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Inhibiteurs de l’interleukine-1 dans certaines maladies rhumatismales

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 75e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Chicago, Illinois / 5-9 novembre 2011

Chicago - Les traitements biologiques ciblés sont associés à des taux sans précédent de maîtrise des maladies inflammatoires. Du fait qu’ils bloquent des signaux très spécifiques dans les voies de signalisation de l’inflammation, ces agents interrompent des processus physiopathologiques clés, permettant ainsi un rétablissement fonctionnel. Les inhibiteurs de l’interleukine-1 (IL-1) étant efficaces, ils ont contribué à attirer l’attention sur les syndromes périodiques associés à la cryopyrine – connus pour être rares et facilement passer inaperçus – de même qu’à se tailler une place plus importante dans le traitement d’arthrites réfractaires à d’autres agents biologiques. On a présenté au congrès de nouvelles données d’une étude de phase III sur l’utilisation d’un anticorps anti-IL1ß dans l’arthrite juvénile idiopathique systémique. Les études sur les inhibiteurs de cytokines spécifiques comme l’IL-1 et le TNF contribuent non seulement à la maîtrise de processus morbides, mais aussi à la définition de leur rôle dans certaines maladies.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Syndromes périodiques associés à la cryopyrine

Le rôle de l’interleukine-1 (IL-1) en tant que cytokine pro-inflammatoire est déjà bien établi, mais le développement d’inhibiteurs de cette cytokine s’est révélé utile non seulement sur le plan clinique, mais aussi sur le plan de la recherche du fait qu’il a contribué à élucider et à faire connaître certains processus pathologiques. Le rôle des inhibiteurs de l’IL-1ß dans le traitement de syndromes périodiques associés à la cryopyrine (CAPS) est d’ailleurs un exemple exceptionnel. Causés par un groupe de mutations du gène CIAS1/NLPR3 codant pour la cryopyrine qui entraînent la surexpression de l’IL-1ß, les CAPS se caractérisent par divers signes non spécifiques tels que la douleur articulaire, les éruptions cutanées, la fièvre et la fatigue.

«L’IL-1ß est un puissant régulateur du système immunitaire et un important médiateur de l’inflammation, ce qui explique que les CAPS soient associés à un vaste éventail de symptômes», souligne le Dr Hal M. Hoffman, University of California, San Diego. Instigateur d’un registre international de patients atteints de CAPS, le Dr Hoffman précise que ces syndromes passent souvent inaperçus pendant de nombreuses années, malgré le fait que les agents qui inhibent l’IL-1ß peuvent procurer une réponse complète en quelques jours de traitement.

Plusieurs types d’inhibiteurs de l’IL-1 se sont révélés efficaces contre les CAPS, notamment le rilonacept, protéine de fusion dimérique; le canakinumab, anticorps monoclonal anti-IL-1ß; et l’anakinra, antagoniste compétitif du récepteur de l’IL-1. Seuls le rilonacept et le canakinumab sont approuvés pour cette indication, mais le canakinumab – qui inhibe l’IL-1ß sélectivement – est le plus récent des agents homologués et pourrait être le plus puissant. Au congrès, les CAPS ont fait l’objet d’un symposium qui visait à les faire connaître, et plusieurs nouvelles études, dont un essai sur l’arthrite juvénile idiopathique systémique (AJIs) et le syndrome de Schnitzler, semblent indiquer qu’une puissante inhibition de l’IL-1ß offre des avantages cliniques majeurs dans certaines applications.

«L’ennui avec les CAPS, c’est qu’on n’en connaît pas les caractéristiques. Lorsqu’on est sensibilisé à leur existence, les CAPS sont assez faciles à diagnostiquer. Si, en revanche, on ne les connaît pas, il y a de fortes chances que l’on fasse subir au patient, en vain, un test diagnostique après l’autre», affirme le Dr Robert Cartwright, Allergy Center at Brookstone, Columbus, Géorgie. Lorsqu’on lui a demandé d’exposer des cas cliniques concrets durant le symposium sur les CAPS, le Dr Cartwright a commencé par préciser que le vocable CAPS regroupait en fait plusieurs syndromes, notamment le syndrome de Mückle-Wells et le syndrome auto-inflammatoire familial au froid, qui diffèrent selon la mutation génétique sous-jacente et leurs caractéristiques prédominantes.

Importance du blocage de l’IL-1ß

La cryopyrine, protéine surexprimée en raison de mutations génétiques associées aux CAPS, déclenche une chaîne d’événements moléculaires qui entraînent un taux excessif d’IL-1ß. Les essais sur le canakinumab dans le traitement des CAPS ont clairement montré l’importance du blocage de l’IL-1ß. Dans le cadre de l’essai pivot en trois volets (Lachmann et al. N Engl J Med 2009;360:2416-25), 97 % des patients ont eu une réponse complète lors du premier volet. Ces patients étaient ensuite invités à participer au deuxième volet, dans le cadre duquel ils étaient randomisés de façon à recevoir du canakinumab ou un placebo pendant 24 semaines. Si tous les patients sous canakinumab sont demeurés en rémission, 81 % des patients sous placebo ont eu au moins une poussée. Dans le troisième et dernier volet, où tous les patients étaient sous canakinumab, 90 % sont demeurés en rémission.

On a présenté au congrès des données d’innocuité et d’efficacité recueillies après 1 an de traitement par le canakinumab chez 12 patients atteints d’un CAPS, dont 9 étaient des enfants. Si 6 patients ont eu besoin de doses plus fortes ou plus fréquentes au cours du suivi, la maladie est demeurée maîtrisée sans que la dose ne doive être ajustée chez 5 autres patients. Un patient inobservant a mis fin à son traitement, mais la maîtrise globale de la maladie est demeurée relativement constante après ajustement de la dose, sans compter qu’aucun effet grave n’a été signalé, poursuit la Dre Roberta Caorsi, Istituto G. Gaslini, Gênes, Italie.

Au vu de l’efficacité du canakinumab, on a mis sur pied un registre international sur les CAPS dont l’effectif prévu sera de plus de 400 patients. Le registre aura pour objectif principal la surveillance de l’efficacité et de l’innocuité de cet agent, qui est devenu le traitement dominant de cette maladie, mais il visera aussi des objectifs secondaires, dont la collecte de données sur la croissance et le développement des enfants aux prises avec un CAPS. Autre fait non négligeable, le registre aidera à faire connaître la maladie.

Efficacité dans le syndrome de Schnitzler

Les similitudes entre le syndrome de Schnitzler et les CAPS, notamment au chapitre de l’inflammation systémique et de l’urticaire chronique, ont motivé une étude distincte sur le canakinumab au sein de cette population. Même si l’IL-1ß n’a pas été incriminée dans le syndrome de Schnitzler, on observe des taux élevés de cette cytokine chez les patients qui en souffrent. Après une seule injection sous-cutanée de 150 mg de canakinumab, les 12 patients ont vu leurs symptômes s’atténuer en quelques heures, et tous sont devenus asymptomatiques en l’espace de 7 jours, explique la Dre Heleen D. de Koning, Centre médical universitaire de Radboud, Nimègue, Pays-Bas. «Un traitement d’entretien par le canakinumab permet de maîtriser la maladie à long terme chez ces patients. Cet agent est efficace dans le syndrome de Schnitzler, ce qui confirme que l’IL-1ß est la principale cytokine en cause dans cette maladie», rapporte la Dre de Koning.

Expansion des applications

Il est probable que les applications de l’inhibition de l’IL-1ß s’élargiront à la lumière d’essais de phase III avec randomisation sur le rilonacept pour la prévention des crises de goutte chez les patients sous traitement hypo-uricémiant et sur le canakinumab chez les patients atteints d’AJIs.

Dans le cadre d’un essai multinational, 1315 patients ayant des antécédents de goutte et à risque de crise parce qu’ils venaient de commencer un traitement hypo-uricémiant ont été randomisés de façon à recevoir 1 fois/semaine, par voie sous-cutanée, une injection de rilonacept (160 mg) ou un placebo. À 16 semaines, les crises de goutte avaient diminué en moyenne de 70,3 % par rapport au placebo (p<0,0001). Les infections graves étaient peu fréquentes dans l’un et l’autre groupe, et le taux d’abandon pour cause d’effets indésirables se chiffrait à 4,7 % sous rilonacept vs 3,0 % sous placebo. La plupart des abandons ont été motivés par des réactions au point d’injection.

Sous la direction du Dr John S. Sundy, Duke University Medical Center, Durham, Caroline du Nord, les auteurs de cette étude ont qualifié de substantielle la diminution des crises de goutte et ont conclu que l’innocuité et la tolérabilité du traitement étaient acceptables.

Résultats dans l’AJIs

Dans le cadre d’une étude sur le canakinumab dans l’AJIs, 84 patients ont été randomisés de façon à recevoir l’anticorps monoclonal à raison de 4 mg/kg ou un placebo. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer à 15 jours l’efficacité du traitement d’après le critère de réponse ACR PED50 adapté aux enfants. Les sujets étaient âgés de 2 à 19 ans, et leur maladie s’était installée en moyenne 3,4 ans plus tôt. Le nombre moyen d’articulations touchées était de 14,1, et le taux initial de protéine C-réactive se chiffrait à 200,6 mg/L.

La diminution de l’activité de la maladie selon chacun des paramètres, tant primaire que secondaires, était hautement significative sur le plan statistique : 83,7 % vs 9,8 % (p<0,0001) selon l’ACR PED30; 64,4 vs 4,9 % (p<0,0001) selon l’ACR PED50; et 32,6 % vs 0 % (p<0,0001) selon l’ACR PED100, souligne la Dre Hermine Brunner, Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, Ohio. Bien que les effets indésirables aient été plus nombreux chez les patients sous traitement actif, ils n’ont motivé aucun abandon.

Dans le cadre d’une autre étude sur l’AJIs, on a suivi longtemps des patients sous anakinra, antagoniste du récepteur de l’IL-1. Les 34 enfants de cette série étaient âgés en moyenne de 8,4 ans au début de l’étude, et leur maladie durait en moyenne depuis 3,05 ans. Au cours du suivi d’une durée moyenne de 4,02 ans, 13 (38 %) sont parvenus à une réponse complète et 5 (14 %) à une réponse partielle, tandis que 16 (48 %) n’ont pas répondu au traitement. L’éruption cutanée était l’effet indésirable le plus fréquent. Les auteurs de l’étude, sous la direction du Dr Aldo Naselli, Istituto G. Gasilini, soulignent que la sévérité initiale des symptômes articulaires était un prédicteur important de la réponse.

«L’anakinra permet de distinguer deux sous-groupes de sujets atteints d’AJIs selon qu’ils sont ou non aux prises avec une atteinte articulaire sévère s’accompagnant d’une évolution polyarticulaire chronique», affirme le Dr Naselli, précisant que la probabilité de réponse était beaucoup plus forte chez les sujets dont l’atteinte articulaire était sévère.

Résumé

Certes, il est clair que l’IL-1ß exerce un effet pro-inflammatoire important, mais les essais cliniques sur les inhibiteurs de l’IL-1 ont permis de déterminer exactement dans quels contextes cette cytokine joue un rôle pathologique clé et, par conséquent, dans quels contextes son inhibition peut améliorer l’issue clinique. Les efforts que l’on déploie pour tester l’inhibition de l’IL-1ß dans un spectre grandissant de maladies pourraient non seulement ouvrir la porte à de meilleurs résultats, mais aussi une fenêtre sur l’importance relative de cytokines spécifiques dans certains processus inflammatoires.

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