Comptes rendus

TDAH de l’enfance à l’âge adulte : points de vue cliniques
Diminution de la pression intraoculaire dans la prise en charge du glaucome

Le point sur les vaccins : Réduire la morbi-mortalité secondaire à l’ensemble des affections

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

7e Conférence canadienne sur l’immunisation

Winnipeg, Manitoba / 3-6 décembre 2006

Le fardeau de morbidité directement imputable au virus du papillome humain (VPH) est lourd. Le cancer est l’affection la plus grave dont il est responsable : environ 70 % des cancers du col, environ la moitié des cancers de la vulve, du vagin et du pénis et quelque 20 % des cancers oropharyngés. En fait, le lien entre les sous-types oncogènes à risque élevé (16 et 18) du VPH et le cancer du col est le plus solide jamais établi entre un agent infectieux et une forme de cancer, note le Dr Wylam Faught, professeur titulaire et directeur, obstétrique et gynécologie, University of Alberta, Edmonton. Le VPH entraîne également des dysplasies cervicales de grade faible ou élevé ainsi que des condylomes anaux et génitaux chez l’homme et la femme. On estime que 90 % des condylomes génitaux sont causés par les sous-types 6 et 11 du VPH et qu’une proportion pouvant atteindre 80 % des jeunes femmes sont infectées par le VPH au cours des deux ou trois années suivant leur premier rapport sexuel. L’apparition de condylomes génitaux chez des patients jeunes peut avoir des conséquences psychologiques très graves, sans compter que le diagnostic et le traitement des manifestations cliniques du VPH coûtent cher.

Comme le souligne la Dre Deborah Money, professeure agrégée et directrice, division de médecine fœto-maternelle, British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, Vancouver, l’âge moyen au moment du premier rapport sexuel au Canada est de 15,7 ans, «ce qui signifie que les adolescents ont eu un contact peau-à-peau et ont été exposés au VPH vers l’âge de 13 ans».

On entrevoit environ 1350 nouveaux cas de cancer du col invasif et 390 morts imputables à cette forme de cancer au Canada en 2006. La commercialisation d’un vaccin préventif anti-VPH pourrait réduire, voire éliminer, les lésions cervicales précancéreuses causées par l’infection à VPH. L’administration du vaccin quadrivalent, tant chez les jeunes filles qui n’ont pas encore eu de rapport sexuel que chez celles qui ont déjà été exposées au virus, est appelée à réduire grandement les condylomes génitaux occasionnés par les sous-types 6 et 11, voire à les faire disparaître complètement. Le vaccin quadrivalent (sous-types 16, 18, 6 et 11) a été homologué pour les jeunes filles et les femmes âgées de neuf à 26 ans.

Le taux d’immunogénicité du vaccin selon les données publiées est très élevé – «beaucoup plus élevé que l’immunité naturelle», précise la Dre Money. Après un essai randomisé de trois ans, on a constaté qu’il protège les sujets vaccinés contre les manifestations du VPH induites par les sous-types vaccinaux, mais pas contre les infections transitoires à VPH. Selon l’ensemble des données issues de quatre essais sur le vaccin quadrivalent, il ne s’était produit, au terme des essais, aucun nouveau cas de néoplasies intra-épithéliales cervicales (CIN) de grade 2/3 à VPH de type 16 ou 18 chez les femmes vaccinées, comparativement à 53 dans le groupe placebo (taux d’efficacité vaccinale de 100 %). On a noté un seul cas de condylomes génitaux vs 91 dans le groupe placebo, soit un taux d’efficacité de 98,9 %. L’essai en cours sur le vaccin bivalent (sous-types 16 et 18) a aussi fait ressortir des taux d’immunogénicité très élevés chez les jeunes femmes. On peut donc s’attendre à ce que le vaccin réduise ou élimine les dysplasies cervicales de grade faible ou élevé imputables aux types 16 ou 18 du VPH et les cancers du col qui en découleraient.

La Dre Money émet toutefois une mise en garde : ces vaccins sont très efficaces contre les sous-types vaccinaux mais ne protègent pas contre les infections imputables à d’autres sous-types. «Ils n’éliminent pas toutes les formes d’infections à VPH.» Comme ils ne protègent que contre environ 70 % des cancers du col, insiste-t-elle, les femmes devront continuer de subir régulièrement des cytologies cervicales même si l’administration du vaccin anti-VPH se généralise. Cela dit, ces vaccins préventifs représentent, pour une vaste majorité de femmes, une arme véritable contre le cancer du col, arme dont elles disposent pour la première fois de leur histoire. «La prévention des lésions annonçant un cancer du col – et du stress imputable aux anomalies des résultats de la cytologie cervicale, à la colposcopie et, parfois, aux traitements ablatifs et à l’exérèse d’une partie du col – comptera au nombre des plus grands avantages de ces vaccins. Il est à espérer que le vaccin anti-VPH de type 6 et 11, pour sa part, préviendra les condylomes génitaux, qui occasionnent des effets psychosociaux non négligeables. Si nous arrivons à vacciner toutes les jeunes filles avant leur premier rapport sexuel, nous pourrons véritablement faire échec à l’infection, au moins pour ce qui est des sous-types vaccinaux.»

Une analyse des coûts du vaccin quadrivalent a aussi fait ressortir son très grand rapport coût-efficacité pour le système de santé canadien. Selon le modèle mathématique retenu par l’équipe du Dr Marc Brisson, Chaire de recherche du Canada sur la modélisation mathématique et l’économie de la santé liée aux maladies infectieuses, Université Laval, Québec, les sous-types 6, 11, 16 et 18 du VPH sont responsables chaque année de 36 000 nouveaux cas de condylomes génitaux au Canada, de 74 000 cas de CIN, de 800 cas de cancer du col et de 320 morts par cancer du col. Le modèle a aussi révélé que le coût de l’administration du vaccin quadrivalent aux jeunes filles de 12 ans était inférieur à 15 000 $ par année-personne sans invalidité gagnée, «bien en deçà du seuil de 50 000 $ à partir duquel les interventions sont jugées efficientes», note-t-il.

Toujours selon ce modèle, le nombre de sujets à vacciner (NSV) pour prévenir un épisode de condylomes génitaux était de huit, tandis que le NSV était de 14 pour prévenir un cas de CIN de grade 1 et de 31 pour prévenir un cas de CIN de grade 2/3. (Le NSV correspond au nombre de femmes [dans un groupe d’âge donné] à qui on doit administrer le vaccin quadrivalent [types 6, 11, 16 et 18] pour prévenir un événement lié au VPH à vie.) On doit vacciner quelque 276 jeunes filles de 12 ans pour prévenir un cas de cancer du col et 639, pour prévenir une mort par cancer du col.

Vaccin antirotavirus

Le nouveau vaccin contre le rotavirus est appelé à avoir un effet aussi marqué sur le fardeau de morbidité chez les nourrissons. Comme le signale le Dr Umesh Parashar, chef d’équipe, virus respiratoires et intestinaux, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Géorgie, les infections à rotavirus seraient responsables de 50 000 à 70 000 hospitalisations chaque année aux États-Unis. (Au Canada, le taux d’hospitalisation oscille entre un enfant infecté sur 62 et un sur 106, la durée du séjour étant de deux à trois jours.)

Les résultats sur l’efficacité du vaccin antirotavirus (maintenant commercialisé au Canada) ont fait état d’une réduction de 96 % des hospitalisations, de 94 % des visites au service des urgences et de 86 % des visites en clinique externe. Le vaccin a un taux d’efficacité de 98 % pour prévenir la gastro-entérite à rotavirus sévère et de 74 % pour prévenir une infection à rotavirus quelconque (tous degrés de sévérité confondus). «Le vaccin réduira massivement les événements liés au rotavirus dans tous les contextes», confirme le Dr Parashar. Le même essai a aussi souligné l’importance du vaccin antirotavirus dans la gastro-entérite chez les jeunes enfants, puisque toutes les hospitalisations pour cause de gastro-entérite ont diminué de presque 59 % chez les sujets vaccinés, comparativement aux sujets du groupe placebo. «En tant que parent, je peux affirmer que l’infection à rotavirus n’a rien de réjouissant», insiste le Dr Parashar. Non seulement la diarrhée est-elle incommodante, mais elle s’accompagne habituellement de fièvre et de vomissements fréquents, ce qui rend très difficile le maintien d’une hydratation suffisante.

La Dre Lee Ford-Jones, professeure titulaire de pédiatrie, University of Toronto, a également souligné à quel point il est important que les parents sachent comment maintenir leur enfant malade bien hydraté : il doit recevoir des cuillerées à thé ou à soupe de liquide toutes les quelques minutes. «Le lavage fréquent des mains a aussi été associé à une réduction de 50 % du taux de diarrhée», ajoute-t-elle. Le Comité consultatif national de l’immunisation s’affaire à la rédaction d’une déclaration de principes sur l’utilisation du vaccin antirotavirus homologué à la grandeur du pays, mais le vaccin est disponible dès maintenant pour les parents qui souhaitent faire immuniser leur enfant. «Il est clair que le rotavirus est une cause très importante de diarrhée chez les nourrissons et les bambins et qu’il se transmet aux autres membres de la famille.» Par contre, comme un vaccin antirotavirus antérieur avait été associé à une augmentation du risque d’intussusception, «les exigences envers le présent vaccin sont plus élevées que jamais. Nous devons nous assurer de sa complète innocuité».

Zona

On ignore si l’administration à grande échelle du vaccin antivaricelleux chez les jeunes enfants aura un effet sur la réactivation à long terme du virus chez les adultes, mais il semble que l’incidence du zona augmentera puisque les adultes ne font plus l’objet d’un «rappel» secondaire à l’exposition à des enfants souffrant de varicelle.

Comme l’explique la Dre Allison McGeer, professeure titulaire de médecine de laboratoire, de pathobiologie et de santé publique, University of Toronto, Ontario, on sait maintenant que le taux cumulatif à vie de zona (entre 25 % et 35 % à l’heure actuelle) est en fait relativement faible parce que les adultes sont souvent exposés à des enfants souffrant de varicelle, ce qui stimule l’immunité des adultes. Selon une étude, le risque de zona est 25 % plus faible chez les adultes qui vivent avec des enfants de moins de 16 ans, «et il est encore plus faible chez ceux qui vivent avec des enfants ayant déjà contracté la varicelle».

Voilà qui porte à croire que la diminution du taux de varicelle primaire attribuable à la vaccination antivaricelleuse massive se traduira par «une hausse du risque de zona parce que les adultes ne bénéficieront plus de l’effet de rappel», et le risque à vie devrait atteindre environ 50 % dans un avenir prévisible. Par conséquent, les adultes auront encore plus besoin d’être protégés contre le zona. Au nombre des traitements actuels du zona aigu, citons l’acyclovir, le valacyclovir ou le famciclovir, administrés pendant sept à 10 jours, dans les 72 heures suivant l’apparition de l’éruption cutanée. Tous ces médicaments semblent réduire de moitié l’incidence des névralgies postzostériennes (NPZ). Le traitement de première intention des NPZ comprend les analgésiques, les antidépresseurs tricycliques, la gabapentine ou la prégabaline, mais les conférenciers s’entendent pour dire que les traitements du zona et des NPZ sont loin d’être parfaits. La prévention du zona et de ses complications redoutées est à n’en pas douter la stratégie de choix.

Selon l’étude SPS (Shingles Prevention Study) réalisée auprès de quelque 39 000 sujets d’au moins 60 ans, le fardeau de morbidité imputable au zona – mesuré de trois à cinq ans après la vaccination – avait baissé de 61,1 % chez les participants qui avaient reçu une dose unique du vaccin antivaricelleux vivant atténué Oka/Merck, comparativement au groupe placebo. L’incidence des NPZ et du zona était 50 % à 60 % moins élevée. L’efficacité du vaccin était significativement moindre chez les sujets ³70 ans que chez les sujets de 60 à 69 ans. Il n’y avait cependant pas de différence quant au score mesurant le fardeau de morbidité ni à l’incidence des NPZ entre les deux groupes d’âge, ce qui donne à penser que le vaccin atténue la sévérité de l’infection chez les sujets plus âgés.

«La stimulation immunitaire – sous l’effet d’une exposition naturelle ou d’un vaccin –réduira significativement l’incidence et la sévérité du zona chez les adultes âgés. Nous devons donc nous tourner vers la vaccination des adultes pour remplacer et, espérons-le, améliorer la stimulation immunitaire naturelle en vue de diminuer l’incidence et la sévérité du zona», de conclure la Dre McGeer.

Vaccin antiméningococcique du groupe C

Les vaccins antiméningococciques conjugués du groupe C ont eu beaucoup de succès au Royaume-Uni, succès qui a été très révélateur pour les autorités sanitaires. Comme le souligne la Dre Elizabeth Miller, Health Protection Agency, Centre for Infections, Londres, Royaume-Uni, trois vaccins antiméningococciques ont été commercialisés en 2000. Il était prévu d’en faire une administration systématique : calendrier de trois doses (à deux, trois et quatre mois) et programme de rattrapage pour les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans.

Au cours des années précédentes, on avait noté un «pic hivernal important» d’infections à méningocoques chez les jeunes de 15 à 17 ans, dont le taux de portage est le plus élevé. Après l’arrivée des vaccins, «le taux [d’infection à méningocoques] a subi un plateau immédiat, premier signe de leur très grande efficacité». En fait, on constate une chute progressive du taux d’infection à méningocoques du groupe C dans tous les groupes d’âge depuis la commercialisation des vaccins, même chez les sujets de plus de 20 ans, grâce à l’immunité collective. Les autorités sanitaires craignaient que l’éradication de l’infection à méningocoques du groupe C se solde par la résurgence de l’infection à méningocoques du groupe B. Leurs craintes n’étaient pas fondées puisqu’on a assisté à une réduction progressive des cas d’infection à méningocoques des groupes B et C partout en Angleterre et au Pays de Galles. Soulignons également que l’efficacité vaccinale s’est révélée très élevée chez les nourrissons vaccinés à deux, trois et quatre mois pendant la première année après la vaccination. La protection a cependant diminué considérablement après un an. Cela dit, malgré une certaine diminution de l’efficacité des vaccins chez les sujets plus âgés, les taux de protection n’ont pas évolué significativement au fil du temps. Les nourrissons ne présentent toujours pas d’infection à méningocoques, étant donné que le taux de portage est essentiellement nul au sein de cette population.

Vaccin antivaricelleux

Comme l’explique la Dre Jane Seward, Centers for Disease Control and Prevention, le nombre moyen annuel de cas de varicelle aux États-Unis, avant la commercialisation du vaccin antivaricelleux, se chiffrait à environ quatre millions, ce qui représentait entre 11 000 et 13 500 hospitalisations et entre 100 et 105 décès. Après la commercialisation du vaccin en 1996, le taux de couverture vaccinale est passé de 26 % en 1997 à 88 % en 2005, sans lacune vaccinale en fonction de la race ou de l’origine ethnique. En fait, le vaccin est maintenant obligatoire pour les enfants en garderie et au primaire dans 44 États.

Quelque 47 millions de doses plus tard, on ne déplore aucune mort imputable au vaccin lui-même, et ses effets indésirables graves sont très rares. Leur survenue met habituellement au jour une immunodépression sous-jacente. Le registre des grossesses confirme l’absence de cas de varicelle congénitale chez les femmes exposées au vaccin pendant leur grossesse, et le taux de malformations congénitales majeures chez les enfants dont la mère avait été exposée au vaccin est semblable au taux de référence. L’expérience faisant suite à son homologation révèle en outre que le vaccin prévient 99 % (moyenne) des épisodes de varicelle sévère – médiane de 100 % – «ce qui souligne sa grande efficacité pour prévenir les épisodes sévères. Une dose du vaccin antivaricelleux assure une excellente maîtrise de l’infection chez les enfants, et nous prévoyons une maîtrise encore meilleure grâce au programme de deux doses.»

La Dre Marian MacLellan, Faculté des sciences infirmières, St. Francis Xavier University, Antigonish, Nouvelle-Écosse, s’est penchée sur les attitudes d’un groupe de parents canadiens à l’égard du vaccin antivaricelleux. En juin 2005, on a demandé à 148 parents d’enfants âgés de un à cinq ans s’ils avaient fait vacciner leur enfant; 62 % des parents ont répondu par la négative. (La Nouvelle-Écosse a financé le programme de vaccination antivaricelleuse en 2003; la question du financement public ne se posait donc pas.) «La principale raison motivant le refus du vaccin était que l’enfant avait déjà contracté la varicelle.» Mais une proportion significative de parents ont refusé le vaccin parce qu’il n’était pas gratuit (16 %) ou parce que le médecin ne l’avait pas recommandé (10 %). Plus de la moitié (56 %) jugeait que la varicelle était une infection bénigne.

«La varicelle ne doit pas être perçue comme “une maladie inévitable” – c’est une infection que l’on peut prévenir par un vaccin, et les parents se fient aux professionnels de la santé pour obtenir des conseils sur les vaccins et pour connaître le bien-fondé des nouveaux vaccins», conclut la Dre MacLellan.

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