Comptes rendus

Traitement des lymphomes indolents : l’efficacité et la tolérabilité s’améliorent
De nouveaux éléments d’information sur le traitement du syndrome hémolytique et urémique atypique

De nouvelles stratégies pour la maîtrise des infections à Gram positif compliquées

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 23e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Berlin, Allemagne / 27-30 avril 2013

Berlin - Compte tenu de l’évolution des résistances bactériennes, les traitements empiriques et de première intention des infections à Gram positif (Gram+) réfractaires doivent être ajustés, à en juger par diverses études présentées au congrès. On doit envisager une solution de rechange à la vancomycine – souvent prescrite en première intention en pareil cas – lorsque la concentration minimale inhibitrice excède 1 μg/mL, qu’une prothèse est en jeu ou que l’infection compliquée risque peu de céder à un anti-infectieux en monothérapie. Face à cette évolution des résistances aux antibiotiques, les experts s’entendent pour dire que les recommandations publiées – souvent fondées sur des modèles expérimentaux – ne reflètent probablement plus les pratiques optimales dans le traitement d’un grand nombre d’infections à Gram+ compliquées et très graves. Compte tenu du potentiel de synergie, une association s’impose souvent dans les cas les plus difficiles.

Un traitement empirique approprié amorcé tôt pour une bactériémie à Staphylococcus aureus est associé à une diminution de la mortalité, mais la définition d’un agent «approprié» évolue. La vancomycine continue d’être largement considérée comme la meilleure option pour les infections à S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) – quoique la sensibilité de la souche semble revêtir une importance grandissante –, et elle s’est révélée inférieure aux solutions de rechange dans le traitement des infections causées par un S. aureus sensible à la méthicilline (SASM). Une dose plus forte de vancomycine augmente l’activité du traitement, certes, mais elle en amplifie aussi la toxicité.

«Dans la littérature, une concentration minimale inhibitrice (CMI) élevée de vancomycine – même si elle demeure dans les limites de sensibilité – est maintenant associée à une augmentation des taux de mortalité et d’échec du traitement dans les infections à SASM et à SARM», prévient le Dr Alex Soriano, Hospital Clínic de Barcelona, Espagne. Ce dernier a d’ailleurs cité plusieurs études, dont une méta-analyse ayant objectivé des résultats significativement moins bons en cas de traitement par la vancomycine d’infections associées à une CMI élevée (≥1 μg/mL), comparativement à une CMI plus faible (Int J Antimicrob Agents 2012;40:496-509). «Il est maintenant courant que nous ayons à envisager une solution de rechange, ce n’est plus réservé à quelques situations particulières», précise le Dr Soriano.

Bactériémie à SARM : preuves à l’appui de solutions de rechange

Nous avons des données cliniques à l’appui de solutions de rechange dans le traitement de la bactériémie à SARM. Le Dr Soriano a cité une étude de cohorte rétrospective publiée récemment lors de laquelle la vancomycine était remplacée par la daptomycine chez des patients atteints de bactériémie à SARM lorsque la CMI de vancomycine était >1 μg/mL (Clin Infect Dis 2013;56[11]:1562-9). Les sujets de l’étude continuaient de recevoir de la vancomycine ou passaient à la daptomycine dans les 72 heures suivant le début du traitement par la vancomycine. L’appariement s’est fait selon un ratio 1:1. À 30 jours, les taux d’échec clinique et de mortalité associés à la daptomycine et à la vancomycine atteignaient respectivement 20,0 % vs 48,2 % (p<0,001) et 3,5 % vs 12,9 % (p=0,047).

Des données canadiennes récentes témoignent aussi des limites de la vancomycine dans le traitement de la bactériémie à SARM; en effet, des chercheurs ont constaté que les facteurs prédictifs de la survie de patients atteints de bactériémie à SARM en état de choc septique étaient non seulement un jeune âge et une bonne fonction rénale avant l’infection, mais aussi des creux sériques plus élevés (Int J Antimicrob Agents 2013;41:255-60). Ces données ont révélé que le taux de survie était 2,5 fois plus élevé chez les patients dont le creux sérique de vancomycine était ≥15 mg/L (p=0,001); cependant, si l’on augmente la dose de vancomycine pour atteindre une telle concentration, il en résulte une plus grande toxicité, en particulier chez les patients immunodéficients qui présentent de multiples troubles concomitants, prévient toutefois le Dr Soriano.

Associations : en quête d’une synergie

Le Dr Peter M. Hawkey, Institute of Microbiology and Infection, University of Birmingham, Royaume-Uni, se dit lui aussi préoccupé par le lien entre les taux croissants d’échec du traitement par la vancomycine et les CMI croissantes. Il considère la daptomycine comme une solution de rechange viable en raison de ses avantages sur le plan de l’innocuité dans le traitement des bactériémies et des endocardites à S. aureus (N Engl J Med 2006;355:653-65), mais il insiste sur l’importance d’utiliser cet agent ou d’autres solutions de rechange à la vancomycine en association avec un autre agent afin de tirer profit des synergies dans le traitement des infections compliquées et résistantes.

«D’une part, les associations rendent plus difficile la sélection de mutants résistants et, d’autre part, les deux modes d’action peuvent se révéler synergiques», précise le Dr Hawkey. Il a cité plusieurs exemples à l’appui de ses dires, notamment l’aptitude des bêta-lactamines à accroître l’absorption des aminosides. De plus, il a constaté dans ses recherches sur le rôle de la daptomycine à titre de solution de rechange à la vancomycine que cet agent se prêtait particulièrement bien aux associations dans le traitement des infections à biofilm ou profondes. En effet, les mutations qui modifient la charge de surface de la membrane cellulaire peuvent rendre les bactéries non sensibles à la daptomycine, mais un certain nombre d’agents, dont la nafcilline, l’oxacilline, la rifampicine et la fosfomycine, rétablissent la charge de surface et l’activité de la daptomycine tout en contribuant à l’effet bactéricide global.

«À en juger par un certain nombre d’études publiées, le deuxième agent permet de rétablir rapidement l’efficacité du traitement dans les infections non sensibles à la daptomycine», souligne le Dr Hawkey. Lors d’une étude présentée au congrès qui s’applique à la réalité canadienne, les chercheurs ont eu recours chez sept patients à l’association de fortes doses de daptomycine (8-10 mg/kg/jour) et d’une bêta-lactamine antistaphylococcique comme l’oxacilline (2 g par voie intraveineuse [i.v.] toutes les 4 heures) pour obtenir rapidement une activité bactéricide dans la bactériémie à SARM réfractaire aux schémas à base de vancomycine ou de daptomycine (Clin Infect Dis 2011;53:158-63).

Endocardite compliquée : vers de meilleurs résultats

L’auteur de l’étude, le Dr José M. Miro, Service d’infectiologie, Hospital Cl?nic de Barcelona, Universitat de Barcelona, Espagne, a discuté de ces résultats dans le discours principal du congrès. Son allocution portait sur de nombreuses études étayant l’utilité d’une association dans le traitement de l’endocardite compliquée. Tout comme le Dr Hawkey, il estime que la synergie résultant de l’association d’antibiotiques ouvre la porte à d’énormes possibilités d’amélioration des résultats.

«L’épidémiologie de l’endocardite change. Nous verrons de plus en plus de cas liés aux soins de santé et en particulier aux dispositifs intracardiaques à mesure que des interventions telles que l’ITVA [implantation transcathéter de valve aortique] deviendront plus courantes», affirme le Dr Miro. La CMI de la vancomycine continuera d’augmenter dans l’endocardite à SARM, mais il s’attend également à ce que les biofilms liés aux dispositifs viennent affaiblir les défenses de l’hôte et nuire à l’efficacité des antibiotiques en monothérapie. À son avis, les recommandations actuelles sont peu utiles, car elles ne peuvent pas tenir compte de l’évolution constante des données.

Dans un éditorial récent de Circulation (2013;127:1763-6), à la lumière de données à l’appui d’une synergie, le Dr Miro a préconisé l’amoxicilline et la ceftriaxone dans le traitement de l’endocardite à Enterococcus faecalis, et estimait que les mêmes principes devraient s’appliquer à d’autres formes compliquées d’endocardite. Par exemple, bien que la daptomycine ait donné de meilleurs résultats que la vancomycine dans l’étude comparative directe de Fowler et al., ni l’une ni l’autre n’est probablement suffisante à elle seule en présence d’une sensibilité moindre, d’un inoculum bactérien de grande taille, d’une ostéomyélite ou d’autres caractéristiques prédictives d’une réponse sous-optimale.

«Deux stratégies sont possibles : soit une monothérapie à forte dose, soit une association», affirme le Dr Miro. Certaines données permettent de conclure qu’un agent en particulier pourrait être supérieur en monothérapie (par exemple, affirme le Dr Miro, «il semble maintenant clair que la daptomycine soit le meilleur traitement empirique contre l’endocardite à SASM»), mais on doit surtout retenir de son allocution que, «devant une infection compliquée, il est préférable d’opter pour une association exerçant un effet synergique».

Associations : données en pleine évolution

Dans la pratique clinique, les associations semblent déjà très répandues, si l’on en juge par les données d’un programme post-commercialisation sur la daptomycine présentées au congrès. Il est ressorti d’une analyse de l’utilisation de cet agent pendant 6 ans dans le traitement des infections sur un corps étranger intracardiaque que 74 % des sujets recevaient un antibiotique concomitant. Présentée par le Pr Pascal M. Dohmen, Service de chirurgie cardiovasculaire, Hôpital de la Charité, Berlin, Allemagne, l’étude a objectivé un taux de réussite globale de 78 % chez les 166 patients traités. Fait digne de mention, les chercheurs considèrent que seulement 4 % des patients ont eu un effet indésirable lié à la daptomycine. Selon une deuxième analyse de la même base de données, axée cette fois sur les corps étrangers intravasculaires, 77 % des patients avaient reçu un deuxième antibiotique, et le taux de réussite a atteint 78 % (affiche 1650).

La tendance vers les associations dans le traitement des infections à Gram+ compliquées est importante, mais repose davantage sur des modèles in vitro et des séries de cas que sur des essais cliniques comparatifs. Dans un symposium du congrès, alors qu’il passait en revue diverses associations dans le traitement des infections à Gram+, le Dr Thomas Lodise, Albany College of Pharmacy and Health Sciences, New York, est allé jusqu’à dire que les associations étaient «le pilier de l’avenir des infections à staphylocoque et à d’autres microorganismes à Gram+», mais il a concédé que les preuves demeuraient «très limitées». Néanmoins, compte tenu des avantages qu’offrent les associations, notamment une production moindre de toxines, une meilleure pénétration intracellulaire et un risque moindre de résistance, les choses évoluent déjà.

Conclusion

Le traitement des infections à Gram+ compliquées est en pleine métamorphose et, par conséquent, les recommandations publiées ne tiennent peut-être pas compte des ajustements qui s’imposent pour que le traitement réussisse. En particulier, les CMI croissantes de vancomycine, même quand elles demeurent dans les limites de sensibilité, pourraient rendre les autres options plus séduisantes en raison des complications qui découlent d’une augmentation de la dose de vancomycine. Le remplacement d’une monothérapie par une autre monothérapie est possible dans certains cas, certes, mais le consensus des experts favorise un passage accéléré aux associations.

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