Comptes rendus

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Infections à SARM : de la prévention au traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès commun de l’ICAAC (48e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie) et de l’IDSA (46e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America)

Washington D.C. / 25-28 octobre 2008

Selon des données assez récentes (août 2007) des Centers for Disease Control aux États-Unis, plus de 63 % des infections à S. aureus associées au milieu hospitalier et aux soins de santé sont causées par des souches résistantes à la méthicilline (SARM). Le Dr Robert C. Moellering, fils, professeur honoraire de médecine anciennement titulaire de la chaire Herrman Ludwig Blumgardt à Harvard et médecin en chef et directeur du Département de médecine, Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachusetts, explique que le «succès» du SARM tient à la diversité génétique de ce micro-organisme et à sa capacité d’acquérir de nouveaux gènes exogènes. De plus, il se prête bien au portage asymptomatique, ce qui favorise sa dissémination parmi ses hôtes humains, et il est remarquablement doué pour devenir résistant à de multiples antimicrobiens.

Sensibilité réduite à la vancomycine

Selon une étude de Lewis et al., la concentration minimale inhibitrice (CMI) de vancomycine est un facteur important dans le choix de l’antibiothérapie pour une septicémie à SARM. Chez des adultes présentant une septicémie à SARM qui recevaient de la vancomycine, l’échec microbiologique a été associé à une CMI <u>></u>1 µg/mL et l’échec total, à la même CMI et à la ventilation mécanique

Une étude dirigée par Yamamura et al. a révélé que de 2006 à 2007, la diminution de la sensibilité à la vancomycine s’était accentuée dans quatre régions de l’Ontario. La tolérance à la vancomycine, dont le taux a atteint 12,6 %, était plus fréquente dans les cas où la CMI de la vancomycine était de 2 µg/mL.

Prévalence des SARM au Canada

Il est établi que le génotype et les phénotypes des SARM diffèrent selon qu’ils proviennent du milieu hospitalier (H) ou communautaire (C). Lors de l’étude pancanadienne CANWARD réalisée en 2007, sur un total de 385 isolats de SARM, les SARM-C étaient responsables de 19,2 % des infections à SARM; par ailleurs, 95,9 % des souches de SARM-C étaient productrices de leucocidine de Panton-Valentine (PVL) tandis qu’aucune des souches de SARM-H ne l’était. Les auteurs ont donc qualifié le SARM-C d’agent pathogène émergent dans les hôpitaux du Canada.

Phongsamart et al., Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario, ont analysé les dossiers médicaux de patients infectés par un SARM de 1996 à 2007. Le SARM-C, isolé pour la première fois en 1998, a été incriminé dans 34,1 % de toutes les nouvelles infections à SARM en 2007. Pendant la période étudiée, le taux d’infections à SARM-H est passé de 0,09 à 0,87 cas pour 1000 hospitalisations. Cette étude dénote la présence accrue de SARM, tant SARM-C que SARM-H, dans les établissements de santé. Cependant, les souches de SARM-C sont principalement des clones de SARMC-10 et causent un nombre croissant d’infections de la peau et des tissus sous-cutanés (IPTSC) chez les enfants en bonne santé.

Nouvelles recommandations pour le traitement des infections à SARM

De nouvelles recommandations sont attendues à l’été 2009 pour le traitement des infections à SARM. La Dre Catherine Liu, professeur adjointe de clinique, University of California, San Francisco, et coprésidente du groupe d’experts de l’IDSA qui formule ces recommandations, a donné un avant-goût de leur contenu.

Pour remédier à la sensibilité moindre des SARM à la vancomycine et à l’efficacité moindre de cette dernière, de nouveaux agents seront recommandés dans le traitement en première intention des infections à SARM modérées ou sévères.

IPTSC et fasciite nécrosante à SARM compliquées. En sus d’une intervention chirurgicale pour l’évaluation et le débridement des zones touchées, le traitement empirique est recommandé dans l’attente des résultats des cultures. Chez l’adulte, les antimicrobiens recommandés seront la vancomycine, la daptomycine ou le linézolide, aucun écart significatif n’ayant été décelé entre ces agents dans les études où le taux de guérison clinique était le paramètre principal. Arbeit et al. (Clin Infect Dis 2004;38[12]:1673-81) ont rapporté les taux de guérison clinique qu’ils avaient obtenus avec la daptomycine dans le traitement des IPTSC compliquées.

IPTSC à SARM récurrentes. Le drainage et la couverture des plaies couplés à une sensibilisation à l’hygiène personnelle et environnementale seront recommandés, tout comme, éventuellement, la décolonisation de certains patients. Les antibiotiques oraux ne seront pas recommandés de manière systématique. La version préliminaire des recommandations fait état à cet égard de l’absence de bénéfice et du risque de toxicité et de résistance.

Bactériémie et endocardite à SARM. Dans la version actuelle, on recommande la vancomycine ou la daptomycine à raison de 6 mg/kg par voie intraveineuse (i.v.) 1 fois/jour à la lumière des résultats d’un essai clinique de phase III rapportés par Fowler et al. (N Engl J Med 2006;355:653-65). Une dose plus forte de daptomycine (8 à 10 mg/kg par voie i.v. 1 fois/jour) est peu recommandée, les seules données à l’appui provenant de volontaires sains qui ont toléré des doses atteignant 12 mg/kg pendant deux semaines (Heart Lung 2006; 35[3]:207-11; Antimicrob Agents Chemother 2006;50:3245-9). Les associations d’antimicrobiens – dont l’ajout de gentamicine ou de rifampicine à la vancomycine – sont expressément déconseillées en raison de l’absence de bénéfice et du risque accru de néphrotoxicité ou d’hépatotoxicité.

Pneumonie. Le traitement empirique des infections à SARM par la vancomycine ou le linézolide (600 mg 2 fois/jour) sera recommandé dans la pneumonie d’origine communautaire sévère précédée d’une pathologie pseudo-grippale, accompagnée de nécrose et de lésions cavitaires, ou nécessitant l’hospitalisation au Service des soins intensifs. La daptomycine étant inactivée par le surfactant alvéolaire, elle n’est pas indiquée pour le traitement de la pneumonie.

Il sera aussi question, dans les recommandations, de la posologie de la vancomycine et, en particulier, de la possibilité d’une dose d’attaque chez les patients gravement malades. Les experts tenteront de cerner la ligne de conduite optimale à tenir face à une sensibilité réduite à la vancomycine et aux échecs du traitement par la vancomycine.

Une CMI élevée, de l’ordre de 1,5 à 2 µg/mL, étant associée à des échecs du traitement par la vancomycine, un autre traitement sera recommandé lorsque la CMI de vancomycine est >2 µg/mL. Cependant, précise la Dre Liu, on observe une augmentation graduelle de la CMI (MIC creep) parmi les isolats de SARM. Compte tenu de ce développement et des limites des méthodes actuelles d’évaluation de la sensibilité, les experts insisteront fortement sur l’importance d’une corrélation entre la CMI obtenue et les résultats cliniques et microbiologiques.

CORE

La base de données CORE (Cubicin Outcomes Registry and Experience) contient des données sur l’issue clinique et d’autres facteurs cliniques associés au traitement par la daptomycine de l’endocardite infectieuse causée par divers agents pathogènes chez 41 patients évaluables, dont neuf atteints d’une endocardite du cœur droit et 28, d’une endocardite du cœur gauche. Parmi les agents pathogènes principalement en cause, les plus courants étaient S. aureus (n=20, 85 % de SARM), les entérocoques (n=8, 25 % résistants à la vancomycine) et les streptocoques viridans (n=4). On a obtenu les taux de réussite thérapeutique suivants : 85 % pour les valves aortiques, 89 % pour les valves tricuspides seules, 63 % pour les valves mitrales seules et 100 % pour les cas où aucune valve n’était atteinte ou précisée. Quelle que soit la valve touchée, par contre, aucun des patients en échec n’avait été opéré, et tous les patients opérés ont été classés comme des réussites thérapeutiques. Les chercheurs en concluent que si la daptomycine semble efficace en présence de divers tableaux cliniques d’endocardite infectieuse, les données militent en faveur de la chirurgie pour une issue optimale. L’endocardite infectieuse du cœur gauche devra toutefois faire l’objet d’autres études.

Dans le cadre d’une autre analyse des données de CORE, Forrest et al. ont passé en revue l’utilisation de la daptomycine chez 90 patients évaluables souffrant d’une bactériémie sur cathéter à Gram positif. Des entérocoques ont été identifiés dans 40 % des isolats sanguins de cette cohorte. On a isolé un seul micro-organisme à Gram positif chez 81 % des patients et deux ou plus chez 19 % des patients. La réussite clinique (guérison ou amélioration), atteinte chez 93 % des patients de la cohorte totale, ne différait pas selon qu’un seul ou plusieurs micro-organismes étaient en cause. Dans les infections monomicrobiennes, les taux de réussite suivants ont été rapportés : 93 % pour S. aureus, 97 % pour les staphylocoques à coagulase négative et 92 % pour les entérocoques.

Le Dr Donald M. Poretz, professeur de clinique en médecine interne, Georgetown University Medical School, Washington DC, rappelle que le choix d’un antibiotique doit non seulement être dicté par l’efficacité et l’innocuité, mais également par la tolérabilité et le coût. Il a cité un essai prospectif lors duquel Davis et al. ont comparé les résultats cliniques et économiques obtenus chez des patients hospitalisés pour une IPTSC compliquée traitée par la daptomycine ou la vancomycine. Les patients sous daptomycine (n=53) sont parvenus à une guérison clinique plus rapidement que les 212 témoins sous vancomycine. La différence s’est traduite dans le groupe daptomycine par la durée moindre (4 vs 7 jours) et le coût moindre (5027 $ vs 7552 $) du traitement (p<0,001 pour les deux comparaisons) (Pharmacotherapy 2007;27[12]:1611-8).

Selon l’expérience du Dr Poretz, la daptomycine est beaucoup moins irritante pour les veines et peut être administrée à l’aide d’une tubulure plus fine. «Elle est plus facile à utiliser en ambulatoire.» Son administration ne prend que 30 minutes, par comparaison à plus d’une heure pour la vancomycine, qui entraîne aussi plusieurs effets toxiques, ajoute-t-il. Cela dit, bien que la daptomycine soit mieux tolérée, on doit surveiller les taux de CPK de près.

Résumé

La distinction entre SARM-C et SARM-H étant de moins en moins nette, les hôpitaux sont forcés de raffiner leurs méthodes de surveillance et de lutte contre l’infection afin de réduire la morbidité, la mortalité et le coût. Les nouvelles recommandations pour le traitement des infections à SARM seront utiles en ce sens. Elles seront davantage axées sur les tests de sensibilité et le recours à d’autres agents, dont la daptomycine, pour le traitement des infections qui ne répondent pas à la vancomycine ou qui y deviennent réfractaires.

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