Comptes rendus

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Infections invasives à pneumocoque chez l’adulte âgé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 9e Conférence canadienne sur l’immunisation (CCI)

Québec, Québec / 5-8 décembre 2010

Selon les statistiques de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), c’est chez les nourrissons de moins de 1 an que le taux d’infections invasives à pneumocoque (IIP)/100 000/an est le plus élevé, après quoi il demeure faible, puis redevient élevé vers l’âge de 65 ans.

S. pneumoniae serait à l’origine d’environ 30 % des cas de pneumonie, indique la Dre Jennifer Johnstone, professeure adjointe d’infectiologie, McMaster University, Hamilton, Ontario. «Les taux affichent une hausse exponentielle passé 65 ans, dit-elle; les pneumonies communautaires (PC) à S. pneumoniae représentent un lourd fardeau.»

Il existe deux stratégies vaccinales pour alléger le fardeau des IIP chez l’adulte. Vers 2002 (selon la province), les nourrissons recevaient le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (Pneu-C-7) à 2, 4 et 12 mois. Or, «même si la vaccination ne visait que les nourrissons, les taux d’IIP ont décliné chez les adultes», se remémore la Dre Johnstone. Ainsi, aux États-Unis (où le Pneu-C-7 a été homologué en 2000), les taux d’IIP ont reculé, entre 1998 et 2003, de 17 % chez les 50 à 64 ans, de 29 % chez les 65 à 74 ans et de 35 % chez les 75 à 84 ans.

«Ce recul pourrait, croit-on, découler d’une diminution du portage nasopharyngé de S. pneumoniae chez les enfants et de l’installation d’une immunité collective», explique la Dre Johnstone. Selon des données en provenance de Calgary, les IIP seraient effectivement à la baisse chez les adultes de 65 ans ou plus. La diminution n’est certes pas significative sur le plan statistique, mais on a observé une légère baisse de 28 % des IIP chez les personnes de 65 ans ou plus entre 1998 et 2007, après l’arrivée du Pneu-C-7 en 2002. «Le plus frappant, souligne la Dre Johnstone, c’est que les IIP causées par des sérotypes vaccinaux ont presque disparu». En revanche, les IIP provoquées par des sérotypes non vaccinaux ont augmenté, si bien qu’au bout du compte, le programme de vaccination par le Pneu-C-7 n’a pas eu d’effet particulièrement remarquable.

L’autre stratégie en place depuis longtemps pour la prévention des IIP chez l’adulte est l’administration du vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23-valent (Pneu-P-23). On le recommande aux personnes âgées de plus de 65 ans ou atteintes d’affections concomitantes (pneumopathie sous-jacente), aux sans-abri et aux utilisateurs de drogues injectables. «Le problème qui se pose ici, c’est le taux de vaccination», souligne la Dre Johnstone. En effet, une étude menée à Toronto (Al-Sukhni et al. Vaccine 2008;26:1432-7) a révélé qu’environ le tiers seulement des Ontariens âgés admissibles avaient reçu le vaccin polysaccharidique.

De plus, dans une étude qu’elle a elle-même réalisée à Edmonton avec ses collaborateurs (Arch Intern Med 2007;167:1938-43), la Dre Johnstone a constaté que seulement 22 % des adultes hospitalisés en raison d’une PC avaient été vaccinés contre les IIP. «Ce vaccin est sûr et gratuit pour les personnes vulnérables, mais des doutes subsistent quant à son efficacité», fait-elle observer.

Il existe plusieurs méta-analyses sur l’efficacité du vaccin polysaccharidique. L’une de celles qui fait le plus autorité est sans doute la revue Cochrane (Moberley et al. Cochrane Database Syst Rev 2008;1:CD000422). Elle réunit 15 essais prospectifs avec randomisation sur l’administration du vaccin à des adultes. Conclusion des chercheurs : le vaccin a réduit d’environ 74 % les cas d’IIP et, chez les sujets ayant néanmoins développé l’infection, l’IIP a eu une issue plus favorable. Cela dit, le vaccin polysaccharidique ne prévient pas la pneumonie ni la mortalité toutes causes confondues.

Étude de publication récente

La Dre Johnstone et ses collègues ont mené une étude, parue récemment (Clin Infect Dis 2010;51:15-22), pour déterminer si le vaccin polysaccharidique réduisait la mortalité ou les hospitalisations additionnelles dues à des infections potentiellement évitables par la vaccination, plus précisément la pneumonie, le sepsis et la méningite, dans une cohorte d’adultes fortement vulnérables à la pneumonie. Lors d’une étude antérieure, la Dre Johnstone avait constaté que 16 % des patients ayant des antécédents de pneumonie avaient été hospitalisés de nouveau en raison d’une autre pneumonie, ce qui donne à penser que le risque de pneumonie est nettement plus élevé après un premier épisode.

Les chercheurs ont suivi 2950 patients, âgés de 68 ans en moyenne, pendant une médiane de 3,8 ans. Le tiers de l’effectif avait reçu le vaccin polysaccharidique : 70 % avant l’hospitalisation et 30 % pendant l’hospitalisation. Pendant le suivi ultérieur à la sortie de l’hôpital, 48 % des sujets de la cohorte sont morts et 17 % ont été hospitalisés de nouveau en raison d’infections évitables par la vaccination; au total, 55 % de l’effectif a subi un des événements du paramètre mixte, à savoir la mort ou l’infection; «c’est une forte proportion qui nous a étonnés», commente la Dre Johnstone. Fait à souligner, toutefois, le vaccin polysaccharidique n’a pas été associé à une diminution du risque relatif (HR ajusté : 0,91) de survenue d’un des événements du paramètre mixte, le point de comparaison ayant été des témoins non vaccinés. Selon des données américaines, 6 mois après l’administration du vaccin polysaccharidique à des patients ayant des antécédents de pneumonie, les titres d’anticorps étaient revenus à la valeur de départ.

«Notre stratégie actuelle de prévention des infections pneumococciques laisse à désirer, conclut la Dre Johnstone. Le taux de vaccination n’est pas ce qu’il devrait être, le vaccin est perçu comme étant inefficace pour prévenir la pneumonie et on sait qu’il ne prévient pas les infections pneumococciques chez les patients qui ont des antécédents de pneumonie. Nous devons nous donner de meilleures stratégies de vaccination antipneumococcique, et le plus tôt sera le mieux.»

Aux Pays-Bas, on mène actuellement un essai comparatif avec randomisation de très large envergure (environ 85 000 adultes) sur le vaccin antipneumococcique à 13 valences (Pneu-C-13), le seul à ce jour qui confère une protection contre le sérotype 19A, responsable d’une proportion appréciable des infections pneumococciques touchant les adultes et les enfants au Canada.

Réseau SOS

Afin de réunir les chercheurs de partout au pays et d’établir une infrastructure permettant l’évaluation d’un vaccin contre une éventuelle grippe pandémique, on a mis sur le pied le Réseau de recherche sur l’influenza de l’ASPC et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) (PCIRN), explique la Dre Shelly McNeil, Canadian Center for Vaccinology, et professeure agrégée de médecine, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse. Le projet s’est réalisé tout juste avant la pandémie, si bien que «nous avons très rapidement mis en place tous les mécanismes nécessaires à l’évaluation du vaccin pendant la pandémie», précise la Dre McNeil.

Le réseau de surveillance des conséquences fâcheuses chez l’adulte (SOS, pour Serious Outcomes Surveillance) du PCIRN regroupe maintenant une dizaine d’hôpitaux sentinelles, fait-elle observer, ainsi que plus de 30 universités, hôpitaux et établissements répartis dans 6 provinces. Avant d’adopter un nouveau vaccin antipneumococcique conjugué pour les adultes canadiens, nous devons prendre la juste mesure du fardeau de la pneumonie et de la PC dans la population adulte.

Or, pour l’instant, les données canadiennes sont lacunaires. En effet, il faudrait caractériser la distribution des sérotypes au pays, surtout chez les adultes, et les sérotypes à l’origine des IIP chez les aînés. «De plus, nous devons évaluer le fardeau réel de la PC, puis déterminer la proportion de PC pneumococciques et les sérotypes en cause», ajoute la Dre McNeil. Dès lors, par l’entremise du réseau SOS, on rapportera la fréquence de la colonisation nasopharyngée par S. pneumoniae chez les adultes atteints d’une PC et admis dans les hôpitaux sentinelles, puis on précisera la distribution des sérotypes.

Les membres du réseau souhaitent également déterminer les taux actuels d’hospitalisation pour PC de même que les taux de colonisation, de pneumonies pneumococciques et d’IIP par sérotype, pour pouvoir évaluer l’efficacité des futurs vaccins à partir de ces taux de départ. On ne recherchera pas systématiquement la cause des PC – pas plus qu’on ne le fait actuellement, d’ailleurs – mais les chercheurs encourageront les établissements à procéder à tout le moins à un prélèvement nasopharyngé par écouvillonnage pour déceler la présence éventuelle de S. pneumoniae.

«Les nouveaux vaccins, extrêmement prometteurs, pourraient améliorer la prévention des infections pneumococciques chez les adultes canadiens, conclut la Dre McNeil. Toutefois, le remplacement du Pneu-P-23 par de nouveaux vaccins conjugués dans les programmes publics destinés aux adultes doit se fonder sur une évaluation épidémiologique en bonne et due forme de S. pneumoniae au Canada. Or, à l’heure qu’il est, nous ne connaissons pas exactement la proportion d’IIP et de PC de l’adulte causées par des sérotypes vaccinaux.»

Résumé

S. pneumoniae est un agent pathogène fréquent dans la population âgée, responsable d’environ 30 % des PC et d’autres infections graves évitables par la vaccination. Le Pneu-P-23 sur le marché confère une protection relativement bonne contre les IIP, mais il ne semble pas prévenir la pneumonie ni la mortalité toutes causes confondues. En outre, il ne protège pas les personnes ayant des antécédents de pneumonie contre la survenue de futurs épisodes. On a donc grand besoin, semble-t-il, d’un vaccin antipneumococcique plus efficace chez les personnes âgées. À cet égard, on attend avec impatience les résultats d’un vaste essai clinique sur le Pneu-C-13.

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