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Le point de vue du patient en rhumatologie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Rome, Italie / 10-13 juin 2015

 

Rome - Le nombre de stratégies de traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ayant augmenté considérablement depuis une dizaine d'années, les rhumatologues doivent réfléchir à plusieurs options lorsqu'ils prennent un patient en charge. Le choix du patient, son autoprise en charge et son point de vue au fil de la progression de la maladie sont autant de thèmes qui ont dominé le congrès, et on a rappelé aux rhumatologues l'importance d'écouter le patient et de comprendre son point de vue lors de la prise de décisions thérapeutiques.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

 

La polyarthrite rhumatoïde (PR) compte parmi les maladies chroniques les plus fréquentes au Canada, et c’est l’une des principales causes de morbidité, d’incapacité et d’utilisation du système de santé. De plus, elle a d’importantes répercussions sur la qualité de vie, surtout sur les plans émotionnel et social. Depuis une dizaine d’années, fort heureusement, plusieurs stratégies de traitement énergiques ont vu le jour, notamment des antirhumatismaux qui modifient le cours de la maladie (DMARD) et des agents biologiques qui ciblent des mécanismes particuliers de la maladie. À l’heure actuelle, le marché canadien compte neuf agents biologiques homologués pour le traitement de la PR, chacun ayant un mode d’action distinct et des effets indésirables qui lui sont propres; s’ajoutent à ces agents des DMARD, des corticostéroïdes et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

 

Options de traitement sous la loupe

 

«L’arsenal de traitements pour la PR a pris de l’expansion, et c’est heureux pour les patients, mais cette expansion a pour corollaire des décisions thérapeutiques de complexité croissante», affirme la Dre Monika Hifinger, Université de Maastricht, Pays-Bas (Hifinger M et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 178-79. Résumé OP0281). Dans la pratique clinique, les décisions ne sont pas toujours claires et nettes, et il n’y a jamais de solution idéale; le médecin doit généralement faire un compromis après avoir mis en balance divers facteurs comme l’efficacité et l’innocuité, précise-t-elle.

 

Dans leur étude, Hifinger et al. se sont penchés sur l’importance de divers facteurs que les rhumatologues prennent en compte lorsqu’ils évaluent les options de traitement. Au total, 453 rhumatologues de 11 pays d’Europe ont eu à choisir à répétition entre deux options de traitement de marque non précisée pour une patiente fictive dont la PR était d’activité modérée et n’avait pas répondu à deux DMARD synthétiques. Cinq caractéristiques étaient définies pour chaque traitement : efficacité, innocuité, préférence du patient, coût et efficience.

 

Pour les rhumatologues de tous les pays, l’efficacité était le facteur le plus important. «Fait très intéressant, la préférence du patient pesait plus lourd dans la balance lorsque ce dernier désapprouvait l’option de traitement, explique la Dre Hifinger. Les rhumatologues tenaient aussi compte des aspects économiques de leurs décisions. La prise en compte des préférences du patient témoigne d’une tendance vers des soins axés sur le patient.»

 

Le point de vue du patient pour le choix d’un médicament

 

«Le traitement de la PR doit viser à atténuer l’activité de la maladie, à réduire les érosions au minimum et à restreindre l’impact de la maladie sur le patient», affirme la Dre Leslie Harrold, University of Massachusetts Medical School, Worcester, Massachusetts (Harrold LR et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 129-30. Résumé OPO160). «Cela dit, nous en savons peu sur la qualité de vie du patient au moment où il amorce son traitement biologique. De plus, très peu d’études portent sur les conséquences du traitement biologique sur la qualité de vie du patient», dit-elle.

 

L’évaluation de 4232 patients n’ayant jamais reçu d’agent biologique a permis aux chercheurs de constater que la plupart étaient aux prises avec des douleurs et une fatigue considérables, et qu’ils avaient du mal à accomplir des activités usuelles et à marcher lorsqu’ils ont commencé à prendre leur premier agent biologique, malgré le fait qu’ils recevaient des DMARD pour la plupart. «C’est donc dire que la qualité de vie était sous-optimale au moment de la mise en route du traitement biologique, et je pense que nous avons besoin de nouvelles stratégies de traitement pour contrer ce problème, poursuit la Dre Harrold. Nous estimons que l’amélioration des résultats subjectifs [sous traitement biologique] était modeste. De toute évidence, nous avons besoin de plus de données subjectives pour savoir comment axer la conversation avec le patient sur le bien-fondé de la prescription de ces traitements et les bienfaits escomptés.»

 

Dans d’autres études, les chercheurs ont évalué les préférences des patients pour les DMARD (Kruger K et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 322. Résumé THU0350) et les agents biologiques (Ibero I et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 320. Résumé THU0344). Kruger et al. – qui ont évalué 1588 patients répartis dans 40 cliniques de rhumatologie en Allemagne – ont constaté que le mode d’administration des DMARD était l’aspect le plus important, les agents oraux étant préférés de loin aux agents injectables. Venaient ensuite la possibilité de ne pas associer un DMARD au méthotrexate», puis la fréquence d’administration, les effets indésirables et le délai d’action.

 

Dans l’étude espagnole sur les préférences pour les agents biologiques, la Dre Ibero et al. ont évalué 165 patients atteints de PR. Quel qu’ait été le diagnostic, le soulagement était la priorité aux yeux des patients; venaient ensuite le risque d’effets indésirables, la durée de l’effet ou l’intervalle inter-doses et, enfin, la voie d’administration. «Nous devons prêter une attention particulière à ces caractéristiques afin de mieux adapter le traitement des maladies rhumatismales aux préférences des patients», concluent les auteurs dans leur présentation par affiche.

 

Événements de la vie, stress et PR

 

Dans le cadre d’une autre étude, les chercheurs ont tenté de déterminer l’impact des événements majeurs de la vie, tant physiques que psychologiques, sur la PR débutante (Bykerk VP et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 1300. Résumé AB1188). Le stress contribue à l’apparition, à la progression et à l’exacerbation des maladies auto-immunes inflammatoires, y compris la PR. Dans le cadre de l’étude d’observation multicentrique canadienne CATCH (Canadian Early Arthritis Cohort), les patients devaient déterminer si un événement majeur était survenu dans leur vie avant le début de l’étude. Parmi les 1596 sujets de l’étude, 51 % ont fait état d’un stress, et ces patients étaient aux prises avec de fortes douleurs, une grande fatigue, un déclin de la capacité fonctionnelle et un score élevé témoignant d’une maladie active. Les chercheurs ont constaté que le stress psychologique – et non pas le stress physique – avait d’importantes répercussions négatives sur les patients. «Lors de l’anamnèse, il faut amener les patients à faire mention de sources de stress comme celles-là et en tenir compte dans l’interprétation de la réponse au traitement», concluent les chercheurs.

 

Poussées de PR : savoir écouter les patients

 

Plus de 25 % des patients atteints d’une PR débutante qui se présentent à leurs rendez-vous de suivi font état de poussées (Bartlett SJ et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 792-93. Résumé SAT0368). Dans une autre étude présentée au congrès, les chercheurs ont tenté de déterminer comment les patients atteints de PR prenaient leurs poussées en main. Chez les 388 des 501 participants présentant une PR débutante qui ont fait état d’une poussée, les stratégies d’autoprise en charge les plus fréquentes étaient la prise d’analgésiques (53 %) et la diminution des activités (52 %); 36 % avaient essayé des solutions telles qu’un massage ou l’application de chaleur/froid; 35 % évitaient toute forme d’activité, 6 % prenaient des corticostéroïdes; et 17 % appelaient leur médecin. Les patients étaient d’autant plus susceptibles de se prendre en charge eux-mêmes que la poussée était sévère et qu’elle durait longtemps. «Les stratégies d’autoprise en charge mettent en lumière les conséquences des poussées de PR sur la qualité de vie, notamment les coûts supplémentaires que cela implique», concluent les chercheurs.

 

«Les patients [atteints de PR] font souvent état de poussées, même si leur maladie est peu active ou s’ils sont en rémission», enchaîne la Dre Dorota Kuettel, Hôpital du roi Christian X pour les maladies rhumatismales, Graasten, Danemark (Kuettel D et al. Ann Rheum Dis 2015; 74: 118. Résumé OP0132). Les résultats de cette nouvelle étude présentés à Rome en ont surpris plus d’un : les patients ayant fait état d’une poussée présentaient des douleurs et une enflure articulaires comme le montraient les clichés radiologiques alors que la maladie n’avait pas progressé chez les patients n’ayant pas fait état de poussées.

 

Les données montrent qu’une progression radiologique peut survenir chez un patient en rémission et que cette progression est liée à une aggravation périodique de l’activité de la maladie (Welsing et al. Arthiritis Rheum 2001; 44). «Cela nous amène à nous demander si les poussées dont les patients font état modifient la progression de l’atteinte articulaire», s’interroge la Dre Kuettel. Lors de la première étude sur le lien entre les poussées rapportées par les patients et l’atteinte articulaire observée sur les clichés d’imagerie, les chercheurs ont évalué pendant 2 ans 268 sujets de l’essai AMBRA dont la maladie était peu active. Aucun patient ne recevait d’agent biologique et ne présentait d’articulations gonflées au départ. On demandait aux patients de se rappeler le nombre de poussées au cours de la dernière année. En bref, les poussées passagères ou persistantes dont les patients avaient fait état ont été associées à un pincement de l’interligne articulaire, contrairement aux patients qui n’avaient fait état d’aucune poussée.

 

Faisant référence à cette présentation au terme du congrès, la Dre Janet Pope, professeure titulaire de médecine, University of Western Ontario, a fait la déclaration suivante : «N’oublions pas qu’en notre qualité de professionnels de la santé, nous voyons seulement un instantané du patient lorsqu’il nous consulte alors que le patient, lui, vit avec sa maladie jour après jour et que nous ne sommes pas forcément témoins des poussées dont il parle. Nous devons donc écouter le patient attentivement.» Le patient peut sembler aller bien lors du rendez-vous et pourrait même être en rémission, mais s’il dit qu’il a eu des poussées entre les consultations, nous devons être à l’affût d’une aggravation de l’atteinte articulaire, poursuit-elle. Concernant l’étude CATCH à laquelle elle a participé, elle a ajouté : «De nombreuses poussées rapportées par le patient ne seraient pas forcément qualifiées de poussées par le médecin, et s’il y a poussée, le patient ne consulte pas son médecin la plupart du temps. Les poussées rapportées par les patients pourraient témoigner – ou non – d’une PR active, mais [cette présentation] nous met en garde : nous devons écouter ce que dit le patient, car les poussées dont il fait état ont pour corollaire une aggravation de l’atteinte articulaire.»

 

Résumé

 

Compte tenu du très grand nombre de nouvelles options à leur disposition pour le traitement de la PR, les rhumatologues ont des décisions de plus en plus complexes à prendre. De récentes études montrent que les poussées rapportées par les patients témoignent d’une progression de la maladie. Elles indiquent aussi de quels facteurs il faut tenir compte au moment de soupeser les diverses options de traitement médicamenteux. 

 

 

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