Comptes rendus

Le déficit cognitif dans la population vieillissante des patients infectés par le VIH

L’hypothèse du cholestérol et les retombées de l’étude SEAS

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM 2008 - Cardiologie

Decembre 2008

Commentaire éditorial :

David Fitchett, MD, FRCPC

Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

L’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis) a soumis à l’épreuve des faits une hypothèse complètement nouvelle, à savoir que la diminution de la cholestérolémie pourrait réduire le taux d’événements chez les patients porteurs d’une sténose aortique et n’ayant pas d’antécédents connus de maladie coronarienne. Résultat sans surprise pour beaucoup d’entre nous, le traitement hypolipidémiant intensif évalué lors de cette étude n’a pas eu l’effet souhaité sur l’évolution de la sténose. L’hypothèse à l’origine de l’étude SEAS s’appuyait surtout sur la parenté entre l’athérosclérose et la valvulopathie aortique du point de vue de certaines caractéristiques pathologiques, laquelle autorisait à se demander si la réduction de la lipidémie pourrait prévenir la progression de la valvulopathie aortique de la même façon qu’elle protège les sujets atteints d’athérosclérose. Les résultats de l’étude SEAS étaient par conséquent imprévisibles. Si ces données prospectives montrent que la réduction de la lipidémie ne prévient pas la progression ni les complications de la sténose aortique asymptomatique, elles ne doivent pas amener la remise en question du rôle bien établi de cette stratégie dans la prise en charge et la prévention de la maladie coronarienne.

Les résultats de l’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis) ont été présentés au congrès de la Société européenne de cardiologie (SEC) de 2008 et publiés simultanément (Rossebø et al. N Engl J Med 2008;359[13]:1343-56). L’étude visait à vérifier l’hypothèse selon laquelle un traitement hypolipidémiant intensif réduirait le risque d’événement cardiovasculaire (CV) majeur chez des patients porteurs d’une sténose aortique asymptomatique légère à modérée. Cette hypothèse n’a pu être validée. Après un suivi d’une durée médiane de 52,2 mois, on n’a pas constaté de diminution du risque de survenue du paramètre mixte regroupant les événements associés à la valvulopathie aortique et les événements ischémiques malgré une baisse de 61,3 % du taux de C-LDL dans le groupe sous traitement hypolipidémiant intensif par rapport au groupe placebo.

Cette réduction de 61 % du C-LDL obtenue sous l’effet conjugué de la simvastatine à 40 mg et de l’ézétimibe à 10 mg corrobore les données déjà observées sur l’efficacité de cette association médicamenteuse. Chez les patients coronariens, une réduction du C-LDL de cette ampleur amène une réduction substantielle du risque d’événement CV. Cependant, l’objectif de l’étude SEAS était principalement de vérifier la capacité du traitement hypolipidémiant à réduire le risque d’événement associé à la valvulopathie, notamment le recours au remplacement valvulaire aortique et le risque d’insuffisance cardiaque associé à la progression de la sténose aortique. Comme le plan de l’étude le laissait prévoir, les événements associés à la valvulopathie aortique étaient beaucoup plus fréquents que ceux qui étaient associés à la maladie vasculaire, et le remplacement valvulaire aortique représentait presque 80 % des événements compris dans le paramètre d’évaluation principal. Par conséquent, la principale leçon à tirer de l’étude SEAS est que le traitement hypolipidémiant intensif n’est pas efficace pour réduire les risques cliniques associés à la valvulopathie.

Figure 1. Paramètre secondaire : complications de la sténose aortique


Lorsqu’on a évalué le taux d’événements CV ischémiques séparément, on a constaté une réduction significative de 22 % (p=0,02) dans le groupe sous traitement hypolipidémiant intensif par l’association simvastatine/ ézétimibe, comparativement au groupe placebo. L’événement CV ischémique le plus fréquent était le besoin d’une intervention de revascularisation par pontage coronarien au moment du remplacement valvulaire aortique, paramètre qui a diminué sous l’effet du traitement hypolipidémiant intensif (placebo 10,8 % vs simvastatine/ézétimibe 7,2 %) au cours de ce suivi de plus de quatre ans. Le taux d’infarctus du myocarde non mortels était également plus faible dans le groupe sous traitement actif (placebo 2,8 % vs simvastatine/ ézétimibe 1,8 %).

Bien que l’étude SEAS démontre que le traitement hypolipidémiant intensif n’a pas conféré de protection contre les événements cliniques les plus fréquents associés à la sténose aortique, on peut aussi secondairement conclure de ces données que les événements CV ischémiques ne sont pas la source de complications la plus fréquente chez les patients porteurs d’une sténose aortique.

La diminution du C-LDL au moyen des statines a amené une réduction du taux d’événements CV dans presque toutes les populations évaluées jusqu’à présent. C’est pourquoi on a voulu vérifier l’effet du traitement hypolipidémiant pour d’autres affections, comme la sténose aortique. L’extension des indications des statines est facilitée par leur innocuité : le rapport bénéfice/risque demeure favorable même lorsque l’avantage clinique obtenu est modeste. Cela dit, à mesure qu’on s’éloigne du terrain connu des indications où le mode d’action des statines est bien établi, moins le bénéfice éventuel est prévisible et moins il est probable qu’on démontre le bénéfice observé dans les maladies vasculaires. Dans le cas particulier de la valvulopathie aortique, il est peu probable que la réduction de la lipidémie ait un effet sur les calcifications et la dégénérescence caractérisant les sténoses évoluées.

Figure 2. Paramè
ments CV ischémiques

<img2814|center>

Si l’on n’a pas été surpris de l’absence d’effet protecteur significatif du traitement hypolipidémiant intensif contre la progression de la valvulopathie aortique dans le cadre de l’étude SEAS, l’association observée entre un risque accru de cancer et le traitement actif était en revanche tout à fait inattendue. L’analyse de multiples essais cliniques sur le traitement hypolipidémiant regroupant plus de 90 000 sujets ne met pourtant au jour aucun indice d’un accroissement du risque de cancer associé au traitement par une statine. L’étude SEAS portait sur un petit effectif de seulement 1800 sujets, et cette observation comportait de nombreuses incohérences qui donnent à penser que l’incidence accrue des cancers est ici le fruit du hasard. Premièrement, les cancers mortels sont apparus très rapidement, en l’espace de trois ans. Comme le déclare le Dr Terje Pedersen (président du comité directeur de l’étude), «que je sache, il n’existe aucune donnée qui puisse étayer l’hypothèse selon laquelle l’ézétimibe provoque l’apparition de cancers mortels moins de trois ans après le début du traitement. Je ne peux imaginer aucune situation qui puisse avoir un tel effet, excepté peut-être une catastrophe du type de Tchernobyl.» Deuxièmement, on n’a observé aucun groupement des types de cancer; de plus, cette absence de prédominance d’un type de cancer affaiblit la probabilité d’une relation de cause à effet.

Cette observation surprenante de l’étude SEAS a conduit à mener rapidement une analyse des données d’innocuité de deux vastes essais cliniques en cours explorant les bénéfices de l’association simvastatine/ézétimibe, analyse qui a été publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine que l’étude SEAS (Peto et al. N Engl J Med 2008;359[13]:1357-66). Les auteurs de cette analyse ont évalué les taux de cancers à partir des bases de données des études SHARP (Study of Heart and Renal Protection) et IMPROVEIT (Improved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial). Plus précisément, l’analyse regroupait les données des études SHARP (N=9264, suivi d’une durée moyenne de 2,7 ans), IMPROVE-IT (N=11 353, suivi d’une durée moyenne de un an) et SEAS (N=1873, suivi d’une durée moyenne de 4,3 ans). Elle n’a mis en évidence aucune preuve plausible permettant d’imputer à l’association ézétimibe/simvastatine un accroissement du risque de cancer.

L’étude SEAS semble indiquer que le traitement hypolipidémiant n’est pas une stratégie pertinente dans la prise en charge des patients atteints de sténose aortique. Toutefois, avant de tirer des conclusions définitives, on devra attendre les résultats de l’étude ASTRONOMER (Aortic Stenosis Progression Observation Measuring Effects of Rosuvastatin), qui vise à répondre à la même question. Par ailleurs, il importe de souligner que les résultats de l’étude SEAS ne récusent nullement la relation prouvée entre la diminution de la lipidémie et la réduction du taux d’événements coronariens, en particulier chez les patients à haut risque CV. On doit donc continuer de viser les cibles lipidiques recommandées dans les guides de pratique clinique actuels. Il convient d’amorcer le traitement par une statine et d’augmenter graduellement la posologie jusqu’à l’atteinte de la dose optimale tolérée. Si le taux cible de C-LDL n’est pas atteint, on devra envisager d’adjoindre un agent tel que l’ézétimibe à la statine.

Résumé

L’échec de la stratégie hypolipidémiante pour prévenir la progression de la sténose aortique calcifiée au cours de l’étude SEAS n’a pas surpris. Cependant, ces résultats ne mettent pas en doute l’hypothèse du C-LDL dans la prévention des événements coronariens. De plus, l’étude SEAS a démontré l’efficacité puissante de l’association de la simvastatine et de l’ézétimibe pour réduire le taux de C-LDL, la diminution obtenue étant de plus de 60 %. Les statines sont les agents recommandés en première intention pour atteindre les cibles thérapeutiques, mais si cet objectif n’est pas atteint au moyen de la monothérapie, il est approprié de leur associer un agent tel que l’ézétimibe.

questions et réponses

Groupe d’experts

Kwan-Leung Chan, MD, FRCPC, Cardiologue Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa

David Fitchett, MD, FRCPC, Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital

Gordon Hoag, MD, PhD, Royal Jubilee Hospital

Peter H. Jones, MD, Center for Cardiovascular Disease Prevention, Methodist DeBakey Heart Center

Koon Teo, MBBCH, PhD, LRCP, MRCP, FRCP, FRCPC, Département d’épidémiologie clinique et de biostatistique, McMaster University

Avez-vous été surpris d’apprendre que la baisse marquée du taux de C-LDL ne s’était pas traduite par une diminution significative du paramètre mixte principal dans l’étude SEAS?

Dr Jones : Ce résultat n’a rien d’étonnant. L’étude était conçue pour déceler une diminution du besoin de remplacement valvulaire aortique plutôt qu’une diminution du risque d’événement cardiovasculaire (CV), et il n’était pas certain que le traitement hypolipidémiant freine l’évolution de la valvulopathie aortique. Des études de plus petite envergure avaient déjà laissé entendre qu’un traitement hypocholestérolémiant pour rai t at t énue r l e s compl i cat ions valvulaires, possiblement par une action antiinflammatoire, mais les données à l’appui de cette hypothèse n’étaient pas particulièrement robustes. C’était finalement un coup de dés. Les études du genre seront probablement d’autant plus fréquentes que nous poursuivrons notre quête de nouvelles indications des statines au-delà des bénéfices démontrés. La valvulopathie aortique peut évoluer vers la mort, et le remplacement valvulaire est une intervention coûteuse et risquée. L’effet freinateur d’une statine sur la progression de la maladie aurait été un bénéfice important, mais l’absence de bénéfice n’est somme toute pas si surprenante.

Dr Teo : J’ai au contraire été surpris parce que j’étais certain que la baisse du taux de LDL se traduirait par un ralentissement marqué de l’évolution de la sténose aortique, conformément à l’hypothèse initiale. Il m’apparaissait toutefois essentiel de confirmer cette hypothèse en bonne et due forme avant de l’appliquer à la pratique clinique. C’est d’ailleurs ce qui motive la tenue d’études comme celle-là. Pour l’instant, on peut se demander pourquoi l’hypothèse ne s’est pas vérifiée. La sélection des patients est-elle en cause? L’étendue de l’atteinte valvulaire y est-elle pour quelque chose? Peut-être les interventions connexes, en particulier les nombreux pontages aortocoronariens qui ont finalement amené un remplacement valvulaire aortique, ont-elles dilué l’avantage des statines. Cela dit, il se pourrait tout simplement qu’il n’y ait aucun lien entre la diminution du taux de LDL et la progression de la sténose aortique.

Dr Fitchett : En définitive, les données à l’appui d’un bénéfice du traitement hypolipidémiant en présence d’un rétrécissement aortique manquaient de robustesse. La preuve d’un ralentissement de la progression de la valvulopathie sous l’effet d’une baisse du taux de C-LDL aurait, je pense, été plus surprenante que le contraire. L’étude confirme qu’en pareil cas, la mort résulte le plus souvent de la progression de la valvulopathie, qui ne répond pas au traitement hypolipidémiant, plutôt que d’événements vasculaires, dont l’incidence diminue sous l’effet du traitement. Faute d’un mécanisme évident par lequel la baisse du taux de LDL pourrait faire régresser la pathologie valvulaire, les résultats ne sont pas si étonnants.

Dr Hoag : La baisse des taux de LDL dans l’étude SEAS est très intéressante. L’issue négative de l’étude évoque peut-être une absence de bénéfice associée à cette baisse, mais elle tient probablement en partie au plan de l’étude. Bref, les résultats ne sont pas vraiment surprenants, et ils ne seront peut-être pas concluants tant que nous n’aurons pas bien compris la physiopathologie de la valvulopathie aortique.

Dr Chan : Le paramètre principal de l’étude SEAS regroupait des événements ischémiques et des complications de la sténose aortique. Vu la diminution de 61 % du taux de C-LDL, un risque moindre d’événement vasculaire aurait été logique, mais c’est probablement la fréquence plus élevée des complications de la sténose aortique qui explique l’absence de bénéfice global dans l’étude SEAS. Lorsqu’on limite l’analyse aux événements vasculaires, on observe en effet une diminution du risque. Pour bien comprendre les effets du traitement hypolipidémiant intensif, on aurait peut-être dû analyser séparément les événements ischémiques et les complications de la sténose aortique.

Les résultats de l’étude SEAS atténuenti l s l ’ impor t anc e du t r a i t ement hypolipidémiant dans ses indications actuelles?

Dr Teo : Non. De nombreux essais ont prouvé sans l’ombre d’un doute qu’il est important d’abaisser le taux de LDL pour réduire le risque d’événement vasculaire.

Dr Chan : Les résultats de l’étude SEAS s’appliquent uniquement aux patients porteurs d’une sténose aortique et ne modifient en rien l’efficacité réelle d’une baisse du C-LDL pour la prévention des événements ischémiques chez les patients que nous savons vulnérables aux événements CV à la lumière des essais antérieurs.

Dr Fitchett : Pas du tout. Des douzaines d’études comparatives ont confirmé la corrélation entre la baisse du taux de LDL et la diminution du risque d’événement vasculaire, et les résultats ont été remarquablement constants d’une étude à l’autre. L’étude SEAS sur le traitement hypolipidémiant en présence d’une sténose aortique n’a aucune portée sur la diminution avérée du risque CV associée au traitement hypolipidémiant.

Dr Jones : La contribution du traitement hypolipidémiant à la réduction du risque d’événement CV ne soulève plus de doute. L’hypothèse des lipides – qui n’est plus une hypothèse au fait – ne concerne que les maladies vasculaires. On ne doit pas conclure de l’absence d’effet chez les patients porteurs d’une valvulopathie aortique que la baisse des taux lipidiques ne diminue pas le risque d’événement thrombotique. De fait, lors de l’étude SEAS, le traitement hypolipidémiant a réduit l’incidence des événements CV, surtout le besoin de pontages aortocoronariens, de sorte que le lien entre le traitement hypolipidémiant et la diminution du risque d’événement CV a finalement été renforcé.

Dr Hoag : L’effet bénéfique de la baisse du taux de LDL sur le risque CV a été démontré dans la quasi-totalité des études. Les données de l’étude SEAS ne changent pas cette conclusion. Je ne pense pas que l’étude SEAS ait tranché la question de l’effet du traitement hypolipidémiant sur la sténose aortique. Cette question demeure sans réponse pour l’instant.

Croyez-vous qu’il y ait une corrélation entre l’ampleur de la baisse du taux de LDL et celle de la réduction du risque, et pensezvous qu’un taux cible <2 mmol/L convient aux patients exposés à un risque élevé d’événement CV?

Dr Jones : En présence d’un risque élevé d’événement CV, un taux cible de LDL <2,0 mmol/L est atteignable et sûr, et confère une plus grande protection qu’un taux plus élevé. Toutes les données obtenues à ce jour, y compris les données toutes récentes de l’étude JUPITER, montrent qu’il est bénéfique de toujours viser plus bas, peu importe le taux. Je pense que nous nous dirigeons vers une simplification des recommandations, peut-être vers un taux de LDL <2,5 mmol/L pour tous les patients exposés à un risque accru de maladie CV et <2,0 mmol/L lorsque le risque est élevé. Il semble que la protection soit d’autant plus grande que le taux est faible.

Dr Teo : Absolument. Les résultats des nombreuses études de prévention secondaire ont confirmé que l’on doit viser un taux <2,0 mmol/L.

Dr Fitchett : Le taux cible <2,0 mmol/L a été établi par l’étude TNT (Treating to New Targets), qui a confirmé que le risque diminuait davantage qu’en présence de taux supérieurs de LDL. Les recommandations actuellement en vigueur au Canada, soit un taux cible <2,0 mmol/L chez les patients à risque élevé, sont fondées. Les analyses rétrospectives des études sur le traitement hypolipidémiant ont révélé qu’un taux de LDL bien inférieur à 2,0 mmol/L conférait un bénéfice supplémentaire. Bref, on ne doit pas douter de la pertinence d’atteindre les taux cibles établis.

Dr Chan : Des essais cliniques ont objectivé une corrélation étroite entre la baisse du taux de LDL et la diminution du risque d’événement vasculaire. Le message à retenir est qu’un taux cible de LDL <2 mmol/L est approprié chez les patients à risque élevé et qu’un taux plus faible pourrait être encore plus efficace. Les résultats de l’étude JUPITER, lors de laquelle on a obtenu un taux médian de LDL de 1,4 mmol/L, ont confirmé l’innocuité d’un taux nettement inférieur à 2 mmol/L.

Dr Hoag : L’étude SEAS ne remet pas en question les données probantes ayant prouvé l’intérêt d’un taux de LDL <2 mmol/L chez les patients exposés à un risque élevé d’événement CV. Des études expérimentales sur l’hypobêtalipoprotéinémie familiale et sur l’hypocholestérolémie familiale associée à des mutations du gène PCSK9 ont confirmé l’innocuité de taux très faibles de LDL. L’étude SEAS n’y change rien. Le taux cible <2 mmol/L permet de diminuer le risque CV.

Les analyses subséquentes des données de l’étude SEAS ont révélé que le lien entre le traitement actif et le risque accru de cancer était probablement une coïncidence. Avez-vous en tête des exemples d’autres études (en cardiologie ou dans d’autres branches de la médecine) ayant objectivé un risque accru de cancer qui était finalement le fruit du hasard?

Dr Jones : Il est arrivé à quelques reprises déjà que la possibilité d’un risque accru de cancer soit soulevée pour ensuite être écartée. Lors de l’étude CARE (Cholesterol and Recurrent Events), qui comportait une proportion assez faible de femmes, on a relevé 10 cancers du sein dans le groupe statine et aucun dans le groupe placebo. Avec un recul de plus de 10 ans, nous pouvons maintenant affirmer que ce lien n’était pas fondé. Lors de l’étude JUPITER toute récente, les chercheurs ont observé moins de décès par cancer dans le groupe statine. Non seulement un essai sur le traitement hypolipidémiant est-il trop bref pour qu’un effet sur le risque de cancer soit plausible, mais l’analyse de Peto et al. – qui a paru dans la même livraison du New England Journal of Medicine que le compte rendu de l’étude SEAS – ne laisse planer aucun doute. Aucune majoration du risque de cancer ne se dégage de l’énorme bassin de données à long terme sur le traitement hypolipidémiant.

Dr Fitchett : Ce n’est pas la première fois qu’un lien entre le traitement et le cancer finit par être attribué au hasard. Lorsque les résultats de l’étude SEAS ont été divulgués, des chercheurs ont tenté, en vain, d’établir un lien entre le traitement actif et le cancer à partir d’un énorme faisceau de données recueillies dans un certain nombre d’études. Fait digne de mention, le traitement n’a pu être lié non plus à un type particulier de cancer. D’un point de vue mécaniste, le lien entre le traitement hypolipidémiant et le cancer est illogique, et les tendances observées dans l’étude SEAS sont incompatibles avec nos connaissances en oncologie.

Dr Teo : On ne doit pas balayer le risque de cancer du revers de la main, mais après avoir revu l’étude SEAS et l’article connexe du Pr Richard Peto, je ne crois pas que l’on puisse prouver un lien quelconque entre le traitement actif et un risque accru de cancer dans cette étude. Au début des années 1990, l’hypothèse d’un risque accru de cancer associé au traitement hypolipidémiant a été avancée pour ensuite être infirmée.

Dr Hoag : Cette question a été analysée à maintes reprises. On en parlait déjà en 1988 lors de la Conférence canadienne de consensus sur le cholestérol qui s’est tenue à Ottawa. La possibilité d’effets délétères des statines, dont le cancer, a été soulevée, mais il a été clairement démontré à partir des nombreuses données à notre disposition que ce lien est une coïncidence et qu’il n’est pas fondé. Lorsqu’ils ont analysé les données de nouveau après la publication des résultats de l’étude SEAS, les chercheurs ont conclu majoritairement une fois de plus que les statines n’augmentaient pas le risque de cancer.

Avons-nous des preuves épidémiologiques ou cliniques de l’effet protecteur des phytostérols sur le cancer? Le cas échant, peut-on qualifier ces données de robustes?

Dr Fitchett : La théorie voulant que l’inhibition des stérols alimentaires par l’ézétimibe favorise l’apparition d’un cancer n’est pas davantage étayée par des données expérimentales que par des données cliniques. Il n’y a absolument aucun lien qui se dégage de ces données.

Dr Jones : L’ézétimibe prévient l’absorption par l’intestin de tous les stérols et non seulement du cholestérol, d’où l’hypothèse selon laquelle l’ézétimibe inhiberait l’absorption des phytostérols, lesquels contribuent étroitement à la prévention des néoplasies. Cette hypothèse est toutefois lacunaire à plusieurs égards. Primo, il est improbable qu’un changement dans l’absorption des aliments se traduise en deux ans par une augmentation de l’incidence des cancers. Secundo, les cancers les plus fréquents dans l’étude SEAS étaient des cancers de la peau. Cette théorie tiendrait peut-être mieux la route si les cancers les plus fréquents avaient touché l’appareil digestif ou la prostate, surtout si un risque accru d’apparition de l’un de ces cancers s’était clairement dégagé. Rien de tout cela ne tient debout.

Dr Hoag : Je n’ai pas épluché la littérature sur les effets protecteurs particuliers des phytostérols contre le cancer. Dans quelques pays d’Europe, on additionne certaines denrées alimentaires de phytostérols dans l’optique d’alléger le fardeau des maladies CV, mais je n’ai jamais entendu dire qu’il pouvait en résulter une majoration du risque de cancer.

Dans les cas où une statine ne permet pas à elle seule d’atteindre le taux cible de LDL, estimez-vous que l’ézétimibe demeure un traitement d’appoint approprié?

Dr Teo : Comme je suis un tenant de l’hypothèse des lipides, je préconise d’abaisser le taux de LDL pour réduire le risque vasculaire en prévention secondaire. Par conséquent, lorsqu’un patient à qui j’ai prescrit la dose maximale d’une statine n’atteint pas le taux cible de LDL, j’estime que l’ézétimibe est un traitement d’appoint important qui devrait lui permettre de l’atteindre.

Dr Fitchett : Les données à l’appui des taux cibles actuels de LDL ne laissent planer aucun doute. Les statines sont bien tolérées et très efficaces, mais la monothérapie ne permet pas toujours d’atteindre le taux cible. L’ézétimibe est également bien toléré et très efficace pour l’obtention d’une réduction supplémentaire du taux de LDL. Ce médicament est assurément indiqué lorsque le patient n’a toujours pas atteint son taux cible malgré une modification de ses habitudes de vie et un traitement par une statine à la dose maximale.

Dr Chan : La réduction marquée du taux de C-LDL est primordiale chez les patients exposés à un risque élevé d’événement CV. Fort heureusement, il existe maintenant des statines très puissantes qui nous permettent d’y arriver chez un grand nombre de ces patients. Dans les cas où une statine ne permet d’abaisser suffisamment le taux de C-LDL (<2 mmol/L et diminution d’au moins 50 %, peu importe le taux initial), on peut y associer l’ézétimibe. Nous attendons les résultats de l’étude IMPROVE-IT avec impatience et nous espérons qu’ils confirmeront noir sur blanc que l’ajout d’ézétimibe réduit l’incidence d’événements ischémiques.

Dr Jones : Il est évident que certains patients ne parviennent pas au taux cible à l’aide d’une statine seule. Au quotidien, j’envisage l’ézétimibe au même titre que d’autres traitements d’appoint pour les aider. En général, je commence par un chélateur des acides biliaires, puis je passe à l’ézétimibe et finalement à la niacine, mais cet ordre peut changer en fonction de certains facteurs. Il faut surtout retenir que les patients qui n’atteignent pas les taux cibles sous l’effet d’une statine en monothérapie doivent recevoir un traitement additionnel.

Dr Hoag : L’ajout de l’ézétimibe est une stratégie appropriée parmi d’autres pour favoriser l’atteinte du taux cible de LDL. Quel que soit le traitement administré, et cela vaut pour les statines et l’ézétimibe, il faut s’attendre à une réponse variable. Pour remédier à ce problème et s’assurer que la réponse du patient s’apparente à celle de la population générale, il suffit de refaire un bilan lipidique après un court intervalle. À mon avis, il est important de reconnaître les différences interindividuelles au chapitre du métabolisme des médicaments et du cholestérol, notamment de l’absorption. Cette prise de conscience contribue à l’individualisation du plan de traitement et des interventions.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.