Comptes rendus

Le traitement anticoagulant optimal en présence d’un syndrome coronarien aigu en pleine mutation
Résultats à six ans de l’IES : nouvelles données sur le traitement à long terme du cancer du sein RE+

Le monitoring thérapeutique, sur le point de devenir une norme pour certains antifongiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 49e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

San Francisco, Californie / 12-15 septembre 2009

Au congrès, l’importance du monitoring thérapeutique (MT) a été le thème de plusieurs comptes rendus d’études dont l’objectif était de définir l’utilisation optimale des nouveaux antifongiques azolés dans le traitement des mycoses invasives. Lorsque la concentration thérapeutique cible est connue, le MT est un outil utile pour améliorer les résultats si l’on en juge par l’opinion des experts présents à l’ICAAC et les résultats de plusieurs études récentes. Les avantages éventuels du MT ont été particulièrement bien étudiés pour le voriconazole. Les données expérimentales et cliniques sur ce nouveau dérivé azolé montrent de façon assez constante que le ratio optimal entre l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques et la concentration minimale inhibitrice (ASC/CMI) gravite autour de 25.

«Le MT devrait maintenant être obligatoire pour un traitement par le voriconazole. La variabilité interindividuelle des paramètres pharmacocinétiques [PK] est un fait établi, le ratio cible est bien défini et la dose s’ajuste facilement», affirme le Dr Johan W. Mouton, Service de microbiologie médicale et d’infectiologie, Hôpital Canisius-Wilhelmina, Nimègue, Pays-Bas. Dans le cadre d’un symposium où d’autres experts, dont le Dr David Andes, chef de l’Infectiologie, University of Wisconsin School of Medicine and Public Health, Madison, y sont allés d’arguments similaires, le Dr Mouton a rappelé à l’auditoire que «tous les dérivés azolés, à l’exception du fluconazole, sont connus pour la très grande variabilité [interindividuelle] de leurs paramètres PK». Pour cette même raison, le MT est aussi nécessaire pour le posaconazole et l’itraconazole, souligne-t-il.

Les nouveaux azolés se sont révélés très efficaces et sont considérés comme des agents de première intention dans le traitement de plusieurs infections fongiques, mais ils diffèrent entre eux à plusieurs égards, notamment la liaison aux protéines, l’élimination et l’aptitude à traverser la barrière hémato-encéphalique. Il a été démontré lors d’études antérieures sur les antifongiques, dont le fluconazole, qu’une exposition moindre au médicament augmentait la mortalité associée aux mycoses potentiellement mortelles, ce qui fait de la variabilité interindividuelle un facteur clé des résultats du traitement. Le MT nous permet de nous assurer que les concentrations du médicament sont dans la fourchette thérapeutique et que le risque d’effets indésirables demeure acceptable.

Variabilité des concentrations plasmatiques

L’importance du MT découle de la variabilité des concentrations plasmatiques dans les essais cliniques. La même conclusion – à savoir que le MT est un outil utile et essentiel – s’est dégagée de deux études récentes sur le voriconazole chez les enfants et d’une autre étude sur le posaconazole chez des patients atteints d’une hémopathie maligne. Lors d’une étude menée chez des enfants dont les résultats ont été discutés par le Dr Miguel Lanaspa, unité des maladies infectieuses et des déficits immunitaires en pédiatrie, Hospital Universitari Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne, les chercheurs ont mesuré chez des patients consécutifs les concentrations plasmatiques du voriconazole à l’aide de la chromatographie liquide haute performance cinq jours après le début du traitement, puis une fois par semaine. Non seulement les concentrations plasmatiques en fonction de la dose administrée étaient-elles très variables chez les 13 patients évalués, mais il a été nécessaire de rajuster la posologie chez 84 % d’entre eux pour ramener les concentrations plasmatiques dans la fourchette thérapeutique.

«À notre avis, le MT devrait maintenant être un incontournable chez tous les enfants sous voriconazole», indique le Dr Lanaspa. Cette démarche a été imposée dans l’établissement où il exerce, si bien que les concentrations plasmatiques doivent dorénavant être mesurées une fois par semaine.

Les auteurs d’une étude menée au Canada sont arrivés à la même conclusion. Lors de cette étude, dont les résultats ont été rapportés par Nastya Kassir, PharmD, département de pharmacie, Université de Montréal, Québec, on a prélevé du sang chez 33 enfants recevant du voriconazole par voie orale ou intraveineuse afin de mesurer les concentrations de voriconazole à l’état d’équilibre. Une fois de plus, les chercheurs ont constaté que les paramètres PK étaient très variables, tant d’un patient à l’autre que d’une fois à l’autre chez un même patient, même si, prévient Mme Kassir, les paramètres PK du voriconazole sont connus pour être linéaires chez les enfants, contrairement à ce que l’on observe chez les adultes. «L’énorme variabilité interindividuelle et intraindividuelle des paramètres PK donne à penser que le MT doit être recommandé [chez les enfants et les adolescents]», poursuit-elle.

Lors de l’étude sur le posaconazole, chez des patients adultes souffrant de leucémie aiguë myéloblastique qui recevaient cet antifongique à des fins de prophylaxie, on a évalué les concentrations de l’antifongique administré par voie orale sept jours après le début du traitement. Le MT a révélé que près de 80 % des patients n’avaient pas atteint le taux cible de 0,5 µg/mL, soulignent les auteurs, sous la direction du Dr M. Bryant, Service de microbiologie, West Virginia University Hospital, Morgantown. La concentration moyenne du posaconazole était de 0,35 µg/mL.

«Aucun facteur en particulier ne peut expliquer une concentration aussi faible», affirment les chercheurs, expliquant qu’ils n’avaient constaté aucun lien entre les concentrations du médicament et soit le poids, soit la surface corporelle, dans les analyses de régression linéaire. Il est difficile d’obtenir des concentrations thérapeutiques de posaconazole dans un contexte autre qu’un essai clinique, ajoutent-ils, concluant que le MT est probablement nécessaire à l’optimisation de la posologie dans la pratique clinique.

L’étude IMPROVIT

Ces données et les opinions d’experts au sujet des paramètres PK et pharmacodynamiques (PD) devraient accélérer le recours au MT pour l’utilisation des nouveaux antifongiques azolés dans la pratique clinique, mais des études portant sur des doses fixes continuent de générer des données. Une étude intitulée IMPROVIT – qui a été présentée en séance de dernière heure à l’ICAAC – visait à comparer le voriconazole et l’itraconazole dans un contexte de prophylaxie des mycoses invasives chez des patients subissant une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques; 489 patients ont été randomisés de façon à recevoir la posologie standard de chaque antifongique pendant 100 jours ou, en cas de persistance des facteurs de risque d’une mycose, pendant 180 jours. Pour atténuer le risque accru d’effets indésirables sous itraconazole, des périodes sans antifongique d’une durée maximale de 14 jours étaient autorisées.

En fonction d’un paramètre mixte de survie sans mycose invasive prouvée ou probable ou sans arrêt du traitement pendant plus de 14 jours, le voriconazole semblait plus efficace que l’itraconazole à 100 jours (55 % vs 41 %; p=0,0007) et à 180 jours (49 % vs 35 %; p=0,0004). Même s’il n’y avait aucune différence quant à la survie à 180 jours (85 % dans les deux groupes), aucun patient sous voriconazole n’a développé de mycose invasive, alors que trois patients sous itraconazole en ont développé une. Les effets indésirables, à l’exception des troubles visuels (6 % vs 0 %) et de résultats anormaux aux épreuves de la fonction hépatique (7 % vs 2 %), étaient généralement moins fréquents sous voriconazole que sous itraconazole. La durée médiane du traitement par l’itraconazole n’a été que de 68 jours, par comparaison à 97 jours pour le voriconazole.

«Le voriconazole semble sûr et efficace pour la prophylaxie à long terme des mycoses invasives au sein de cette population, et plus efficace que l’itraconazole», affirme le Dr David I. Marks, University Hospital, Bristol, Royaume-Uni. Le voriconazole étant très efficace dans le traitement de l’aspergillose, qui menace grandement les greffés de cellules hématopoïétiques en présence de neutropénie, son efficacité en prophylaxie n’a étonné personne.

Mycoses invasives du SNC

On tente actuellement de voir comment optimiser l’utilisation des nouveaux azolés dans le traitement des mycoses invasives du SNC. La distribution tissulaire est un facteur clé dans le traitement d’un foyer mycosique et, bien que des différences comme la liaison aux protéines puissent avoir des répercussions sur la capacité relative d’atteindre des compartiments difficiles d’accès, les modèles expérimentaux ne reflètent pas nécessairement la pratique clinique. Par exemple, fait remarquer le Dr Michael Henry, Caritas St. Elizabeth’s Medical Center, Boston, Massachusetts, même si le voriconazole pénètre mieux dans le SNC que les autres azolés de nouvelle génération, une mycose du SNC compromettrait probablement l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique, ce qui atténuerait les différences éventuelles par rapport aux autres antifongiques. Le Dr Henry a présenté des données selon lesquelles le voriconazole, qui est homologué pour le traitement de l’aspergillose du SNC, atteint rapidement des concentrations thérapeutiques dans le SNC, mais il estime que des études plus rigoureuses s’imposent pour que l’on puisse déterminer le lien entre les concentrations plasmatiques du médicament et ses concentrations dans un foyer particulier.

Le Dr Andes est d’accord pour dire que le lien entre les paramètres PK de l’antifongique dans un foyer particulier et l’issue clinique pourrait être important dans les sites protégés, surtout le SNC, mais les concentrations plasmatiques reflètent généralement les concentrations tissulaires cibles. À son avis, le MT serait un outil fiable dans la plupart des situations cliniques et permettrait de nous assurer que les concentrations de l’antifongique sont à l’intérieur de la fourchette thérapeutique.

Résumé

Les nouveaux azolés facilitent la lutte contre de nombreuses mycoses invasives difficiles à traiter, mais de nouvelles données semblent indiquer que les paramètres PK et PD de ces antifongiques sont très variables. De plus en plus, le MT est reconnu comme un outil clinique qui permet à l’équipe soignante de s’assurer que les concentrations des antifongiques sont à l’intérieur de la fourchette thérapeutique au moment où l’état d’équilibre est atteint, généralement de deux à cinq jours après le début du traitement, puis à intervalles réguliers pendant un traitement au long cours. Des données supplémentaires s’imposent pour objectiver un lien direct entre le MT et l’amélioration des résultats obtenus avec les nouveaux azolés les plus efficaces, mais les données que nous avons en main sur le voriconazole et le posaconazole laissent déjà entrevoir de meilleurs résultats, tant sur le plan de l’innocuité que sur celui de l’efficacité.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.