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Le bon médicament au bon moment chez le bon patient : le recours systématique aux analyses moléculaires dans le CPNPC devrait devenir une stratégie nationale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Lung Cancer Summit 2015

Toronto, Ontario / 30 octobre 2015

Toronto - L’ American Society of Clinical Oncologists recommande depuis peu de déterminer le statut des biomarqueurs chez le patient atteint d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) non squameux avancé avant d’amorcer le traitement de fond – chimiothérapie ou thérapie ciblée – afin de pouvoir l’adapter aux mutations sous-jacentes. Pourquoi n’est-ce pas déjà le cas? L’oncologue demande l’analyse au moment de la première évaluation, de sorte que le traitement s’en trouve souvent retardé ou, en l’absence des résultats de l’analyse, un traitement possiblement inapproprié est amorcé. Si le pathologiste demande une analyse moléculaire au moment où il diagnostique un CPNPC, les retards indus pourraient être évités. D’ailleurs, les premiers résultats donnent tout lieu de croire que le recours systématique aux analyses moléculaires devrait devenir la norme dans la prise en charge du CPNPC.

Rédactrice médicale en chef : DreLéna Coïc, Montréal, Québec

 

L’heure est aux analyses moléculaires

L’heure est aux analyses moléculaires chez les patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) non squameux, et c’est le pathologiste qui devrait en faire la requête une fois le CPNPC diagnostiqué afin que l’oncologue puisse déterminer le traitement de première intention en fonction des résultats.

«Il est trèsclair que la présence ou l’absence de certains biomarqueurs détermine le traitement de fond recommandéen première intention, mais le recours aux analyses moléculaires dans la pratique clinique est encore loin d’être monnaie courante malgré la découverte des cibles sur lesquelles on peut agir dans le CPNPC avancé», affirme la Dre Parneet Cheema, oncologue médicale, Sunnybrook Odette Cancer Centre, Toronto, Ontario.

Plus précisément, il faut déterminer si le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) et le réarrangement du gène ALK sont présents, car il est possible de cibler chacune de ces deux mutations à l’aide des traitements appropriés, ajoute-t-elle. En fait, la majorité des patients atteints d’un CPNPC sont porteurs d’une mutation pilote identifiable qui pourrait être ciblée par un traitement homologué ou àl’essai. D’autres biomarqueurs seront ciblés par les traitements à venir et viendront eux aussi moduler le choix du traitement de première intention; «bref, il est vraiment important de rechercher ces biomarqueurs tôt dans l’évolution de la maladie», poursuit-elle.

L’ennui, c’est qu’il y a de réels obstacles à l’identification des biomarqueurs en temps opportun. Dans le cadre d’un sondage ciblant 41 oncologues médicaux du Canada, la recherche de l’EGFR n’avait pas été effectuée chez 29 % des patients atteints d’un CPNPC et les médecins ne savaient pas si cette mutation était présente ou non chez 45 % des patients au moment où ils avaient dû choisir le traitement de première intention. «L’attente des résultatsde la recherche des biomarqueurs est un obstacle de taille à la personnalisation des soins dans le CPNPC avancé», poursuit la Dre Cheema.

Ce phénomène tient en partie au fait que le CPNPC est déjà avancé au moment du diagnostic chez la majorité des patients, lesquels se présentent à la clinique avec des épanchements pleuraux symptomatiques et des métastases osseuses douloureuses. Les oncologues font alors face au dilemme suivant : soit ils attendent les résultats de la recherche des biomarqueurs, soit ils serrent les dents et traitent le patient sans délai par crainte d’une détérioration clinique.

L’insuffisance de tissu à tester est un autre problème bien réel : en effet, l’aspiration à l’aiguille et la microbiopsie ne permettent de recueillir que très peu de tissu à soumettre à l’examen du pathologiste. Ainsi, pour améliorer les taux d’analyses de biomarqueurs et abréger le délai de mise en route d’un traitement déterminé par les résultats de la recherche, de nombreux centres en Ontario, dont Sunnybrook, ont instauré le recours systématique aux analyses moléculaires.

Recours systématique aux analyses moléculaires

«Par“recours automatique aux analyses moléculaires”, on entend que le pathologiste demande une recherche de l’EGFR et du réarrangement du gène ALK au moment où il diagnostique un CPNPC, quel qu’en soit le stade», explique la Dre Cheema. Au centre d’oncologie Sunnybrook, chez les patients atteints d’un cancer avancé, le taux d’analyse de l’EGFR a atteint près de 100 % et le taux d’analyse de l’ALK, 89 %. Le seul fait de connaître le statut mutationnel du patient dès la première consultation a permis de ramener le délai de mise en route du traitement de  29 jours (profil mutationnel EGFR/ALK inconnu) à 16 jours (profil mutationnel connu).

Le recours systématique aux analyses moléculaires a aussi permis de réduire au minimum le taux de tests inutiles pour cause de résultats non concluants ou de fragments tissulaires insuffisants ou inappropriés envoyés en pathologie. «Si l’on exclut lespatients chez qui on a retardé intentionnellement la mise en route du traitement à cause de la radiothérapie, il a fallu 12 jours de moins pour mettre en route le traitement médicamenteux de première intention systémique optimal, précise la Dre Cheema. Et je pense que nous avons besoin d’une stratégie nationale pour que l’accès aux analyses moléculaires des CPNPC soit universel et qu’il se fasse en temps opportun.»

Du point de vue du pathologiste, le recours systématique aux analyses moléculaires est avantageux parce qu’il permet de bien connaître la pathologie de la tumeur, y compris ses caractéristiques moléculaires. Le recours systématique aux analyses devrait aussi améliorer globalement l’efficacité diagnostique du fait qu’il évite une deuxième analyse de l’échantillon après le bilan diagnostique initial, explique le Dr Ming-Sound Tsao, professeur titulaire de médecine de laboratoire et de pathologie, University of Toronto.

Traitement adapté au génotype

La littérature le montre clairement : le traitement adapté au génotype améliore la survie des patients porteurs d’un adénocarcinome pulmonaire métastatique. Dans une étude multicentrique sur le cancer du poumon à laquelle participaient 14 établissements aux États-Unis, la médiane de survie aétéde3,5 ans parmi les patients porteurs d’une mutation pilote qui avaient reçu le traitement ciblé approprié vs 2,4 ans pour les patients porteurs d’une mutation pilote qui n’avaient pas reçu de traitement ciblé, soit presque la même durée de survie que celle des patients non porteurs d’une mutation pilote (médiane de 2,1 ans). L’essai PROFILE 1014 a d’ailleurs fait la preuve d’une amélioration cliniquement importante de la survie sans progression (SSP) chez les patients atteints d’un CPNPC ALK+.

Dans cet essai, la SSP des patients sous crizotinib (inhibiteur de l’ALK) a été 55 % plus longue – comme en témoigne le rapport des risques instantanés (RRI) de 0,45 – que celle des patients sous pemetrexed plus soit cisplatine, soit carboplatine : 10,9 mois dans le groupe crizotinib vs 7 mois dans le groupe chimiothérapie. Le délai de réponse (6,1 semaines sous inhibiteur de l’ALK vs 12,1 semaines sous chimiothérapie) et la durée de la réponse (49 semaines sous inhibiteur de l’ALK vs 22,9 semaines sous chimiothérapie) étaientaussi en faveur du crizotinib.

«Nous ne nous attendons pasàvoir de différences sur le plan de la survie globale, àen juger par ce que nous avons observéavec le CPNPC EFGR+», enchaîne leDr Jeffrey Rothenstein, Durham Regional Cancer Centre, Ontario. «Cela dit, et c’est làun point important, la qualitéde vie s’améliore quand on opte pour un traitement de première intention ciblé. Ce sont là autant de bonnes raisons d’utiliser un inhibiteur de l’ALK en première intention.» La Dre Barbara Melosky, professeure adjointe de clinique en oncologie médicale, University of British Columbia, Vancouver, a rappelé aux congressistes que si le réarrangement du gène ALK demeure une mutation rare, «ces patients vivent plusieurs années, et nous avons dans nos cliniques de nombreux patients porteurs de cette mutation».

Le patient type est un non-fumeur ou un fumeur léger, et le CPNPC ALK+ frappe généralement des patients jeunes. Comparativement au CPNPC EGFR+, le CPNPC ALK+ touche plus d’organes et est plus agressif. «Environ le quart despatients porteurs d’un CPNPC ALK+ présentent des métastases cérébrales, ajoute la Dre Melosky. Même si le patient n’a aucun symptôme, il est important d’être à l’affût de métastases cérébrales lorsque le traitement est amorcé et de rester à l’affût tout au long du traitement.»

Le CPNPC ALK+ essaime soit dans l’organisme entier, soit dans le cerveau. Peu de sujets de l’essai pivot PROFILE 1014 étaient porteurs de métastases cérébrales, maison a observé dans ce sous-groupe de patients un avantage non significatif en faveur du groupe crizotinib quant à l’intervalle sans progression. Une analyse rétrospective d’essais pivots a révélé que, lorsque le CPNPC progressait sous crizotinib, l’avantage clinique se maintenait chez les patients qui poursuivaient le traitement par l’inhibiteur de l’ALK, la médiane de survie globale ayant atteint 16,4 mois pour ceux qui étaient demeuréssous traitement vs 3,9 mois pour ceux qui y avaient mis fin.

Il y a maintenant des inhibiteurs de l’ALK de deuxième génération que nous pouvons prescrire lorsque le CPNPC devient résistant au crizotinib, fait remarquer la Dre Melosky. Au nombre des agents de deuxième génération figurent le céritinib et l’alectinib. Aux États-Unis, le céritinib est maintenant le traitement de référence après un traitement par le crizotinib. Chez les patients n’ayant jamais reçu d’inhibiteur de l’ALK, le taux de réponse au céritinib est de l’ordre de 60 %, mais les taux de réponse et la SSP sont moins solides chez les patients au lourd passé thérapeutique.

«Cela dit, lecéritinib est un médicament plus difficile à tolérer que le crizotinib, poursuit la Dre Melosky, et il a fallu en réduire la dose chez de nombreux sujets; les effets indésirables de grade 3 et 4 ont été plus fréquents que dans les essais sur le crizotinib.» De nombreux agents sont maintenant à l’étude dans le traitement du CPNPC ALK+, et c’est là une bonne nouvelle.

«Je suisde nature optimiste, poursuit la Dre Melosky, et je prédis que le CPNPC ALK+ deviendra une maladie chronique parce que nous aurons plus inhibiteurs de l’ALK àessayer successivement.»

Conclusion

Les traitements ciblés pour les CPNPC EGFR+ et ALK+ sont de plus en plus nombreux, et nous espérons que chaque nouvelle génération d’inhibiteurs de l’EGFR et de l’ALK permettra de faire face aux résistances mutationnelles lorsqu’elles apparaîtront. L’oncologue a àsa disposition un arsenal thérapeutiquegrandissant contre ces cancers, mais il doit absolument connaître le statut mutationnel au moment où il amorce le traitement, car toute mutation pilote présente peut être ciblée directement grâce aux traitements existants et à venir. Si les pathologistes ont systématiquement recours aux analyses moléculaires, le processus s’en trouvera accéléré et le patient bénéficiera plus rapidement du meilleur traitement qui lui convienne.

 

 

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