Comptes rendus

La voie sous-cutanée validée dans le traitement d’entretien du myélome multiple
Leucémie myéloïde chronique : les ITK de deuxième génération se taillent une place en traitement de première intention

De nouvelles applications de la chélation du fer à l’horizon grâce à de récentes données sur la protection des organes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 52e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

Orlando, Floride / 4-7 décembre 2010

La ferritine, protéine essentielle au stockage du fer, ayant une capacité limitée à stocker un excédent de fer, la chélation est d’une absolue nécessité pour prévenir l’atteinte des organes cibles lorsqu’une maladie ou un traitement entraîne une élévation persistante de la charge en fer. Il est bien établi que des composés se formant en présence de fer libre, tels les radicaux hydroxyles, sont responsables des pathologies résultant d’un excédent de fer dans certains organes, le foie et le cœur par exemple. Les maladies, y compris les cancers, qui entraînent une anémie chronique nécessitant des transfusions sanguines exposent les patients au risque de complications d’une surcharge en fer, même une fois ces derniers rétablis. La chélation diminue la charge en fer, et de nouvelles données montrent que le déférasirox, un chélateur oral du fer, prévient les complications liées à une surcharge ferrique chez des patients bêta-thalassémiques.

Régression de la fibrose selon la classification d’Ishak

«Chez environ 80 % des patients [qui ont reçu du déférasirox pendant au moins 3 ans], le stade de fibrose selon la classification d’Ishak s’est stabilisé ou s’est amélioré», souligne le Pr Yves Deugnier, Clinique des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, Centre hospitalier universitaire de Rennes (INSERM), France. De l’avis de ce dernier, qui faisait référence à l’une des classifications les plus utilisées pour la stadification de la fibrose hépatique, ce résultat prouve sans l’ombre d’un doute que la chélation du fer peut stabiliser ou faire régresser la fibrose du foie résultant d’une surcharge ferrique.

Ces données proviennent d’une cohorte de 219 patients bêta-thalassémiques qui ont reçu du déférasirox pendant au moins 3 ans. Tous ces patients avaient d’abord participé à un essai comparatif sur ce chélateur oral du fer. Dans le cadre du suivi à long terme, les chercheurs surveillaient l’évolution du stade de la fibrose selon la classification d’Ishak. Les taux sériques de ferritine et d’ALT étaient mesurés périodiquement et la concentration hépatique en fer (CHF) était évaluée au moyen d’une biopsie. Il importe ici de souligner que chez 76 patients (34 %), la baisse de la charge en fer ne répondait pas au critère prédéfini par rapport à la charge initiale (par exemple, réduction d’au moins 3 mg de Fe/g poids sec chez les patients dont le taux initial était d’au moins 10 Fe/g poids sec); c’est donc dire que l’amélioration du stade d’Ishak était indépendante de ces définitions utilisées aux fins de l’étude.

«Nous avons observé une régression ou une stabilisation de la fibrose hépatique chez des patients qui répondaient aux critères de la diminution de la CHF et chez d’autres qui n’y répondaient pas, ce qui donne à penser que les effets observés sont indépendants du degré de chélation», explique le Pr Deugnier. Même si la diminution des taux élevés d’enzymes hépatiques était statistiquement significative uniquement chez les patients qui répondaient aux critères de réussite du traitement, il estime que l’amélioration globale de la fibrose hépatique ayant résulté du traitement de longue durée par le déférasirox est «impressionnante comparativement à ce que l’on voit dans la littérature». Le Pr Deugnier, ébahi par un tel degré de protection, croit que des études s’imposent si l’on aspire à déterminer que d’autres organes vulnérables peuvent bénéficier de la même protection.  

Étude reposant sur l’IRM

En fait, nous disposons déjà de données sur d’autres organes. Une étude reposant sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui avait pour objectif d’évaluer l’effet de la chélation orale sur la concentration cardiaque en fer (CCF) a établi une corrélation entre une diminution de la CCF et une diminution des risques cliniques. Lors de cette étude regroupant 71 patients bêta-thalassémiques atteints de sidérose myocardique qui recevaient du déférasirox à raison de 30 à 40 mg/kg/jour, des experts ont évalué à l’aveugle des clichés IRM en T2 du cœur pendant au moins 3 ans. À 3 ans, selon les clichés en T2, la CCF s’était normalisée chez 68 % des patients dont la sidérose myocardique était légère ou modérée au départ. Parmi les patients dont la surcharge myocardique était sévère au départ, la CCF a diminué au point de devenir légère ou modérée dans 50 % des cas.

«Cette étude prospective – la première à rapporter les résultats de la chélation du fer cardiaque pendant 3 ans – donne du poids aux données publiées récemment d’une étude de 2 ans sur le déférasirox dans le traitement de la surcharge cardiaque en fer», affirme le Dr Dudley J. Pennell, unité d’IRM cardiovasculaire, Royal Brompton Hospital, Londres, Royaume-Uni. Faisant référence à l’étude de Wood et al. (Am J Hematol 2010;85:818-9), le Dr Pennell a expliqué que la fonction cardiaque, telle que mesurée par la fraction d’éjection ventriculaire gauche, était demeurée normale pendant le traitement. La diminution de la surcharge en fer chez les patients dont les taux étaient très élevés au départ a été «associée à un risque nettement moindre d’insuffisance cardiaque» sans détérioration significative de la fonction rénale, fait remarquer le Dr Pennell.

Efficacité et tolérabilité à 5 ans dans l’anémie falciforme

À en juger par les résultats à 5 ans de l’une des études prospectives les plus longues jamais réalisées sur un chélateur du fer dans l’anémie falciforme, les patients peuvent bénéficier d’une maîtrise du taux de fer à long terme et d’une innocuité rassurante. Chez les patients qui ont poursuivi leur traitement, on a effectivement observé une diminution significative de la charge de fer médiane par rapport à la charge initiale de même qu’une amélioration progressive de la tolérabilité à mesure que les effets indésirables, tels les symptômes de nature digestive, diminuaient de fréquence. «Cette étude est la première à démontrer que le déférasirox peut diminuer significativement le taux sérique de ferritine à long terme chez les patients drépanocytaires et que ses effets indésirables peuvent se traiter», confirme le Dr Elliott Vichinsky, Children’s Hospital and Research Center, Oakland, Californie. Tous les sujets de cette étude ont d’abord participé à un essai comparatif avant d’être suivis à long terme pendant qu’ils poursuivaient leur traitement. En tout, 185 patients ont été inclus dans l’analyse : 132 avaient d’abord été randomisés de façon à recevoir du déférasirox alors que les 53 autres sont passés au groupe déférasirox au terme de l’étude comparative. Chez les patients qui ont reçu du déférasirox pendant au moins 4 ans, la médiane du taux sérique de ferritine a diminué significativement (variation médiane absolue de 591 ng/mL; p=0,027), mais l’importance de l’étude réside peut-être davantage dans la démonstration d’une bonne innocuité à long terme.

On craignait auparavant que les chélateurs du fer soient néfastes pour la fonction rénale. Or, la clairance médiane de la créatinine est demeurée normale, et on n’a pas observé de détérioration progressive de la fonction rénale. Les effets indésirables les plus fréquents sous déférasirox étaient de nature digestive, nausées (14,6 %) et diarrhées (10,8 %) notamment, mais ils se manifestaient surtout durant les premiers mois de traitement. Peu d’effets indésirables importants ont été rapportés au-delà de la première année de traitement. En outre, comme une proportion élevée de sujets de l’étude étaient des préadolescents au début de l’étude, l’essai a pu confirmer également que le traitement ne perturbait aucunement la croissance ou le développement sexuel par rapport aux normes.

Le Dr Vichinsky précise toutefois que l’on doit ajuster la dose à la hausse pour atteindre la diminution visée du taux de ferritine sérique. Bien que les doses requises aient été variables, les résultats de l’étude semblent indiquer que la dose quotidienne doit être supérieure à 20 mg/kg. Au sein d’un sous-groupe dans lequel on a évalué les effets indésirables avant et après les ajustements de la dose, les ajustements à la hausse étaient généralement bien tolérés.

Analyse post hoc de l’étude EPIC dans le syndrome myélodysplasique

Certes, l’innocuité du nouveau chélateur du fer est rassurante, mais c’est surtout son éventuel effet favorable sur l’hématopoïèse chez les patients atteints d’une hémopathie maligne qui suscite de l’enthousiasme. L’analyse post hoc de l’étude EPIC (Evaluation of Patients with Iron Chelation) – qui regroupait 341 patients en proie à un syndrome myélodysplasique (SMD) – a révélé que la baisse de la charge en fer sous déférasirox était corrélée avec une meilleure réponse des cellules érythroïdes, des plaquettes et des polynucléaires neutrophiles. Plus précisément, on a noté une baisse plus marquée du taux sérique de ferritine chez les patients qui avaient une réponse érythroïde (22,6 %) et chez ceux qui avaient bénéficié d’une réponse des plaquettes et des polynucléaires neutrophiles (14 %), même si au départ, la ferritine sérique était comparable chez les répondeurs et les non-répondeurs.

Ces résultats vont dans le même sens que d’autres résultats isolés observés antérieurement, mais «cette analyse est la première d’envergure à montrer que le traitement par un chélateur oral du fer améliore les paramètres hématologiques en plus de réduire la charge en fer chez des patients atteints d’un SMD avec surcharge martiale», souligne le Dr Norbert Gattermann, Clinique d’hématologie, Heinrich-Heine-Universität, Düsseldorf, Allemagne. Même si une simple diminution de la surcharge en fer peut en soi suffire à améliorer l’hématopoïèse, il estime que des effets plus indirects, comme une diminution du stress oxydatif, pourraient aussi jouer un rôle.

Résumé

Il y a longtemps que l’on reconnaît l’importance de surveiller la surcharge en fer post-transfusionnelle chez les patients bêta-thalassémiques, mais le risque d’atteinte des organes cibles et les données montrant que la chélation du fer peut réduire ce risque convergent vers une prise en charge intensive chez tous les patients ayant besoin de transfusions. Lors d’une étude rétrospective des dossiers médicaux de patients polytransfusés, sous la direction de Leslie A. Ray, PharmD, Lee Moffitt Cancer Center, Tampa, Floride, les 73 patients chez qui on était à l’affût d’une surcharge en fer ont eu une survie significativement plus longue que les 90 patients ne faisant pas l’objet d’un suivi étroit à cet égard (16,1 vs 2,3 mois; p<0,0001). Ces données s’inscrivent dans un corpus grandissant montrant que l’on obtient de meilleurs résultats lorsqu’on est à l’affût d’une surcharge en fer et qu’on la traite dès les premiers signes. Compte tenu de l’innocuité de la chélation du fer et des données montrant que le traitement peut influer favorablement sur la pathologie sous-jacente dans certains cas, il semble que la maîtrise de la surcharge en fer puisse contribuer étroitement à l’optimisation des résultats.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.