Comptes rendus

Rôle des nouveaux anticoagulants dans le traitement du syndrome coronarien aigu et de la fibrillation auriculaire
Étude SEAS : Données d’innocuité et d’efficacité

Observance thérapeutique et état de santé général des patients psychotiques : atouts et obstacles

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 21e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology

Barcelone, Espagne / 30 août-3 septembre 2008

«Depuis dix ans, l’espérance de vie des patients atteints de schizophrénie et de trouble bipolaire a diminué de 20 %, affirme le Dr John L. Beyer, directeur, clinique des troubles de l’humeur et de l’anxiété, Duke University, Durham, Caroline du Nord, et cette surmortalité semble davantage résulter de causes médicales que des habituels suicides ou accidents.»

Chez les patients schizophrènes, le risque de mortalité atteint maintenant plus du double de celui qui est calculé pour la population générale, et le rapport standardisé de mortalité (RSM) est plus élevé, en particulier pour les affections vasculaires cérébrales, le diabète et l’épilepsie, augmentation qui est encore plus significative chez les fumeurs, note-t-il. Chez les sujets bipolaires, le risque de mortalité due à des causes médicales est 50 % plus élevé que dans la population générale, et le RSM, environ deux fois plus élevé, la majoration étant particulièrement marquée pour la mortalité due aux maladies cardiovasculaires (CV) et respiratoires.

«Les psychiatres ne sont pas sensibilisés au fait que le nombre de décès attribuables à des causes naturelles est plus élevé chez les schizophrènes et que ce phénomène explique probablement la hausse du taux mortalité et la réduction de l’espérance de vie dans ce groupe, déplore le Dr Beyer. Nous sommes parfois si obnubilés par le soulagement des symptômes psychotiques que nous négligeons l’obésité, l’hypercholestérolémie et les maladies CV. Les affections somatiques et les troubles psychiatriques sont des phénomènes interdépendants qui s’exacerbent les uns les autres, et nous devons prendre conscience que les interventions mêmes qui aident les patients peuvent aussi leur nuire à d’autres égards et même abréger leur espérance de vie.»

Effets indésirables métaboliques

«Les effets indésirables métaboliques peuvent miner considérablement la qualité de vie des patients, outre qu’ils ont des conséquences graves pour la santé à long terme», confirme le Dr W. Wolfgang Fleischhacker, service de psychiatrie et de psychothérapie, Cliniques de l’Université d’Innsbruck, Autriche. Par exemple, il a été démontré que le gain pondéral associé aux antipsychotiques s’accompagne d’une augmentation de la masse grasse et du taux sérique de leptine. L’hyperprolactinémie est associée aux dysfonctions sexuelles, à la gynécomastie, à l’aménorrhée et à la galactorrhée. Les modifications de l’intervalle QTc, associées à certains antipsychotiques, peuvent accroître le risque d’arythmies.»

Le Dr Fleischhacker considère le gain pondéral moyen observé chez les patients schizophrènes recevant des antipsychotiques de deuxième génération comme alarmant. À titre de co-investigateur de l’étude EUFEST (European First Episode Schizophrenia Trial), il rapporte que, comparée à d’autres agents atypiques ou à l’halopéridol, la ziprasidone est l’antipsychotique qui a causé le moins de gain pondéral en un an (Lancet 2008 Mar 29;371[9618]:1085-97).

«Au-delà de leurs conséquences cliniques préjudiciables, les effets indésirables peuvent mettre le traitement en péril», poursuit-il. La mauvaise tolérabilité d’un médicament peut conduire à l’inobservance, qui est l’une des principales causes du taux relativement élevé de rechutes chez les patients schizophrènes. Un traitement antipsychotique alliant une bonne efficacité et un profil d’innocuité et de tolérabilité favorable pourrait améliorer l’observance.

«Je dirais que le profil pharmacologique de ces médicaments est en général un meilleur prédicteur de leur innocuité que de leur efficacité, commente le Dr Fleischhacker. Ces composés sont extrêmement différents du point de vue des actions qu’ils exercent sur divers systèmes de récepteurs, et ces actions peuvent habituellement être très clairement associées à des problèmes d’innocuité et de tolérabilité, alors que sur le plan de l’efficacité, le spectre de leurs différences semble très rétréci». À titre d’exemple, le Dr Fleischhacker cite une étude à court terme publiée par Simpson et al. (Am J Psych 2005;162:1535-8), selon laquelle les taux de cholestérol total (CT) et de C-LDL ont en fait baissé en moyenne de 1,0 mg/dL (0,03 mmol/L) chacun, et le taux de triglycérides (TG), de 2,0 mg/dL (0,02 mmol/L), dans un groupe de sujets atteints de schizophrénie ou d’un trouble schizoaffectif traités par la ziprasidone. Dans le groupe de traitement apparié recevant de l’olanzapine, les taux de CT, de C-LDL et de TG ont augmenté en moyenne de 19,5 mg/dL (0,50 mmol/L), de 13,0 mg/dL (0,34 mmol/L) et de 26,0 mg/dL (0,29 mmol/L), respectivement. La cause première de mortalité chez les sujets schizophrènes est la maladie coronarienne, qui est associée à des facteurs de risque métabolique importants tels que l’obésité et les dyslipidémies.

Fait à noter, on n’a par ailleurs relevé aucune différence significative entre les deux groupes de traitement de cette étude quant aux paramètres principaux de l’efficacité — amélioration des scores BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale) et CGI-S (Clinical Global Impression of Severity Scale) — que ce soit lors de la dernière visite du patient (p=0,74) ou au terme de l’étude (p=0,95). Cela montre que la ziprasidone confère un avantage métabolique sans que son efficacité s’en trouve compromise. Or, le choix d’un antipsychotique exerçant peu d’effets indésirables physiques et métaboliques apparaît certainement comme un facteur clé dans la prise en charge des patients schizophrènes, conclut le Dr Fleischhacker.

Réglage posologique et observance

«Dans le traitement de la schizophrénie et du trouble bipolaire, la dose initiale et le choix du médicament sont cruciaux pour éviter les effets indésirables et le risque de mauvaise observance et de rechute, souligne le Dr David C. Henderson, directeur, programme de recherche sur la schizophrénie, le diabète et la réduction du poids, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. La fréquence d’administration et la durée du traitement sont des facteurs déterminants dans l’adhésion au traitement antipsychotique.»

Le Dr Eduard Vieta, Hospital Clinic, Université de Barcelone, Espagne, indique qu’on peut rapidement — en trois jours seulement — faire passer la dose de ziprasidone de 80 mg/jour à son niveau optimal de 160 mg/jour, en deux prises. Les résultats de son étude montrent que, du fait de l’atteinte précoce de la dose optimale, les réponses partielles précoces à cet antipsychotique atypique seraient prédictives de la réponse ultérieure. Selon le Dr Vieta, sachant qu’une réponse précoce à un traitement a été prédictive d’une réponse complète ultérieure, le clinicien serait mieux éclairé pour décider de maintenir un antipsychotique ou d’en essayer un autre chez les patients atteints du trouble bipolaire.

Le Dr Vieta rapporte que, le jour 4 du traitement, la dose ayant alors été réglée entre 80 et 160 mg/jour, 101 des 230 (43,9 %) patients sous traitement et 38 des 80 (32,2 %) patients sous placebo avaient déjà manifesté une réponse partielle précoce. «La survenue d’une réponse partielle le jour 4 a prédit correctement l’obtention d’une réponse complète à l’évaluation finale, basée sur le report en aval de la dernière observation [RADO], chez 71 des 101 [70,3 %] patients sous ziprasidone et 23 des 38 [60,5 %] patients sous placebo. Au terme de l’étude [RADO], la variation moyenne du score MRS [Mania Rating Scale] par rapport au score initial — estimée par la méthode des moindres carrés — était plus marquée dans le groupe ziprasidone [-12,6±0,65] que dans le groupe placebo [-9,1±0,99; p=0,003]», signale-t-il.

«Pour ce même paramètre, une différence significative a également été observée entre les patients qui avaient eu une réponse partielle le jour 4 [-15,7±0,98] et ceux qui n’en avaient pas eu [-5,9±0,68; p<0,0001], ajoute le Dr Vieta. La sensibilité, la spécificité et l’efficacité prédictive pour la ziprasidone étaient de 64,4 %, de 76,9 % et de 71,0 %, respectivement. Pour le placebo, les valeurs correspondantes étaient de 66,7 %, de 80,0 % et de 76,4 %.»

Une réponse partielle au traitement actif le jour 4 était prédictive d’une réponse complète après trois semaines, conclut-il. Au terme de l’étude (RADO), les répondeurs au jour 4 ont bénéficié d’une réduction plus marquée de leur score MRS que les non-répondeurs au jour 4. Une réponse précoce à l’antipsychotique atypique pourrait permettre aux cliniciens de prévoir quels patients présentant un accès maniaque bénéficieraient de la poursuite du traitement par cet agent.

L’innocuité et la tolérabilité des médicaments ont une influence majeure sur l’observance et l’efficacité, d’ajouter le Dr Henderson. L’observance est un facteur essentiel de la réussite du traitement; or, les nouveaux antipsychotiques sont associés à une morbidité somatique — notamment, hyperglycémie, diabète, gain pondéral et dyslipidémies — à des erreurs de posologie et à des effets indésirables, facteurs qui augmentent tous le risque d’inobservance. Les patients obèses sont 2,5 fois plus susceptibles de cesser leur traitement que les patients de poids normal — «et si vous pensez que le fait d’avoir un surplus de poids ne dérange pas les patients, vous vous trompez», insiste le Dr Henderson. L’insatisfaction par rapport au poids est corrélée avec la non-observance. Selon une enquête anonyme, 47 % des sujets schizophrènes ayant un indice de masse corporelle (IMC) >30 n’observaient pas leur traitement médicamenteux, comparativement à 39 % des sujets ayant un IMC entre 25 et 30 et à 26 % des sujets ayant un IMC <25.

Le Dr Henderson conclut que l’efficacité des interventions pour améliorer l’observance du traitement antipsychotique repose sur une approche multidisciplinaire, dans le cadre de laquelle on doit utiliser le traitement pharmacologique associé à la meilleure issue à long terme et au profil d’effets indésirables physiques et métaboliques le plus favorable.

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