Comptes rendus

Évolution rapide des critères du traitement antiplaquettaire optimal dans les syndromes coronariens aigus

Mise à jour sur la migraine : nouvelles données, nouveaux traitements et démarches thérapeutiques efficaces

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 14e Congrès de l’International Headache Society

Philadelphie, Pennsylvanie / 10-13 septembre 2009

Partout dans le monde, le traitement de la migraine laisse à désirer : c’est là un fait reconnu par l’Organisation mondiale de la Santé. Qui plus est, les options thérapeutiques ne sont pas légion. Cependant, les cliniciens peuvent faire beaucoup pour augmenter l’efficacité des traitements actuels. C’est du moins l’avis du Dr David W. Dodick, professeur titulaire de neurologie, Mayo Clinic, Scottsdale, Arizona.

Pour être pleinement efficaces, les triptans doivent être pris dès le début de la crise migraineuse. En donnant ce conseil aux patients, «vous pouvez faire passer le taux de réponse de 55 ou 60 % à 80 % et le taux d’absence de douleur, de 30 % à 50 %, souligne le Dr Dodick. Ça ne fonctionne pas avec tout le monde, mais sur le plan individuel, ça donne parfois des résultats spectaculaires», poursuit-il.

Pourquoi l’efficacité des triptans est-elle variable? Le Dr Dodick propose quelques explications. «La dose, le moment ou la voie d’administration sont autant d’éléments qui peuvent influer sur l’effet du médicament. Peut-être que le triptan n’agit que sur une partie du problème et qu’il faudrait utiliser deux ou trois médicaments dotés d’un mode d’action différent. En fait, c’est une question d’hétérogénéité génétique du récepteur. Le récepteur, c’est la serrure et le médicament, c’est la clé. Or, jamais nous ne trouverons une seule clé qui s’adapte à toutes les serrures. Mais dans un trousseau assez volumineux, peut-être trouverons-nous au moins une clé avec laquelle nous arriverons à crocheter la serrure.»

Mise à profit des traitements actuels

Dans son exposé, le Dr Roger Cady, directeur, Headache Care Center, Springfield, Missouri, a ouvert une fenêtre sur les mécanismes possibles de la réponse aux triptans. Il a présenté une étude dans laquelle on a constaté que la présence, dans la salive, d’un taux élevé du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) pendant une crise migraineuse avait une valeur prédictive à l’égard de la réponse au rizatriptan (résumé PO19).

Le CGRP est un puissant neuropeptide en cause dans la physiopathologie sous-jacente de la migraine; il exercerait une action tant centrale que périphérique. Des travaux antérieurs ont révélé que le CGRP était présent dans 40 % des neurones trigéminaux et que son taux plasmatique s’élevait notablement pendant une crise migraineuse. Ce vasodilatateur périphérique semble jouer également un rôle de neuromodulation dans le système nerveux central et pourrait, par le truchement de récepteurs situés dans le tronc cérébral et les ganglions de Gasser, contribuer à l’installation d’un état pronociceptif.

L’équipe du Dr Cady a prélevé cinq échantillons de salive chez 22 participants (20 femmes et deux hommes) à différents moments. Au total, 14 sujets ont répondu au triptan, et il y avait corrélation entre la réponse et une hausse statistiquement significative, par rapport à la valeur de départ, du taux de CGRP au cours des prodromes et des phases douloureuses (douleur légère, puis modérée à sévère) de la céphalée. Chez les sujets n’ayant pas répondu au rizatriptan, les taux salivaires de CGRP n’ont pas varié de façon appréciable à quelque phase que ce soit de la crise. «Nous cherchions un marqueur biologique du début de la crise migraineuse, explique le Dr Cady. En toute honnêteté, les résultats nous ont surpris. Je pense qu’à l’avenir, le CGRP et peut-être d’autres marqueurs aussi pourront orienter le traitement.»

Les données ont également révélé que le sous-groupe de sujets ayant répondu au rizatriptan et dont le taux de CGRP était élevé pendant les prodromes étaient davantage en mesure de prédire une migraine modérée que ceux dont le taux maximal avait été atteint pendant la phase modérée ou ceux dont le taux de CGRP n’avait pas augmenté du tout. En d’autres termes, on pourrait peut-être, dans un sous-groupe de patients, intervenir avant que la douleur ne s’installe en mesurant le taux de CGRP dans la salive. «La commercialisation d’un test serait envisageable», prédit le Dr Cady, précisant toutefois qu’on est loin d’en être rendu là.

Le Dr Cady est l’un des premiers à avoir constaté qu’une bonne prise en charge des symptômes et un traitement précoce amélioraient les résultats obtenus au moyen des triptans. Plus tôt cette année, il a publié les résultats de son essai sur l’efficacité du rizatriptan à 10 mg, prescrit avec ou sans séances de formation individualisées sur la migraine (Headache 2009; 49[5]:687-96). Pris au début de la crise migraineuse, en présence d’une douleur encore légère, le triptan a été plus efficace que le placebo pour procurer un soulagement complet de la douleur deux heures après la prise du médicament, puis une absence soutenue de douleur de deux à 24 heures après la prise du médicament; le traitement a également atténué les symptômes et l’incapacité fonctionnelle associés à la migraine.

La proportion de participants ayant fait état d’une absence de douleur à deux heures a été plus grande dans le groupe traitement précoce avec séances de formation que dans le groupe traitement sans séances de formation (71,7 % vs 60,9 %). Cependant, l’écart n’a pas atteint le seuil de significativité statistique, car, vu la taille de l’effectif, l’étude n’était pas assez puissante pour révéler une différence. Dans le groupe traitement avec séances de formation, un plus grand nombre de patients se sont dits satisfaits du traitement que dans le groupe traitement sans séances de formation (80 % vs 59 %).

Utilisation des triptans selon les réclamations des pharmacies

Cela dit, même dans des circonstances idéales et malgré un traitement précoce, environ 30 % des crises migraineuses résistent aux triptans. Le Dr Tony Ho, North Wales, Pennsylvanie, s’est interrogé sur la signification clinique de l’échec thérapeutique. En collaboration avec Bozena J. Katic, MPH, MPA, il a scruté les réclamations des pharmacies visant 41 000 patients ayant reçu une nouvelle ordonnance de triptan (résumé PO15). La majorité (53,8 %) d’entre eux n’ont pas renouvelé l’ordonnance du triptan prescrit initialement pendant les deux années de suivi; au septième renouvellement, seulement 10 % des sujets étaient demeurés fidèles au triptan initial.

«Chez les patients qui n’ont pas renouvelé leur ordonnance, environ 68 % se sont tournés vers les opiacés, un fort pourcentage ont opté pour des AINS et 7 ou 8 % ont choisi un barbiturique», indique le Dr Ho. Enfin, l’examen des données a révélé que 7,4 % des patients avaient changé de triptan et que 25,5 % avaient carrément renoncé aux antimigraineux sur ordonnance.

Risques accrus associés à la migraine avec aura : mise à jour des résultats

La Dre Sheena Aurora, professeure adjointe et directrice, Swedish Pain and Headache Center, University of Washington, Seattle, a fait un tour d’horizon de diverses études ayant révélé que les personnes souffrant de migraines avec aura étaient plus exposées, à long terme, aux maladies cardiovasculaires (MCV) que les personnes non migraineuses.

Dans l’étude AMPP (American Migraine Prevalence and Prevention)-II, prolongation récente de la plus vaste étude sur la migraine réalisée à ce jour, soit l’étude AMPP, l’analyse de données transversales a mis en évidence diverses MCV concomitantes associées à la migraine chronique. Le risque relatif d’apparition d’une MCV chez les sujets d’un certain âge était considérablement plus élevé en présence de migraines chroniques que de migraines épisodiques (Figure 1). Figure 1. Affections concomitantes : maladies cardiovasculaires*


La Dre Ann I. Scher, Uniformed Services University, Bethesda, Maryland, avait déjà exploré la question dans l’étude GEM (Genealogical and Epidemiologic Migraine), analyse transversale menée aux Pays-Bas chez 5755 migraineux et 5135 témoins exempts de migraines (Neurology 2005;64[4]:614-20). Si la migraine sans aura n’a pas semblé liée à un risque cardiovasculaire (CV) accru, la migraine avec aura, elle, a été associée à une augmentation des facteurs de risque CV au fil du temps.

La Dre Aurora a également parlé des travaux du Dr Warren Becker, University of Calgary, Alberta, qui ont montré que chez les femmes de 25 à 34 ans souffrant de migraines avec aura, les utilisatrices de contraceptifs oraux (CO) étaient trois fois plus exposées à la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) (28 pour 100 000 femmes par année) que les non-utilisatrices de CO (Figure 2).

Figure 2. Incidence prévue d’accidents ischémiques
000 femmes par année

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Plus récemment, des observations physiologiques ont fait ressortir un lien entre la migraine avec aura et la présence, chez les sujets d’un certain âge, de lésions cérébelleuses à type d’infarctus visibles grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Poursuivant son tour d’horizon, la Dre Aurora a parlé d’une nouvelle étude de la Dre Scher et de son équipe, qui porte cette fois sur des données issues de l’étude de Reykjavik, dans laquelle on a suivi une cohorte populationnelle pendant près de 26 ans. L’étude a révélé qu’au mitan de la vie, la migraine avec aura était associée à la présence de lésions de la substance blanche (LSB) et que ce lien était significatif, ce qui n’était pas le cas de la migraine sans aura (Scher et al. JAMA 2009; 301[24]:2594-5).

La Dre Aurora estime cependant qu’il faut interpréter avec prudence pareilles données. «Je ne crois pas qu’on devrait parler d’infarctus, car l’infarctus est en fait un syndrome clinique. Or ici, prévient-elle, on ignore la cause sous-jacente des lésions. Sur le plan clinique, nous traitons ces patients exactement de la même manière.» Néanmoins, «il semble effectivement y avoir une distinction entre ceux qui souffrent de migraines avec aura et les autres», ajoute-t-elle.

Le Dr Michael Ferrari, hôpital universitaire de Leyde, Pays-Bas, a présenté pour sa part des données tirées de l’étude CAMERA (Cerebral Abnormalities in Migraine, an Epidemiologic Risk Analysis)-II, qui consiste en un suivi par IRM d’une cohorte de sujets migraineux de Leyde étudiée en 2004. Les résultats préliminaires donnent à penser, une fois encore, que les LSB sont plus fréquentes en présence de migraines avec aura «et sont associées à des crises plus fréquentes, soit plus de une par mois», rapporte la Dre Aurora. L’équipe de CAMERA-II tentera d’établir une corrélation entre la progression des LSB profonde et préventriculaire, d’une part, et le diagnostic, le sous-type ainsi que l’évolution au fil du temps de la migraine, d’autre part, le tout en tenant compte des facteurs de risque CV dans l’analyse multivariée (résumé LB0R5). «Devant cet afflux de données, on peut se sentir dépassé… Il ne faut surtout pas oublier que si le risque relatif semble élevé, le risque absolu, lui, demeure faible, précise la Dre Aurora. Le risque absolu est un peu plus élevé seulement que dans la population générale, et uniquement pour les personnes aux prises avec des migraines avec aura», insiste-t-elle.

Molécules en développement pour la prévention et le traitement de la migraine

La recherche sur la physiopathologie de la migraine a conduit à la mise au point de molécules expérimentales prometteuses, dont plusieurs sont parvenues à la phase III de leur développement. L’une d’elle est la toxine botulinique de type A; on envisage son utilisation en prophylaxie de la migraine chronique, qui affligerait le sixième des quelque 36 millions de migraineux aux États-Unis.

Du côté des traitements, les antagonistes des récepteurs du CGRP (anti-CGRP) en sont également à un stade avancé de leur développement. On trouve ce neuropeptide dans toutes les structures qui interviennent, croit-on, dans la genèse et la physiologie de la migraine. «Nous pensons qu’à partir du système nerveux central, il module la transmission de la douleur par le trijumeau, révèle le Dr Dodick. Nous concluons à une action centrale et non périphérique, parce que la dose [de l’anti-CGRP] efficace est bien supérieure à la dose nécessaire à la saturation des nerfs périphériques.»

Le Dr Ho a présenté de nouvelles données tirées des études les plus récentes sur le telcagepant, anti-CGRP pour la voie orale. L’une d’elle, une étude clinique de phase avancée qui porte sur le traitement de plusieurs crises, a montré l’efficacité du telcagepant à 140 et 280 mg par rapport au placebo à l’égard de tous les paramètres évalués lors des quatre crises considérées (résumé LBP003).

Dans une autre étude, on a évalué le telcagepant pour le traitement de crises de migraine épisodique fréquentes (résumé PO03). Le telcagepant à 300 mg (n=712) a traité la migraine épisodique aussi efficacement que le rizatriptan à 10 mg (n=356). Utilisé pour traiter jusqu’à huit crises de migraine épisodique par mois, pour une moyenne cumulative de 31 crises traitées contre 35,1 chez les témoins, il s’est montré sûr et bien toléré. Par rapport au groupe témoin, on n’a pas noté de différence significative au chapitre des deux paramètres d’efficacité, à savoir l’absence de douleur deux heures après la prise du médicament et l’absence soutenue de douleur de deux à 24 heures après la prise du médicament. En ce qui a trait à la tolérabilité, les effets indésirables associés aux triptans ont été significativement moins nombreux dans le groupe traité par la dose élevée de l’anti-CGRP que dans le groupe traité par le triptan à 10 mg (p<0,001). Les anti-CGRP seraient dépourvus de propriétés vasoconstrictives. Le Dr Lars Edvinsson, chercheur, université de Lund, Suède, a d’ailleurs présenté de nouvelles preuves directes en ce sens. Des résultats d’analyses de laboratoire réalisées au cours d’une étude à laquelle il a collaboré ont montré que le telcagepant ne provoquait pas de contraction ni de relâchement musculaires dans les artères cérébrales et méningées, où on a décelé des récepteurs du CGRP (résumé PO311). Cette observation retient l’attention, car certaines femmes ne sont pas libérées de leurs migraines après la ménopause; or, la comorbidité CV commence à s’amplifier à cet âge et peut constituer une contre-indication à l’emploi des triptans.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec la Dre Sheena Aurora, professeure adjointe et directrice, Swedish Pain and Headache Center, University of Washington, Seattle; et le Dr Roger Cady, directeur, Headache Care Center, Springfield, Missouri. Les entretiens se sont déroulés pendant les séances scientifiques.

Q : Pourquoi la présence d’une aura accroît-elle le risque relatif de MCV chez les migraineux?

Dre Aurora : Je pense qu’il faudra approfondir les recherches; pour l’instant, nous en sommes réduits aux hypothèses. Dans la migraine avec aura, le déficit neurologique focal est un phénomène électrique qui évoque une dépression corticale envahissante, ce qui, en soi, provoque une augmentation de certains neuropeptides inflammatoires. Il semble donc que la dépression corticale sous-jacente pourrait être liée à une sorte de réaction inflammatoire.

Q : Hésiteriez-vous à prescrire un triptan uniquement en présence d’une MCV avérée, ou un risque relatif accru de MCV suffirait-il à vous faire hésiter?

Dre Aurora : À la lumière des données actuelles, j’estime que les triptans ne sont contre-indiqués chez aucun migraineux, sauf en cas de MCV ou d’AVC cliniquement avéré.

Q : Dans l’étude TEEM, on a montré que la réponse au rizatriptan était meilleure lorsqu’on prenait la peine de bien informer le patient. Cependant, les résultats n’ont pas été significatifs sur le plan statistique. Pourquoi? Et peut-on néanmoins considérer les résultats comme pertinents?

Dr Cady : Nous redoutions d’augmenter le taux de réponse sous placebo en passant du temps avec les patients. C’est pourquoi nous avons choisi l’intervention précoce – c’est-à-dire apprendre aux patients à se traiter sans tarder – comme objectif principal et construit le modèle statistique autour de cet objectif. Les séances de formation constituaient plutôt une analyse exploratoire. L’interaction était capitale. Nous avons d’abord demandé aux patients comment ils savaient qu’une migraine se préparait et leur avons donné une liste de symptômes. On a ensuite procédé à la synthèse des renseignements fournis de part et d’autre pour en arriver à une sorte d’«ordonnance personnalisée» quant au meilleur moment pour prendre le médicament. Dans le cas des témoins, il n’y a pas eu de séances de formation : on leur a simplement dit de se traiter sans tarder et on leur a remis une fiche d’instruction. Les séances de formation ont majoré l’efficacité du médicament de 11 % sans modifier le taux de réponse sous placebo. C’est probablement l’un des gains thérapeutiques les plus appréciables enregistrés aux États-Unis lors d’un essai avec placebo sur l’intervention précoce.

Q : Comment expliquez-vous ces résultats? Serait-ce que les symptômes de la migraine diffèrent beaucoup d’une personne à l’autre?

Dr Cady : C’est exactement ça. Le problème, c’est que normalement, le médecin tient les commandes. Or ici, le médecin et le patient ont travaillé en collaboration. Le migraineux est l’expert en ce qui concerne ses propres crises; le médecin est un expert en la matière. L’«ordonnance personnalisée» a été établie en fonction de ces deux points de vue, et il semble bien que c’est ce qui a permis au médicament de mieux agir.

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