu’en raison de la plus forte exposition de ces patients à un agent anti-inflammatoire chaque fois qu’ils recherchent un soulagement de leurs symptômes.

Évaluation des facteurs déclenchants

Une fois le diagnostic d’asthme établi, il n’est pas suffisant d’amorcer un traitement en se fondant sur la gravité de la maladie et sur l’utilisation des soins de santé. Le médecin doit aussi évaluer le rôle des facteurs déclenchants particuliers de l’asthme – notamment, le tabagisme et l’exposition aux agents présents dans le milieu de travail – et rechercher la présence de facteurs de comorbidité et d’allergies. L’éducation du patient est en outre d’une importance cruciale pour la maîtrise adéquate de l’asthme; elle devrait idéalement être amorcée par le médecin et renforcée par un éducateur spécialisé en asthme.

Dans la mesure du possible, on doit simplifier le traitement pour améliorer l’observance. Il importe que les patients comprennent le mécanisme par lequel les médicaments soulagent leurs symptômes et atténuent les exacerbations, et soient conscients qu’une dégradation de la maîtrise de l’asthme résulte en grande partie d’une prise en charge inadéquate. Le médecin doit donc insister sur l’importance de l’observance et évaluer l’adhésion du patient au schéma de traitement en veillant à dissiper toute inquiétude qu’il pourrait avoir.

Les mesures de contrôle de l’environnement sont un autre facteur essentiel à une maîtrise optimale. Par exemple, les patients doivent savoir que les allergènes domestiques peuvent précipiter une détérioration de la maîtrise de l’asthme, tandis que le tabagisme contribue à la fois à diminuer la maîtrise de la maladie et à réduire l’efficacité du traitement par un CSI, un double préjudice qui fait de l’arrêt du tabagisme une cible majeure dans la prise en charge des maladies des voies respiratoires supérieures.

Les dernières lignes directrices canadiennes ne recommandent pas encore l’utilisation de l’association budésonide/formotérol en traitement de fond et de secours pour la prise en charge de l’asthme dont la gravité dépasse les formes légères. Néanmoins, la logique de cette stratégie est admise par au moins certains organismes, notamment dans les recommandations GINA (Global Initiative for Asthma). Le consensus mondial indique aussi que d’autres groupes d’experts considèrent ces recommandations comme appropriées, étant donné le sérieux des données probantes étayant les mérites de la stratégie SMART. À vrai dire, pour la plupart des spécialistes de l’asthme, la stratégie SMART fait déjà partie des options considérées lors du choix individualisé du traitement optimal.

Je suis donc persuadé que, dès qu’elles seront officiellement publiées, les lignes directrices canadiennes refléteront la pratique actuelle et tiendront compte des études pivots réalisées à ce jour qui indiquent que la stratégie SMART est une option de traitement valable susceptible d’améliorer la maîtrise de l’asthme et de contribuer à prévenir les exacerbations sévères chez de nombreux patients.

Nota : Au Canada, l’association budésonide/formotérol est homologuée aux doses suivantes : 100 ug/6 ug, 200 ug/6 ug et 400 ug/12 ug.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.