Comptes rendus

Observance thérapeutique et état de santé général des patients psychotiques : atouts et obstacles
Atteinte et maintien du taux cible de LDL : les résultats d’une étude le confirment

Étude SEAS : Données d’innocuité et d’efficacité

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès de la Société européenne de cardiologie de 2008

Munich, Allemagne / 30 août-3 septembre 2008

Les résultats de l’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis) présentés au congrès et publiés en ligne simultanément ont révélé que les lipides ne sont pas un médiateur clé des événements chez les patients qui ont développé un rétrécissement aortique (Rossebo et al. N Engl J Med 2 sept 2008; publication en ligne avant impression). L’hypothèse de l’étude SEAS s’en trouve réfutée, et il est à prévoir que des résultats comme ceux-là seront de plus en plus fréquents. Le succès du traitement hypolipidémiant obtenu chez des patients présentant une maladie cardiovasculaire (CV) traditionnelle a donné lieu à la tenue d’études sur un grand nombre de nouvelles applications où le bénéfice semblait moins certain. Le rétrécissement aortique est l’une d’elles.

«Les statines sont extraordinaires, mais on les pousse au-delà de leurs limites. C’est beaucoup demander d’un agent hypolipidémiant qui a déjà fait ses preuves à maintes reprises», affirme le Dr Eugene Braunwald, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. Cardiologue de renom invité par la Société européenne de cardiologie pour discuter des résultats de l’étude SEAS immédiatement après leur présentation, le Dr Braunwald a déclaré : «[Cet] essai répond clairement par la négative à la question intéressante que nous nous posions, c’est-à-dire : [un traitement hypolipidémiant intensif peut-il prévenir la survenue d’événements en présence d’un rétrécissement aortique léger ou modéré?] On se demande maintenant si le traitement hypolipidémiant aurait été plus efficace à titre préventif s’il avait été amorcé plus tôt.»

L’étude SEAS confirme l’intérêt d’une baisse des taux lipidiques

Le Dr Braunwald insiste pour dire que l’absence d’activité du traitement dans de nouvelles applications comme celle qui a été évaluée dans l’étude SEAS ne modifie en rien le bénéfice démontré dans les applications établies. Comme d’autres experts, il insiste pour dire que les taux cibles recommandés aux fins de prévention secondaire chez les patients souffrant d’une maladie CV établie ou les patients diabétiques, et aux fins de prévention primaire en présence de facteurs de risque sont fondés sur des données solides et demeurent inchangés. L’atteinte de ces taux cibles ne passe pas obligatoirement par les statines, quoique celles-ci soient recommandées en première intention pour abaisser le taux de LDL en raison de leur innocuité et de leur efficacité. Le Dr Braunwald est néanmoins un tenant du traitement d’association, comme celui qui a été administré lors de l’étude SEAS, dans les cas où l’association s’impose pour assurer l’atteinte et le maintien du taux cible de LDL.

Dans l’étude SEAS, 1873 patients présentant un rétrécissement aortique asymptomatique léger ou modéré ont été randomisés de façon à recevoir, à double insu, soit 40 mg de simvastatine plus 10 mg d’ézétimibe, soit un placebo. Le paramètre principal regroupait le décès d’origine CV, le remplacement de la valve aortique, l’infarctus du myocarde non mortel, l’hospitalisation pour cause d’angine instable, l’insuffisance cardiaque, la réalisation de pontages aortocoronariens, l’intervention coronarienne percutanée et l’AVC non hémorragique. Les patients ont été suivis pendant une médiane de 52,2 mois, et le suivi a atteint sept ans dans certains cas.

«Le traitement a été plutôt efficace. En huit semaines, le taux de LDL a baissé en moyenne de 61,3 % alors qu’il est resté inchangé dans le groupe placebo», explique le Dr Terje R. Pedersen, Centre de santé préventive, Hôpital universitaire d’Ullevaal, Université d’Oslo, Norvège. Au fil du suivi de plus de quatre ans, le taux de LDL a baissé en moyenne de 53,8 % dans le groupe simvastatine-ézétimibe vs 3,8 % dans le groupe placebo.

L’incidence du paramètre principal était plus faible dans le groupe traité (35,3 %) que dans le groupe placebo (38,2 %), mais l’écart n’a pas atteint le seuil de signification statistique (taux de risque [HR, pour hazard ratio] de 0,96 %, IC à 95 % : 0,83-1,112; p=0,59). La comparaison des événements spécifiques a révélé que le traitement hypolipidémiant intensif n’avait exercé quasiment aucun effet sur les remplacements de valve aortique (28,3 % vs 29,9 %), quoiqu’il ait généré une réduction significative de 22 % du risque relatif d’événement CV ischémique (15,7 % vs 20,1 %, HR de 0,78, IC à 95 % : 0,63-0,97; p=0,02). Bien que les écarts n’aient pas atteint le seuil de signification statistique, peut-être en raison d’un petit nombre d’événements dans bien des cas, on a observé un avantage numérique en faveur du traitement hypolipidémiant pour la vaste majorité des paramètres CV.


Thèse d’un taux anormal de cancers écartée

Contre toute attente, on a annoncé il y a plus de un mois que le traitement hypolipidémiant intensif, par comparaison à un placebo, avait été associé à une augmentation du risque de cancer dans l’étude SEAS et que l’écart entre les deux groupes avait tout juste atteint le seuil de signification statistique (4,1 % vs 2,5 %; p=0,05). Les chercheurs se sont alors empressés d’évaluer d’autres données afin de déterminer si ce risque avait été négligé auparavant ou s’il n’était que le fruit du hasard. Ces analyses subséquentes ont toutes convergé vers une même conclusion, à savoir que ce résultat était une anomalie. Une analyse sous la direction du Pr Richard Peto, professeur titulaire de biostatistique et d’épidémiologie, University of Oxford, Royaume-Uni – qui regroupait plus de 20 000 sujets d’essais cliniques et dont les résultats ont été publiés en ligne en même temps que ceux de l’étude SEAS – a révélé que les données «ne recelaient aucune preuve solide d’un effet de l’ézétimibe sur les taux de cancer» (Peto et al. N Engl J Med 2 sept 2008; publication en ligne avant impression).

Le Dr Braunwald en est venu à la même conclusion. Outre les données publiées dans le New England Journal of Medicine, il a cité quelques raisons pour lesquelles la thèse d’un risque accru de cancer ne tient pas la route. D’abord, les auteurs rapportent l’absence d’un type particulier de cancer et rappellent à juste titre que plusieurs facteurs peuvent être à l’origine d’un seul type de cancer. Deuxièmement, et c’est là un fait encore plus important, le risque de cancer n’a pas augmenté au fil du temps, «ce qui aurait été normal si le traitement avait à l’origine du cancer», ajoute le Dr Braunwald.

Abaisser les taux lipidiques d’abord et avant tout

Les résultats de l’étude SEAS – et c’est là un enjeu tout aussi important – ne doivent pas amener les médecins à relâcher les efforts qu’ils déploient pour atteindre les taux cibles actuels de LDL, soutient le Dr Braunwald. Plusieurs autres experts, dont le Dr Lawrence Leiter, chef de la division de l’endocrinologie et du métabolisme, St. Michael’s Hospital, et professeur titulaire de médecine, University of Toronto, Ontario, et le Dr Pedersen, ont insisté sur ce point. Bien que les statines soient très efficaces pour abaisser le taux de LDL, affirme le Dr Leiter, une statine administrée seule n’abaisse pas suffisamment le taux de LDL chez un grand nombre de patients, surtout ceux qui sont exposés à un risque élevé, dont les taux cibles sont les plus bas. D’autres agents, comme la niacine, peuvent conférer une baisse supplémentaire du taux de LDL s’ils sont associés à une statine; c’est aussi le cas de l’ézétimibe qui, même administré à une dose assez faible, peut donner lieu à une réduction marquée du taux de LDL sans causer d’effets indésirables supplémentaires ou presque lorsqu’il est ajouté à une statine.

«Les nombreuses études sur le traitement hypolipidémiant ont montré fois après fois que nous avons intérêt à viser un taux de LDL toujours plus bas», rappelle le Dr Pedersen, auteur principal de l’essai phare 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study). «Notre mission est de sauver des vies en nous assurant que les patients très vulnérables aux maladies CV atteignent leur taux cible.»

Les agents hypolipidémiants étant actuellement étudiés dans diverses applications qui ne découlent pas directement des événements vasculaires, d’autres résultats décevants sont à prévoir. Les résultats de l’étude SEAS ne sont probablement pas liés à l’agent étudié en tant que tel, mais au simple fait que le traitement hypolipidémiant n’est pas bénéfique dans cette population. Là encore, il se pourrait que le processus morbide ait été trop avancé pour que le traitement hypolipidémiant fût bénéfique. Comme l’ont affirmé les experts, cette conclusion ne doit pas modifier l’objectif du traitement dans les cas où le bénéfice a été démontré.

Résumé

L’étude SEAS visait à vérifier l’hypothèse voulant qu’un traitement hypolipidémiant intensif réduise le risque d’une issue clinique défavorable chez des patients présentant un rétrécissement aortique léger ou modéré. Cet essai mené à double insu avec placebo n’a pas réussi à faire ressortir un bénéfice global significatif, même si, comme on s’y attendait, l’association simvastatine-ézétimibe a abaissé le taux de LDL de plus 60 % et le taux d’événements ischémiques de 22 % par rapport au placebo. En réponse à la crainte que ce résultat n’entraîne un certain relâchement de la part des médecins, plusieurs experts ont souligné la solidité des taux cibles actuels et l’importance de les atteindre, notamment à l’aide d’un traitement d’association lorsqu’une statine seule ne suffit pas.

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