Comptes rendus

Relever le défi du contrôle de l´hémostase en contexte de chirurgie et de trauma
Rôle du tube digestif dans le métabolisme des lipides et le risque cardiovasculaire

Instaurer le traitement antiviral plus tôt et éviter les réactions d’hypersensibilité

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 47e Congrès intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie

Chicago, Illinois / 17-20 septembre 2007

Au dire de la Dre Kathleen Squires, professeure titulaire de médecine, Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie, la plupart des patients reçoivent maintenant l’une des trois associations d’inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) à doses fixes comme traitement de fond initial, conformément aux lignes directrices consensuelles sur la prise en charge de l’infection à VIH. Par contre, et c’est là une question plus controversée, on se demande à quel nombre de cellules CD4+ on doit envisager le traitement, d’autant plus que les schémas antirétroviraux sont beaucoup plus simples et mieux tolérés que dans le passé.

Les données semblent indiquer qu’il est préférable d’opter pour une démarche proactive afin de protéger la fonction immunitaire et de prolonger la vie des personnes infectées par le VIH, plutôt que d’intervenir à un stade plus avancé de la maladie, explique-t-elle.

La Dre Squires a présenté les résultats de l’étude CASCADE (Concerted Action on SeroConversion to AIDS and Death in Europe), qui regroupait près de 10 000 patients ayant été suivis pendant environ huit ans. Marin et al. ont constaté que plus de la moitié des décès survenus dans la cohorte étaient imputables à des causes autres que le SIDA et que le nombre de cellules CD4+ – c’est-à-dire le nombre de cellules CD4+ au moment de l’évaluation, le nombre le plus bas de cellules CD4+ et le temps passé à moins de 350 cellules CD4+/mm³ – était étroitement lié à la mortalité (Congrès 2007 de l’IAS; résumé WEPEB019). Sur la foi de ces observations, les chercheurs de CASCADE ont conclu que l’instauration plus précoce d’un traitement antirétroviral d’association pourrait avoir des retombées sur les facteurs de morbidité mortels autres que le SIDA.

Plusieurs autres études présentées au congrès sont venues confirmer ces observations, entre autres une analyse rétrospective des données de l’étude SMART (Strategies for the Management of Antiretroviral Therapy). Lors de cette étude, la probabilité d’apparition d’une pathologie liée au SIDA ou non liée au SIDA était moins élevée chez les patients qui avaient amorcé un traitement antirétroviral lorsque leur nombre de CD4+ était >350 cellules/mm³ et l’avaient poursuivi, que chez les patients dont le traitement antirétroviral avait été retardé (Emery et al. Congrès 2007 de l’IAS, résumé WEPEB018).

Van Sighem et al. ont confirmé les résultats de l’étude SMART en rapportant que le risque de SIDA et de mortalité était plus élevé si le traitement antirétroviral hautement actif (HAART) était amorcé lorsque le nombre de CD4+ variait entre 200 et 350 cellules/mm³ – comme c’était auparavant recommandé aux Pays-Bas – plutôt qu’entre 350 et 500 cellules/mm³ (Congrès 2007 de l’IAS, résumé WEPEB080).

Les résultats de l’étude HOPS (HIV Outpatient Study) par Uy et al. – dont la présentation a été répétée au congrès – ont permis de constater que l’apparition de mutations de résistance majeures était deux fois moins probable si le schéma HAART était amorcé lorsque le nombre de CD4+ était >350 cellules/mm³ que lorsqu’il était <200 cellules/mm³, malgré une exposition deux fois plus longue aux antirétroviraux au moment de l’échec virologique. Les chercheurs ont aussi observé une différence du simple au quintuple entre les deux strates quant à la prévalence des mutations de résistance aux INTI et aux INNTI (Congrès 2007 de l’IAS, résumé WEPEB017).

Une analyse plus approfondie de la cohorte de HOPS a aussi révélé que l’incidence des effets toxiques des INNTI était considérablement moins élevée lorsque le schéma HAART était amorcé à un nombre de cellules CD4+ progressivement plus élevé (Lichtenstein et al. Congrès 2007 de l’IAS, résumé MOPEBO16).

Problèmes d’innocuité

Dans le choix d’un schéma antirétroviral, la puissance et la durabilité de la réponse revêtent toutes deux une grande importance. Néanmoins, chaque schéma a son propre profil de toxicité, et l’on doit aussi tenir compte de la tolérabilité et de l’innocuité dans la sélection des antirétroviraux. Plusieurs études présentées au congrès ont suscité des craintes quant à l’utilisation du ténofovir (TDF) et à son effet sur la fonction rénale, même chez les patients dont la fonction rénale était intacte au début du traitement.

Dans l’étude présentée par le Dr Ronald Reisler, professeur adjoint de médecine, University of Maryland School of Medicine, Baltimore, les variations du débit de filtration glomérulaire estimatif (DFGe) ont été évaluées rétrospectivement chez 149 hommes, principalement d’origine afro-américaine, sous TDF et chez 68 hommes sous abacavir (ABC). Après six mois, le déclin du DFGe était significativement plus marqué chez les patients sous TDF que chez les patients sous ABC : 11 mL/min/1,73 m² vs 2 mL/min/1,73 m², respectivement (p<0,05).

Les valeurs du DFGe au terme du traitement étaient semblables aux valeurs à six mois : 12 mL/min/1,73 m² pour le groupe TDF vs 4 mL/min/1,73 m² pour le groupe ABC. Fait intéressant, «le déclin de la fonction rénale était plus prononcé chez les patients dont la fonction rénale était meilleure», note le Dr Reisler, même si les patients sous TDF étaient plus jeunes et avaient au départ une meilleure fonction rénale que les patients sous ABC. Fait digne de mention, le déclin de la fonction rénale a été observé au cours des six premiers mois de traitement, ajoute-t-il, et on le suppose réversible à l’arrêt du traitement par le TDF.

Le Dr Benjamin Young, professeur adjoint de clinique en médecine, University of Colorado, Denver, a rapporté les résultats de son analyse de l’effet du TDF sur la fonction rénale chez 19 patients dont la dysfonction rénale était passée (n=6) ou présente (n=13). Ses collaborateurs et lui-même ont constaté que la clairance de la créatinine avait baissé après un an chez deux des 13 patients dont la clairance de la créatinine était <50 mL/min au départ et que le DFGe avait diminué chez trois patients.

Globalement, le stade de l’insuffisance rénale chronique avait changé au terme de l’étude chez deux des 13 patients dont la clairance de la créatinine était <50 mL/min au départ, même si, comme le souligne le Dr Young, «la présence du TDF dans cette population de patients n’est pas annonciatrice d’une aggravation de la fonction rénale; au contraire, trois améliorations ont été notées». Le Dr Young et ses collaborateurs ont constaté, en moyenne, une diminution statistiquement significative du DFGe chez les patients qui recevaient du TDF, même lorsqu’ils avaient une fonction rénale relativement normale au moment où le traitement était amorcé.

SHAPE et détection d’une hypersensibilité

Dans le passé, la mise en route d’un traitement par l’ABC suscitait souvent des craintes à cause du risque d’apparition d’une réaction d’hypersensibilité. L’avènement du dosage de l’allèle HLA-B*5701 a toutefois beaucoup diminué, voire presque éliminé ce risque. Comme l’expliquait la Dre Claudia Martorell, directrice et infectiologue, The Research Institute, Springfield, Massachusetts, dans une communication par affiche, la présence de l’allèle HLA-B*5701 est «étroitement associée» à l’apparition d’une réaction d’hypersensibilité à l’ABC. Cette réaction se manifeste généralement par de la fièvre, des malaises, des myalgies, de la fatigue et une éruption cutanée, mais comme ces symptômes ne sont pas spécifiques, «ils peuvent diminuer la précision diagnostique», ajoute-t-elle.

À cette fin, on a fait subir un test épicutané à l’ABC et un dosage de l’allèle HLA-B*5701 à tous les sujets de l’étude cas-témoin rétrospective SHAPE (Study of Hypersensitivity to Abacavir and Pharmacogenetic Testing) chez qui l’on soupçonnait cliniquement une réaction d’hypersensibilité à l’ABC.

Les résultats ont montré que l’allèle HLA-B*5701 était présent dans tous les cas où la réaction d’hypersensibilité à l’ABC avait été confirmée par le test épicutané. Les chercheurs ont aussi constaté que la fièvre, les malaises, les myalgies et la fatigue survenaient plus souvent en présence de l’allèle HLA-B*5701 qu’en son absence et que l’apparition des symptômes dans les 21 jours suivant le début du traitement était plus fréquente en présence de l’allèle qu’en son absence.

Comme le précise la Dre Martorell, les résultats de PREDICT-1 (Prospective Randomised Evaluation of DNA Screening in a Clinical Trial) ont révélé que l’incidence des réactions d’hypersensibilité confirmées immunologiquement était nulle chez les patients jamais exposés à l’ABC que l’on avait soumis prospectivement à un test de dépistage de l’allèle HLA-B*5701, ce qui objective la valeur prédictive négative de 100 % de ce test pour l’hypersensibilité à l’ABC

«L’ABC est excellent pour les patients n’ayant jamais été traités. C’est l’une des pierres angulaires du traitement de l’infection à VIH; il peut se prendre une fois par jour, ce qui est très pratique, et il est très bien toléré, enchaîne la Dre Martorell. Les résultats de SHAPE sont très rassurants. Les patients pourront ainsi poursuivre leur traitement et les médecins seront moins angoissés lorsqu’ils le prescriront.»

Le nouveau dosage de l’allèle HLA-B*5701 – auquel on peut procéder avant d’amorcer le traitement par l’ABC/3TC – élimine essentiellement le risque de réaction d’hypersensibilité à l’ABC et permettra aux patients qui pourraient bénéficier de ce traitement sûr et efficace de commencer ou de continuer à le recevoir.

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