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La maîtrise de l’hyperphosphatémie chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Congrès de 2010 de l’ERA-EDTA (European Renal Association et European Dialysis and Transplant Association)

Munich, Allemagne / 25-28 juin 2010

Plusieurs corpus de données ont associé la maîtrise durable du taux de phosphore sérique (PS) à une diminution de la mortalité chez des patients devant être dialysés à vie. La maîtrise du taux de PS pourrait également être bénéfique chez les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC) qui n’ont pas encore atteint le stade de la dialyse chronique. Cela dit, l’objectif principal est de traiter le patient jusqu’à l’atteinte des valeurs cibles sans pour autant générer de nouvelles complications, telle une surcharge calcique. De plus en plus, on reconnaît qu’il est important d’utiliser des agents sans calcium pour atteindre un ratio risque:bénéfice acceptable.

«En raison des troubles du métabolisme minéral et osseux liés à l’insuffisance rénale chronique», plus de 80 % des patients en dialyse présentent une ostéopathie et des calcifications cardiovasculaires. Les anomalies du métabolisme minéral, en particulier l’élévation des taux sériques de phosphore et de calcium, sont des facteurs de risque majeurs de ces maladies, et ces deux anomalies sont associées à une augmentation de la mortalité», affirme le Dr Frank Dellana, Centre de néphrologie Karlstrasse, Düsseldorf, Allemagne. Ce dernier, qui présentait des données sur le carbonate de lanthane, chélateur de phosphate sans calcium, recueillies chez 698 patients traités dans 116 centres de dialyse, a expliqué que 89 % d’entre eux avaient reçu un autre chélateur de phosphate par le passé.

«Le manque d’efficacité du traitement antérieur a motivé le changement de traitement chez 78,5 % de ces patients. Le taux moyen de PS était de 2,33 mmol/L (7,21 mg/dL) lorsque les patients recevaient le traitement antérieur. Sous carbonate de lanthane, il a chuté à un taux moyen de 2,04 mmol/L (6,32 mg/dL) en l’espace de deux semaines, ce qui représente une réduction statistiquement significative (p<0,05). Après six mois, le taux moyen de PS avait chuté à 1,93 mmol/L (6,00 mg/dL) (p<0,0001)», explique le Dr Dellana.

Des effets indésirables ont été rapportés chez 7,6 % des patients, mais environ 20 % seulement de ces effets étaient considérés comme liés au traitement. Principalement de nature gastro-intestinale, ils s’apparentaient à ceux qui avaient été observés lors des essais avec randomisation déjà publiés. Ces données confirment l’efficacité et la tolérabilité du lanthane en conditions réelles : «Dans cette étude, nous avons observé une diminution significative du taux de PS après le passage au carbonate de lanthane, chélateur de phosphate sans calcium qui n’est pas une résine», conclut le Dr Dellana.

Chélateurs de phosphate sans calcium

Les chélateurs de phosphate sans calcium étant capables de réduire le taux de PS sans augmenter substantiellement la calcémie, on reconnaît maintenant qu’ils sont essentiels à la réduction du risque cardiovasculaire associé aux calcifications vasculaires. Cela dit, plusieurs caractéristiques autres que l’absence de calcium les différencient, notamment la possibilité de maintenir l’apport de protéines.

«À en juger par des données recueillies chez des patients dialysés, il semble qu’une augmentation de l’apport de protéines couplée à une réduction du taux de PS soit associée à un risque moindre de décès comparativement à l’augmentation ou à la diminution simultanée des deux paramètres, ou à une diminution de l’apport de protéines couplée à une augmentation du taux de PS. Par conséquent, un chélateur de phosphate très efficace est probablement souhaitable si l’on aspire à abaisser un taux élevé de PS tout en ouvrant la porte à une augmentation de l’apport de protéines chez les patients atteints d’IRC en dialyse», soulignent les chercheurs, qui présentaient des données comparatives sur les chélateurs de phosphate au congrès. Cette observation est pertinente, car leur comparaison entre le carbonate de lanthane et le carbonate de sevelamer a révélé que le taux de chélation du phosphore était près de deux fois plus élevé sous lanthane que sous sevelamer, bien que le lanthane ait été administré à une dose plus faible.

«Ces résultats donnent tout lieu de croire que, dans la pratique clinique, le carbonate de lanthane pourrait être un chélateur de phosphate plus efficace que le carbonate de sevelamer», affirment les chercheurs des États-Unis et du Royaume-Uni. Ces données sont importantes parce qu’une chélation plus efficace des phosphates ouvre la porte à une augmentation de l’apport alimentaire de protéines.

Résultats d’études croisées

Lors de cette étude croisée avec randomisation, des volontaires sains ont été suivis pendant une série de périodes de traitement, séparées par des congés thérapeutiques de 7 à 14 jours. Chaque période, amorcée par un jeûne, comportait un repas sans chélateur de phosphate, un repas avec 1000 mg de lanthane et un repas avec 2400 mg de sevelamer (Figure 1). La séquence de ces périodes était aléatoire chez les 18 participants. Les chercheurs ont eu recours à la spectroscopie optique du plasma pour analyser la concentration en phosphore de l’effluent rectal après les repas.

Figure 1. Absorption nette du phosphore après les repas


L’étude a révélé que 135,1 mg (±12,3 mg) de phosphore étaient liés sous carbonate de lanthane, par comparaison à seulement 63,2 mg (±12,3 mg) sous carbonate de sevelamer. À en juger par l’écart hautement significatif de 71,9 mg (p<0,001), il serait en théorie plus probable que le patient sous carbonate de lanthane puisse mieux maintenir son apport de protéines que le patient sous carbonate de sevelamer pour autant que le traitement ait été amorcé au même taux de PS.

Une étude croisée publiée avait déjà démontré que le carbonate de lanthane abaissait davantage le taux de PS après quatre semaines de traitement (Sprague et al. Clin Nephrol 2009;72:252-8) (Figure 2). Selon une analyse en intention de traiter, les deux agents ne différaient pas dans cette étude parce que seulement les deux tiers des patients environ avaient poursuivi l’étude jusqu’à la fin après le changement de traitement. Cependant, la réduction supplémentaire de 0,5 mg/dL (0,16 mmol/L) du taux de PS sous carbonate de lanthane, par comparaison au carbonate de sevelamer, chez les sujets qui ont terminé l’étude était hautement significative sur le plan statistique (p=0,007). La plus grande efficacité du lanthane est compatible avec la chélation plus efficace des phosphates. Plusieurs autres différences se sont dégagées d’études présentées au congrès.
du phosphore sérique

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Effet sur le calcitriol

Lors d’une autre étude croisée portant sur des volontaires sains, on a comparé le carbonate de lanthane et le carbonate de sevelamer quant à leurs effets sur la pharmacocinétique du calcitriol, supplément de vitamine D administré par voie orale. Là encore, la séquence des trois périodes de l’étude – calcitriol oral seul, calcitriol oral avec carbonate de lanthane et calcitriol oral avec carbonate de sevelamer – était aléatoire. Il était prévisible que le lanthane serait avantageux, car le sevelamer est connu pour sa grande affinité pour les sels biliaires et a donc tendance à inhiber le métabolisme du calcitriol.

Les résultats ont effectivement montré que le carbonate de lanthane n’exerçait aucun effet significatif sur la biodisponibilité du calcitriol oral comparativement aux valeurs initiales (Tableau 1) alors que le carbonate de sevelamer réduisait la biodisponibilité du calcitriol de 55 % et que la réduction de la concentration maximale (Cmax) par rapport au calcitriol seul était hautement significative (p<0,001). Ces données sont pertinentes, car la vitamine D contribue
le risque d’hyperparathyroïdie chez les patients atteints d’IRC.

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Généralement parlant, la prise en charge de l’hyperphosphatémie exige une évaluation minutieuse du ratio risque:bénéfice en raison de l’action des chélateurs de phosphate sur d’autres médiateurs importants du risque pour la santé, notamment les taux de calcium et de calcitriol ainsi que le produit calcium-phosphate.

Les auteurs d’une étude réalisée en Espagne ont tenté de suivre tous ces changements pendant un an chez 77 patients dialysés ayant commencé à prendre du lanthane. Avant de passer au lanthane, 51,9 % des patients recevaient un chélateur de phosphate à base de calcium et 48,1 %, un agent sans calcium, en l’occurrence le sevelamer. Le lanthane a été associé à des réductions substantielles du taux de PS et du produit calcium-phosphate. «Les paramètres biochimiques de l’ostéodystrophie se situaient dans les limites recommandées chez un plus grand nombre de patients sous carbonate de lanthane», explique le Dr José Lacueva, Centro Cediat-Llíria, Valence, Espagne. «Le carbonate de lanthane a permis de réduire l’utilisation des agents à base de calcium au même titre que le sevelamer a pratiquement éliminé les chélateurs à base d’hydroxyde d’aluminium.»

Avant la dialyse

En général, les études sur les chélateurs de phosphate portent sur des patients en dialyse, mais selon des données présentées au congrès, une forte proportion de patients atteints d’IRC en reçoivent avant même d’atteindre le stade de la dialyse. Cela dit, à l’instar de ce que l’on observe chez les patients dialysés, il est fréquent que le traitement ne soit pas assez énergique pour que la valeur cible soit atteinte.

Dans le cadre d’une étude réalisée conjointement par Shire Pharmaceuticals, Genzyme Corporation et Fresenius Medical Care, les chercheurs ont évalué 2193 patients ayant reçu un diagnostic d’IRC pour qui on disposait de données sur les taux sériques de phosphore et de parathormone (PTH). Les patients en dialyse étaient exclus.

«Le traitement par un chélateur de phosphate commençait souvent lorsque les taux sériques de phosphore et de PTH étaient nettement supérieurs à la normale», souligne l’auteur principal de l’étude, le Dr Michael Keith, Shire Pharmaceuticals, Wayne, Pennsylvanie. Au fil des trois années où les données ont été recueillies, les chélateurs de phosphate semblaient être offerts à un stade toujours moins avancé de la maladie rénale. Par exemple, le taux moyen de créatinine au moment où le chélateur de phosphate commençait à être administré se chiffrait à 5,9 mg/dL (1,91 mmol/L) la première année alors qu’il n’était que de 4,6 mg/dL (1,49 mmol/L) la troisième année. De même, le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) moyen au moment où le chélateur de phosphate commençait à être administré se chiffrait à 13,1 mL/min la première année alors qu’il s’élevait à 17,0 la dernière année.

Ces résultats sont encourageants et semblent refléter une sensibilisation croissante à l’importance d’un chélateur de phosphate en présence d’une détérioration de la fonction rénale. Il se pourrait qu’un traitement encore plus énergique puisse être avantageux à long terme. Il importe ici de souligner qu’un traitement précoce ne risque pas de perdre de son efficacité avec le temps. Selon une analyse groupée des données de plusieurs études à long terme, la plus longue ayant duré six ans, rien n’indique que l’effet du carbonate de lanthane diminue avec le temps. En fait, la réduction observée sur une période de plusieurs années était presque exactement la même qu’après 90 jours. Ces données revêtent une importance particulière, car une étude antérieure avait montré que la baisse de mortalité associée aux chélateurs de phosphate dépendait d’un effet durable indéfiniment.

Une baisse rapide du taux de PS pourrait aussi avoir un effet favorable sur les résultats, surtout chez le patient qui n’a encore jamais reçu de chélateur de phosphate ou chez celui dont la maladie est avancée et qui présente un taux de PS demeurant bien supérieur à la valeur cible. Outre ses avantages relatifs, à savoir une chélation efficace du phosphore sans effet défavorable sur d’autres paramètres tels qu’une surcharge calcique ou une biodisponibilité moindre du calcitriol oral, le carbonate de lanthane semble agir rapidement. Une analyse groupée de quatre essais – qui réunissait 437 patients souffrant d’IRC au stade 5 et dont les résultats ont été présentés au congrès – a permis d’évaluer la rapidité d’action, et des baisses significatives du taux de PS ont ainsi été objectivées moins d’une semaine après le début du traitement.

Cela dit, les agents actuellement sur le marché ont beau être efficaces, il faut bien sûr effectuer un dosage sérique du phosphore et de la PTH afin de pouvoir amorcer le traitement approprié et d’ajuster sa posologie de façon à atteindre les valeurs cibles. Les chélateurs actuellement à notre disposition permettent de maîtriser le taux de PS de façon efficace et durable tout en offrant un ratio risque:bénéfice favorable chez les patients en dialyse ou atteints d’IRC avancée qui ont intérêt à se protéger contre l’hyperphosphatémie.

Résumé

Plusieurs études présentées au congrès ont ajouté du poids aux données existantes selon lesquelles les différences entre les chélateurs de phosphate sans calcium pourraient avoir des répercussions sur les résultats. Il est ressorti d’études comparatives que le lanthane se caractérisait par une plus grande fixation du PS que le carbonate de sevelamer et que, contrairement à ce dernier, il ne diminuait pas la biodisponibilité du calcitriol oral. Cependant, les avantages relatifs de ce traitement ne peuvent se concrétiser que si l’hyperphosphatémie est diagnostiquée et qu’elle est traitée de façon à ce que les valeurs cibles soient atteintes. Il n’est pas facile d’atteindre un ratio risque:bénéfice optimal lorsqu’on essaie d’abaisser le taux de PS sans augmenter le taux de calcium ni déstabiliser d’autres facteurs métaboliques importants comme la vitamine D. Il est à souhaiter que l’examen des différences entre les traitements attirera l’attention sur l’importance globale de traiter l’hyperphosphatémie de façon à augmenter la proportion de patients qui atteignent les valeurs cibles.

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