Comptes rendus

Progression logique vers l’optimisation du traitement de l’ostéoporose
Stratégies pour le traitement des infections nosocomiales résistantes

Traitement des mycoses et de la neutropénie connexe

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Conférence annuelle de 2006 de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie (AMMI) Canada et de l’Association canadienne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (CACMID)

Victoria, Colombie-Britannique / 15-19 mars 2006

Il a été question au congrès de la nouvelle orientation que prend le traitement de la neutropénie et des mycoses invasives. Si la neutropénie fébrile est un problème assez rare au sein de la population générale, son incidence est beaucoup plus élevée dans certaines populations, comme les patients en chimiothérapie ou immunodéprimés pour une autre raison.

Suivi de la neutropénie fébrile

Pour combattre une maladie, on doit d’abord évaluer et comprendre sa prévalence. Dans le cas de la neutropénie fébrile, certaines tendances observables se dégagent au Canada. L’une des études présentées au congrès avait pour objectif de déterminer la prévalence, par province, des mycoses nosocomiales associées à une neutropénie fébrile. Pour ce faire, les auteurs se sont servis des statistiques sur les congés d’hôpitaux de 2001 de l’Institut canadien d’information sur la santé afin d’examiner les diagnostics de neutropénie, de candidose invasive et d’aspergillose invasive, d’après leurs codes respectifs dans la Classification internationale des maladies (CIM-9 et CIM-10). Comme la neutropénie fébrile ne fait pas l’objet d’un code unique dans la CIM, les auteurs se sont inspirés des statistiques publiées dans la littérature pour calculer la proportion de cas fébriles dans l’ensemble de la population neutropénique.

Il est ressorti des résultats de l’étude que, en 2001, 0,055 % de la population canadienne totale (17 129 cas) a reçu un diagnostic de neutropénie. Une analyse régionale a montré que l’incidence variait énormément d’une province à l’autre : de 0,013 % (quatre cas) dans le Territoire du Yukon à 0,084 % (6189 cas) au Québec (cette disparité pourrait s’expliquer par des différences interprovinciales quant aux codes de traitement ou de diagnostic utilisés en oncologie). L’étude a aussi permis de calculer les taux de candidose invasive et d’aspergillose invasive : au total, on a dénombré 5535 cas de candidose invasive, soit 0,018 % de la population canadienne, et 892 cas d’aspergillose invasive, soit 0,003 % de la population canadienne. Les chercheurs ont aussi constaté que l’incidence de la candidose invasive et celle de l’aspergillose invasive étaient beaucoup plus élevées (68 fois et 50 fois, respectivement) chez les patients recevant un diagnostic de neutropénie et devant le plus souvent être hospitalisés, qu’au sein de la population générale.

Les auteurs ont ensuite extrapolé les données pour projeter l’incidence de la neutropénie et de la neutropénie fébrile pendant la période 2005-2007. Selon les données de 2001, on estime que plus de 17 000 Canadiens recevront chaque année un diagnostic de neutropénie et que la neutropénie s’accompagnera de fièvre dans plus de 7000 de ces cas.

Compte tenu de ces statistiques et des projections, les investigateurs estiment que des antifongiques sûrs et efficaces permettant de répondre à l’augmentation prévue de la demande devraient être mis à la disposition des médecins dans chaque province. Une meilleure compréhension de l’incidence pourrait aider les autorités à estimer les coûts associés à la maladie et possiblement à mieux circonscrire les éclosions futures en s’assurant de fournir les ressources appropriées pour le traitement.

Évaluation des coûts du traitement

Dans une autre présentation, on a tenté d’évaluer les vastes retombées pharmacoéconomiques du traitement antifongique, y compris le coût à long terme des soins associés à la néphrotoxicité. De l’avis de certains chercheurs, on devrait prendre en compte les coûts indirects dans les coûts totaux que doit assumer le système de santé ainsi que les retombées éventuelles sur l’issue clinique. Ces chercheurs se sont penchés sur les résultats cliniques obtenus avec tous les antifongiques indiqués au Canada pour le traitement empirique de la neutropénie fébrile. En tenant compte du coût du traitement, de l’ampleur approximative de la néphrotoxicité iatrogène et du coût moyen du traitement de la neutropénie chez un patient, ils ont évalué le coût moyen de chaque option de traitement. «Le coût est un facteur clé lorsqu’on envisage diverses options de traitement, affirme le Dr Coleman Rotstein, professeur titulaire de médecine; directeur, division des maladies infectieuses, McMaster University, et chef, service des maladies infectieuses, Hamilton Health Sciences, Henderson Site, Ontario.

Rôle des échinocandines

L’amphotéricine B figure parmi les antifongiques traditionnels, même si elle est reconnue pour entraîner des effets néphrotoxiques qui limitent son utilisation sur de longues périodes. Au nombre des nouveaux traitements, des antifongiques de la nouvelle classe des échinocandines se sont révélés prometteurs à la fois contre les champignons des genres Aspergillus et Candida dans un vaste éventail d’indications, comme le traitement de la candidose invasive (Mora-Duarte et al. N Engl J Med 2002;347[25]:2020-9) et de la neutropénie fébrile connexe (Walsh et al. N Engl J Med 2004;351[14]:1391-402) et le traitement de sauvetage de l’aspergillose invasive (Maertens et al. Clin Infect Dis 2004;39[11]:1563-71). Les échinocandines agissent en perturbant la formation de la paroi cellulaire des champignons pathogènes. Comme les cellules humaines et d’autres types de cellules mammaliennes ne participent pas à la formation de la paroi cellulaire, elles ne sont pas les cibles directes du traitement par une échinocandine, d’où la possibilité d’une diminution de la toxicité ou des effets indésirables par rapport aux antifongiques traditionnels.

De l’avis du Dr Rotstein et de ses collègues, le Dr Gary Garber, professeur titulaire de médecine, Université d’Ottawa, et chef, division des maladies infectieuses, Hôpital d’Ottawa, Ontario, et Daniel Thirion, PharmD, professeur adjoint de clinique, faculté de pharmacie, Université de Montréal, et pharmacien, Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, Québec, le traitement par la caspofungine comporte certains avantages. D’une part, celle-ci est efficace parce qu’elle s’administre par voie intraveineuse et entraîne moins de toxicité que l’amphotéricine B traditionnelle. D’autre part, elle occasionne moins d’interactions médicamenteuses délétères et pourrait être indiquée pour le traitement de toutes les candidémies et de la neutropénie fébrile ainsi que pour le traitement de sauvetage de l’aspergillose invasive. La caspofungine est indiquée contre un vaste éventail de champignons du genre Candida, dont C. galbrata et C. krusei. Dans le cas de l’aspergillose invasive, la caspofungine pourrait être utilisée en association avec le voriconazole.

Des chercheurs qui tentaient de calculer uniquement les coûts directs ont constaté que l’acétate de caspofungine est l’agent le plus coûteux, son coût annuel étant estimé à 5847 $ (en dollars canadiens, valeur de 2003). Cependant, si l’on opte pour une évaluation plus complète des coûts totaux du traitement, c’est-à-dire le coût d’achat du médicament et le coût du traitement de la néphrotoxicité (Bates et al. Clin Infect Dis 2001;32[5]:686-93), l’acétate de caspofungine est en fait le moins coûteux. Son coût total se chiffre à 7092 $, incluant un coût indirect peu élevé (1245 $) pour le traitement de la néphrotoxicité, par comparaison à un coût total de 16 589 $ pour le traitement traditionnel par l’amphotéricine B (454 $ pour le coût direct du médicament et 16 135 $ pour le coût indirect du traitement de la néphrotoxicité). Les investigateurs ont observé que le traitement traditionnel par l’amphotéricine B peut coûter jusqu’à 134 % de plus que le traitement par la caspofungine. Si l’on pousse la comparaison encore plus loin, on estime que le coût annuel du traitement par l’amphotéricine B liposomique varierait entre 15 032 $ et 19 978 $ (9526 $ à 11 025 $ pour le coût direct du médicament et 5506 $ à 8953 $ pour le coût indirect du traitement de la néphrotoxicité). Comme on estime que 7425 Canadiens souffriront de neutropénie fébrile chaque année, le coût imposé au système de santé prend une ampleur importante. Si l’on tient compte de tous les coûts, directs et indirects, sans oublier l’issue clinique, les nouveaux traitements comme la caspofungine qui entraînent moins d’effets néphrotoxiques pourraient permettre de réaliser des économies à long terme.

En conclusion, de l’avis du Dr Rotstein et de ses collègues, le Dr Garber et M. Thirion, on aurait intérêt à privilégier la caspofungine plutôt que l’amphotéricine B dans le traitement de première intention de la candidémie, car elle permettrait de réaliser en moyenne des économies de plus de 700 $ par patient en raison de son risque moindre d’insuffisance rénale.

Résumé

Les souches de champignons étant de plus en plus résistantes aux traitements traditionnels, un éventail plus vaste d’options thérapeutiques efficaces s’impose. Les nouveaux antifongiques, comme la caspofungine, peuvent être utilisés en monothérapie ou en association pour potentiellement cibler ces souches résistantes tout en réduisant le risque de néphrotoxicité, surtout par comparaison à l’amphotéricine B traditionnelle.

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