Comptes rendus

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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence annuelle de l’AMMI (Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie) Canada et de la CACMID (Canadian Association for Clinical Microbiology and Infectious Diseases)

Montréal, Québec / 7-9 avril 2011

Au Canada, Staphylococcus aureus est le micro-organisme le plus souvent en cause dans les pneumonies touchant les patients en soins intensifs ou en chirurgie; on estime qu’il serait responsable d’environ le quart des cas. À l’échelle mondiale, S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) – dont la résistance aux pénicillines, aux céphalosporines, aux monobactames et aux carbapénèmes a été démontrée – est de plus en plus incriminé dans les infections nosocomiales. Aux États-Unis, la proportion de SARM parmi les isolats provenant de patients en soins intensifs augmente en flèche depuis une quarantaine d’années : 2 % en 1974, 22 % en 1995 et 64 % en 2004 (Klevens et al. Clin Infect Dis 2006;42:389-91). «À l’heure actuelle, cette proportion est de l’ordre de 75 à 80 %», note le Dr Ethan Rubenstein, chef de l’Infectiologie, University of Manitoba, Winnipeg.

Bien que les cliniciens aient toujours distingué les souches communautaires et nosocomiales de SARM, «la distinction épidémiologique entre [ces souches] est de plus en plus floue : à l’heure actuelle, des souches communautaires se transmettent dans les hôpitaux et on trouve souvent des souches d’hôpitaux en milieu communautaire», fait remarquer le Dr Andrew Simor, chef de la Microbiologie et de l’Infectiologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto, Ontario. De l’avis du Dr Rubenstein, «il y a fort à parier que la provenance de l’infection finira par ne plus être pertinente et qu’une nouvelle nomenclature verra le jour».

Le traitement empirique initial est crucial

Au vu des risques et des complications associés aux pneumonies nosocomiales (PN) et aux pneumonies à SARM, le traitement initial doit être efficace contre tous les agents pathogènes possiblement en cause. Une fois le micro-organisme pathogène isolé, le traitement doit toutefois être modifié. Les antibiotiques associés à une incidence moindre de résistance bactérienne peuvent être avantageux du fait qu’ils peuvent accélérer l’obtention de bons résultats thérapeutiques, qu’ils atténuent les complications associées à l’ajout d’un traitement telles qu’une toxicité accrue et des interactions médicamenteuses, qu’ils réduisent le coût global et les résultats non souhaitables et qu’ils limitent la transmission subséquente, explique le Dr Daniel Thirion, professeur agrégé de clinique en pharmacie, Université de Montréal, Québec. Plusieurs études montrent que chez les patients en soins intensifs dont l’état est critique, la mortalité est environ deux fois plus élevée lorsque le traitement antimicrobien initial est inapproprié. Des chercheurs du Canada ont récemment déterminé qu’en cas de choc septique, le risque de mortalité augmentait de 6,8 % d’heure en heure lorsque l’administration du traitement approprié était retardée (Kumar et al. Crit Care Med 2006;34:1589-96). «On ne peut pas se permettre d’attendre les résultats de la culture pour amorcer le traitement approprié chez les patients à risque élevé de complications», insiste le Dr Thirion.

Dans les recommandations qu’elle a publiées cette année (Clin Infect Dis 2011;52:285-92), l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) confirme que les patients en soins intensifs ou porteurs d’une pneumonie nécrosante, d’infiltrats cavitaires ou d’un empyème devraient tous recevoir un traitement efficace contre les SARM. Plus précisément, l’IDSA recommande la vancomycine (15 à 20 mg/kg toutes les 8 à 12 heures, l’objectif étant un creux plasmatique de 15 à 20 µg/mL) ou le linézolide (600 mg toutes les 12 heures) pour les PN ou les pneumonies à SARM, poursuit le Dr Thirion. Il est ressorti de certaines études que la rifampicine pourrait être utile dans les PN, a fortiori si elle est associée à la vancomycine. Cet agent ne doit pas être utilisé en monothérapie vu l’émergence rapide de souches résistantes, fait-il remarquer. Les données à l’appui de la clindamycine sont moins concluantes et proviennent majoritairement d’études chez l’enfant. La tigécycline est efficace contre les PN, mais pas chez les patients sous ventilation mécanique; par contre, au vu d’une analyse groupée de 13 études de phase III et IV avec agents de comparaison, la tigécycline est assortie d’une mise en garde contre une augmentation de 0,6 % de la mortalité toutes causes confondues (IC à 95 %, 0,1-1,2), ajoute le Dr Rubenstein. La telavancine est un nouvel antibiotique homologué au Canada pour le traitement des infections de la peau et des tissus mous causées par des micro-organismes à Gram positif, mais pas pour le traitement de la pneumonie.

Selon certaines données, il pourrait y avoir des avantages à privilégier le linézolide plutôt que la vancomycine, du moins chez certains patients, enchaîne le Dr Thirion. La vancomycine est associée à un phénomène d’échappement, le «MIC creep» des anglophones, en vertu duquel la concentration minimale inhibitrice (CMI) de vancomycine capable d’inhiber S. aureus augmente graduellement. «On observe une augmentation constante du nombre de souches ayant une CMI de 1 et une diminution des souches plus sensibles», dit-il. Une CMI croissante peut donner lieu à de mauvais résultats, notamment un risque accru de mortalité. L’utilisation de la vancomycine à une dose plus forte et les creux plasmatiques maintenant recommandés pourraient augmenter le risque de néphrotoxicité, ajoute-t-il.

Le Dr Simor est d’accord pour dire que le linézolide pourrait être préférable en première intention chez les patients atteints d’insuffisance rénale ou dont la fonction rénale est instable. «En pareilles circonstances, on sait que la vancomycine expose le patient à un risque de toxicité nettement plus élevé, et il est beaucoup plus difficile de s’assurer que la dose est appropriée [...]. À mon avis, ce sous-groupe [de patients] tirerait grand profit d’un traitement par le linézolide.» Les patients atteints de pneumonie communautaire à S. aureus dont la souche est productrice de la leucocidine de Panton-Valentine (PVL) pourraient, eux aussi, bénéficier du linézolide. Cette protéine contribue à la nécrose tissulaire, et la théorie voulant qu’elle soit responsable du risque accru de mortalité imputable au SARM est fort répandue. La PVL est une toxine produite par la synthèse protéique bactérienne, et l’inhibition de cette synthèse pourrait en fait diminuer les taux de PVL et, partant, donner de meilleurs résultats [...] C’est purement théorique, mais c’est une théorie qu’il vaut la peine d’envisager», expliquait le Dr Simor à l’auditoire.

Les infections à SARM à l’étude

Dans le cadre d’une vaste étude de phase IV récente menée à double insu, ZEPHyR, on a évalué l’efficacité et l’innocuité d’un traitement de 7 à 14 jours par le linézolide ou la vancomycine chez des patients atteints de PN sévère. L’étude regroupait 448 patients dont l’infection par un SARM avait été confirmée par culture, et 348 d’entre eux étaient évaluables au terme de l’étude. Le paramètre principal était la réponse clinique chez les patients évaluables lors de la visite de fin d’étude (7 à 30 jours après la fin de l’antibiothérapie). À la fin de l’étude, le nombre de réussites thérapeutiques ou de guérisons était significativement plus élevé dans le groupe linézolide que dans le groupe vancomycine (57,6 % vs 46,6 %, p=0,042). L’analyse microbiologique a confirmé que le taux d’éradication ou d’éradication présumée du SARM était plus élevé chez les patients sous linézolide. Sur une période de 60 jours, la mortalité ne différait pas entre les deux groupes de traitement. Sur le plan de l’innocuité, les résultats étaient aussi similaires. Compte tenu de la brièveté relative du traitement, les effets indésirables associés au linézolide (p. ex., anémie, thrombopénie, neuropathie) n’ont pas été observés. «Il semble qu’un traitement de 2 semaines par le linézolide soit assez sûr», affirme le Dr Rubenstein.

Les études ATTAIN sur la telavancine (Rubenstein et al. Clin Infect Dis 2011;52:31-40) ont démontré que cet agent était non inférieur à la vancomycine dans le traitement des PN. Ces essais de phase III multicentriques et internationaux ont été menés à double insu, et leur objectif était de comparer l’efficacité clinique et l’innocuité de la telavancine et de la vancomycine, toutes deux administrées pendant au plus 21 jours chez 1503 patients atteints de PN à Gram positif (surtout des pneumonies à SARM, la présence d’un SARM ayant été confirmée chez 56 % des sujets sous telavancine et 65 % des sujets sous vancomycine). Les chercheurs ont rapporté que les résultats de la visite de contrôle, qui avait lieu au plus 2 semaines après la fin de l’antibiothérapie, ne différaient pas d’un groupe à l’autre, tant sur le plan statistique que clinique. Parmi les patients cliniquement évaluables (n=654), par exemple, 82,4 % des patients sous telavancine et 80,7 % des patients sous vancomycine ont eu une réponse clinique. Dans les cas où la présence d’un SARM a été confirmée, on a obtenu une réussite thérapeutique ou une guérison chez 74,8 % et 74,7 % des patients, respectivement. À en juger par une analyse de sous-groupes, la telavancine pourrait avoir été légèrement plus efficace chez les patients plus malades (p. ex., score APACHE >20, atteinte pulmonaire aiguë ou syndrome de détresse respiratoire, ou bactériémie), mais aucun de ces résultats n’a été significatif sur le plan statistique. La telavancine a été associée à des taux de guérison plus élevés chez les patients dont la CMI de vancomycine était =1 mg/mL (p=0,03). Au chapitre de la survie, aucun agent n’était supérieur à l’autre. L’incidence des effets indésirables fréquents était généralement similaire, mais les cas d’insuffisance rénale étaient plus nombreux dans le groupe telavancine, tout comme les abandons pour cause d’effets indésirables.

Il est ressorti souvent de ces études récentes qu’il était inefficace d’augmenter la dose de vancomycine pour augmenter le creux plasmatique chez les patients infectés par S. aureus dont la CMI était >1,5 mg/mL, souligne le Dr Rubenstein. «L’échec de l’antibiothérapie était plus répandu dans les cas où les creux plasmatiques de vancomycine étaient plus élevés [...] Le taux de mortalité était deux fois plus élevé, et le taux de guérison était proportionnellement aussi faible. Nous n’avons donc pas pu confirmer que l’augmentation de la dose et que des creux plasmatiques élevés de vancomycine donnaient de meilleurs résultats en présence d’une pneumonie à SARM.»

Résumé

«Les infections à SARM demeurent associées à un gigantesque fardeau de morbidité au Canada, et ce fardeau ne cesse de s’alourdir, tant en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire [...] Nous devons tirer avantage des meilleures modalités thérapeutiques, entre autres les nouveaux antibiotiques [...] Et nous devons nous assurer de faire bon usage de ces médicaments, conformément à leurs indications. De même, nous devons nous efforcer de réduire le risque davantage en améliorant les mesures de prévention», conclut le Dr Simor.

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