Comptes rendus

Traitement des mycoses et de la neutropénie connexe
Effet protecteur des anesthésiques halogénés sur les organes

Stratégies pour le traitement des infections nosocomiales résistantes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Conférence annuelle de 2006 de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie (AMMI) Canada et de l’Association canadienne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (CACMID)

Victoria, Colombie-Britannique / 15-19 mars 2006

Il est essentiel de bien comprendre l’ampleur de l’antibiorésistance pour trouver des solutions éventuelles, tant pour prévenir les infections que pour les guérir. De l’avis du Dr Coleman Rotstein, professeur titulaire de médecine, directeur, division des maladies infectieuses, McMaster University, et chef, service des maladies infectieuses, Hamilton Health Sciences, Henderson Site, Ontario, «la prévalence des souches nosocomiales et extra-hospitalières de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline [SARM] est à la hausse», surtout dans les infections cutanées.

Les infections nosocomiales ont généralement pour effet d’augmenter la morbi-mortalité, de prolonger le séjour à l’hôpital et d’augmenter le coût total des soins de santé. Les agents pathogènes courants sont de plus en plus résistants aux antibiotiques traditionnels. Par exemple, en raison d’une évolution récente de son profil épidémiologique, SARM est une menace de plus en plus inquiétante, en milieu hospitalier et ailleurs (McDonald LC. Clin Infect Dis 2006;42[Suppl 2]: S65-S71). De nombreuses bactéries à Gram positif, à Gram négatif et anaérobies sont devenues résistantes aux antimicrobiens d’usage courant comme les ß-lactamines (pénicilline et céphalosporines), les fluoroquinolones et les macrolides (Zhanel et al. Expert Rev Anti Infect Ther 2006;4[1]: 9-25). Le Dr Rotstein a fait état de ces problèmes et cité à l’appui de ses dires une étude montrant que «les complications infectieuses des pontages aortocoronariens sont la raison première du retour à l’hôpital».

Infections nosocomiales : considérations épidémiologiques

Dans le cadre de l’étude de surveillance CAN-ICU (Canadian Intensive Care Unit Surveillance Study) en cours, des unités de soins intensifs (USI) de partout au Canada collaborent pour évaluer la prévalence des agents pathogènes antibiorésistants ainsi que l’efficacité de certains antimicrobiens.

«L’étude CAN-ICU a mis en évidence d’énormes différences entre les centres hospitaliers», souligne le Dr George Zhanel, professeur titulaire, département de microbiologie et des maladies infectieuses, University of Manitoba, et coordonnateur, programme de résistance aux antimicrobiens, Health Sciences Centre, Winnipeg. «Vous devez savoir ce qui se passe dans votre propre hôpital», insiste le Dr Zhanel.

Le Dr Donald E. Low, professeur titulaire, University of Toronto, et directeur médical, direction des laboratoires de santé publique de l’Ontario, et ses collègues ont évalué l’activité de la tigécycline, nouvelle glycylcycline dont l’activité contre un grand nombre d’agents pathogènes à Gram positif et à Gram négatif résistants présents dans les USI a été confirmée. Cette étude – qui regroupait 20 USI de centres hospitaliers de soins tertiaires – pouvait inclure jusqu’à 250 isolats d’agents pathogènes par centre (un agent pathogène par culture, par patient). Les isolats considérés comme cliniquement importants provenaient des voies respiratoires, du sang/des sites stériles, des voies urinaires et des plaies/sites de ponction intraveineuse (i.v.); les micro-organismes anaérobies, les champignons et les levures étaient exclus de l’étude.

Pour évaluer l’activité de la tigécycline, les chercheurs classaient les agents pathogènes selon leur sensibilité à cette dernière (sensibles [S], de sensibilité intermédiaire [I] ou résistants [R]) selon les seuils suivants (µg/mL) : S. aureus et SARM : £0,5 (S); bactéries du genre Enterococcus : £0,25 (S); bactéries de la famille des Enterobacteriaceae : £2,0 (S), 4,0 (I) et ³8,0 (R). Les seuils utilisés pour les bactéries de la famille des Enterobacteriaceae ont aussi servi pour Pseudomonas aeruginosa, Stenotrophomonas maltophilia et les bactéries du genre Acinetobacter.

L’étude visait à évaluer les effets de la glycylcycline et des antibiotiques de comparaison sur 3368 isolats. Ces isolats étaient subdivisés, puis mis en culture dans les milieux appropriés, après quoi la concentration minimale inhibitrice était déterminée. Après incubation, l’activité in vitro des antibiotiques suivants était évaluée par microdilution en bouillon : tigécycline, pipéracilline/tazobactam, céfazoline, ceftriaxone, céfépime, gentamicine, ciprofloxacine, lévoflaxacine, méropénem et vancomycine. La sensibilité était ensuite déterminée d’après les lignes directrices du Clinical and Laboratory Standards Institute (2006). La sensibilité à la tigécycline des agents pathogènes les plus courants en USI a été établie comme suit : S. aureus : 100 % (n=571); Escherichia coli : 100 % (n=453), P. aeruginosa : 2,1 % (n=352); bactéries du genre Enterococcus : 100 % (n=208); Klebsiella pneumoniae : 95,4 % (n=183); SARM : 100 % (n=154); S. maltophilia : 69,1 % (n=88); et bactéries du genre Acinetobacter : 91,7 % (n=24).

Les chercheurs ont conclu que la tigécycline est très active contre SARM, les bactéries du genre Enterococcus (y compris les entérocoques résistants à la vancomycine ou ERV) et les bactéries de la famille des Enterobacteriaceae, y compris les bactéries productrices de ß-lactamases à spectre étendu. En particulier, l’étude a révélé que cette glycylcycline est active contre S. maltophilia (sensibilité de 69,1 %) et les bactéries du genre Acinetobacter (sensibilité de 91,7 %), mais qu’elle n’est pas aussi efficace contre P. aeruginosa (sensibilité de 2,1 %). Ils ont aussi conclu que, compte tenu du profil de sensibilité d’un vaste éventail d’agents pathogènes et par comparaison à l’activité d’autres antibiotiques, ce nouvel antibiotique semble prometteur pour la lutte contre de nombreux agents pathogènes isolés dans les USI.

«En outre, il a été démontré que la tigécycline est efficace dans le traitement des infections à bactéries Gram négatif résistantes, comme E. coli et Klebsiella», de conclure le Dr Low.

Agents pathogènes menaçants

Malgré ces différences, les USI ont plusieurs points en commun, comme l’ont montré les résultats de l’étude CAN-ICU. «L’agent pathogène le plus répandu dans tous les centres est S. aureus», rapporte le Dr Zhanel. Dans l’étude CAN-ICU, S. aureus sensible à la méthicilline (SASM) représentait 17,0 % de tous les isolats (n=571). Si l’on tenait compte également de l’incidence de SARM, S. aureus représentait plus de 20 % de tous les isolats provenant des USI.

Toujours selon les résultats de cette étude, les infections signalées chez les patients séjournant aux USI touchent le plus souvent les voies respiratoires (n=1844, 54,8 %), le sang et les sites stériles (n=556, 16,5 %), les plaies et les sites de ponction i.v. (n=476, 14,1 %) et les voies urinaires (n=492, 14,6 %).

Ces données sont compatibles avec celles qu’a présentées le Dr Rotstein, qui a discuté des infections de la peau et des tissus mous compliquées en Amérique du Nord et en Europe. Des études ont révélé que l’on retrouve les mêmes agents pathogènes dans ces deux régions. Le plus courant, S. aureus, était à l’origine d’environ 40 % des infections; venaient ensuite P. aeruginosa, les bactéries du genre Enterococcus, E. coli, les bactéries du genre Enterobacter et les streptocoques ß-hémolytiques.

Des chercheurs ont constaté que les agents pathogènes présents dans les USI affichent une résistance d’environ 10 % à l’association pipéracilline/tazobactam et au méropénem. L’étude CAN-ICU a aussi permis de constater que les isolats provenant des USI de partout au Canada affichent une résistance d’environ 20 % aux céphalosporines de troisième génération, aux fluoroquinolones et à la gentamicine. Ces résultats soulignent la nécessité d’outils supplémentaires pour combattre ces agents pathogènes menaçants.

Options récentes et moins récentes

Le Dr Low a aussi décrit les tendances de la résistance aux antimicrobiens dans les infections nosocomiales. Les agents pathogènes les plus inquiétants sont les bactéries de la famille des Enterobacteriaceae, P. aeruginosa, les bactéries du genre Acinetobacter, SARM, les ERV et les bactéries du genre Bacteroides. Pour combattre les infections par des micro-organismes multi-résistants dont le Dr Low a parlé, certains traitements associent des antimicrobiens établis et des antimicrobiens récents. Les polymyxines, comme la colistine, sont au nombre des antimicrobiens traditionnels utilisés dans la lutte contre les agents pathogènes posant problème. Les polymixines ciblent la membrane cellulaire de la bactérie et sont principalement excrétées par le rein. La colistine, en particulier, est reconnue pour être active contre les bactéries du genre Acinetobacter, P. aeruginosa et les bactéries de la famille des Enterobacteriaceae. Les effets indésirables de la colistine incluent la néphrotoxicité et la neurotoxicité.

Les nouveaux agents comme l’ertapénem et la tigécycline sont moins toxiques, précise le Dr Low. L’ertapénem, membre de la classe des carbapénèmes, fait preuve d’une excellente activité clinique dans les indications pour lesquelles il est approuvé et ne comporte pas de risque connu d’interactions médicamenteuses. Il peut être administré une fois par jour et entraîne peu de toxicité. Cela dit, il n’est pas indiqué pour le traitement des infections à P. aeruginosa. La tigécycline peut être recommandée en monothérapie pour des indications comme les infections cutanées et abdominales, la pneumonie et les infections antibiorésistantes. Des données provenant d’études de phase III ont permis de constater que cet antibiotique, qui a été conçu pour exercer une action à large spectre, entraîne peu d’effets indésirables.

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